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Los chismes

Jeu 28 Déc 2017 - 22:46

Lisandro a déserté la chambre qu'il partageait avec Alma. Il ne m'a rien dit ; je l'ai simplement constaté. Et alors que Noël est passé, que la tension est doucement retombée, je décide de m'y aventurer.

Je fige un instant derrière la porte, à guetter le moindre son qui m'indiquerait qu'il s'y cache. Et c'est avec une lourde hésitation que je fais pression sur la poignée. Il y a le sentiment ingrat de pénétrer en zone interdite. C'était à eux. Leur petite bulle d'un amour que je désapprouvais, sans vraie raison. J'aurais voulu le réaliser plus vite : à voir ma mère nouer ce genre de lien avec quelqu'un, autant que ce soit avec un homme de confiance. Eduardo est mort, pour peu qu'elle l'ait seulement aimé un jour. Et puisque le chilien tient le rôle de père remplaçant depuis le lycée... Ouais, j'aurais dû leur laisser ça. J'aurais dû leur foutre la paix, putain...

J'balaie la pièce du regard, sans savoir exactement ce que je cherche. Ses vêtements, les autres filles en trouveraient l'utilité. Il en va de même pour ses armes, et la plupart de ses effets personnels. Personne n'a encore osé y toucher, par respect. Ce sera à Lisandro et moi, d'nous démerder avec ça. Jeter certaines choses. Peut-être aussi en préserver. J'm'assois sur le lit, ouvre le premier tiroir de la petite table de chevet. J'ai peur de tomber sur quelque chose qui ne me regarde pas. Alors, j'angoisse aussi d'entendre la porte se rouvrir pour tomber sur le chilien qui me prendrait la main dans le sac.

Doucement, j'en sors un livre. Misery, de Stephen King. Elle me l'a emprunté, à notre arrivée. D'après le marque page, coincé à mi-chemin entre les derniers chapitres, elle n'a pas eu le temps de le finir. Ou peut-être que plus que les jours, c'est l'envie qui a manqué. On n'partageait pas vraiment les mêmes goûts en matière de divertissement. Quand je veux ranger l'ouvrage à sa place, une photo glisse depuis la troisième de couverture et virevolte jusqu'à mes pieds. C'est elle, moi, et papa.

... Je conserverai ça.

***

La discussion avec Selene est légère, sans prise de tête, entrecoupée de brefs baisers et de taquineries débiles. Collés l'un à l'autre et flanqués d'une couverture sur le canapé de la salle commune, on en oublie presque que l'on n'est pas seuls.

Mais la porte s'ouvre, dégueule le vent glacé de décembre et un Duncan de deux mètres de haut. Il n'a pas à me le demander : à peine s'est-il approché que c'est moi qui m'extirpe du nid douillet pour filer.

***

"Lisandro... ?" Je me faufile entre les boxs de l'infirmerie à la recherche du médecin. Je n'trouve qu'un silence froid. J'peste. Putain... Et j'me glisse dans l'espace qu'il a aménagé pour travailler, me prends de curiosité. Un petit coup d'oeil vers l'entrée : personne. J'me demande s'il a gardé des trucs ici. Des trucs d'elle. Faussement distrait, et tout à fait innocemment, j'fais glisser un premier tiroir dans ses rails. J'y plonge la main pour fouiller, tout en essayant de ne pas mettre trop de désordre évident. Rien que des compresses et des outils bizarres en métal.

J'relève les yeux. Il est juste à côté d'moi. J'sursaute, remue tout ce bordel dans un joli fracas métallique et le referme immédiatement en claquant le bois. "Merde, tu pourrais t'annoncer !" J'ai un sourire nerveux, un peu coupable, et fuis son regard - c'est devenu une drôle d'habitude, depuis ce jour-là. Je n'sais même pas pourquoi. "Désolé, j'cherchais quelqu'un à squatter... J'aurais bien tenté ma chance avec Andrea," C'est l'une des seules ici avec qui je ne sois pas brouillé. "mais j'la trouvais pas." J'hausse les épaules dans une certaine indifférence - totalement surjouée, et m'assois comme un prince sur le petit lit d'appoint. Puisqu'il faut briser la glace... je n'vais pas passer par quatre chemins. Je lance directement, "Duncan est un sacré connard, tu n'trouves pas ?" Petit sourire timide,  plein d'enthousiasme durement contenu à l'idée de me défouler sauvagement sur le dos du géant. Pourvu que le chilien partage ce plaisir de commère.
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Re: Los chismes

Ven 29 Déc 2017 - 14:17

Il dardait d’un regard lourd le couloir qui menait aux chambres. Il était venu manger dans la salle commune, abandonnant son infirmerie avec plus de facilités que les premières fois. Jour après jour, depuis qu’Andrea était venue lui tenir tête, il faisait un pas. Il franchissait des étapes. Bien sûr, il lui arrivait de reculer ; un pas en avant, trois pas en arrière. Il avait peur de cette douleur lancinante, de ce chagrin dévorant. Et peur de ce qu’il ressentirait en franchissant le seuil de leur chambre. Il pouvait toujours compter sur Andrea, pour passer au bon moment et lui rappeler qu’il ne devait pas abandonner. Elle n’avait plus besoin de le dire, il suffisait de croiser son regard et d’y puiser la force d’avancer, un pas à la fois. La brune avait une force intérieure impressionnante, et elle était aussi une des rares personnes en qui il avait pleinement confiance. Depuis ce jour-là, la seule personne à qui il avait réellement parlé. Il mangeait sans faim, réfléchissant à ce qu’il devait faire de cette chambre dans laquelle il ne voulait plus aller. Mais il n’était pas prêt, pas encore. Il avala une dernière lampée de sa soupe, puis alla débarrasser ses affaires dans la cuisine, nettoyant et rangeant ses affaires. Il quitta la salle commune sans plus un regard pour ce couloir, retournant dans son antre sans croiser Andrea cette fois, sans croiser personne pour le forcer à faire demi-tour. Il retourna dans l’infirmerie, chercha l’abri d’un des box où il avait déposé ses maigres affaires. Tout le reste était dans sa chambre, il n’avait pas encore osé y retourner.

Parce que le trou béant dans sa poitrine était lourd, il se laissa glisser au sol, appuyé contre un mur. Ramenant ses jambes près de lui, il posa ses coudes et renversa la tête en arrière. C’était lourd, et le manque lui nouait la gorge. Alors cédant, il laissa des larmes silencieuses rouler sur ses joues, il laissa la peine submerger son cœur et faire trembler ses épaules. Alma lui manquait, la blessure n’était pas prête de se refermer. Il laissa son chagrin prendre le dessus, celui-là même qu’il avait refoulé de longues semaines avant qu’Andrea ne le force à lâcher-prise. Elle avait raison, il en avait besoin. Besoin pour ne pas se perdre et oublier ceux qui restaient et qui étaient tout aussi importants qu’elle. Eli allait être père, il ne pouvait pas se laisser aller et les abandonner, tous les trois. Il n’arrivait pas encore à lui aligner plus de deux mots sans le fuir mais … Ils avaient encore un peu de temps. Il finirait par trouver le courage qu’il lui faudrait pour lui parler. Mais en attendant, il se laissa en proie au chagrin attendant, acceptant, que la crise passe enfin.

La porte de l’infirmerie s’ouvrit doucement et Lisandro se figea. Il essuya ses larmes du revers de la main, et se tu, attendant que la personne n’entre et ressorte pour ne pas l’avoir trouvé. L’infirmerie était plongée dans la pénombre, seule la zone du bureau était éclairée, laissant le box dans lequel il se trouvait dans une pénombre quasi complète. Lisandro avait voulu se cacher, il avait bien réussi. Il vit Eli s’avancer entre les box et se diriger vers le bureau du médecin. Le chilien retint son souffle. Peut-être qu’en ne le trouvant pas, il partirait. Alors il attendit. Il l’écouta s’avancer, jusqu’à l’entendre ouvrir un tiroir, puis un autre. Le chilien fronça les sourcils ; que cherchait-il ? Essuyant son visage, espérant ne pas avoir une aussi mauvaise mine qu’il le pensait, il finit par se relever et quitter le box. Il hésita, pourtant il fallait bien qu’ils y arrivent un jour, non ? Il franchit le seuil en silence, se rapprochant du bureau sans trouver quoi dire. Ce ne fut que quand il sursauta à sa présence qu’il se dit qu’il aurait au moins dû faire trainer ses pas pour annoncer sa présence. « Désolé. » Il répond à son sourire par une grimace embêtée, il ne voulait pas lui faire peur. Il voulait lui demander comment il allait, ce qu’il cherchait en venant ici. Mais il le devança. Il finit par s’assoir sur le lit d’appoint à côté du bureau et Lisandro s’appuya contre celui-ci en l’écoutant. « Andrea est passée ici ce matin, je crois qu’elle allait aider Ruben et Isaac avec les chevaux. » C’était futile comme information, il ne savait pas quoi dire d’autre. Mais il savait où devait être Andrea parce que depuis quelques temps, ils passaient beaucoup de temps ensemble. A s’épauler. Puis un autre silence gênant s’installé entre eux, jusqu’à ce qu’Eli tente une autre approche en parlant de Duncan. Il y a peu, le garçon était venu le voir, un peu amoché. Duncan était venu lui reprocher des choses qui ne le concernaient pas. Pour le coup, le chilien lui en voulait tout autant qu’Eli. « Ouais… Duncan ne réfléchit pas beaucoup quand il parle, il est mal placé pour parler de ces choses qu’il ne comprend pas. » Autant le chagrin ravageait ses traits il y a quelques instants, autant la rancune qu’il nourrissait encore un peu pour les habitants de la prison venait à nouveau noircir son regard. Au point qu’il détourna les yeux devant Eli. « Il n’y en a pas beaucoup qui comprennent. » Ce qu’ils avaient perdu là-bas était plus important que ce toit sur leur tête. Mais ils en avaient décidé autrement. Et Alma était morte.  
Lisandro Sedillo
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Re: Los chismes

Mar 2 Jan 2018 - 23:52

Je ne lui ai pas fait le détail de mon échange avec Duncan. Parce que sur le coup, j'avais surtout envie d'enterrer cette journée. Et que malgré tout, la tension persistait avec le chilien. Je n'me sentais pas vraiment le bienvenu, alors j'ai juste survolé le sujet. Aujourd'hui, j'ai un mince espoir que le temps ait fait son affaire. Quitte à faire le reste du travail moi-même. Je garde un maigre sourire, un peu forcé, quand Lisandro me répond et se range de mon côté. Tout soutien est bon à prendre.

"Ouais..." Il y en a peu qui comprennent. Réflexe naturel, je passe une main sur ma nuque, un peu nerveusement. Et comme d'habitude depuis plus d'un mois, je me surprends à ne plus y trouver la chaîne de Kathlyn, aujourd'hui accrochée à la tombe d'Alma. Alors le bout des doigts se replie sur mon col, et la main se résigne à retomber sur le lit, près de ma cuisse. Il est le plus à même de comprendre. D'effleurer ce que je ressens. Même Selene, qui pourtant s'en approche et s'essaye à l'atteindre, n'est pas si près que lui. Je poursuis, en m'efforçant de démontrer autant d'énergie qu'auparavant, "J'pense qu'il comprendra jamais, tant qu'il se r'trouve pas face à... ce genre de choix." Le magasinier m'a bien fait part de sa mésaventure avec son ex-femme. Aussi triste qu'elle peut être, cette histoire n'a pourtant que peu à voir avec l'altercation qui nous a coûté la vie d'Alma. Son choix n'impliquait qu'eux. "... et encore, ça suppose qu'il aurait encore un coeur. J'commence à en douter sérieusement." Il tient plus de la machine à tuer. Efficace, certes, mais invivables pour les gens comme moi - comme nous. On cherche un reflet humain dans nos amitiés. Pas une franchise froide et blessante.

Je cherche le médecin du regard, penchant un peu la tête pour mieux suivre son mouvement. Il y a un léger flottement. Lourd de quelque chose - de culpabilité, de gêne. Un mélange dense et insoluble. Il faudrait peut-être que je profite qu'on soit seuls... Ouais. J'me pince brièvement les lèvres avant d'articuler, doucement, "J'suis désolé, Lis'. D'avoir... fait la gueule quand... tu vois." Quand je t'ai surpris avec la langue enfoncée dans la gorge de ma mère. Cette image m'écoeure encore. Ce qu'elle implique d'obscénités, encore plus, mais... je crois que c'est juste... physique. "J'm'y serais fait, tu sais ? Avec un peu de temps et... des boules quiès sans doute." J'ai un court rire nerveux, avant d'enchaîner, plus sérieux, la gorge éternellement serrée à l'évocation d'Alma. "J'aurais dû vous laisser tranquilles." Qu'elle ait droit de connaître l'amour une dernière fois, vraiment et pleinement, avant de partir. J'ai une chance folle d'avoir retrouvé Selene. Ça n'est pas donné à tout le monde. Je le fixe toujours, espère croiser son regard, y dénicher un signe, quelque chose ; quoi que ce soit d'un minimum positif.
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Re: Los chismes

Jeu 4 Jan 2018 - 18:10

La situation était quelque peu gênante. Il ne savait pas réellement où se mettre, ni quoi dire, ni comment réagir. Mais ils devaient bien en arriver en cet instant un jour ou l’autre. Lisandro devait arrêter de se couper des autres, et s’il avait commencé par les autres habitants de la prison, il était presque normal que cet isolement se termine avec le fils de celle qu’il avait tant aimé, et perdu. Il ne savait juste, pas comment s’y prendre avec lui. Se tenir là à côté de lui était déjà quelque chose, il fut soulager qu’Eli ait matière à parler pour deux. De fait, Duncan n’aurait pas dû intervenir sur les raisons qui les avaient poussés – Eli et lui – à être prêt à vendre l’emplacement de la prison pour sauver Alma. Dans ce malheur, il n’avait pas pensé que c’était également pour sauver Juliet, tant il n’avait d’yeux que pour elle à l’instant T. Il avait un peu honte de se dire que si ça avait été quelqu’un d’autre, il aurait peut-être hésité. Il aimerait croire qu’il aurait agi ainsi pour n’importe quel membre de la prison. Mais Alma et Eli excepté, il n’aurait peut-être pas cédé aussi vite. Il était probable qu’Eli non plus. Mais c’était Alma qui en avait fait les frais au final, ces bâtards s’en était pris à la bonne personne pour capter leur attention – pour leur promettre vengeance également.

« C’n’était pas Sarah qui avait un flingue sur la tempe. » Dit-il avec amertume. Peut-être que le viking aurait réagi différemment alors. Peut-être aurait-il été moins prompt à reprocher à Eli quelque chose qu’il aurait fait lui-même pour sauver celle qu’il aimait. A condition qu’il ait vraiment un cœur, comme le disait Eli. « Au moins, a-t-il fini par se ranger derrière nous quand Andrea a … » Proposé de vendre la prison. Les autres avaient eu plus de scrupules, et la colère de certains et la langue bien pendue de l’autre n’avait fait que les plonger dans un deuil qui lui semblait insurmontable. Elle les avait soutenu tous les deux, parce qu’elle ne voulait qu’une seule chose : la survie de tout le monde. Elle avait raison, la prison n’était qu’un toit, leurs vies étaient bien plus précieuses. Mais le résultat avait été tout autre ; ils avaient toujours un toit, mais ils avaient perdu Alma. Et dans le cœur de chacun, une rancœur s’était créée. Ils étaient en train de se rapprocher les uns des autres, tout doucement. Mais cette mort les avait séparé un temps. C’était suffisant pour créer une brèche dans leur unité. Il n’y avait plus qu’à espérer que cette brèche ne s’agrandirait pas, qu’ils arriveraient à la colmater ensemble.

Puis Eli reprit la parole, le surprenant quant au sujet qu’il aborda. Lisandro détourna la tête, fixant le sol en s’appuyant contre le bureau derrière lui. Oui, peut-être. Il savait qu’Eli s’en serait remis, qu’il aurait juste fallu un peu de temps. Un peu plus de temps. Il déglutit difficilement, le cœur serré. « Ce n’est rien, je… Nous, nous aurions dû de te le dire tout de suite. » Et non pas se cacher comme des adolescents qu’ils n’étaient pourtant plus depuis longtemps. « Mais elle était ta mère et moi je suis… Ce n’était pas évident. » Et puis il se souvenait parfaitement de ce moment à l’infirmerie face à Selene où Eli avait remis Lisandro à sa place, avec cette réputation d’homme à femmes un peu tendancieux. Cela l’avait blessé, ce jour-là, il avait voulu lui dire que ce n’était pas vrai, que ça ne l’était plus. L’homme qui refusait de s’engager avait changé au contact d’Alma, il l’avait laissé le guider à ses côtés. Il s’était laissé prendre à l’amour qu’elle avait pour lui, il avait savouré chaque instant. A tel point qu’il était persuadé que plus jamais, on ne l’y reprendrait. Il releva la tête vers Eli, avec chagrin. « Je l’aimais, je l’aime… Sincèrement. J’aurai voulu que ce soit moi… Au lieu de ça, nous l’avons perdu tous les deux. » Il s’interrompit un instant, il aurait voulu rajouter quelque chose mais les mots lui manquèrent. Au lieu de ça, il s’excusa. « Je suis désolé, Eli. » Pour s'être éloigné depuis qu'elle n'était plus. Pour cette douleur, pour ce chagrin, pour les mensonges aussi qui auront duré plus de deux mois. Pour les avoir empêché de profiter tous ensemble d’un amour qui n’était pas… une mauvaise chose. « Tu lui ressembles tellement… » Sa gorge se noua, et il fuit son regard, encore une fois. Celui qui lui rappelait tant ce qu’il avait perdu.
Lisandro Sedillo
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Re: Los chismes

Sam 6 Jan 2018 - 1:13


Elle me manque horriblement. Plutôt que sa présence, c'est un vide qui nous suit en permanence. Moi, comme lui. Un malaise, un fil tendu à s'en arracher entre nos gorges et l'au-delà. Le menton baissé, les yeux timidement levés vers Lisandro, je l'écoute et l'observe. J'ai encore du mal à saisir à quel point il s'était attaché à Alma. Les premiers jours, je me fichais même bien de sa peine. Ça m'paraissait ridicule, en comparaison avec ce que j'endurais moi-même. Il ne l'a connue que pendant quelques mois... Et pourtant. Impossible de rater la sincérité avec laquelle Lisandro l'aimait.

C'est un sentiment étrange. J'me sens comme une éponge à absorber le mal que je prenais soin, jusque là, d'occulter. Et en même temps... Merde, ça fait du bien d'avoir quelqu'un qui comprend. Quelqu'un qui la voyait vraiment. Qui la voyait autrement. "Ouais..." je souffle. C'était pas évident, non. Il est comme mon père, mais il n'est pas mon père. Je n'voulais pas qu'Eduardo cède sa place. Je refusais que ma mère s'entiche d'un autre. Et par dessus tout, je n'voulais pas perdre de l'attention précieuse qu'elle me réservait. Je voulais rester seul dans son coeur. Je voulais être le seul qui compte. C'était stupide.

Je lui ressemble ? Le ton du chilien me serre la gorge, et la remarque me fait légèrement hausser le sourcil, dubitatif. Peut-être bien... je n'y ai jamais vraiment songé mais ça s'rait logique, après tout. Je porte ses gênes, son patrimoine, une partie de son identité. Et ça fait de moi un obstacle au deuil du croque-mort, n'est-ce pas ? S'il la devine sur mes traits... Si je titille ses souvenirs à longueur de journées... juste en étant à ses côtés... "C'est pour ça que t'arrives plus à m'regarder dans les yeux, Lis' ?" J'essaie d'articuler doucement ; la réponse me fait peur, et elle se lit facilement sur son expression fuyante.  

Ça explique la distance qu'il s'acharnait à maintenir entre nous ces dernières semaines. Mais c'est frustrant, merde. Qu'est-c'que j'peux y faire ? Par réflexe, j'passe une main sur mon visage, presse lentement le bout des doigts contre le haut de ma joue. C'pas ma faute, si je lui ressemble. J'fronce le regard, le plante sur le sol. "J'peux pas changer d'tête." J'me pince les lèvres, fige une seconde puis me relève. J'approche du chilien, le prends par le bras et me plante devant lui. "T'as pas idée à quel putain d'point elle me manque, Lis. Et j'suis pas au bout d'mes peines, ça s'ra mille fois pire quand j'aurai un gosse et personne pour m'apprendre à l'élever parce que ma mère est morte et que j'ai envie de buter le seul père de famille dans c'camp." Ma prise sur son bras se resserre. J'sens les larmes m'monter aux yeux, dans un mélange acide de peine et de frustration. "Et j'veux pouvoir te parler d'elle, merde... t'es le seul qui la connaissait un minimum ici, et on doit s'occuper de ses putains d'affaires, décider quels souv'nirs méritent de rester et lesquels méritent d'être jetés... et j'ai fait sa putain d'tombe, Lis... J'ai cloué deux pauv' planches en croix pour faire la tombe de ma mère..." Une aberration qui finit par m'arracher un sanglot mal contenu. J'me sens noyé, bordel. Par le tsunami de responsabilités, l'avalanche d'un deuil contre-nature, la vie qui défile beaucoup trop vite. La grossesse de Selene me projetait hors de l'adolescence. La mort d'Alma claque la porte derrière moi et la verrouille à double tour. J'ai l'affreuse sensation de perdre le fil, de n'pas arriver à suivre. J'serre les dents, essaie de me contenir, mais c'est un combat perdu d'avance. "... Va falloir qu'tu passes au dessus d'ça, Lis'. J'vais avoir putain besoin d'toi."
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Re: Los chismes

Mar 9 Jan 2018 - 21:03

C'est pour ça que t'arrives plus à m'regarder dans les yeux, Lis' ? Il tressaillit quand il prononça ses mots. La gorge soudainement sèche, il regarda péniblement Eli. Il ne s’était pas rendu compte qu’Eli l’avait remarqué. En même temps, c’était évident. Le chilien n’arrivait plus à le regarder en face depuis … Depuis qu’elle n’était plus. Il le regarde dans les yeux, un instant. Mais c’était comme s’il était trop lourd à porter, comme si elle le regardait à travers ses yeux. Il n’a pas besoin de réponse, son air abattu parlait pour lui. Il sait que ce n’est pas la faute du garçon, qu’il n’y peut rien. Il devait juste … passer au-dessus. Apprendre à ne plus avoir mal en le regardant, à ne plus sentir son cœur se déchirer en se rappelant l’absence, le manque, la perte. Ce jour-là avait été teinté d’une violence sans nom. Rien n’aurait pu les préparer à ce qu’ils allaient vivre, à ce qui allait suivre. Ce groupe avait tué plus qu’une femme ce jour-là, il avait tué une partie de l’âme des habitants de la prison en plongeant dans un deuil amer deux hommes qui ne savaient plus trop à qui en vouloir. Ils avaient réussi à les blesser profondément, au point qu’au sein même de ce refuge, la rancune était tenace entre les différentes personnes vivants ensemble. Lisandro s’était isolé de tout le monde, il s’était détaché d’eux petit à petit. Sans Andrea pour le rattacher à la prison, le chilien aurait probablement finit par dépérir, partir peut-être. Eli s’était mis tout le monde à dos, rejetant la faute sur ceux qui n’avaient pas compris. Ceux qui mettaient la priorité sur le toit au-dessus de leur tête, qui n’auraient pas sacrifié leur maison pour quiconque. Lisandro comprenait la colère d’Eli, pour l’avoir ressentie également. Aucune maison ne valait une vie. Aucun refuge. Mais loin d’exprimer sa rancœur, le médecin s’était enfermé dans cette infirmerie en refusant d’en sortir … Jusqu’à récemment.

Sa main se pose sur son bras, s’accroche à lui, et Lisandro se force à poser son regard sur lui. Ils en avaient besoin tous les deux. Son regard se noie dans les larmes, dans la douleur et Lisandro assiste à ce flot d’émotion avec ce sentiment d’impuissance qui lui étreignait le cœur. Il aurait tellement voulu faire plus pour ce gosse, être à la hauteur. Que ce soit de lui, ou de sa mère. Peut-être que s’il avait été plus fort, cela ne serait pas arrivé. Il n’avait pas su la protéger, les protéger. S’occuper de ses affaires, oui. Il était temps. Mais il arrivait à peine à pénétrer ce couloir pour rejoindre les chambres. Peut-être qu’avec Eli à son côté, il serait plus fort. Ce gosse avait besoin de lui, comme il pouvait peu importe en réalité comment il faisait, Eli avait besoin de lui. Le sanglot secoue ses épaules, les larmes roulent sur ses joues, et Lisandro est meurtri par une autre douleur de le voir dans cet état. En le fuyant, il avait également nié le chagrin d’Eli. Elle était sa mère, il n’avait plus qu’elle alors, jusqu’à ce jour. Alors quand il lui réclama de passer outre, parce qu’il avait besoin de lui, Lisandro attira le garçon dans ses bras, un bras autour de ses épaules, une main à l’arrière de sa tête, lui laissant l’opportunité de s’accrocher à lui pour de bon. Cacher son visage dans son épaule. Il serait là. Il ferait en sorte. « Je ne te laisserai pas tomber. » Sur son visage, quelques larmes roulèrent à nouveau sur ses joues. Il avait déjà épuisé tous ses sanglots, et Eli lui donnait la force de se tenir debout, solide et bien ancré sur cette terre qui ne serait plus jamais facile pour lui. Il allait être père et jusqu’au bout, il avait espéré qu’Alma serait là pour l’aider et le guider. Lisandro ne pourrait probablement pas l’aider, il n’était pas père. Enfin, pas vraiment. Il se recula un peu, pour croiser son regard et lui faire comprendre qu’il était là maintenant, qu’il ne s’enfuirait plus. « Tu ne feras pas tout ça tout seul, je suis là. Je suis désolé, Eli. Désolé d’avoir disparu. » Abimé par le chagrin et la douleur, il avait sombré. Andrea lui avait sorti la tête hors de l’eau, mais le reste ne dépendait plus que de lui. Lisandro devait puiser la force dans ce regard qui lui rappelait tant Alma, son amour pour elle. En tirer la force, et non plus la peine du souvenir. Il posa son front contre celui du garçon. Resta un moment ainsi, jusqu’à prendre une longue inspiration et chasser ces larmes qui n’avaient que trop coulées. Il se détacha de lui, maladroitement. « Est-ce que tu te sens de m’accompagner récupérer ses affaires… ou tu veux faire ça un autre jour ? » Demande-t-il, doucement, la voix chargée par l’émotion.
Lisandro Sedillo
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Re: Los chismes

Dim 14 Jan 2018 - 22:15

L'étreinte de Lisandro est brusque. Mes mains s'accrochent rapidement et désespéramment au dos de sa veste, comme pour me retenir de tomber. Parce que oui, je me sens vaciller, une vague de fébrilité me secouant les jambes jusqu'au bout des pieds. Merde, bien sûr que j'ai du mal à m'en remettre. C'est bien beau de forcer le sourire, les symboles, de se convaincre chaque matin que le monde n'est pas si laid ; mais même avec le soutien sans faille de Selene, ses regards rassurants, la manière dont elle m'enveloppe de chaleur et de tendresse, les blessures perdurent sous les points de suture. Et la mort d'Alma continue de me brûler. Juste là, dans les mécaniques du cœur qui trouve son écho contre celui de mon "père". Ça n'est pas si grave, si lui me voit comme un enfant.

Le chagrin va tarir les dernières réserves pour faire perler deux petites larmes de mes cernes jusqu'à la ligne de ma mâchoire. Et je sens, dans son souffle, dans la contraction de son corps, que Lisandro subit le même tourment. Il la pleure, lui aussi. Et ça m'fait un bien fou, de pouvoir partager ce deuil...

J'ferme les yeux, la joue posée au creux de son épaule. Les miennes un peu voûtées, ma prise un peu plus lâche. L'urgence est passée, de toutes manières. C'est la pianiste qui a encaissé la première vague. C'est elle qui a pris pour tous les autres. Ne reste au chilien qu'à reconnecter les derniers liens brisés.

Je voudrais bien que le contact s'attarde plus que ça. C'était le même besoin qui rongeait ma mère : celui de toucher, de sentir les gens qu'on aime. Elle a dû.. le coller, autant que je colle Selene. J'esquisse un mince sourire lorsqu'il s'écarte, pose son front sur le mien. Comme une étrange connexion, un truc puissant. Ses excuses sont acceptées sans résistance. Si facilement. Parce que j'ai moi aussi à me faire pardonner ; et parce qu'on se comprend plus qu'on ne pourra jamais l'exprimer.

Alors, ça me fiche un peu le vertige quand l'air froid prend la place de son visage contre le mien. C'est comme lorsqu'on se r'trouve en transe en écoutant une super musique et que d'un coup.. le morceau se coupe. Ça laisse un peu fébrile.

"Ouais..." J'essuie mes joues d'un revers de manche, "non, maint'nant c'est bien." encore un peu, pour être certain de n'pas me ridiculiser si on croise quelqu'un. Quoique le rouge de mes joues me trahit à lui tout seul. "Je... j'y suis passé tout à l'heure, j'ai trouvé une photo déjà. Dans l'livre que j'lui ai prêté." De la poche de mon jeans, et d'un geste encore tremblant, j'extirpe l'image pour la lui montrer rapidement. S'ils dormaient ensemble, j'doute qu'il soit passé à côté. En la rangeant déjà, je renifle un coup et ajoute, "Tu dois mieux savoir que moi où elle a pu cacher des trucs.." J'souris, recule un peu, essaie de reprendre une attitude plus... naturelle. Direction leur chambre ;

***

Agenouillé par terre, au centre de la pièce, je replie un carton vide. Histoire de stocker ce qu'on n'aurait le coeur ni à garder, ni à jeter. Quoi qu'on en dise, ça n'est pas la place qui manque dans la prison... Je laisse la boite là, ouverte, et me tourne en tailleur vers le chilien. "T'es revenu ici, depuis ?" Curiosité un peu timide, vite meublée par un grand sac que je tire de sous le sommier. D'un geste ample, je le dé-zippe. Du matériel de base, surtout, qu'elle a du amasser avant de trouver Lisandro. Mais qui sait ? On y trouverait peut-être de quoi raviver un souvenir.
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