Il lui faisait vraiment le coup de la princesse qui ne voulait pas quitter son château? Vraiment? À elle? Elle n'avait que tirer la langue à son tour, sachant très bien qu'elle n'avait même pas besoin de lui dire que c'était faux, avant de s'engouffrer dans l'habitacle. Et elle ne pu détacher ses yeux pâles du spectacle qui se déroulait juste devant elle. La main de Lance sur la cuisse de Vicky lui arrachait un sourire - un vrai - et elle ne tentait même pas de le cacher.  C'était vachement mignon. Pour être honnête, juste d'imaginer le bordel dans la tête de Blanche-neige à cet instant lui donnait envie de pouffer de rire, mais ses pensées voguèrent vers Nate, sans surprise.

Le petit moment ne dura pas, pourtant, puisque sa copine n'avait pas tardé à lui dire - assez clairement, d'ailleurs - de se la fermer, et de s'attacher en prime, avant de proposer son plan. Pas le choix de fouiller des planques d'étudiants, oui, puisque visiblement Starbuck avouait que ses réserves de café et d'alcool étaient à sec. Quel drame. « Va pour le campus, donc. » lâcha-t-elle distraitement.

La brune lui demandait ce qui n'allait pas tandis que Lance semblait chercher la trame musicale parfaite. Elle n'en demandait pas tant, sincèrement, et s'il pouvait trouver un truc pour lui éviter de discuter de ce qui n'allait pas, elle lui serait probablement éternellement reconnaissante. Et en manquant de s'éclater la tronche sur la portière au virage serré du pilote de brousse, elle posa les billes sur Victoria, non sans grimacer un brin de douleur à cause de sa plaie qui venait de tirailler grâce à son foutu copain. Elle ne s'y attarda pas, cependant.

« Il y a que c'était la merde à Gig Harbor, c'est tout. Si on trouve des comprimés pour la douleur, je devrais être de meilleure humeur. À noter l'utilisation du conditionnel, ici. » dit-elle avec son traditionnel petit air de Cendrillon qui poussait trop l'insolence. C'était pas comme si ça allait offusquer quelqu'un ici, dans tous les cas. Et elle disait la vérité, le pire. Mais peut-être pas toute la vérité, surtout au sujet de ce qui c'était passé au Ranch le mois d'avant. Mais Lance montait le volume pour leur faire profiter de cette poésie musicale, et elle n'avait pas eu à se fair prier pour chanter à tue-tête, s'approchant même des oreilles de sa copine pour l'emmerder encore plus.

Comment ça, la connasse ne chantait pas? « Okay, j'ai le deal du siècle pour toi. J'arrête de vous emmerder si tu chantes la prochaine chanson. » Et elle n'avait pas pu s'empêcher de rire en le disant. Elle était sérieuse pourtant. Le trio n'avait pas l'éternité devant eux, en plus, l'endroit était à peut-être à vingt minutes; alors la pigiste était bien mieux de dire oui.

- T’sais, fit Victoria au pilote visiblement satisfait de son choix musical, fut un temps où j’t’aurais dit qu’t’écoute d’la merde des fois.

Mais le pire, c’était de reconnaître que maintenant que spotify n’existait plus, toutes les bandes musicales étaient bonnes à prendre. Du coup, sans émettre la moindre note – parce qu’il ne fallait pas déconner – la pigiste dodelinait de la tête en rythme avec la musique. En tout cas, c’était ce qu’elle faisait quand les virages serrés ne la projetaient pas contre la portière du véhicule. De son côté, May prétendait que son seul souci, c’était de s’être fait torcher le derrière à Gig Harbor. En même temps, la trentenaire n’était pas là, comment ça aurait pu bien se passer ?! Elle expira un éclat de moquerie en secouant négativement la tête. Ahlala les drama-queens…

Sauf que voilà. Lance eut la bonne idée de laisser s’exprimer ses talents de chanteur pile à ce moment-là, ce qui suffit à donner à Cendrillon une excellente idée – de merde. Bizarrement, elle n’était plus grincheuse d’un coup !

- C’quoi déjà qu’tu veux ? Des comprimés pour la douleur ? Fallait l’dire princesse, j'viens d'me rappeler qu'j’ai un équivalent dans la poche.

Pour la comédie, Victoria fit mine de tâter ses dites poches et de glisser sa main à l’intérieur de sa veste en cuir, dans une cachette imaginaire, pour en sortir… un beau majeur dressé à l’intention de sa copine. Sans rancune Vanille, c’était beaucoup trop tentant.

- Jamais t’m’entendras chanter, ajouta-t-elle en la regardant par l’intermédiaire du rétroviseur, et j’cède pas au chantage. C’quoi la phrase ? On ne négocie pas avec les terroristes, pasticha la pigiste avec force d’exagération, et t’es une putain d’terroriste du fun aujourd’hui.

Quoi, c’était elle qui devenait bitchy ? Mais noooon c’était rien qu’une impression. Genre l’amour vache, qui aime bien châtie bien, ce genre de connerie. Et clairement, ça avait toujours été comme ça entre elle : on se réconfortait à coup de répartie dans les dents. Les soirées pyjama devant Bridget Jones, c’était pas son truc à Victoria.

En tout cas, parlant de terroriste, Starbuck était aussi un sacré jihadiste de la route ; ils risquaient d’arriver à destination en un temps record, en dépit des cochonneries semées partout, de l’asphalte abîmée et des charognes qui aimaient bien pointer le museau dehors dès que les pneus crissaient dans les virages. Ses yeux olivâtres, toujours alourdis par ses paupières tombantes, se posèrent sur Lance. Il n’avait pas intérêt à s’y mettre aussi pour qu’elle chante lui : c’était no – way.

Spoiler:

Elle avait manqué de lui casser le doigt en repoussant la main de Blanche-neige qui lui montrait joyeusement son majeur. Pétasse, va. Et si elle était une terroriste du fun - dans les faits, elle aimait bien le titre - alors qu'est-ce que Vicky était, elle? Une terroriste tout court. C'était pas May qui refusait de s'amuser, à l'instant. La miss avait éclaté de rire à la remarque de Starbuck, ne manquant pas de le féliciter silencieusement du regard pour cette délicieuse réplique concernant les talents de danse de mademoiselle Raven avant de froncer les sourcils à propos de ses railleries concernant ses talents à elle pour convaincre sa sainteté de s'ouvrir les veines. Mais peu importait.

Allez, la pigiste n'avait qu'à tenter sa chance sur la chanson du groupe rock féminin le plus populaire des années 70, pourquoi pas! C'était sans doute ce qui lui correspondait le plus, fallait avouer.  « Hello daddyyy! Hello mom! » lança-t-elle avant que Lance ne puisse continuer, secouant la tête comme une groupie dont la crinière ondulait au rythme du solo de guitare. Ou c'était peut-être parce qu'elle venait de se casser le cou à la manoeuvre du pilote. Putain de merde.

Enfin, ils étaient déjà à destination, de toute façon. Elle pouffa de rire - et sans se priver - quand celui qui avait toujours une connerie à dire désigna Victoria comme étant l'inspecteur Gadget. Une fois calmée, elle corrigea Starbuck. « Ça ressemble à tout sauf à CSI Miami, en fait. Et même si les petites fouines c'est parfois... » Elle hésita. « ...utile, souvent ça n'fait que gâcher nos scènes de crime. Et là tout le monde panique et me pose des tas de questions au laboratoire. » dit-elle non sans narguer sa brune préférée. « Et puis j'ai seulement été influencée par mon père. » reprit-elle en justifiant le fait d'avoir osé poursuivre ses études. Avait-elle seulement eu le choix de faire un truc moindrement pertinent, entre sa soeur si parfaite son frère qui n'aboutissait à rien? Elle n'avait pas détesté ça, en fait, les cours. Mais elle avait eu bien des difficultés à mettre de l'énergie sur ce qui ne l'intéressait pas, pourtant. Heureusement qu'elle avait trouvé un domaine qui piquait toujours sa curiosité, au final.

« À ton service. » glissa-t-elle aussi, en déconnant, quand il avait remercié le duo d'abaisser son QI au sien. Des héroïnes, qu'elles étaient. Rien de moins. Bref, Cendrillon sortait de la bagnole à son tour, s'armant tout de suite de son couteau, au cas où. Mais oui, comme disait l'autre idiot, c'était calme. Elle leva les billes sur la devanture majoritairement vitrée du bâtiment principal, se préparant à demander leur avis quant à la meilleure façon d'entrer, quand Lance ne pu s'empêcher de poser une question qui démontrait sûrement trop son niveau d'excitation.

« Ça dépend de quelle maison de fraternité tu t'attends à voir. Le truc dans les films mélodramatiques pour adolescents? T'sais dans le genre qu'on leur fait gober des morales à la con du style tu peux tout faire si tu y crois assez fort? Ou celles dans les films porno où le problème principal se règle avec une orgie alcoolisée? » Ouais, elle savait très bien quel film il préférait. Quelques secondes encore et il allait sortir une nouvelle idiotie. Mais elle avait continué à avancer, se disant qu'ils n'auraient qu'à passer à travers le verre cassé d'une des portes pour entrer. « Vous auriez fait quoi, dans la vie, si vous aviez eu à changer de carrière? » demanda-t-elle, curieuse. Aussi bien se changer les idées, autrement, Vicky allait encore l'emmerder à lui demander ce qui n'allait pas.

- Geeeeezus, souffla-t-elle à Lance qui en rajoutait une couche.

Toutefois, il avait au moins le mérite de l’avoir fait rire et la musique était déjà meilleure. Son expression faciale figée sur sa mérite mine sceptique, la trentenaire regarda ses deux amis faire les clowns un moment. C’était digne d’une scène de série américaine à la con sérieusement mais le problème, c’était que quand Cendrillon n’essayait pas de lui donner envie de se jeter d’un immeuble, leurs conneries étaient contagieuses.

- Ch-ch-ch-ch-ch-ch-ch-cherry bomb ! Finit-elle par se laisser prendre en couvrant aussitôt la musique, v’z’êtes putain d’contents ?!

Victoria s’égosilla malgré tout avec eux jusqu’à ce que la voiture ralentisse, en dépit des tentatives du pilote pour les tuer dans un virage. Ce dernier lui prit d’ailleurs au dépourvu avec sa petite pique métaphorique. Les grands yeux verts de la pigiste papillonnèrent un instant, allant de l’un à l’autre ; son air entre abasourdi et – il fallait l’admettre – amusé.

- Mais… niquez-vous en faites ! Et moi j’aimais bien v’nir t’faire chier à propos d’tes scènes de crimesnargua-t-elle en échange, j’dirais même que c’est c’qui m’faisait apprécier mon job.

Vrai que quand on était, comme elle, spécialisée dans les faits divers, elle était souvent dans les pattes des flics. Une vraie petite emmerdeuse – pour ne pas changer. Laissant les deux autres déconner sur les fraternités, la brunette étudiait les environs une fois hors de la voiture. Ça ressemblait typiquement aux genres d’endroits avec des mordeurs dans tous les coins : grands espaces, des recoins où se cacher à n’en plus finir et certainement un garde-manger au début des emmerdes.

- Hum ? Elle avait quand même distraitement écouté la question de May, p’quoi pas détective privée ? Remuer la merde des autres, j’suis sûre qu’ça aurait pu être drôle, en vrai, c’était de la triche parce que c’était un taf dont le fond ressemblait beaucoup au sien, hey, elle retint sa blonde préférée par l’épaule pour lui montrer une signalétique qui pointait d’autres bâtiments, c’par là l’campus.

Ça demandait de s’enfoncer sur le site mais c’était pour ça qu’ils étaient venus, non ? Ils n’allaient pas trouver d’alcool et de sextoys dans les salles de science de l’ingénieur… normalement. Et comme pour leur rappeler où ils étaient, deux paires de vieilles charognes entrèrent dans leur champ de vision, à une cinquantaine de mètres. Victoria serra la main sur sa batte en aluminium ; effort maximum. Elle avait pas mal de frustration à décharger, ça lui ferait du bien de se venger sur des crânes mous.