Jason avait la bouche légèrement entrouverte en suivant des yeux la trajectoire du bocal qui parcourait l'espace en direction de son frère, pour finir sa course en l'aspergeant pratiquement des pieds à la tête. Heureusement d'ailleurs que le liquide n'était pas monté plus haut que le torse. L'odeur était répugnante, sans parler de l'allure que cela avait. Dès lors, il ne fut pas étonnant de voir Merl lancer à son tour son bocal sur son cadet. Ce dernier eut la chance de s'être attendu à quelque chose et d'avoir fait un bond de côté. Il ne fut donc pas touché, mais se prit en revanche violemment le meuble voisin dans son esquive. Il grimaça et poussa une exclamation endolorie tout en s'écartant un peu et en se massant le bras droit et le côté, qui avaient pris un bon coup. Il allait sans doute être quitte pour un bel hématome. Pour le coup, il tâcha surtout de calmer son aîné avec des excuses à la sincérité audible.

« Chui désolé Merl, j'ai pas fais exprès. C'est un accident, okay ?

Le blond avait réagi sous le coup d'une saute d'humeur, comme d'autres jetaient une télécommande dans la télévision dernier cri fraîchement acquise et encore sous crédit pour la voir exploser et s'en mordre les doigts juste après. Il n'avait pas réfléchi, et avait regretté son geste immédiatement après l'avoir effectué. C'est avec une mine navrée qu'il regarda l'étendue des dégâts. Réalisant finalement que Jenna n'était plus en vue, il prit une inspiration pour faire part de ses soupçons à Merl.

- Ecoute... J'ai l'impression que ce qu'il y a là-dedans n'est pas... animal. Tu vois le genre ? »

L'aspect gluant, grisâtre, brunâtre du contenu des bocaux de verre ne permettaient pas vraiment de statuer à cent pour cent sur cette allégation. Le jeune homme pouvait se tromper, ou alors avoir tout juste. Les morceaux de chair et abats avaient une drôle d'allure pour de la viande animale, c'était une certitude, mais leur conservation désastreuse pouvait en être à l'origine. Il avait besoin de l'avis de son frère pour trancher, savoir s'il était dans le faux. Si ce pressentiment répugnant qui le tenaillait était fondé ou pas. S'ils devaient s'attendre au pire. Cet endroit était tellement glauque et malsain, tellement étouffant qu'il donnait à Jason l'impression d'avoir un goût âcre, lourd et gras de crasse sur la langue à chaque inspiration.

J’avais définitivement envie de lui en coller une, mais autant dire que je n’allais pas en faire une histoire plus que ça, oui, j’étais en train de puer le chacal, j’avais presque envie de vomir. Je sentais que mon estomac était encore en train de se serait toujours, mais alors que j’étais en train de rager dans mon coin, j’entendais mon frère s’excuser. J’avoue que je ne m’y étais pas du tout attendu et ça me calma presque instantanément.

- Ça va ton bras ?

C’était la seule réponse que j’étais capable de lui fournir. Je l’avais vu se prendre le meuble et pour le tout je me sentais un peu responsable. D’un coup de pied vengeur, je posais dans les restes qu’il y avait au sol. C’était quand même bien dégueulasse cette histoire. Je ne réagissais pas trop à ce qu’il était en train de me dire, enfin, j’y réfléchissais un instant avant de me tourner vers lui pour lui poser une question qui était un brin étrange.

- Tu es en train de me dire que j’ai des morceaux d’humain sur moi ? Génial !

Je n’étais pas heureux et clairement c’était en dessous de la réalité. Mais ça ne servait à rien de s’énerver plus que ça. Après tout, c’était fait, il n’y avait pas moyen de revenir en arrière. Il avait l’air de douter de cette information et je regardais mon frère avec une connerie de plus en tête. Il allait sans doute me détester pour ce que j’allais dire, mais c’était un détail.

- On peut gouter si tu veux, on verra si ça nous parle. Mais je n’en ai pas trop envie.

Un sourire s’étira sur mes lèvres sous-entendues que c’était déjà oublié. On reprenait les habitudes de merde et sans réfléchir plus longtemps, je reprenais ma fouille comme si de rien été surtout que j’avais aperçu deux boites de conserve à mettre en plus dans mon sac ce qui était une bonne nouvelle. Peut-être qu’on aurait dû rejoindre les autres, mais quelques parts au fond de moi, j’avais égoïstement envie de rester seul avec mon frère même si je puais la mort grâce à lui.

- Et tu sais, tant que le chapeau à rien, c’est tout ce qui compte.

J’avais dit ça l’air de rien alors que je remettais mon sac sur mon dos. Je savais qu’il allait me faire une remarque, du moins je lui tendais la perche.

Jenna était désespérée par les deux frères Rogers. Sa remarque sur leur côté bavard n’avait fait que les souder et elle s’était vue gratifié d’un double doigt d’honneur dans une qualité de synchronisation qui aurait fait passer les danseuses olympiques chinoises pour des débutantes. Quoi qu’il en soit elle n’avait pas envie de relever une fois de plus et voir des bocaux ouverts traverser la pièce ne faisait que renforcer son envie de leur en coller une à chacun afin de leur remettre les idées en place. Mais elle n’en ferait rien, ce n’était pas la peine de tomber dans leur jeu car visiblement ils avaient un sacré niveau.

Les laissant à leur occupation plus ou moins enfantine Jenna entreprit de rejoindre Joy et Clayton qui devait être en train de fouiller l’autre pièce. Elle espérait qu’eux au moins ne se jetaient pas des boyaux à travers la figure parce que si cela était le cas Jenna se demanderait vraiment ce qu’elle foutait là. Alors qu’elle traversait la grande pièce en sortant de la cuisine où se trouvaient les frères Rogers un nouveau bruit sourd et bizarre sortait de la pièce du « couple ». Elle accélérait un peu le pas afin de les rejoindre et de s’assurer que tout allait bien.

Jenna franchit le seuil de la porte pile au moment où Clayton approchait d’une espèce de créature qui semblait être humaine. Celle-ci était recroquevillé dans un coin de la pièce les mains attachées avec ce qui semblait être une écharpe. Jenna lançait un regard dubitatif à Joy et à Clayton avant de remarquer que Joy se tenait le cou. Elle semblait blessée. Jenna s’accoudait sur l’encadrement de la porte dans une pose qui donnait une impression de fausse décontraction.

« Vous m’expliquez là ? »

Heureusement que son garde du corps sut se montrer réactif, la blessure se rapprochait alors davantage d'une égratignure dont la blonde se remettra avec sans doute une maigre cicatrice qui saura s'effacer avec le temps. Et oh, joie, la tarée dévêtue était bel et bien dans le camp des vivants, des vivants timbrés, certes, mais des vivants tout de même ! De quoi la laisser souffler et péter en paix comme elle le disait si bien. "M'ça va, je gardais sa gueule loin d'moi, j'ai bien flippé aussi, mes fesses faisaient bravo."

Le bobo brûlant couvert par Clayton n’entacha pas sa motivation à l'idée de cuisiner la folle. Simplement, celle-ci ne semblait pas bien enchantée par son ami masculin et s'était bien là tout à son honneur ! Joy se redressa donc et s'accroupit à quelques mètres d'elle, tout de même, question de sécurité. Elle claqua ensuite des doigts pour attirer son attention.

"Pourquoi on t'a enfermé ? Où sont les types qui t'ont fait ça ?" Elle désigna ensuite la direction prise par ses collègues. "Par là ? Plus loin dans la cave ?" Puis elle désigna la direction de la sortie, celles d'où ils venaient eux "Ou par là ? Dehors ?" Impossible pour elle de savoir si ses compatriotes avaient rencontré une autre porte et si cette trappe n'était pas en réalité l'entrée d'un grand bunker. Dans tous les cas, elle essayait de communiquer avec des questions simples et tourna ensuite la tête que Jenna fit son entrée. "On interroge une timbrée, t'approche pas, elle a du mal avec les nouvelles gueules." Avant de reporter son attention sur le remix de Gollum, version gonzesse.

Pour moi tout aller bien. J’étais de nouveau de bonne humeur, Jenna n’était plus avec nous. Il n’y avait plus rien à prendre en compte. J’avais un petit sourire sur le visage même si je puais la mort. Je continuer de fouiller, mais il fallait se rendre à l’évidence qu’on n’avait plus rien à fouiller dans le coin. Ce n’était pas comme si on avait déjà fait le tour avec Jenna. On aurait pu aller rejoindre les autres, mais en soi, est-ce que c’était vraiment la seule chose à faire. Je regardais la porte qui se tenait devant nous. On n’avait pas été fouillé la seconde pièce et on pouvait très bien le faire en solo. Je jetais un coup d’œil à mon frère derrière moi.

- Tu sais ce qu’on devrait faire ? Cannibale ou pas, on devrait continuer d’explorer, on est bien assez grand pour s’en sortir et si on tombe sur des gens et bien on foncera dans le tas.

Je lui offrais un grand sourire avant de me dirigeait vers la porte que j’avais fixait un peu plus tôt. Pas question d’attendre plus longtemps, j’allais l’ouvrir et si ça ne suffisait pas, j’allais y aller au pied de biche, j’avais une arme qui pouvait se montrer utile dans ce genre de situation et je n’allais pas m’en priver. Finalement, ce fut un peu inutile puisque la porte était ouverte. J’éclairais cette nouvelle pièce avec ma lampe torche alors que j’essayais de détecter un quelconque danger. Visiblement il n’y avait rien à craindre dans cette pièce, il était évident que je n’allais pas m’en plaindre, bien au contraire. Je glissais à nouveau mon pied de biche à ma ceinture alors que je m’enfonçais un peu plus dans ce qui semblait être un réfectoire. Je trouvais ça vraiment étrange d’avoir un endroit aussi propre vu le nombre de zombies qu’il y avait à l’entrée. Il nous manquait définitivement des pièces pour comprendre ce puzzle.

Heureusement, toute cette affaire avait été vite oubliée. Jason s'en voulait vraiment d'avoir balancé cette horreur à la tête de son frère, et celui-ci l'avait visiblement remarqué. Comme pour un duo d'enfants, la dispute avait été brève et vite oubliée. Seule l'odeur allait rester un témoin durable de ce qui s'était passé. Parti comme cela l'était, il allait falloir brûler les vêtements de Merl en revenant au camp. Voire avant, mais ça c'était un détail qui devrait se régler plus tard. En attendant, Jenna les avait laissés seuls, et ce fut d'ailleurs très bien mis en valeur dans la proposition de Merl. Il leur restait encore une partie des lieux à fouiller, et l'expérience leur avait appris qu'ils ne devaient jamais rien laisser au hasard. Pour le coup, le blond n'hésita pas à approuver le plan de son aîné.

« Ouais, ça me va. Et y aura personne pour nous piquer nos cibles.

Il avait vraiment une sainte horreur qu'on se mette entre lui et sa proie. Cela ne voulait cependant pas dire qu'il y aurait du grabuge à la clé. Depuis qu'ils avaient massacré les rôdeurs avant d'entrer, les lieux étaient relativement calmes. Terriblement malsains, mais calmes. Jason emboîta le pas à son frère, tout en jouant subitement avec l'idée d'emporter un des bocaux de chair suspecte pour la balancer sur la tête de Swann. Ou lui en faire manger. Les deux options étaient tentantes. À cette idée, il eut un sourire de mauvais augure, mais son attention se tourna rapidement vers la nouvelle partie de la pièce lorsque l'heure fut à nouveau à fouiller. Cette fois, il eut à nouveau de la chance en se dirigeant vers un premier meuble qu'il ouvrit. Il y trouva un duo supplémentaire de boîtes de conserves en bon état et encore scellées.

- Mate moi ça, deux de plus ! »

C'était rassurant de voir les réserves augmenter peu à peu. Ils n'étaient à l'abri de rien, quelque chose de mauvais pouvait arriver et tout compliquer. Une catastrophe naturelle ou un événement impliquant morts ou vivants, et ils pourraient finir en sale posture. Le camp avait de bonnes réserves, et c'était rassurant. Mais alors qu'il montrait ses trouvailles à son frère, le jeune homme songea qu'il serait sans doute de bon ton de détourner une partie de la nourriture pour se faire des réserves personnelles, juste au cas où les choses finiraient par mal tourner et qu'ils ne doivent dès lors compter plus que sur eux-mêmes.