Re: I'm no hero and I'll never be

Clive avait besoin de temps, ce qui était normal. Alors, elle ne fit aucun commentaire quand il répondit complètement à côté de sa question, se contentant d'observer les rayonnages poussiéreux en s'attardant parfois sur le titre d'un livre qui semblait intéressant.

Encore heureux que tu sois en vie. J'aurai fait comment, sans personne pour qui parler de poésie et de romans français ? le taquina t-elle gentiment en lui offrant un clin d'oeil récupérant un livre épais dont la couverture abîmée ne possédait pas de titre.
Le feuilletant rapidement, la brune finit par le ranger dans son sac alors que la voix de Clive s'élevait à nouveau. Ses yeux bruns se relevèrent vers lui, observant la silhouette du survivant penchée sur son livre comme si il avait fait une simple remarque sur la pluie et le beau temps.

Clive... commença t-elle doucement, avant de constater une réaction inexistante de la part du brun.
D'un pas lent, elle se rapprocha du trentenaire, venant poser un index sous son menton pour le forcer à relever la tête vers elle.

Tu n'es ni faible ni inutile, loin de là. Elle s'était exprimée avec le plus grand sérieux, sans termes vulgaires ni sous entendu louches. Posant son sac à même le sol, elle vint s'asseoir à côté de Clive, lui enlevant doucement le livre des mains. T'es simplement humain, et t'es tombé sur plus fort que toi. Ce sont des choses qui arrivent. Mais t'as survécu, à ce type, et à tout le reste. L'épidémie, la mutinerie du lycée... C'est beaucoup d'effort pour un gars faible tu pense pas ?

Peut-être était-ce le moment de parler un peu d'elle aussi. Clive n'était pas du genre à se confier, et il venait pourtant d'admettre sa vulnérabilité devant elle. Lex hésita un instant, avant de commencer doucement.

Un peu après la mutinerie, je me suis complètement refermée sur moi même. EN quelques mois, j'ai perdu le contact avec ma famille, sans savoir si ils ont survécu ou non.
Même si c'est stupide dit comme ça, j'ai été traumatisée par la perte de mon chien qui s'est fait dévoré sous mes yeux en voulant me protéger. Et après, je me suis sentie excessivement seule ici. A me demander si j'avais réellement un rôle à jouer dans tout ça. J'ai... Pas mal fui les autres pendant un temps, et ma blessure à l'épaule n'avait pas arrangé l'truc. Mais cest pas une question de faiblesse. C'est une question d'humanité, de sentiments humains. C'est à toi de décider de ce que tu vaux.

Doucement, elle était venue effleurer le dos de sa main de la sienne pour forcer son regard à capter le sien, lui offrant un bref sourire; T'es pas seul ici. Je serai là pour t'aider,
jusqu'à ce que tu te sente mieux.

Son regard clair passa rapidement du livre qu’il feuilletait à Lex, un mince sourire se dessinant sur son visage. La brune faisait partie de ces personnes au lycée avec qui il avait sympathisé, qui appréciait autant que lui un bon roman, un recueil de poésie ou tout autre genre de littérature. Mais son sourire s’estompa bien vite alors qu’il se décidait à répondre à la vraie question, celle qui lui permit de mettre en lumière son incapacité à survivre seul, son inaptitude à s’intégrer dans ce monde. Ce n’était finalement pas si difficile à reconnaître pour lui, il aurait dû être mort depuis longtemps. Ce n’était que par chance, parce qu’il avait trouvé des personnes plus fortes que lui que Clive était encore là. Jamais il ne ferait partie de ces survivants héroïques, prêts à tout, bons ou mauvais.

La voix de Lex lui parvint, sans toutefois le sortir des méandres de ses pensées noires. Le brun sursauta presque lorsqu’elle se rapprocha pour le forcer à relever la tête, peinant à soutenir son regard sombre qui n’avait pourtant rien de mauvais. Clive soupira, détournant un instant le regard alors qu’elle s’installait à côté de lui, lui chipant le livre qu’il tenait entre les mains. Une part de lui voulait admettre qu’elle avait raison, mais cette part qui avait toujours manqué cruellement de confiance en lui parlait plus fort que les autres. « C’est simplement parce que tous les autres sont là … » Et pourtant, tant d’autres étaient déjà partis, plus forts, plus adaptés. Pourtant …

Clive posa son regard sur Alex lorsqu’elle reprit la parole. Il n’était plus question de lui et de suite il se sentait davantage à l’aise. Parler des autres, les écouter, il avait toujours été plus doué pour cela que pour se mettre lui au centre des discussions. Clive était un observateur, parfois perdu dans ses pensées, mais toujours à l’écoute des autres. Silencieux, son regard s’étant reposé sur l’étagère de livres toute proche, l’ancien bibliothécaire écouta les paroles de son amie. L’évocation de la mutinerie lui fit un pincement au cœur. Il pouvait la comprendre, car lui aussi s’était renfermé sur lui-même après ce terrible épisode dans la vie du lycée.

Au contact léger de sa main sur la sienne, Clive tourna la tête vers elle. « Je suis désolé pour ta famille Alex … » souffla-t-il maladroitement mais comprenant le sentiment de la brune, car après tout il était lui aussi sans la moindre nouvelle de sa famille. Ses parents, sa petite sœur et son petit frère. « Le problème c’est que je ne sais pas ce que je vaux … » ajouta-t-il finalement, ayant parfaitement entendu ce que Lex cherchait à lui dire. Soupirant, Clive passa nerveusement sa main dans sa barbe.

« Au début, j’étais là pour elle, elle croyait suffisamment en moi pour que je me sente capable de tout affronter. Mais … depuis qu’Alisa n’est plus là … » Un sanglot se perdit au fond de sa gorge avant qu’il ne reprenne. « Je me suis battu, pour elle, parce qu’elle croyait en moi mais … elle n’est plus là. » L’épidémie, c’était simplement un coup de chance, une constitution peut-être meilleure. Quant à ce type qui l’avait laissé amoché … Clive ne savait pas encore comment ni pourquoi il en avait réchappé. « Je ne veux pas être un poids mort pour le groupe … » souffla-t-il avec un regard triste en posant ses yeux clairs sur Lex. Clive savait bien que chacun avait son rôle à jouer dans le groupe, et être cette force tranquille qui conseillait, écoutait, cela lui convenait mais il fallait être stupide pour penser que cela suffirait. Il avait été stupide et cette rencontre lui avait ouvert les yeux.

Tu apprendras... souffla t-elle doucement au brun avec un sourire.

On ne savait jamais réellement ce qu'on valait avant de se retrouver dans une situation fatidique. Même elle, n'aurait su dire ce qu'elle valait, malgré sa participation à la mutinerie ou au nettoyage du lycée quand le zoo l'avait envahi.
Elle l'écouta en silence parler d'Alisa, serrant doucement ses doigts entre les siens quand il manqua de laisser échapper un sanglot. Elle n'avait pas eu l'occasion de parler avec la métisse, mais du peu qu'elle les avait vu évoluer au début, ils avaient dû avoir une relation de couple exceptionnelle. Ce n'est pas parce qu'elle n'est plus là qu'elle ne croit plus en toi.

C'était un fait.

Même si Norman n'est plus là... Parfois, j'ai l'impression de l'entendre me parler, pour m'inciter à continuer.

Parler de son ancien petit ami était toujours un sujet douloureux pour elle. Et si elle l'avait perdu au début du mois, elle s'était refusée y penser, ne se tenant qu'à sa promesse. Continuer d'avancer, et ne jamais abandonner même si lui était désormais condamné par cette foutue morsure de rôdeur. Elle soutint le regard de Clive, ne baissant les yeux qu'au dernier moment. T'es pas un poids mort. C'pas parce que t'es pas au sommet quand il s'agit de cogner des rôdeurs que t'en es un t'as d'autres atout. Faut juste que t'apprenne à les utiliser.

A moins que ... Elle pouvait toujours essayer une autre méthode. J'vais t'apprendre. lança t-elle en se laissant tomber du comptoir, remontant les manches de son haut jusqu'au coude en prenant une position de garde. Mets toi face à moi, et essaie de me frapper.

Sans doute qu'il n'allait pas comprendre ou elle voulait en venir, mais si il jouait le jeu, il pourrait à la fois se défouler et apprendre les techniques de défense que Fitz avait accepté de lui apprendre au cours de leurs entraînements réguliers.

Apprendre. Clive savait apprendre, il était capable de presque tout apprendre mais devenir un bon survivant, ne plus avoir cette peur au ventre, ce sentiment d’inutilité ? Pourrait-il l’apprendre ? Il avait envie d’y croire, sans doute parce que Lex avait cette attitude qui se voulait rassurante, à l’écoute. Les livres les avaient rapprochés mais c’était finalement leur triste sort qui les poussait à se confier, pas de simples échanges sur un quelconque ouvrage. Alex avait ce don de le pousser, sans avoir à hausser le ton, elle le connaissait au final plutôt bien lui qui ne se confiait que peu.

Lorsque la brune se confia sur Norman après avoir évoqué la possibilité qu’Alisa veille encore sur lui et croit encore en lui, Clive afficha un sourire triste, empli de nostalgie. C’était doux et amer de repenser à elle, de repenser à tous ceux qu’ils avaient perdus. Existait-il vraiment une vie après la mort ? Après la vraie mort et non cette horreur que la nature avait mis sur leur chemin. Il voulait y croire même s’il n’avait jamais été porté sur la religion. Peut-être qu’un jour il la retrouverait, et à ce moment-là, Alisa se moquerait de ses déboires comme elle savait si bien le faire. « Je n’ai pas eu l’occasion de te le dire mais … je suis désolé pour Norman, c’était quelqu’un de bien … » Maigre consolation, parce que la fin du monde avait autant couté aux bons qu’aux mauvais, mais le brun pensait vraiment que le défunt était une bonne personne, droite, forte.

« D’autres atouts ? Cataloguer des centaines d’ouvrage en une journée à peine et savoir me repérer les yeux fermés dans la bibliothèque compte ou non ? » parvint-il finalement à plaisanter avant que la brune ne se lève, suggérant qu’elle pouvait lui apprendre. Lui apprendre quoi donc ? Clive regarda Lex retrousser ses manches, littéralement, et se mettre en posture défensive. « Lex … tu dois plaisanter … Je ne vais tout de même pas essayer de te frapper … » Frapper un autre être humain, ou même un être vivant, lui était impossible. Alors en plus cette femme qui était son amie …

Pourtant Lex n’avait pas l’air de plaisanter. Clive resta assis, la dévisageant un instant avant de secouer la tête. « Je vois où tu veux en venir, il n’y a pas besoin d’en venir aux mains, je sais que je pourrai apprendre … » En plus il était à peu près persuadé qu’il se ferait mettre au tapis et tout ce qui lui manquait pour aller se jeter dans une fosse de morts vivants c’était de voir son ego encore un peu plus piétiné, même par Lex.

Merci. dit-elle de façon laconique sans chercher à parler d'avantage. Si elle parvenait encore à prononcer le nom de son ancien amant, l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre lui donnait toujours la sensation d'une décharge éléctrique en plein coeur. Comme si on chargeait à mille un défibrillateur qu'on venait implanter immédiatement contre son abdomen, sans chercher à savoir la douleur qu'il engendrerait.
Alors, changer de sujet pour se concentrer sur autre chose fût le meilleur moyen pour elle de sortir de son esprit le sourire et les grands yeux verts de l'homme qu'elle avait aimé, écoutant Clive assurer qu'il n'allait pas la frapper.

Et allez, on y retournait. Un homme ne devait pas toucher une femme autrement qu'avec une rose, bla bla bla, toute ces conneries qu'elle avait entendu des années durant. Norman ne s'était jamais gêné pour lui apprendre à se battre, quitte à parfois la sonner suffisamment fort pour qu'elle ne veuille plus retenter l'expérience avant quelques jours. J'ai une tête à plaisanter ? Envoie la théorie pour une fois, passe à la pratique. fit-elle remarquer au brun en captant son regard, lui faisant signe qu'elle ne lâcherait pas l'affaire.

Y'a pas de meilleurs moyen pour décompresser que l'entraînement. Et au moins la prochaine fois tu pourra foutre un oneshot au premier con qui en voudra à ta peau.

Sans doute que Clive ne devait pas toujours saisir son langage presque argotique, mais le sourire amusé qui naquit sur ses lèvres en le voyant décontenancé de la sorte aurait pu être mal interprété. Allez, fais l'premier pas, j'vais pas te bouffer.

Visiblement, non. Ca ne devait pas être possible pour lui. Soupirant, la brune s'approcha vivement pour lancer son poing, effleurant de près la joue du libraire. Allez, enchaîne ou je te jure qu'on va aller jouer au golf avec des rôdeurs comme notre première sortie.

Ca, ça l'avait marqué. La comparaison du pied de biche dans la tête des morts et de celui du smash des golfeurs n'avait pas été très plaisante mais au moins l'image avait suffit. Te dis pas que je suis une fille, on s'en fout de ça. Maintenant, ça compte plus ce genre de règles,
c'est qu'une question gagnants et de perdant. Et tu f'ras jamais partie du second.

Personne n'allait s'inquiéter de se défendre contre une femme ou un homme désormais. Seule la survie comptait, pas le reste.

Non elle n’avait pas vraiment une tête à plaisanter, mais est-ce que Clive avait vraiment une tête à se battre ? Elle le connaissait pourtant … Le brun soupira, écoutant pourtant attentivement les paroles de Lex. Il savait qu’elle avait raison, et puis son langage fleuri avait le don de le faire sourire. C’était dans ces moments-là qu’il y avait clairement un monde entre eux, lui qui parlait comme un livre et elle qui parlait comme un bon vieux rap. Mais ça n’était pas suffisant pour que l’ancien bibliothécaire se lance, impossible pour lui de lancer le premier coup de poing, ni même le deuxième, ou le troisième.

Fort heureusement, Lex n’avait pas les mêmes cas de conscience ou la même peur que lui et Clive sursauta en voyant son poing passer à quelques centimètres de son visage. « Au golf … Alex … » Il était à peu près sûr d’avoir eu la même réaction lors de cette sortie quand elle lui avait fait cette même remarque. Soupirant encore une fois sans chercher à cacher qu’il n’était pas d’accord avec cet « entrainement » malgré tout, Clive se leva, ajustant sa veste. « Je ne me suis jamais battu … J’ai toujours été ce gamin maladroit qui se faisait frappé par ses camarades de classe plus costauds … Même quand … même durant la mutinerie au lycée, je n’ai pas eu besoin de me battre à proprement parlé, j’étais là et j’ai réussi par je ne sais quel miracle à aider … »

Le brun tenta de chasser toutes ces pensées de son esprit, se rappelant avec un mince sourire aux lèvres quand Dave et Celia avaient tenté de lui apprendre à se défendre. Enfin, c’était surtout Dave, son grand gaillard de frère qui avait tenté. Celia se contentait de lui dire combien elle le trouvait cool à éviter la violence, combien il était impressionnant avec son intelligence, ses connaissances. Ils étaient son équilibre, son petit frère et sa petite sœur, chacun à leur manière, et ils lui manquaient plus qu’il ne savait le dire du haut de ses trente-six ans.

« Merci de ne pas abandonner Alex … » souffla-t-il avec un petit sourire, son regard s’attardant un instant sur la brune avant qu’il n’affiche un air un peu plus déterminé. A peine plus. Suffisamment pour contrebalancer le fait que le coup de poing qu’il envoya dans la direction d’Alex était parfaitement ridicule. Pourtant il y avait mis toute la détermination qu’il avait à cet instant précis, mais était-ce suffisant ?

Voir ce même air consterné sur son visage quand elle évoqua le golf la fit légèrement rire, alors qu'elle enchaînait. Oh allez, me dit pas que parfois t'as pas envie de te défouler ?

C'était le cas de toute personne. Relâcher la pression, hurler, frapper dans quelque chose était une façon de ne pas tout envoyer valser après tout. Si elle ne disait pas non à une soirée tranquille pour lire ou juste se reposer, elle devait bien admettre que depuis la mort de Norman, elle trouvait d'avantage de paix et de sérénité dans les entraînements au combat que dans le calme presque mortel de cette chambre qu'elle avait partagé avec lui plus d'un an...
Elle comprenait ce qu'il tentait de lui expliquer. Sûr qu'après une adolescence relativement tranquille niveau bagarres, il ne devait pas avoir envie de se jeter dans la mêlée à trente ans passés. Ca tombe bien, t'es là pour apprendre. fit-elle remarquer avec un sourire provocateur, lui indiquant ses bras d'un signe de tête. Ferme les poings, et garde les pouces à l'extérieur pour éviter de te péter une phalange.

Norman lui avait rabaché ça pendant des semaines. Il avait fallût qu'elle ne manque de se briser l'os pour comprendre la leçon, au moins désormais, cette dernière portait ses fruits. Elle n'avait cependant pas quitté sa posture, alors que le brun la remerciait, ce qui manqua de la déstabiliser. L'observant une demi seconde sans mot dire, elle se reprit néanmoins. Tu me remerciera plus tard va. lâcha t-elle alors qu'il semblait déjà plus déterminé, et que le coup qu'il lui lança était peut-être peu motivé à la blesser, mais eut au moins le mérite de cogner son épaule. That's my boy ! s'exclama t-elle avec un air enjoué, reculant d'un pas pour revenir attaquer, brisant la garde du brun pour toucher son torse sans pour autant lui couper le souffle. Tu vois, on va réussir à faire un truc sympa la. Recommence. Ordonna t-elle avec plus d'autorité, prête à le provoquer pour le sortir de ses gonds. Oublie qu'j'suis là, imagine toi un type que tu peux pas voir en peinture. J'sais pas moi, l'amant d'une de tes copines, un type qui t'as agressé au lycée, une ex hystérique... Qu'est-ce qui marcherait l'mieux pour toi ?