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Re: We are a pair

Dim 29 Aoû 2021 - 19:46

Un léger rire passe les lèvres de la mécano à l’évocation d’Idriss. Elle l’aimait comme un frère, là n’était pas la question et quand elle allait au plus mal, il avait été à la fois une épaule solide, une présence tranquillisante et une voix pour la remettre dans le droit chemin. Mais elle ne l’imaginait pas remplir ce rôle de façon régulière. Le plombier et la psychologie, ça faisait quinze. Au carré. Arquant un sourcil et adressant un sourire en coin à sa partenaire quand celle-ci se rattrape, elle se dit qu’elles forment décidément une bonne équipe. Ailleurs, dans d’autres circonstances, elles n’auraient sans doute fait que se croiser, un peu aux antipodes l’une de l’autre. Mais ici, dans le chaos ambiant, ça avait matché dès le premier jour. Il lui semblait loin le temps où la forgeronne était venue lui demander de démarrer l’utilitaire qu’elle venait de trouver. Loin la première invitation à la forge et ce baiser non assumé. Loin le second “rendez-vous” dans la planque de Monroe et leur première fois. Elles s’étaient promis un non engagement sincère, avant de tomber les deux pieds dans le panneau.

Trois ans plus tard, le résultat était solide, durable, et sans elle, Monroe le sait, elle aurait sombré depuis longtemps. Malgré tous les mensonges, toutes les épreuves, elles étaient là l’un pour l’autre et l’une avec l’autre. Et ça avait plus de poids que tout le reste. Aujourd’hui plus qu’hier. “Ouais, ils donnent de bons restes...” confirme la jeune femme dans un jeu de mots douteux. Tant que les deals étaient respectés, elle n’allait pas cracher sur la main qui les fournissait en échange de leur travail.

Croquant à nouveau dans sa tartine, elle lève un sourcil sans forcément regarder la coutelière, suçant son majeur où la confiture a coulé, et, avalant sa bouchée, accorde un regard faussement suspicieux à l’évocation de la fameuse toubib. “Si elle a complimenté ta poitrine, je te préviens, je la défonce” glisse-t-elle avec un léger amusement, pas tout à fait sérieuse, mais un peu quand même.

Avant que le couperet ne tombe. Avant que son sourire ne quitte ses lèvres en une seconde à peine. Son regard dévie et se fixe dans le vide alors qu’elle a la sensation qu’on vient de la passer sous un jet d’eau glacé. Sa mère. Emilia. La seule évocation qu’en avait fait la trentenaire à Kara est quand cette dernière avait repéré son prénom tatoué sur ses côtes. La blonde avait pensé à une ex et la jeune femme l’avait corrigé. Mais c’est tout ce qu’elle en avait dit. Si elle avait énormément parlé de son oncle, jamais Monroe n’avait évoqué ses parents. Et encore moins sa mère. Elle déglutit, reposant la tartine entamée sur le plateau. “C’est pas la peine” tranche-t-elle un peu froidement. “Ma mère est morte il y a longtemps.” Elle aimerait jouer les dures, avoir la force nécessaire, après toutes ces années, de l’évoquer sans tremblements dans la voix. Mais c’est impossible. Pas de la façon dont on lui avait arrachée. “Et puis je sais comment elles se connaissaient.” Pas besoin de chercher midi à quatorze heures. Ce n’était pas un simple toubib qui avait opéré Kara mais une chirurgienne. Et elle avait quoi? Quarante-cinq? Quarante-sept ans? Non, elle n’a jamais parlé de sa mère à Kara, et pour une raison simple. Parce que l’évoquer lui rappelait les propres risques pour sa personne. La chose qui la terrifiait le plus en ce bas monde. Plus que les morts, plus que les vivants. “Elle était chirurgienne. Un des plus grands noms de la cardiologie de cette partie du pays. Je suppose qu’elle l’a connu à l’hôpital.” Quant à leur ressemblance, Monroe ne savait que trop bien à quel point elle ressemblait à sa mère au même âge, dans un style diamétralement opposé. Et elle a beau tenté de donner un ton détaché à ses propos, elle n’est certaine d’y arriver.

Et pourquoi la doc ne lui avait rien demandé? Rien dit? Ah oui, la menacer lui avait sans doute couper toute envie de s'aventurer sur le terrain. Tant mieux d'ailleurs. La mécano avait longtemps été jalouse des patients de sa mère et de ses collègues qui la voyaient plus souvent qu'elle. "C'est tout ce qu'elle t'a dit?" S'inquiète-t-elle finalement.
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Re: We are a pair

Lun 4 Oct 2021 - 10:18


Sa moitié s’esclaffe et lui arrache par la même occasion un franc sourire. Élan de gaieté instantané dont l’écho réchauffe le cœur de la forgeronne. Rire et gaieté qui ne va pas durer, elle le sait, la vérité suivante va mettre fin à cet enchantement, à cet humour et à ces jeux de mots toujours aussi douteux mais toujours aussi joyeux. Rire et gaieté qu’elle aimerait kidnapper dans un petit écrin pour ne plus jamais s’en séparer, pour le garder toujours avec elle comme une porte de sortie en cas de coup dur, en guise de nouveau souffle.

Et la bombe est lâchée. Direction le passé, étape douloureuse pour chaque âme au cœur toujours battant, pour chaque survivant. La voix tremblante de sa moitié suffit à statuer sur le poids des mots qui s’écoutent difficilement, lourds et conséquents, douloureux à entendre mais aussi à porter. La forgeronne a toujours été impropre à exprimer un quelconque soutient oral, toujours maladroite dans l’usage des mots qui représentent pourtant l’unique lien d’un humain à un autre. Elle a depuis toujours renoncé à l'enchaînement de syllabes pâles à la fausse mélodie du réconfort, adoptant en général davantage la précision et la justesse des silences bien mesurés, mais aussi des gestes. “Oui, c’est tout.” Souffle t-elle, agacée par son handicap d’émettre des mots réconfortants. Sa main vient alors chercher une mèche rebelle contre la joue de l'encrée pour la ramener délicatement en arrière derrière son oreille. “Elle en a parlé… avec sourire et bienveillance." Ajoute-t-elle du bout des lèvres dans l’espoir de se corriger, d’apporter une touche positive, de mettre des mots sur les sentiments qui ont animé ce court échange avec la chirurgienne. “Et puis… Elle s’est volatilisée, je n’ai pas pu la rattraper.” Ajoute t-elle à voix basse, ses lèvres dessinant une légère grimace d’inconfort, frustrée par cette vérité qu’on lui a craché au visage sans lui laisser la moindre opportunité de réponse.

Sa main s’abaisse doucement pour venir frôler la sienne avant de s’en saisir délicatement. “J’ignorai qu’elle était morte… avant.” Sa voix est chargée d’émotion. Elle ignore l’année de la perte, tout ce qu'elle a, c'est le vague “longtemps” soufflé par sa moitié. Elle ignore aussi le drame que représente la perte d’une mère avant cette nouvelle ère où la mort d’un être cher est devenue monnaie courante. Tout ce qu’elle espère, c’est que son départ ne s’est pas fait trop tôt. Son seul réconfort peut porter sur le fait qu’elle n’ait pas assisté à l’extermination de plus de plus de quatre vingt quinze pourcent de l’humanité… c’est tout du moins la seule donnée que son esprit pragmatique lui murmure à l’oreille.
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Re: We are a pair

Jeu 7 Oct 2021 - 19:50

Sourire et bienveillance
Alors comme en écho aux mots de sa partenaire, un sourire triste étire ses lèvres. Oui, elle ne doutait pas qu’Emilia avait un jour inspiré ce genre de choses, avant la déchéance la plus absolue. Elle peut presque l’imaginer déambuler dans les couloirs aseptisés de l’hôpital telle une Reine, respectée, crainte, avec cette assurance sans faille. Elle a si longtemps jalousé cette bande d’internes aux yeux ronds buvant ses paroles et se nourrissant de ses enseignements. Eux qui avaient toute son attention quand petite fille, elle devait comprendre ses absences, en vain.
Avant que d’autres absences viennent semer le chaos dans son quotidien. Psychiques et mentales. Les pertes de vocabulaire, les mots sur le bout de la langue qui ne lui revenaient pas. Puis les oublis, de plus en plus nombreux, de plus en plus inquiétants. La mémoire qui s’était étiolée au cours des mois, bien trop vite, bien trop brutalement. Jusqu’à ce qu’il ne reste que des bribes de savoir, que des pièces isolées les unes des autres du grand puzzle de sa vie. Elle avait fini tel un fantôme, le regard vide, à la recherche d’elle ne savait quoi. Sans but, sans motivation autre que celle de manger. Même ça avait fini par l’abandonner. Elle s’était éteinte comme une ombre, celle de la femme qu’elle avait été, de la mère qu’elle avait été. Il n’était rien resté sinon la perte, le deuil.

La main de Kara dans la sienne la fait sortir de ses songes et le malaise revient. Monroe n’était pas du genre à s’épancher encore moins quand les blessures n’étaient pas totalement refermées. Mais la forgeronne lui avait confié bien des aspects de sa vie, lui avait fait confiance pour partager le fardeau qu’avait été la perte de sa sœur. Le déséquilibre engendré par les non-dits de la mécano ne lui rendait pas faveur. “Elle est morte quand j’étais ado.” Le silence retombe, pesant. Ça avait été le début des problèmes pour elle. L’alcool, la drogue, le sexe trop tôt, le rébellion… bon sang ce qu’elle détestait repenser à ce cliché d’adolescente à problèmes qu’elle avait un jour été. Jusqu’à l’infarctus de son grand-père, jusqu’à ce qu’Ethan la prenne sous son aile et la remette sur les rails. Sans lui, Clarke ne donnait pas cher de sa peau. “J’aurais aimé que ce soit rapide mais…” Elle repousse le plateau contenant la nourriture, l’appétit définitivement perdu. “Alzheimer précoce. Maladie dégénérative sans aucune chance de s’en sortir.” Un couperet toujours difficile à encaisser, même après toutes ces années. “Elle était brillante tu sais. Pas seulement dans son travail. Ma mère c’était… un puits de connaissance. Du genre à connaître l’Histoire sur le bout des doigts, dates et événements compris, à avoir tout lu, à avoir un avis construit sur tout. Elle faisait autorité, qu’on le veuille ou non. Son cerveau c’était… son bien le plus précieux. Ce qui faisait d’elle Emilia Monroe. Et puis…” La jeune femme déglutit, fermant un instant les yeux. “Elle a fini par ne plus se rappeler de rien. Ça a commencé doucement, quelques petites choses sans importance. Tous les bouquins qu’elle a lus lui sont devenus étrangers. Toutes les procédures médicales inconnues. L’Histoire se mélangeait entre dates, lieux et événements marquants. Puis elle a oublié certaines personnes. Pas mon père non. Jusqu’au bout elle s’est souvenue de lui. Mais moi…” Les paupières de nouveau ouvertes, elle fixe son regard droit devant elle, le souvenir encore bien trop vif dans son esprit. “La dernière fois que je suis allée la voir dans la maison de repos hors de prix dans laquelle mon paternel l’avait collée, elle m’a pris pour une infirmière…” Voilà le dernier échange entre la mère et la fille. Un vouvoiement froid, une réserve protocolaire, et le regard que l’on porte sur un inconnu à qui l’on offre une politesse d’usage “Elle est morte deux jours plus tard…”

Ça n’avait pas été rapide, ça n’avait pas été beau. Une longue et lente déchéance pour n’être que l’ombre d’elle-même, voilà comment avait terminé l’un des cerveaux les plus brillants de ce pays. Et avec cinquante pour cent de risque, c’était ce qui risquait d’arriver à Monroe.
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