C'est pas ce qu'ils ont dit ! Que je balance dans la foulée en essayant de couvrir les voix. Le mari de l'autre, il déraille, ça a aucun sens ! Et à les entendre en rajouter, je suis en train d'halluciner. Je regarde Joachim et Kaya, j'ai besoin de savoir s'ils sont compris la même chose que moi, et décidément, oui. Viens ! que je souffle en attrapant la main de Kaya.

Je me lève avec elle, jette un regard vers Joachim pour voir s'il suit, et viens me planter devant l'autel avec les autres. Devant eux, même. Pour qu'ils nous voient tous, et qu'ils puissent pas nous rater. Nous trois, qu'ils ont quand même accepté de violenter par peur, au lieu de nous laisser nous expliquer.

Moi j'veux que vous disiez à Kaya que ce qu'on a découvert sur votre groupe, c'est vraiment des mensonges, que je souffle dans la foulée en portant la voix. Fébrile et tremblante, mais autant d'yeux braqués sur soi, ça fait peur. J'veux que vous nous disiez qu'on nous a menti, qu'les photos existent pas, que les preuves existent pas, que vous êtes tous heureux dans votre vie et que personne souffre chez vous à cause d'un quelconque système, que j'ajoute.

Ma main serre un peu plus celle de Kaya. J'ai besoin d'un soutien, je crois.

J'veux que vous me parliez de l'avenir qu'elle aura si elle va chez vous, comment elle sera traitée, ce qu'elle pourra espérer faire de ses cinq doigts, mon coeur bat fort dans ma poitrine. Parce que je suis en colère, surtout. Et mon regard il se fige finalement sur ce Philipp. J'veux le voir nous mentir en plein visage. J'veux savoir s'il va vraiment pouvoir regarder la fille de quelqu'un et soutenir ça.

Je les regardai tous, un à un, complètement interdit. Il y avait quelque chose de surréaliste à cette scène, à les entendre tous s’exprimer comme un seul homme. Mais au-delà de leur parole, les regards échangés en disaient plus long. De cette femme qui attendait le consentement de son mari pour s’exprimer. De cet homme qui n’osait pas s’exprimer en nous regardant en face. De tous ceux qui se taisaient encore, rongés par la peur.

Ces discours sonnaient faux. Je relevai le regard vers Ruben quand il attrapa la main de Kaya pour se planter devant l’autel avec elle. Je le suivis à mon tour, pour soutenir mon ami. « Tout ce que vous nous dites là, c’est surtout que vous les aviez rejoints parce que vous n’aviez pas d’autres choix. Vous craigniez ce qui peut vous arriver à l’extérieur de ces murs. Vous n’aviez aucune autre alternative pour y réchapper. Moi, ce que je vois, c’est uniquement votre peur. Vous avez peur de retourner là dehors. Vous avez peur de sortir du rang, vous avez peur de vous élever contre eux, parce que vous craigniez leurs représailles. Et par reconnaissance envers eux, vous êtes prêts à tout accepter ? Vous êtes prêts à les laisser piétiner vos valeurs, votre liberté ? » Ils n’étaient rien de plus que des moutons, parqués et prêts pour l’abattoir.

J’avais déjà dû fendre cette foule de contestataires, à peine quelques temps auparavant. J’avais encore des blessures visibles au visage de ce qu’ils avaient pu nous infliger, poussés par cette même peur qui les empêchait de réfléchir par eux-mêmes. Ca ne m’empêcha pas d’y retourner, de tracer à travers leurs rangs, pour me planter devant ceux qui hésitaient à parler, ceux dont la nervosité était presque palpable. Je me revoyais tellement en chacun d’entre eux, mais pas aujourd’hui. Je n’aurais pas baissé le regard si on s’en prenait à ma liberté. « Si vous voulez vous exprimer, c’est maintenant ou jamais, mais si vous décidez de vous taire maintenant… Vous acceptez de vivre avec cette peur jusqu’à la fin de vos jours, et de la transmettre à vos enfants. C’est l’avenir que vous allez choisir, pour vous et votre famille. » Je relevai le regard vers la femme qui s’était exprimée avec tant de conviction, avant de me planter devant ce Philipp, qu’on avait forcé à s’exprimer avec les autres. « Alors… C’est vraiment ce que vous vouliez ? »

Spoiler:

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« Oui mais ça gratte ! »

C'est sûr qu'elle ne devrait pas frotter, Ruben a raison. D'autant plus que c'est lui qui s'est donné la peine de lui faire ce bandage. Mais si elle s'enlève... Il le refera sûrement une autre fois, non ? Ce qui veut dire un peu de temps supplémentaire en tête avec lui, à observer son visage maltraité tandis qu'il se focalise sur son coude.

Joachim, par contre, elle a décidé de l'ignorer un peu. Il l'a abandonnée et même si elle est sait très bien que ce n'était pas volontaire, qu'il n'aurait jamais fait ça s'il avait su qu'elle se dirigeait vers lui, elle ne va quand même pas cracher sur cette opportunité de l'embêter un peu, non ? Il va un petit peu cogiter tout ça, ça va le rendre un peu cinglé et au final elle lui fera un grand sourire en lui tapant sur l'épaule pour lui dire que c'est franchement pas grave !

Et puis voici le trio sacré qui écoute des adultes tenter de convaincre d'autres adultes. La situation est presque irréaliste tant la confrontation tourne au dialogue de sourd. Mais Kaya se désintéresse désormais de ces gens et de leurs arguments. Ils veulent rester ? Et bien qu'ils restent... Des gens qui acceptent aussi aisément la servitude, elle n'en veut pas dans son entourage !

Et là, lààà, Ruben lui prend la main, l'aide à se relever et l'entraîne jusqu'à... l'autel ? Surprise, incapable de faire autre chose que de vivre ce conte de fée, l'adolescente n'ose même pas lui rappeler qu'elle n'est pas chrétienne ou que sa mère devrait être là pour assister à la cérémonie. Elle se retourne. Oui, Joachim suit ! Il sera probablement le témoin de son époux ! Et elle ? Qui va-t-elle choisir ?

Oui, pendant quelques secondes, Kaya croit que le plus beau jour de sa vie est arrivé. Mais loin de vouloir l'épouser, Ruben veut surtout réveiller un peu ces moutons. Sa frustration forgée par l'altruisme épate réellement la lakota. Joachim y va aussi de son petit discours. Wouah mais ?! Qu'est-ce qui leur arrive ? Ils sont vraiment trop classe quand ils agissent comme ça. L'adolescente, elle, est encore un peu surprise par leur véhémence et même si elle a senti la pression de la main de Ruben sur la sienne - il attend sûrement qu'elle dise quelque chose ? - elle ne voit pas vraiment quoi rajouter de plus. « Heu... Ouais, c'est ça ! Dites-moi que c'est qu'des mensonges les trucs sur les photos ! » Et puis parce que l'occasion est trop belle, elle en profite pour modifier un peu la disposition de sa main dans celle de son ami, entrecroisant ses doigts entre les siens.

l'réré: