Raphaël me donne quelques conseils sur la façon de déguster le vin. Je l’écoute avec attention avant de les mettre en pratique. Sûrement faut-il du temps et beaucoup d’expérience pour réussir à percevoir toutes les notes fruitées dont il me parle. C’est alors que je me souviens d’avoir eu une conversation sur le sujet avec le grand-père de ma meilleure amie. Nous avons parlé longuement du métier d’œnologue lors d’un repas où il m’avait proposé de goûter un vin bordelais. J’avais poliment refusé, trop jeune à l’époque. Mais tout comme l’italien, il m’avait parlé de cet art subtil, de toutes les saveurs incroyables que l’on pouvait deviner dans un verre de vin. Cela m’avait subjugué à l’époque et je dois dire que je suis tout aussi intéressée par les paroles du tailleur aujourd’hui.

Venant d’une famille de vignerons, je ne doute pas qu’il ait eu le temps d’en apprendre beaucoup sur le sujet, malgré son jeune âge. Je trouve ça plutôt fascinant à vrai dire. Outre son talent pour la création de vêtements, il semble tout aussi compétent dans ce domaine. Cela m’impressionne évidemment. Alors que je prends une nouvelle gorgée de vin, je ferme les yeux quelques instants. Je prends le temps de le déguster comme il me l’a dit. Mais visiblement, je dois faire partie de ces personnes dont il parle, celles qui ne perçoivent pas grand-chose. Peut-être qu’avec le temps ça viendra ?

La conversation dérive alors sur le monde de la mode. Son monde à lui. Il me flatte alors de nombreux compliments, m’imaginant vêtue d’un chemiser blanc, d’un tailleur crème et d’une ceinture pourpre. Je ne peux m’empêcher de rire un peu lorsqu’il parle de mon présumé caractère sulfureux. Mais les derniers mots qu’il me souffle me font rougir. J’échange un regard timide avec lui, baissant alors mes yeux vers mon verre de vin. Je n’ai pas vraiment l’habitude qu’on me fasse autant de compliments et je ne sais pas où me mettre.

Peut-être le remarque-t-il ? Car il finit par me questionner sur mes projets, balayant ainsi cette gêne qui s’est installée entre nous. Parler de mes ambitions, de ce que j’aurais voulu faire, cela est bien plus simple pour moi. « J’imagine que j’aurais commencé comme assistante. Planifier les rendez-vous, tenir compte des différents aspects protocolaires, servir d’interprète, organiser les déplacements… » Je m’étais beaucoup renseignée déjà. Bien sûr… Devenir à terme ambassadrice aurait été à terme un bel objectif. « C’est un métier très prenant et intéressant. J’aurais vraiment aimé faire tout ça, surtout en Italie… Ou en France. » Après tout, je me suis débrouillée très tôt en français, parlant presque aussi bien qu’en anglais.

Il m’apporte alors un verre qu’il remplit d’eau. Je l’écoute me donner de nouveaux conseils, riant doucement à ses derniers mots. Il s’installe à nouveau dans son fauteuil. J’attrape le verre d’eau avant d’en boire quelques gorgées. Toujours assise face à lui, nous discutons encore longuement. Il me ressert un verre et nous parlons encore durant plus d’une heure de sa vie, de la mienne. Me rendant alors compte que la soirée est déjà bien avancée, je me lève finalement avant de m’excuser « Il commence à se faire tard Raphaël.  Je vais y aller. » Je lui accorde un grand sourire, sentant alors ma tête tourner légèrement. Sûrement le vin. Je ne suis pas vraiment habituée à boire. Mais je fais de mon mieux pour ne rien laisser paraître. « Merci beaucoup pour tout ça. Je ne manquerai pas de venir te voir pour voir ce que tu peux me proposer comme vêtements. J’aurais certainement besoin d’un nouveau tailleur. » Je récupère mes affaires avant d’enfiler mon manteau. Mon hôte me raccompagne jusqu’à l’entrée où je lui souhaite « Bonne nuit. A bientôt. »