Re: Life is a chessboard

Tant pis pour la veste d'Ela. En trois coups de ciseaux, la manche fut coupée, et le bras, à l'air libre. Une fraction de seconde, on put lire toute la concentration du monde dans ses prunelles. Il s'agissait de savoir si la balle était à l'intérieur, si elle était ressortie ou pas, ou si la jeune femme n'avait été qu'éraflée, puisque tout le monde voulait se la jouer médecin sans savoir quelle procédure appliquer.
Il s'arrêta sur la troisième réponse. Pas de balle. Blessure superficielle. Première étape avant de nettoyer : stopper l'effusion de sang.

Ela s'agitait sous la poigne pourtant rigide d'Elias. Finalement déconcentré, il entendit la voix de Merl monter dans les décibels.

- Oh p'tin ce mec est un malade !

C'était là les mots qui étaient sortis de sa bouche alors qu'il s'était détourné de son travail. Le soigneur, à côté d'une Ela paniquée par les réactions de Merl, faisait tâche. Lui, se distrayait, juste, sans réfléchir aux possibles et dramatiques conséquences de l'attitude du frère de Jason.
Aaron réagit alors, et la claque sortit aussitôt Elias de sa brève rêverie. Il se mit sur ses jambes, titubant un peu dans la précipitation et manquant de se retrouver face contre terre, plantant là la blessée et l'hawaïenne.

Dans la précipitation, les deux hommes bousculèrent la foule qui bouillonnait. Pris au dépourvu et sans avoir pu réfléchir, Elias prit du retard à cause de son sac qu'il avait oublié.
Il arriva peu de temps après Aaron, qui avait commencé à s'en prendre à Merl. Les yeux du Polynésien captèrent très vite la blessure, et il rattrapa de justesse le Roger pour l'accompagner au sol, un peu plus loin, quand Aaron le poussa avec brutalité. À la fin de sa morale, Elias prit la relève, sans prendre en compte que, de l'autre côté de la porte, Chambers était toujours.

- Il vient de se faire flinguer la jambe putain ! On n'engueule pas quelqu'un blessé par balle ! Pas de suite ! P'tin il t'entend même pas ça s'trouve !

Il rapporta son attention sur Merl. Jason venait d'arriver à son tour, l'air hors de lui. Très vite, Elias décida de focaliser son attention sur le blessé, qui n'en menait pas large.

- Bouge-pas ! Bouge-pas putain t'es con ou quoi ?! Faut que … faut que j'vois … Merl, bordel de merde !

Il lui administra une gifle cinglante digne d'un grand film et l'immobilisa au sol.
Le front luisant, il tentait de plaquer les épaules du Roger sur le parquet. Rester ici n'était peut-être pas la meilleure solution niveau sécurité, mais niveau soin, c'était le protocole. Tant qu'il ne savait pas ce qu'il se passait, le blessé ne pouvait pas être bougé. Il espérait qu'ainsi éloigné au maximum du bureau maudit, cela suffirait à ne pas se prendre une balle à son tour.

Spoiler:

♫ ♪ ♫

Le coup de feu. La blessure de l’israélienne. Tout s’était passé vite. Trop vite. Choquée, sa cadette avait défailli, alors la rouquine l’avait soutenue à l’extérieur. Pour l’instant, ils n’avaient d’autres choix que d’obtempérer. Car ils étaient sur le fil d’un rasoir ; il était hors de question d’avoir la mort de deux innocents sur la conscience. Dehors, la troupe de révolutionnaires s’avançait déjà comme un seul homme et un brouhaha noya la voix de l’avocate à peine avait-elle restitué les événements.

Sous ses yeux, pris alors vie le scénario qu’ils étaient censés éviter. La violence. Les premiers appels à la vengeance se firent entendre et le flot de civils fut incontrôlable. Voilà pourquoi Stan avait tort : parce que les gens inexpérimentés étaient incapables de se tenir. Ils n’étaient que des animaux, affolés, déboussolés ou enragés à la moindre stimulation. Ils n’avaient pas de recul, ni ne faisaient l’effort de comprendre. Ils voulaient tuer une famille entière pour quoi ? Une égratignure qui sera résolue en quelques points de sutures ?!

- Qu’est-ce que vous êtes en train de faire ?!

Mais la plupart ne l’entendit même pas. Surtout ce Merl, dont une Ela attirée à l’écart hurlait le prénom. L’avocate échangea un regard avec Donovan et se fraya un chemin à la suite du frère Rogers, talonnée par Arizona. Ralentis par la foule qui se compressait, ils arrivèrent trop tard. Après les détonations, après les gugus venus arrêter leur ami, après un barbu apparemment hors de lui. Celui-ci se fit retenir au collet par le chef de la sécurité et le canon brillant d’un 9 mm l’empêcha de faire le fanfaron. De l’autre côté de la porte, les sanglots déchirant de Nina laissaient penser au pire. Un type était déjà en train d’essayer de soigner le blessé par balle, mais ça n’empêchait pas la quarantenaire de donner de la voix :

- EST-CE QUE VOUS ÊTES SÉRIEUX ?! ils avaient gagné, ils avaient réussi à briser le masque de glace pour révéler des traits furieux, est-ce que vous avez au moins compris l’enjeu de ce qu’on veut construire ?! De ce qu’Ela veut construire ?!

Elle utilisait le nom de l’israélienne parce qu’elle savait qu’il avait de l’effet sur cet abruti qui venait de causer un drame. La silhouette mince de la rouquine barrait alors symboliquement le passage vers le bureau de Benjamin Chambers, à ses côtés, Arizona avait aussi dégainé son arme pour mettre les intrus en joue. Donovan faisait de même. L’avantage des militaires : en tant que police de la ville, ils portaient une arme h24.

- Dégagez d’ici, trancha froidement June, tous, lui aussi, débrouillez-vous pour me le faire retournez dehors, ça lui demandait des trésors de retenue pour se calmer et accepter qu’ils prennent toujours part à ce renversement, on va posément réfléchir à quoi faire, sans que personne d’autre ne prenne stupidement cette maison d’assaut en causant d’autre victime.

Et quoiqu’ils décident, quoiqu’ils fassent, ce « peuple » venait de se faire déposséder de son droit au commandement. Ils n’étaient pas dignes d’une telle confiance, les jolis arguments démocratiques de la veille étaient caducs. Elle se tourna alors à demi pour demander par-dessus les pleurs de Nina :

- Benjamin, que s’est-il passé là-dedans ?

Spoiler:

Elle ne pouvait plus rien voir de ce qu’il se passait à l’intérieur. Obligée de se plier aux demandes d’Elias, l’israélienne cessa de remuer pour le laisser regarder la plaie. Régulièrement, cependant, elle jetait des coups d’œil par-dessus son épaule pour essayer de voir quelque chose. Aaron avait sorti Elias de son maigre labeur, plantant Ela là sur le perron. Hokulani prit le relai, désinfectant brièvement avant que le premier coup de feu ne retentisse. Ela sursauta et vit June suivre les hommes à l’intérieur. Elle se releva au moment même où le deuxième coup de feu retentit. N’y tenant plus, elle planta l’hawaïenne sur le perron pour entrer à son tour, en avoir le cœur net. La scène qu’elle découvrit était comme irréelle. Merl était à terre, tandis qu’Elias cherchait à s’occuper de sa jambe. June les surplombait tous, de sa haute stature et de sa voix coléreuse. Elle avait raison. Peu importe ce qu’il s’était passé à l’intérieur, le mal était fait. Leurs efforts de la veille n’avaient servi à rien. PIRE. Merl avait fait capoter toute l’opération pour une égratignure. Elle ne comprenait pas ce qui l’avait poussé à faire ça. Leur amitié ne légitimait pas une telle folie.

Partagée entre l’inquiétude et la colère, Ela se remit en marche, faisant claquer ses talons sur le parquet. Les hommes étaient en train de relever Merl pour le faire déguerpir de là, l’israélienne se planta devant eux, devant Merl. Elle jeta un coup d’œil à sa blessure, elle demanda alors prudente « Comment tu vas ? » Elle s’attendait à ce genre de réponse, Merl qui lui assure que ce n’est rien, une petite blessure de rien du tout. A peine eut-il ouvert la bouche que son ton se fit plus dur. « Je viendrais te voir après pour qu’on discute. On doit tenter de réparer les dégâts que tu as causés. » L’israélienne ne taperait aucun scandale devant cette foule qui s’agglutinait non loin du bureau. Elle était presque honteuse d’être la cause d’une telle réaction, de telles conséquences ! Elle n’avait jamais voulu tout ça. Du contraire ! Elle finit par contourner les hommes pour s’avancer prudemment non loin derrière June. « Je suis désolée… » Elle se savait responsable, elle ne comprenait pas les motifs d’une telle réaction de la part de Rogers, mais elle se sentait l’obligation de s’excuser auprès de l’avocate. A son tour, elle finit par tendre l’oreille. Elle ne se repositionna pas dans l’encadrement de la porte, une fois mais pas deux. Mais les cris de la petite à l’intérieur lui déchiraient le cœur. Est-ce que tout cela était réparable ?

Spoiler:

Tout ce qu'elle avait entendu était l'écho d'un coup de feu. Un sursaut s'était épris d'elle, mais les réactions vives lui indiquèrent rapidement qui était le destinataire de cette fichue balle : Ela qui, une fois revenue, fut rapidement rejointe par un Merl hystérique. Certes elle l'avait déjà vu dans un état similaire, mais ce n'était rien en comparaison avec ce qu'il beuglait à l'intention de Chambers qui, d'après les dires des personnes présentes, venait de s'enfermer avec sa fille et sa femme dans le bureau. Cet enfoiré avait donc deux otages. La cohue ne tarda plus à s'emparer du calme précédent. Il avait fallut que l’israélienne se mange la salve, un autre qu'elle n'aurait eu droit à tant de compassion soudaine, ni crise d'hystérie mal placée en vue des deux otages que retenait le leader encore en poste. Joann repoussa les crétins qui se bousculaient et lui beuglaient aux oreilles pour constater elle même les dégâts subi par Amrani, profitant de se rapprocher du groupe de quatre revenu avec elle. Une putain d'éraflure et déjà Merl hurlait qu'il voulait « buter » ce type ? Bordel était-il sourd ou sa cervelle était-elle complètement bouffée aux mites pour réagir ainsi ?!!! Déjà il se ruait vers le bureau.

Chambers tenait sa femme et sa fille et tout ce que ces connards pensaient à faire été de venger l'honneur d'une femme qui ne subirait que deux trois points de suture quand d'autres, dont une gosse, pouvait possiblement y rester ? Jetant un regard à Swann, se remémorant ce qu'il avait pu lui soutenir au sujet de ces boeufs tout juste bon à tirer une charrue et défoncer des gueules, Joann emboîta le pas de Floyd, Donovan et Arizona pour tenter d'aller virer Rogers. Malheureusement une fois sur place, il était trop tard, deux autres coups de feu l'avaient poussé à activer le pas. La scène se dévoila sous ses prunelles sombres. Merl blessé, Aaron à ses coté, et déjà Elias tentait de compresser la plaie tandis que Jason se faisait alpaguer par Floyd. Des connards, juste des cons à qui June dédia une gueulante qui l'invita à plisser les paupières. Elle les poussa à dégager fissa, déjà mis en joue par les deux militaires .

- S'tirer les doigts du cul pour faire d'la merde il sait faire !! Siffla-t-elle à avant de reporter son attention sur la porte derrière laquelle Chambers s'était reclus, interrogé par l'une des plus sensées de leur communauté.

- J'ai...... Siobhán est.... J'AI TIRE SUR ELLE !!! Son timbre chevrotait, pris entre les regrets et la folie furieuse qui s'emparait de lui. Joann fonça les sourcils tandis qu'il terminait de répondre à son interlocutrice derrière le battant du bureau. c'était un accident.... un accident.... Regrettait-il ? Un soupir lancinant traversa l'orrifice creusé par la balle puis il reprit tandis que la gamine sanglotait encore. J'exige un véhicule,.... Des vivres......

- Vaudrait mieux que ces cons s'tempèrent. Lâcha la Canadienne en un murmure. La gosse est encore avec lui, il faut qu'elle sorte de là. Reprit-elle quand Ela fut près d'eux.

Spoiler:

Jason s'était tout d'abord bien ennuyé devant cette fichue maison, à attendre que ceux envoyés à l'intérieur ne ressortent. Les choses n'avaient pas tardé à bouger, puisqu'ils avaient tout entendu un coup de feu. Après quoi, leurs représentants étaient sortis, Ela apparemment touchée mais pas gravement blessée. Il n'en avait cependant pas fallu plus à Merl pour voir rouge et foncer tête baissée. Le blond en fut presque étonné – presque seulement – car d'ordinaire c'était sa spécialité personnelle que de se comporter de la sorte. Non pas que son frère en soit totalement exempt, mais c'était sans doute le plus tranquille des deux en temps normal.
Sur une bordée de jurons, le cadet des Rogers tâcha de se frayer un chemin pour suivre Merl, mais il eut affaire à une foule compacte et agitée. Il n'avait pas vraiment prévu cela. Tout le monde voulait voir et savoir ce qui s'était passé. De fait, il y avait une sorte de cohue qui lui bouchait purement et simplement le passage. Pendant un instant, il songea à jouer des poings pour s'ouvrir une voie, avant de réaliser que ce serait sans doute la pire idée qu'il pouvait avoir. Même lui ne pouvait pas gérer toute une foule en colère. Lorsqu'il parvint à se dégager pour filer à la suite de son frère, d'autres coups de feu avaient déjà retenti, et Elias montait également pour voir de quoi il retournait. En arrivant sur la scène du drame, il vit que son aîné avait été blessé par balle à la cuisse. Partagé entre sa volonté de défoncer la porte de Chambers pour lui demander des comptes et celle de s'enquérir de l'état du blessé, la seconde option finit par primer. En s'approchant alors qu'Elias allongeait Merl, il flanqua un coup de pied sur le côté du fessier de celui-ci.

« Putain, t'y vas comme ça, sans arme, sérieusement ?

Le jeune homme ne pouvait pas dire grand-chose de plus. Il était inquiet. Cet endroit commençait à ressembler à un champ de foire, tout le monde finissait par se ramener. Heureusement, il n'avait pas vu l'intervention musclée d'Aaron, sans quoi ils en seraient peut-être venus aux mains. Ce fut l'apparition de Donovan, June et d'autres qui acheva de le rendre furieux. En voyant qu'ils étaient mis en joue, Jason se plaça entre les canons et Merl, puis planta son regard menaçant dans celui de Donovan pour lui parler d'une voix grondante.

- Vous avez intérêt à baisser ces armes si vous voulez pas que je vous les foute au cul.

Tout son être était prêt à aller à la confrontation. Même désarmé, malgré le fait qu'il s'agissait du reproche qu'il avait fait à Merl juste avant. Ce que voulaient les derniers arrivants, c'était parler. Et obtenir le calme en les virant tous d'ici. À contrecoeur, le blond se détourna pour se pencher vers son frère et Elias, avant de s'adresser à celui-ci en lui empoignant le bras. Il fallait qu'ils partent, soit. Il ne le ferait que pour permettre à Merl de recevoir des soins corrects.

- Bon, faut soigner mon frère. Et j'suis pas sûr qu'on puisse le faire bien ici. »

Spoiler:

J’avais entendu le coup de feu avant de sentir la douleur cuisante traverser ma peau. Je sentais mon corps s’effondrait sans que je puisse faire quoi que ce soit. La douleur était horriblement. J’avais déjà été blessé par balle, mais c’était toujours aussi violent à chaque fois. Je n’entendais plus grand-chose, ma vision se troublait. Je sentais des mains contre moi pensant d’abord à Jason, mais je me sentais être propulsé contre le mur et m’effondrait une fois en contact avec ce dernier. J’eus un instant de flottement ou je ne bougeais pas avant de me rappelait et commençait à me débattre en disant des mots incompréhensibles.

Je sentais une douleur sur ma joue, qui n’était rien en comparaison de celle de ma cuisse et pour le coup, Elias avait gagné son pari. J’étais en train de reconnecter un peu mes neurones et je le laissais faire. Qu’est-ce que je pouvais bien faire de plus. Je sentais également un coup de pied et je levais les yeux pour voir Jason. Ce n’était pas vraiment surprenant de sa part, je n’aurais pas dit le contraire. Il y avait du bruit autour du moi, des gens. Je n’arrivais pas trop à comprendre vraiment, mais je n’avais pas envie. Je posais une main sur ma tête réalisant que mon chapeau n’était plus là non plus. Il avait dû voler quand j’avais frappé le mur. Mais je n’en dis rien à personne de toute façon, je n’étais pas vraiment capable de parler.

On m’aidait à me lever finalement pour sortir d’ici, qu’est-ce qui c’était passé entre les deux, je n’en savais rien, mais la seule chose que je savais c’est que j’avais mal, j’étais blessé et j’avais déconné. Mon regard se posa sur Jason avec beaucoup de reconnaissance. J’étais content de pouvoir compter sur lui. Pourquoi est-ce que je m’étais laissé emporter comme ça pour Ela ? La réponse me paraissait évidente. Comment est-ce que je pourrais encore la regarder en face ? Je n’eus pas vraiment le temps de me poser la question qu’elle était devant moi, me demandait comment j’allais.

- C’est rien…

Je n’osais pas la regarder en face, je savais que j’avais fauté et que je n’aurais pas dû m’emporter. Il y avait eu de la casse à cause de moi. En soi ma blessure était un juste retour de flamme vu ce que j’avais fait.

- Je suis désolé.

J’avais parlé d’une voix faible, mais je savais qu’elle m’avait entendu. J’avais posé les yeux sur elle une fraction de seconde, l’air triste et inquiet. Je savais dans le fond pourquoi j’avais fait ça, mais fallait-il encore que je l’admette. Finalement, je sortais de la zone de conflit en compagnie d’Elias et mon frère.

- Jason, c’est marrant à chaque fois qu’il y a un truc comme ça, faut que l’un de nous deux se transforme en gruyère.

Un sourire débile apparut sur mon visage, je savais qu’il s’inquiétait et raconter de la merde était la meilleure façon de le faire se détendre un peu. Surtout que j’avais bien vu Donovan et les autres avec leurs armes prêtes à nous tirer comme des lapins. Mon avis sur ce camp devenait de plus en plus négatif c’était une certitude.

Spoiler:

- Vas-y, essaye, avait rétorqué Arizona au cadet Rogers.

Néanmoins, il obtempéra, alors elle consentit à ne pas en rajouter. Ela arrivait à son tour, la manche déchirée, sa plaie à peine nettoyée. Tandis qu’elle se penchait sur ce « Merl », la voix du sénateur se fit entendre par-dessus les sanglots de sa fille. Siobhán. June accusa le coup, la mâchoire crispée. Parce que c’était une femme qu’elle respectait beaucoup, parce que cette « prise de pouvoir » était censée se faire sans accroc… elle aurait aimé que Benjamin Chambers jette l’éponge. Qu’il ouvre la porte, cesse ses revendications… mais il s’accrochait désespérément à sa fuite. Terrifié par la vindicte populaire, sans doute.

Ses yeux d’émeraude toisèrent froidement l’architecte lorsque cette dernière la rejoignit pour lui présenter des excuses. Ce n’était pas devant elle qu’il fallait être désolée, c’était devant la petite fille de 11 ans qui venait de voir sa mère abattue. La quarantenaire ne dit rien, ils n’avaient pas le temps pour une querelle sur la question, d’autant que le mal était fait. Ils pouvaient simplement se contenter de limiter les dégâts.

- Miss Cain, l’alpagua June avec un calme glacial, quand j’ai demandé à tout le monde de sortir, c’était pour vous également.

Elle n’eut pas besoin de vérifier pour savoir qu’Arizona appuyait ses directives. Elle avait rengainé son arme mais incitait les autres badauds à au moins descendre au rez-de-chaussée, de sorte que seules les deux femmes – et potentiellement Donovan – soient encore à l’étage du bureau. L’avocate prit une profonde inspiration, ses cheveux soigneusement nattés désormais complètement brouillons.

- Benjamin… on peut encore arrêter tout ça.
- Non ! J’ai entendu, ils veulent me tuer !
- Ce n’est…, elle maudit Merl silencieusement, est-ce que vous pourriez au moins laisser sortir Nina ? Elle n’a rien à voir là-ded-
- Hors de question, coupa-t-il, c’est ma fille ! Ma fille part avec moi.
- Ecoutez, la vie dehors est… très compliquée. Ce serait plus raisonnable si-
- Allez-vous en ! ALLEZ-VOUS EN !
- Benjamin…
- Je ne sortirai que quand il y aura devant ma maison une voiture avec le plein d’essence et des vivres. Et que vous soyez tous partis !
- … ok, on y va, on va voir ce qu’on peut faire, acquiesça-t-elle en jeta un regard entendu à Ela.

Sur le retour, rarement June n’avait été si visiblement concentrée. Ses sourcils froncés ridaient l’espace entre ses deux yeux verts, ses mâchoires étaient serrées, ses lèvres pincées. Elle était toujours mesurée, calme, mais tous les enjeux de cette prise d’otage défilaient dans ses têtes. Ils ne pouvaient pas mener une action qui pouvait mettre la pré-adolescente en péril mais ils ne pouvaient pas non plus céder au chantage ou laisser le sénateur partir. Il mourrait et sa fille avec lui. Avant qu’elles ne soient à portée des oreilles des autres, elle s’arrêta pour faire face à la veuve. Son regard planté dans le sien, elle lui murmura sans l’ombre d’une hésitation :

- Il faut reprendre le contrôle de la situation. Est-ce que tu es avec moi ? Elle guettait ses signes d’approbation, à partir de maintenant, on prend le relai, Ela. Toi et moi. Personne ne saura faire mieux. J’ai besoin que tu me garantisses que tu as les épaules pour suivre.

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