« Presque. » Fit-il avec un sourire en coin. « Roza et Connor, un sacré duo que t’avais envie de croiser. » Bon, sa gueule de six pieds de longs laissait plutôt croire le contraire, mais il ne fallait pas se démonter pour autant : « On vaut le détour, tu peux me croire. On se produit tous les mardis derniers dans le théâtre du coin… Et c’est à chaque fois complet. » En tout cas, comme les stades qu’il remplissait avec son équipe, à l’époque où tout était normal.

Peut-être d’ailleurs son visage était-il familier à l’homme maintenant qu’il se parlait. Ça permettrait de briser la glace. Bien mieux que sa confession à propos de qui était cette Victoria. L’espace d’une seconde, Connor se sentit presque coupable d’avoir remué le couteau dans la plaie. Il sentait que ça n’était pas plaisant. Lui-même savait à quel point c’était compliqué de raconter ce genre d’évènement, il avait toujours autant de peine à parler de la mort d’Alan et Christina, de la chute de son ancien campement, de son errance en duo avec sa sœur avant de rejoindre le chalet. Il n’avait pas l’air ainsi confiant, mais l’homme pouvait s’avérer secret au bout du compte.

« Oh, c’est donc pas ta fiancée kidnappée… » Reprit-il, conscient que sa blague ne trouverait pas son public. « J’suis désolé. » Ajouta-t-il.

Il l’était, sincèrement. Loin de se douter que l’homme ne faisait que noyer le poisson pour éviter d’avoir à parler de son groupe, ou ce qu’il en restait. Il n’avait aucune raison légitime de douter de lui, de penser qu’il mentait. Et quand bien même il le découvrait, Connor pouvait comprendre. Lui ne comptait parler de son groupe, du ranch, puisque ça ne le regardait pas, et que la confiance n’était clairement pas installé. Ceci étant dit, puisqu’il était là pour se faire des alliés, autant tendre la main :

« On la connait pas, cette Victoria… Enfin, là comme ça, ça nous dit rien du tout – en tout cas pour ma part. Mais si tu nous la décris, ou alors si t’as des trucs sur elle, p’t’être que… » P’t’être qu’ils l’avaient croisé sans le savoir. P’t’être qu’il y avait moyen qu’ils lui donnent une piste. « Nous, on cherche notre Victoria aussi. » Kind of. « Ou des informations sur un groupe d’enfoirés, si tu préfères. »

Son regard bifurqua sur Roza. A elle de voir ce qu’elle voulait donner comme informations à ce sujet. Un échange de bons procédés pouvait s’imposer.

L'URSS ? Mais il se fout de la gueule du monde ? Sachant que l'URSS tomba en quatre-ving onze, le nouveau venu souffrait possiblement d'un sacré problème de culture générale. Ou alors, peut-être qu'il imaginait que la russe tournait autour des quarante ballais ? Il était là le plus humiliant pour la tatoué qui lui grogna dessus aussitôt. Elle dut ensuite prendre sur elle pour ne pas l'ouvrir et le vanner méchament en retour, préférant finalement laisser Connor faire les présentations. Dans tous les cas, l'humour et l'amusement s'étaient envolés pour sa part, le dénommé Finan marquait un point !

Connor était désolé par ce qu'il entendait, pas Roza qui ne crut pas une seconde en la soit disant annihilation de son ancien camp. Une seule personne lui semblait bien maigre pour réaliser un exploit de la sorte sans compter que le timbre du nouveau paraissait bien peu cohérent face à une si dure et récente réalité. Elle même ayant perdue ses proches depuis plusieurs mois n'arrivait pas à en parler sans y laisser quelques signes de haines ou de tristesse. En se basant sur son vécu, il lui fut alors facile d'en tirer ce simple constat, à tort ou à raison. Et finalement, qu'importe, qu'il ne leur dise pas toute la vérité était tout à son honneur, la méfiance prônait davantage sur la confiance en ces funestes jours et personne n'y coupait.

Captant le regard de son compagnon de fortune, elle opina dans sa direction avant d'ajouter à la suite : "On cherrrche toute une bande de Victorirra, ouais, c'est bien résumé. Un grrroupe bien arrrmé, orrrganisé et qui se déplace dans des véhicules militairrre. Ils sont spécialisés dans le pillage et ils sont aussi pyrrromanes sur les borrrds" Elle n'en dira pas plus pour le moment, le principe de l'échange équivalent restait primordial.

Sans s'en rendre compte, elle avait par ailleurs ralentie sa propre marche, comme si le simple fait de parler du passé et de ses démons lui pesait soudainement. "Ça te parle ?" Le simple espoir d'entendre un "oui" suffit à détendre son visage et les rides qui barraient son front disparurent dans cette l'attente.

Connor et Roza hein ? Ouais un sacré duo à qui il aurait filé une raclée s'il les avait croisé il y a bien longtemps. Enfin, avec l'aide d'une arme contondante pour éclater Monsieur Muscle mais il aurait pris plaisir à leur faire passer l'envie de se foutre de sa gueule à son nez et à sa barbe. Une arme comme la batte qu'il tenait aurait été l'idéal pour lui flanquer la rouste mérité, c'est en ne la quittant pas des yeux d'ailleurs qu'il fit le rapprochement entre les deux.

- T'es Connor Shefield ? Ou un truc dans le genre là, le petit péteux des Lovable Losers ? questionna-t-il avec un sourire mesquin, j'ai adoré tes blessures. Enfin, c'est à peu près tout.

Et puis il n'était pas vraiment fan de baseball non plus, au point où le seul fait qu'il connaisse le nom du bonhomme soient plutôt dû au fait qu'il soit tombé sur sa tronche lors de journée de glande à zapper devant le téléviseur. Quand il n'y avait ni basketball, ni soccer, la meilleure des choses à faire était de regarder des guignols courir autour de plaques en caoutchouc.

Acceptant les excuses du sportif d'un geste de brassage d'air de la main droite, il dériva son regard vers la soviet qui titilla sa curiosité. Armé, organisé, qui se déplace en véhicule militaire, il n'en était pas certain au vu du peu d'intérêt qu'il accordait aux propos de Lex à ce moment là mais elle et Fitz avait évoqué un groupe de ce genre. Aucun des membres de la ferme n'avaient d'ailleurs chercher à faire le rapprochement entre cette foutue Victoria et la possibilité que les amis qu'elle avait évoqué en tabassant la patronne soient ces mêmes personnes.

- J'étais en ravitaillement le jour où ils sont arrivés, je n'ai que ce nom on va dire... Cette fois même le costaud eut l'air d'être peu convaincu par son discours, ce qui n'était pas étonnant puisqu'il ne savait même pas où il allait en faisant tourner sa langue. Bon ok, je dis de la merde mais j'ai déjà entendu parler de ton foutu groupe quelque part et si vous n'en faites pas parti alors on cherche peut-être la même bande de trouduc ? Y'avait une peste, brune, genre la trentaine ?

C'était les seules indications qu'ils avaient recueilli auprès d'Aly qui avait préféré ne plus jamais aborder le sujet ensuite alors même si ça relevait du fantasme, il désirait tant que cette indication puisse leur être familière.
Il regrettait de s'être trahi seul sur ses mensonges mais quelque chose lui disait que les deux comiques ne lui causeraient aucuns ennuis.

- J'dis ça parce que si elle se trouve dans votre squat, ça risque de jeter un froid quand je lui ferais sauter la cervelle devant ses copains.

Loin d'être agressif, il les avait alerté en affichant un sourire doucereux, qu'ils apprécient ou non, il comptait bien respecter sa parole même s'il s'agissait de son dernier acte. L'idée de base, l'exigence de Meg était de la capturer vivante mais s'il fonçait dans un guêpier, il ne resterait que cette issue.

« Shepard. » Rectifia-t-il d’une voix plus sombre.

Très honnêtement, Connor pouvait se montrer compréhensif, mais ce type pouvait lui taper sur le système formidablement. Et ça se voyait, à sa mine désormais fermée à la bonne humeur, et à sa position raidit. L’agacement était palpable, et ses commentaires ne firent que mettre un peu plus d’huile sur le feu. Il ne s’attendait pas à ce que Roza puisse y faire quoi que ce soit : sa partenaire ne l’avait jamais vu comme ça, et ça faisait pourtant quelques temps qu’ils évoluaient ensemble. Il y avait cependant des signes qui ne trompaient pas, et Connor se contentait là de donner un seul et unique avertissement :

« ma blessure m’empêchera pas de t’éclater le crâne ou de te rattraper si tu comptes t’enfuir. » Avertit l’homme sèchement.

Oh, il était doué pour faire un tour de terrain en un temps record. Ses homeruns ne se comptaient plus, sa carrière avait été fulgurante. Si son épaule faisait des siennes, pas ses jambes. Et lorsqu’il avait une batte entre les mains et pas de balle à renvoyer, mieux valait que ça ne soit pas la tête d’un merdeux qui n’avait jamais rien accompli de ses dix doigts qui lui tombent sous la main. Surtout quand le dit merdeux était particulièrement agaçant. Il fallait avoir les arguments pour se montrer grinçant : Finan n’en avait aucun.

« Ne prend pas trop la confiance sous prétexte qu’on s’est pas montré hostile. » Ajouta-t-il sur le même ton. « Je suis pas ton pote. »

Et vu qu’il se montrait con, ils ne le seraient jamais. Dommage pour Finan, c’était l’occasion de se faire des alliés, et vu sa susceptibilité, c’était même probable que ça ne soit pas rattrapable en l’état. Quoi qu’on en pense, c’était probablement absurde, la blessure dont il avait écopé lui gâchait la vie. C’était un sujet sensible, qui pouvait le mettre en danger de mort aujourd’hui. Ça lui avait pourri sa carrière, obligé à revoir ses plans, l’horizon qu’il s’était tracé.

C’était un passage songe dont Connor ne parlait jamais. Même Quinn n’en savait rien, et les rares à avoir été mis dans le secret n’était plus. Ça lui avait donné un sacré penchant pour la bouteille au passage, et l’apocalypse était arrivée à point nommé pour lui permettre de penser drastiquement à autre chose. Le regard sombre, il coupa court pour sa part à la conversation :

« J’en sais rien, adresse-toi à la dame. » Lâcha-t-il.

Susceptible, donc.

Contrairement à Connor, Roza n'avait pas assez percé dans le milieu du tatouage pour être reconnue par le premier susceptible du coin. Shefield ? C'était quoi ce nom ? Comment osait-il déformer la précieuse renommé que possédait la famille Shepard, grand héro de la trilogie de jeux vidéos Mass Effect ! Au bucher Finan !

La fin de sa phrase suffit à raidir l'encrée, jouer sur sa blessure n'était vraiment pas fin de sa part et la russe n'était pas sans ignorer le poids que cela pouvait représenter pour son Bro. Sans pour autant en connaitre les sombres détails, elle s'était déjà surprise à s'imaginer à sa place et devoir ainsi arrêter les tatouages à cause du tendinite au poignet ou une autre connerie du genre. Finir sa carrière là dessus n'avait sans aucun doute rien d'agréable et devait encore à l'heure actuelle être un bien triste souvenir. L'attitude sèche et agacée de son co-pilote suffit à raffermir son idée, Finan jouait vraiment au con et l'envie de lui décoller une bonne gauche pour lui soutirer quelques dents titilla grandement la russe.  

Elle allait l'ouvrir pour le remettre à sa place mais à peine ses lèvres furent entrouvertes que Connor avait déjà déballé une jolie menace qui était de bon ton. Inutile d'en rajouter donc et de toute façon la russe était maintenant relativement surprise par la soudaine noirceur de son ami pour rétorquer quoique ce soit. L'inconnu l'avait certes mérité mais c'était en général plutôt son rôle de claquer ce genre de paroles avec son accent qui donnait du peps aux menaces.

Retour sur l'histoire de l'étranger qui s’emmêla à nouveau les pinceaux pour revenir sur ses propos afin de leur avouer la supercherie précédente. Pour la confiance, ça semblait être un bon point, ils avaient en plus de cela à faire à une piètre menteur. Le point intéressant tourna autour de ce fameux groupe dont il affirma en avoir déjà entendu parler, cela suffit à envoyer au loin l'envie de lui refaire le portrait car le jeune devenait soudainement des plus captivant.

Roza étant la guide vers la prochaine destination, elle en profita pour arrêter bien soudainement la marche en croisant ses bras sous sa poitrine. Laissant ainsi ses mains flirter avec les crosses des 9mm qui pendouillait à ses flancs sous sa veste en cuir clouté ouverte, au cas où.

"Où tu en as entendu parrrler ?" Le fait qu'il puisse y avoir d'autres survivants du lycée ne lui avait même pas effleuré l'esprit, elle était persuadée que les connards avaient simplement encore frappés et ruinés un autre camp dont Finan pouvait en connaitre la position. "Et soit-dit en passant, ta descrrription est trrrop vague, y a bien une quarrrantaine de perrrsonnes dans leurr rrang." Alors trouver une brune, peste et dans la trentaine c'était une mission impossible avec des éléments aussi communs.

Après s'être retrouvé en position de faiblesse suite à l'aveu des mensonges censé protéger les siens, le grand benêt irlandais et sa bouche tout aussi large semblaient reprendre le dessus sur ses acolytes de la journée en titillant leurs nerfs.
Il avait baissé subtilement la main vers son arme au moment où le joueur de baseball avait commencé à s'énerver mais avait bien vite repris confiance en comprenant qu'il se contentait de l'avertir, au moins pour cette fois. Le fait de lui avoir fait ravaler son sourire et ses vannes douteuses était un vrai régal et continuer de lui rabattre le claquet aurait été plaisant mais il s'en garda bien.

- Désolé Shepard je voulais pas t'énerver ! s'excusa-t-il en cherchant médiocrement à camoufler un rictus moqueur.

Effectivement il n'était pas pote, néanmoins il ressentait une impétueuse envie de lui taper amicalement sur l'épaule en se justifiant mais l'arrogance dont il ferait preuve s'il ne refrénait pas cette pulsion risquait de lui faire gagner un coup de batte en pleine figure.
Il exauça donc le souhait du sportif et s'adressa à nouveau à la brune qui se stoppa net au moment où il dévoila le détail de trop.

- Hé ! Encore des menaces, non verbales cette fois mais les doigts qui glissait près de l'arme de la dame suffit à stopper son impertinence en échange d'une nouvelle posture alarmé. On va passer la journée à se menacer ou on avance ? Vous me faîtes pas confiance, je vous fais pas confiance, ok ! Je sais pas grand chose sur ce groupe, j'en ai juste entendu vaguement parler par une peste !

Du même genre que cette Roza mais il se garda bien d'énerver l'un des deux à nouveau en lui exposant ce fait. Il espérait que les réponses fournisses l'inviteraient à reprendre le chemin de ce fameux squat dont elle parlait car il n'avait pas pu être plus honnête depuis le début de leur conversation. Il ne savait rien, il ne connaissait qu'un nom.
Heureusement l'étrangère, elle, avait des choses à lui apprendre, leur nombre tout d'abord, en l'apprenant il était conscient qu'Aly et Meg les avait sauvé d'une mort certaine.

- Une quarantaine hein ? Alors on doit sûrement chercher les mêmes personnes, pour le peu que j'en sache. Conclut-il sur un ton froid. On peut reprendre la route ou... ? Sans finir sa phrase, il fit les gros yeux en montrant l'arme qui pendait aux hanches de son interlocutrice. Visiblement, Finan ne deviendrait pas leur ami alors il était temps qu'elle décide ce qu'elle comptait faire de lui.

Passer la journée à le menacer ne l’aurait pas fondamentalement dérangé pour sa part. Connor avisa simplement Roza d’un regard en coin, l’air de dire qu’un mot de trop et il lui claquerait probablement une droite ou lui éclaterait un genou, au moins par principe. Difficile de dire si la russe pouvait lire dans ses yeux clairs l’envie qui le démangeait affreusement comme une plaque d’urticaire lui recouvrant l’intégralité du corps, mais elle devait au moins avoir une vague idée de ce qui l’attendait. Heureusement, elle eut l’air de saisir ce qui se tramait sous son crâne, et prit le relai. Relevant par exemple des points qu’il n’avait même pas entendu, trop étouffé par son agacement.

Comme quoi, ils n’étaient jamais trop de deux têtes de cons pour ce genre de trucs. Elena avait raison : peut-être n’étaient-ils pas les plus doués pour la négociation, peut-être qu’ils allaient merder sous peu, mais au moins, ils se complétaient pas mal pour essayer de tirer quelque chose d’une rencontre avec un minable. Les yeux bleus de Connor sondèrent Finan un temps supplémentaire, alors qu’il tentait vaguement de faire croire qu’il ne voulait pas l’énerver. Ça ne matchait pas. Et maintenant, il pouvait être sûr qu’une crasse allait lui tomber sur le coin de la gueule avant la fin de la journée. Il y avait tellement d’occasion de la fermer, et si peu de gens pour les saisir.

Triste, n’est-ce pas ?

Se contentant d’un regard toujours fermé, et d’un sourire qui n’augurait rien de bon, l’homme n’ajouta rien à la discussion. Ses yeux revinrent vers Roza : ils n’avaient vraisemblablement rien à tirer de lui, mieux valait poursuivre la route tout simplement avant de se séparer. Ils ne s’en prendraient pas gratuitement à un môme. Par principe. Et oui, môme, parce qu’il avait vraisemblablement la maturité d’un adolescent de treize ans qui découvre son corps sur des magazines de lingerie. Mieux valait tard que jamais !

« On te suit. » Assura Connor à sa compagne de mésaventure tout simplement.

Il la talonnait pour sa part. Le No Man’s Land n’était pas très loin, même s’il n’avait aucune idée d’à quoi l’endroit pouvait ressembler pour sa part. Roza lui avait parler d’un entrepôt, mais entre les différents immeubles, il ne parvenait pas à le distinguer.