Stan avait acquiescé. Il lui dirait tout ce qu’il savait sur ces étrangers. Il n’avait pas grand-chose de bien secret pour l’instant. Mais effectivement, il ne s’attendait pas à capter 2000 messages par jour. Seuls les groupes relativement étendus pouvaient envisager de communiquer de cette manière et en quatre ans d’apocalypse, ils n’en avaient pas rencontrés énormément. Ils en avaient d’ailleurs éradiqué la plupart…

- C’est exactement ça, ajouta-t-il à la remarque de Cole sur leur besoin de se coordonner pour utiliser leurs hélicoptères. En ayant récupéré un eux-mêmes, ils réalisaient seulement toutes les contraintes qui allaient avec ! Et oui le résumé de Casey était aussi exact. Il pinça les lèvres en acquiesçant. Trouver leur position était leur priorité, car il leur offrirait l’opportunité une nouvelle fois d’attaquer en premier. Mais être au courant à l’avance d’une attaque contre leur foyer aussi avait son importance. Car cela restait finalement la principale menace… celle aussi avec la plus grande probabilité. T’en fais pas, il n’est pas question de t’laisser sortir tout seul, répondit-il, ensuite, un brin moqueur.

C’était bien simple : personne n’allait dehors en solo. Pas même les survivants les plus aguerris. Il jeta un coup d’œil à sa copine : certes la présence du petit génie serait d’une bonne aide, mais pas s’il était un parfait boulet ! Surtout vu le problème de confiance qu’affichait le hacker envers bien des gens. Est-ce qu’elle n’aurait pas mieux fait de se taire ? Qu’importait, ils pourraient reparler de ce détail plus tard. Déjà, ils réfléchissaient tous les trois à l’endroit où leur radio pourrait être installée.

- C’est pas bête. Du côté de Restauration Point, c’est en pointe, la vue est 100% dégagée à 320 degrés au moins ! Puis ça fait face directement à Seattle et toute sa zone. C’est pas en hauteur, mais l’intérêt, c’est que t’aies pas de reliefs ou de bâtiments pour couper les signaux, non ? La notion d’ondes et tout ça restait un concept un peu abstrait, mais dans l’idée, il n’était pas si loin ? On a un poste de garde là-bas, dans la maison qui est le plus à la pointe. Si on met l’antenne sur le toit, ce sera toujours ça ? C’était en tout cas la meilleure option qu’ils avaient, non ? Si vous êtes chauds, on peut même aller voir dès maint’nant ? Il reposa ses yeux sur le foutoir auquel Cole avait jeté un coup d’œil. Tu vois des trucs intéressants là-dedans ?

Ouais… que je souffle à l’argument de Cole, avec une petite grimace pour le coup. Il a raison : cette radio, ça peut être autant une bénédiction d’une malédiction, d’autant plus si quelqu’un cherche à nous la faire à l’envers. Le truc, c’est qu’on a besoin de bras pour la construire cette radio, de gens impliqués, qui devront comprendre pourquoi on fait ça : Suffirait qu’un des nouveaux recrutés soient de New Eden, et la radio pourrait nous causer beaucoup de soucis, que j’ajoute dans la foulée. Faudrait que ça soit que des gens qu’on connait d’avant, que je précise à Stan.

En lui, j’ai entièrement confiance, je sais qu’il fera vraiment ce qu’il faut pour qu’il y ait pas de problèmes ensuite. Pour personne. Mais restreindre les gens impliqués, ça signifiait aussi restreindre les compétences des autres pour nous aider dans le projet. J’veux dire : même moi, je vais pas forcément être utile, même si j’en ai eu l’idée. Un soupir m’échappe. Les garçons semblent, quant à eux, motivés pour aller vérifier si la radio peut être placé vers l’avant poste désigné. Je hausse les épaules : pas que j’ai pas très envie de venir, mais il faut quelqu’un pour Esther et je préfère être responsable.

Je pourrais la faire venir avec nous, sauf que bon… Il est déjà tard, Esther est pas une poupée, et c’est pas davantage responsable que de la laisser toute seule. J’esquisse un bref sourire : ils auront peut-être droit à un tête à tête, je serais pas utile dans la discussion de toute façon. Stanley connait mieux que moi ce qu’il peut offrir à Cole, et Cole est le mieux calé pour tout l’aspect technique du projet.

Je vais rester avec Esther, que je leur confie dans la foulée, avec un grand sourire amusé. Voir mon mec avec mon meilleur pote devoir s’apprécier alors qu’ils se ressemblent pas du tout, c’est quand même assez marrant dans l’idée : Le bar est fermé donc vous pourrez pas en profiter pour aller boire des coups sans moi, que je blague. Mais je peux mettre deux bières au frais pour votre retour, que j’affirme avec un petit signe de la tête.

Fidèle à lui-même, Cole se montra inquiet sur les gens auxquels ils pourraient être amenés à parler de ce projet. Stan échangea un regard avec sa copine, avant d'acquiescer sous ses recommandations.

- Ça peut s'faire, pas d'problème. Il aimait dans tous les cas ne pas s'emballer. Si ce projet ne les menait nulle part, il serait alors plutôt mal venu de commencer par s'en vanter !

Dans tous les cas, le jeune prodige sembla plutôt séduit par l'idée du militaire en ce qui concernait Restauration Point et il paraissait motivé pour commencer par une petite virée. Stanley acquiesça avant de se retourner vers Casey. Machinalement, ses yeux se levèrent vers l'étage, là où le bébé faisait sa sieste. Certainement plus pour très longtemps effectivement. Le jeune papa hocha la tête. La présence de la blonde avec son ami le rassurait car il le savait particulier et n'était pas certain de vraiment savoir l'aborder. Mais il était adulte après tout, alors il s'en tirerait !

- On décolle alors ! S'exclama-t-il en frappant dans ses mains. A tout à l'heure, ajouta-t-il en posant une main sur l'épaule de sa belle.

L'instant suivant, les deux garçons étaient sortis. Rejoindre la pointe la plus à l'Est de l'île représentait une petite trotte, même en passant par le bord de mer. Une bonne trentaine de minutes. C'était l'occasion pour les deux garçons de continuer à discuter tranquillement, pour s'amadouer mutuellement peut-être.

- C'est cool que cette idée te botte autant ! Si seulement ça peut fonctionner, imagine !

Capter les communications de leurs ennemis seraient un tel atout ! Ils le découvriraient encore quelques semaines plus tard, quand l'avant poste d'Agate Passage se ferait attaquer. Quand il parlait comme ça, Stanley n'était rien d'autre qu'un jeune adulte plein de fantasmes et de rêves. Bien loin finalement de l'image qu'il pouvait donner pour qui le connaissait assez peu ou ne le fréquentait que dans le « boulot » ou lors des expéditions au dehors.

- C'est bien qu'tu sois là pour Cas', elle a besoin d'amis comme toi, glissa-t-il au passage. Il voulait faire la conversation, mais très honnêtement, il ne savait pas vraiment trop quoi dire au garçon. En dehors des banalités.. Soit, s'il le fallait, ce serait en silence, ou à parler de ce nouveau projet, qu'ils passeraient le temps jusqu'au poste de surveillance.

- Si tu vois un ancien que ça pourrait intéresser, ouais carrément, n’hésite pas. Sinon je suis sûr de pouvoir te trouver un volontaire, répondit-il alors que Cole proposait de former l’un de leurs co-résidents, en même temps qu’il construisait sa radio.

Ils pouvaient aussi détecter la présence de d’autres groupes effectivement. Mais sur ce point Stan aussi se montrait méfiant. Ce n’était pas de la paranoïa, mais simplement du réalisme. Leur histoire leur avait prouvé qu’il fallait se méfier des groupes conséquents et les rallier devait se faire avec la plus extrême prudence. Mais qui savait : ils auraient peut-être besoin d’une aide extérieure le jour où ils découvriraient le camp principal ennemi et qu’ils voudraient passer à l’offensive. Contre des « milliers » ils n’étaient finalement pas grand-chose.

Ce fut alors que Stan se lança à parler de Casey, simplement histoire de combler le blanc. Ils avaient rejoint la côte et longeaient maintenant la mer. Devant eux : la partie sud de la baie de Seattle se dessinait. Il fit un hochement de tête sur les belles déclarations du garçon. Il ignorait encore que quelques semaines plus tard, il allait devoir lui sauter dessus pour l’empêcher de croquer littéralement une pauvre innocente. Sans y parvenir…

- Repos soldat, lui répondit-il, en affichant un sourire amusé, quand Cole se mit au garde à vous. Un nouveau blanc s’en suivit, que le geek chercha à son tour à combler. Aucun doute, ils étaient aussi peu à l’aise l’un et l’autre dans cette situation. Stanley ne put s’empêcher de lâcher un rire quand celui-ci évoqua la lecture. Pas vraiment non… J’ai pas pris d’vacances depuis 5 ans… A l’époque où tous les civils ici se la coulaient douce, il trimait déjà jour et nuit. En vrai, ça s’était empiré au fil des années. J’me pose rarement. La petite nous occupe pas mal pendant not’ temps libre, sinon j’essaie d’le passer à profiter des gens : Casey, les potes, tout ça.

Se poser seul, il ne se souvenait plus de la dernière fois que ça lui était arrivé. Certainement parce que lorsque ça se présentait, il tombait comme une masse, épuisé.

- Elle est où cette époque où on passait not’ temps avachis d’vant la télé, pas vrai ? T’aimes bouquiner toi, j’imagine. Geek voulait dire intello, voulait dire lecteur !

Si la discussion resta un peu forcée tout du long, les deux garçons arrivèrent finalement à destination. Ils continuèrent à longer la mer dans une balade finalement des plus sympathiques. Le vent soufflait fort néanmoins. La maison où se faisait le guet était quasiment face à la mer, à quelques mètres de la pointe, recouverte d’herbe.

- C’est là, montra Stan au plus jeune alors qu’ils s’approchaient. T’es déjà v’nu jusqu’ici ? Viens. Il l’invita à le suivre. A l’intérieur, deux personnes étaient de garde. Il leur présenta leur expert et lui fit faire le tour des lieux. Ça t’parait comment ? Lui demanda-t-il pour savoir si effectivement, ils partaient sur ça.