"Ouais, okay..." Les épaules basses, la nuque affreusement raide tient encore la marque de l'oreiller. "Z'êtes adultes hein, 'faites c'que vous voulez." J'me mordille un peu l'intérieur des lèvres, nerveusement, et plante les yeux dans le sol. Ça m'énerve, qu'il passe à autre chose. Je n'sais pas pourquoi. Sûrement d'la jalousie par intermédiaire. Et qu'la fatigue joue aussi là dedans. Mais j'arrive à gérer. J'vais pas péter un plomb parce qu'il s'envoie en l'air avec Andrea. C'est rien, c'est pas grave. Elle est droite, elle est cool. C'est con, ça pue la trahison. Quand Alma a trompé mon père, j'ai fait la gueule aussi. J'lui en ai fait baver, j'ai été insupportable. Et ils sont restés ensemble, sûrement pour m'faire plaisir. Seulement là, c'est pas l'même schéma. Y a rien à sauver. Rien qu'un souvenir.

"J'sais c'que ça fait, et..." Il m'a fallu plus longtemps que ça cela dit, pour plonger dans les bras d'une femme après la disparition de Kathlyn. "Bah, j'comprends." Il a pas à se laisser bleuir les couilles pendant des mois si une jolie fille veut de lui. "Ça m'fout les nerfs, j'vais pas t'mentir, mais..." J'grince un peu des dents et reprends, "Tu fais comme tu veux. Alma s'en fout probablement, maintenant." Et si elle le regarde, il crèvera au prochain orage. "J'ai pas mon mot à dire. Encore moins qu'avant." J'ai grandi, non ? Ou bien je n'ai plus assez de forces pour m'énerver. Quoi qu'il en soit, je me frotte le visage des deux mains et relève les yeux vers le chilien. Qu'il le veuille ou pas, il me donne matière à penser, "J'sais que c'est pas à un mec qu'a la moitié d'ton âge de t'dire ça, mais... J'pense pas qu'ça puisse durer longtemps. Le fait d'baiser juste comme ça, j'veux dire." J'me radoucis un peu, pose les coudes sur les genoux. "Vous êtes enfermés ensemble, vous vous voyez tous les jours. J'mets ma main à couper que si ça continue, ça sera plus que ça. Qu'vous aillez un deuil à faire ou pas." Le coeur a du mal à faire le tri dans ces choses là. J'esquisse un sourire, les paupières lourdes. C'est pas un reproche. Ce serait une bonne chose. Il doit bien en avoir conscience. Même si... Merde, c'est probable que j'ai plus d'expérience en relations durables que lui. Wow. Je ravale la révélation, cligne des yeux. "Mais Andrea et toi, pourquoi pas. Je l'aime bien. J'pense que vous pourriez... vraiment vous entendre." Les sous-entendus restent en suspens, il les lira sans mal. Ca sera l'occasion de le taquiner.

"M'enfin, Selene et moi on reste indétrônables, te fais pas d'idées." Petit rire nébuleux. "Du moins si j'vais la sauver du monstre assoiffé qui lui pompe le sein..." Petit soupire résigné. J'me relève, manque de peu de tomber droit devant, me rattrape au bras du médecin. J'garde le contact un petit instant, "T'en fais pas, on a pas à en reparler. Et j'dirai rien. J'aurai probablement oublié demain..." C'est tristement sérieux. Mais avec un peu de chance, ça m'aura suffisamment marqué pour m'en rappeler. Je le gratifie d'une petite tape sur l'épaule et ressors. Une inspiration pour se donner du courage - et je reviens dans notre chambre où Effy s'entraîne à étirer ses cordes vocales.