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Déplacer les blessés dans l’infirmerie, ok. La musicienne n’était qu’une exécutante pour le coup, elle n’avait aucune expertise à apporter sur le sujet. Elle suivit le chilien qui avait pris son amie dans ses bras. Cette dernière semblait ne rien peser, comme si sa silhouette était déjà spectrale. Fantomatique. Elle aida ensuite à l’installer sur l’un des lits plus propres de la salle de soin. Les gémissements de douleur de la jeune mère lui arrachaient le cœur. Selene échangerait mille fois sa place avec elle si elle pouvait.

- Ok, je me dépêche.

Alors qu’elle partait en quête des dites couvertures, ses pensées s’échappèrent un instant vers leurs alliés. Où en étaient-ils ? Etaient-ils en de bonnes conditions pour réussir ? Aurait-elle dû y aller ? Non. Elle ne regrettait pas son choix. Elle ne voulait pas regretter son choix. Ici, elle pouvait sauver Ashley. C’était son objectif depuis le départ au fond, n’est-ce pas ? Elle et Hope. N’ayant pas pu faire les deux, son instinct avait tranché.

Le temps que la pianiste ait rassemblé ce qu’elle cherchait – certaines couvertures avaient été abîmées par les balles – tous les blessés avaient été déplacés. Un gros tas de tissus dans ses bras fins, elle peinait même à voir et trébucha plus d’une fois sur les corps qui n’avaient pas été enlevés des couloirs. Ils avaient eu le temps de les trépaner, pas de les déplacer. L’odeur de la mort saturait déjà la bâtisse qui ressemblait plus à un tombeau qu’une maison.

- Voilà, dit-elle en revenant, j’ai pris tout ce que je pouvais. Il y en a besoin d’autres ?

Elle tremblait de stresse et de nervosité. Ashley n’avait pas l’air d’aller mieux – pourquoi elle n’avait pas l’air d’aller mieux ?!

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Le ronronnement des moteurs avait fini par s'estomper. Il n'y avait plus que l'agitation discrète des survivants restés pour les blessés. Pour Finan. Ashley. Et elle... Elle voguait dans un dangereux entre-deux. Ses yeux saturés par l'épuisement peinaient à rester figés sur un point fixe. Elle se sentait faiblir, couler. Elle observait silencieusement les visages défiler près d'elle, en ayant par moment le sentiment de n'être plus là déjà. De regarder la scène de loin, spectatrice de sa propre fin. La fin... Comme tout le monde, la grecque y avait pensé, l'avait imaginé. Mais jamais elle ne s'était sentie si proche de précipice. Rattachée à la vie par un fil qu'une bourrasque pourrait défaire. En voyant la peine dans le regard de ses amis qui se relayaient pour éponger la sueur de son front, tenter désespérément de faire chuter le fièvre qui embrasait son crâne, Elena réalisa qu'elle avait peur.

Peur de ne plus les revoir. Peur d'avoir mené durant des mois une guerre qui ne connaîtrait que des perdants. Elle s'en voulait de ne pas avoir pris le temps de dire ce qu'elle avait sur le cœur à chacune des personnes qui partageait sa vie. Elle réalisait qu'elle ne reverrait sans doute jamais les hommes et les femmes partis à bord des véhicules blindés. Qu'elle ne reverrait jamais Ludwig, Caleb, Jeff et les autres. Qu'elle tirait un trait sur l'espoir de retrouver un jour Nolan, Carmen. Elle aurait tout donné pour partager un dernier instant avec Connor. Sans échéance pour leur gâcher le plaisir. Un pli vint creuser sa joue à cette idée, alors que la jeune femme avait fermé les yeux sans s'en rendre compte. Elle basculait de l'autre côté du miroir, là où tant de visages regrettés l'attendaient, là où il n'y aurait plus de point final pour ponctuer l'étendue de ses rêves. Elle pouvait déjà les voir...

Elena tressaillit légèrement lorsque les doigts chauds de Shawna vinrent prendre les siens. Sensation étrange. Contraste saisissant. Blafarde, elle s'efforça d'enjoliver le tableau pathétique qu'elle offrait. Elle essaya de se montrer rassurante, elle étira ses lèvres en un mince sourire. « ça va aller. » murmura la grecque pour la métisse. Elle avait tant perdu déjà, tant subi... La brune s'en voulait de lui imposer ça. À eux tous.

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Le stress montait mais la pression elle connaissait, quant à Shaw, elle voyait bien que la petite tremblait, blêmissait, la faire s'éloigner un peu de tout ça ne ferait pas de mal, et la rendre utile lui occuperait l'esprit autrement que sur tout le sang qui maquillait le carrelage et dans lequel ils piétinaient tous depuis des heures. Finan, arrêtes d'délirer, s'tu tiens bon j't'offre une clope et un verre t'entends ? Erika, elle l'observa, elle vit une larme filer l'un de ses yeux. La métisse revint vers eux trois et sa nièce agrippa le linge pour le déposer sur le front moite du jeune homme. Files vers Lis et les autres Shawna, ça va aller t'en fais pas, t'es forte. Allez, une nouvelle fois elle prit le pouls du jeune homme avant de voir Megan revenir pour lui donner des nouvelles des autres. C'était pas possible, ils allaient leur claquer entre les pattes. C'est bon, on embarque Finan, go. Soulevant au mieux le jeune homme, et tant pis pour la douleur dans son bras, elle laissa Erika leur dégager le passage et enfin tous parvinrent dans l'infirmerie. L’irlandais déposé avec précaution, Addison ouvrit une armoire et agrippa ce dont elle avait besoin avant de fixer Selene pâle comme un linge, puis Shawna tout aussi paumée. Merdier sans nom... Putain de bordel.

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Il sifflotait encore, peut-être parce qu’il avait remarqué l’étrange apaisement d’Ashley quand l’air lui parvint aux oreilles. Cela n’empêcherait pas la pauvre de souffrir, mais paniquer ne l’aiderait pas plus. Shawna revint avec des linges humides, et cette question dans le regard ; faisait-elle bien ? Bien sûr, une réponse silencieuse. La compresse d’Ashley était imbibée de sang, alors le médecin pris l’initiative de la changer. En des gestes rapides mais délicats, le croque-mort enleva les bandages posés dans l’urgence pour en placer de nouveaux. Le temps de terminer, Selene revenait avec les couvertures. Parfait.

Il laissa Ashley pour rejoindre sa leader et la débarrassa des couvertures pour les poser sur la table. « Tiens, prends-en deux, couvre Ashley et reste auprès d’elle. Elle a besoin de se sentir surveillée et rassurée. Si tu as la moindre question sur son état, le moindre doute. Tu m’appelles. Rassurer. Couvrir. D’accord ? » Il lui souleva le menton de deux doigts pour capter son regard perdu. Qu’elle s’ancre dans le présent. Maintenant. Parce que mine de rien, on avait besoin d’elle ici, même passivement. Quand il fut sûr qu’elle avait compris, il la lâcha. « Bien, je vais voir Elena. » Il posa sa main sur son épaule avant de la contourner, deux couvertures à la main, pour rejoindre le chevet de l’autre blessée.

« Tiens, Shawna, aide-moi. » Il n’avait pas tant besoin d’aide que de garder la jeune femme concentrée. Il voyait bien à quel point elle avait peur, à quel point elle était perdue ici. « Couvre la, son corps a besoin de cette chaleur pour tenir bon. » Puis il se rapprocha du visage d’Elena, toujours aussi nonchalant et décontracté. Il ne savait pas vraiment d’où lui venait ce flegme. Mais il valait mieux ça que de laisser sa peur pour Andrea lui vriller le ventre et lui faire faire n’importe quoi. « Alors, Querida, tu essayes de nous filer entre les doigts ? Je vais regarder ta jambe. » Sans la découvrir totalement, le chilien repoussa la couverture pour observer le bandage à sa cuisse. Elle avait eu de la chance. « Quelqu’un sait préparer de l’eau pour tout le monde ? Quelque chose à manger aussi ? C’est pas que j’ai la dalle, mais j’pense qu’on en aurait tous besoins… Pour les nerfs j’veux dire. » Dit-il sur un ton léger.

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Erika se pencha sur Finan, accompagnée de Megan qui vérifiait le pansement, prête à le changer étant donné la masse de sang sur ce dernier. Quant à elle, elle agrippa bétadine et autre anti-douleurs. Ils avaient rien de terrible cependant ils ne pouvaient pas rester sans rien faire. Focalisée sur ses propres gestes, elle était quasiment sourde à ce qui se passait autour d'elle, elle les entendait, appréciait même le timbre rassurant de l'hispanique. Ca ne servait à rien de hurler et ce type avait un effet apaisant ici, comme une aura bienfaitrice et zénifiante sur la pièce. C'était pas de refus, aussi se calqua-t-elle sur sa voix, sur le calme dont il faisait preuve avant de s'approcher de Ashley pour passer la main sur son front, éponger, à l'aide du linge humide ramené par la métisse, les perles de sueurs qui dévalaient ses traits blêmes tandis que Lisandro demandait de quoi boire, de quoi manger. Pas un mot ne fila ses lèvres, elle n'avait plus rien à dire à Grant qu'elle ne lui avait pas déjà dit.

- Shawna, Selene ? Vous pouvez vous en charger ? Étrangement sa voix était plus douce, comme un souffle. Il faut qu'on tienne nous aussi, vous avez raison. Indiqua-t-elle à son aîné, juste là, au chevet d'Elena. Et les faire boire sera pas d'trop, faut qu'la fièvre baisse.

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