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Sidus

Mer 8 Sep 2021 - 0:32


Début août 2021 •• Jour 1 ••

Cette maison aurait presque du charme. Face au bras de mer qui venait poser la main sur Olympia, avec un balcon tout en bois et une grande baie vitrée pour admirer la vue. Presque. Mais le temps avait pris soin de nuire au décor : l’humidité avait fané les murs, le vent marin avec charrié un sable grisâtre sur les rebords de fenêtre, le bois extérieur avait été abimé par les intempéries. Et quand bien même, Apple n’était pas sensible au cadre. Pratique, elle ne pensait qu’à la sécurité et à la survie.

Après une ou deux heures de marches pour mettre de la distance entre elles et le pavillon où s’était déroulé le drame, elles s’étaient établie ici. Leur planque pour la nuit qui était encore loin de tomber, avant de mettre le cap sur une autre destination. Elles n’avaient pas encore échangé grand-chose – sous le choc, peut-être. Première chose que la trentenaire avait fait, ce fut de baisser les volets roulants – munis qu’une commande manuelle, heureusement. Ils grincèrent un peu mais acceptèrent de se dégripper après un douloureux effort. Ensuite, les issues basiques : fenêtres, portes extérieures. Il fallait les bloquer avec des meubles lourds – au cas où.

Au final, il ne resta plus dans le salon qu’une table basse en verre. Les fauteuils qui servaient désormais à obstruer les entrées avaient laissé des marques sur le sol ; différence de couleur et de quantité de poussière. Apple était en nage, à cause de l’effort. Entre la sueur et le sang qui la maculaient, elle se sentait poisseuse. L’appel de la mer, pour ne serait qu’une toilette sommaire, était pratiquement irrésistible, mais elle craignait encore que Julian ou Chad ne les ait suivies. Elles feraient des proies faciles sur la plage.

- Je suis… je suis désolée que tu…, qu’elle ait perdu son foyer ? Qu’elle ait perdu une amie ? Ils n’étaient pas censés être là…, soupira-t-elle, comment tu te sens ?

Sa voix avait enfin rompu le silence qui entrecoupait jusque-là leurs échanges purement fonctionnels. Même si elle voulait donner l’impression de maîtriser la situation, la community manager était un peu désemparée. Elle avait, certes, autrefois proposé à sa cadette de la suivre, de partir avec elle, mais les choses devaient se passer autrement. Elles devaient voler des vivres, partir avec un vague plan, et pas sur un coup de tête en pleine canicule. Apple avait faim et ne savait absolument pas ce qui viendrait après. Timidement, elle souleva le tissu humide de son débardeur, de façon à ce que Charlie puisse voir ses côtes et ses reins. Elle avait mal, l’élagueur ne l’avait pas raté dans le sous-sol, mais elle n’arrivait pas à voir l’étendue des bleus.

- Tu veux bien… me dire à quoi ça ressemble ?
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Re: Sidus

Jeu 9 Sep 2021 - 21:27

J’aimerais pouvoir m’asseoir, le visage contre l’immense baie vitrée, le regard fixé sur l’eau et noyer mes pensées dans cette vision. Mais les volets ont été tirés et ne reste que des murs qui m’apportent tout sauf le sentiment de sécurité escompté. Les entrées ont été bouchées, les failles colmatées. Ici on ne risque rien sinon étouffer. De la culpabilité ressentie, de la présence de l’autre à laquelle nous ne sommes finalement que trop peu habituée. Mais quel autre option sinon la fuite? Quel autre choix? J’ai tranché en prenant son parti. À elle. J’aurais pu me ranger de leur côté, tenter de la raisonner, et j’aurais tout gagné. La sécurité de Sanctuary Point, l’affection indicible de celle que je considère comme ma sœur. Mais je suis là. Avec elle. Avec celle qui, un jour, m’a frappé, assommé, traîné dans une cave humide avec pour intention de me tuer et de se nourrir de mon cadavre. Voilà où m’ont porté mes décisions et cet esprit trop torturé, trop différent, assurément brisé. Et de cette norme dont j’ai un jour rêvé, il n’en reste rien. Il est trop tard pour moi, je m’en suis assurée deux heures plus tôt.

Oui, il ne me reste qu’elle. Apple. Un autre électron libre. Une autre anomalie que la société ne peut accepter. Et ce lien que je ne parviens toujours pas à expliquer. Si étrange, si ténu. Je n’expliquerai sans doute jamais ce qu’elle éveille en moi, par quel vice elle fait vibrer la bonne corde et trouve un écho dans une réelle affection. Je devrais la maudire, me nourrir des idées noires qui tentent parfois de me dominer.
Oui, quand je pose mes yeux sur elle, je peux presque voir mes mains se refermer autour de sa gorge pour la priver de cet air si vital tandis que je lui crierai tout ce que j’ai perdu par sa faute, tout ce qu’elle a gâché.
Oui, quand je la regarde, je regrette d’avoir un jour croisé sa route.
Avant de me rappeler que je n’ai qu’elle. Et que de tous les individus côtoyés au cours de ma sinistre existence, elle est la seule qui puisse réellement me comprendre.

Je pense à Hazel. Comment savoir si elle s’en sortira? Comment être sûre, maintenant que j’ai ruiné toute chance de la revoir? Et Erin… qui finira tôt ou tard par apprendre ce qui s’est passé, de la bouche d’un autre. Julian ou Chad. Et je ne sais ce qui est pire. Ce qu’ils déformeront, amplifieront, leur version bien à eux de ce drame, ou le fait qu’elle pourrait les croire et me condamner?

La voix de la brune me sort de ma rêverie et je pose mes yeux chocolat sur elle, sans expression particulière. Ressentir, c’est trop difficile. Je veux redevenir cette coquille vide, incapable d’être touchée ou de toucher un affect extérieur. Je ne veux pas de ses excuses. Je sais. Oui, je sais. Qu’elle ne les aurait jamais blessés. Et sans doute pour moi. Parce que cette affection n’est pas à sens unique. J’ignore ce qu’elle voit en moi, et je n’ai aucune certitude qu’elle ne se retournera pas contre moi un jour. Mais je n’ai pas besoin de ça. Alors je me contente de hausser les épaules. “Vide.” C’est le seul mot qui franchit la barrière de mes lèvres.

Posant mes yeux sur ses côtes bleuies, je finis par me rapprocher, relevant un peu plus son débardeur d’une main et passant le bout des doigts de l’autre sur ses hématomes, je grimace. Ce n’est pas beau. Probablement rien de grave, sinon elle n’aurait pas pu marcher si longtemps et encore moins déplacer des meubles mais elle va le sentir encore quelque temps. “C’est pas joli à voir. Il ne t’a pas raté.” Autant ne pas y aller par quatre chemins. Je n’ai de toute façon pas la force de minimiser l’impact que peut avoir mes mots. “Je trouverai des plantes pour soulager ça demain…” Et surtout, quelque chose à se mettre sous la dent. Même avec la canicule, il doit bien rester certains pieds.

Tout près d’elle, mes yeux glissent une dernière fois le long de son corps meurtri et je finis par planter mes iris dans les siens. “Tu crois qu’elle a une chance de s’en sortir?” Et si le ton est monocorde, mon regard se fait suppliant.
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Re: Sidus

Mar 14 Sep 2021 - 0:25

Ses lèvres s’étaient plissées. La réponse de Charlie en disait long sur son état d’esprit, mais la trentenaire n’avait pas les mots pour raviver son humeur. Bien entendu que c’était de sa faute. Son amie avait fait un choix, certes, mais elle n’aurait pas eu à le faire si elle ne cédait pas à ses pulsions. Apple détourna les yeux pendant qu’elle se faisait examiné. L’appel de la viande, c’était plus fort qu’elle. A l’instar d’un prédateur domestiqué qui avait fini par goûter le sang, elle avait besoin d’y revenir. Comme si chaque meurtre, aussi déchirant soit-il, suscitait aussi une forme d’excitation malsaine. Les « autres » lui faisaient également moins peur quand ils étaient réduits à la condition de gibier…

La question claqua soudainement entre elle. La community manager relâcha son débardeur, qui tomba mollement couvrir sa peau meurtrie. Elle étendit sa colonne, non sans grimacer, cherchant ses mots dans le regard suppliant de sa complice. La vérité était trop dure pour être entendue, la trentenaire ne voulait pas mutiler les espoirs de Charlie.

- Oui… oui ça va aller. Julian et Chad vont la sauver.

Honnêtement, Apple n’en savait rien. La balle pouvait tout aussi bien avoir traversé son flanc sans faire de dégât que se perdre dans un rein. Peut-être qu’à cette heure-ci, Hazel était morte et son petit-ami devait lui transpercer le crâne pour éviter qu’elle ne revienne. Peut-être, mais ce n’était plus leur problème maintenant. Et elles ne pouvaient de toute façon rien y faire.

- N’y pense plus. On doit… on doit s’organiser pour demain.

L’aînée jeta sa chevelure en arrière et s’accroupit devant son sac-à-dos. Il fallait faire le point sur ce qu’il lui restait. Allumettes (une dizaine), gourde (un fond), lampe-torche (dynamo), des cartes de la région, une boîte de conservation (vide), une pompe à vélo, une trousse de toilette de camping et quelques balles pour le glock qu’elle avait perdu. Ses couteaux de boucher aussi, étaient restés là-bas. Ce n’était clairement pas Byzance, mais elle avait connu pire.

- Au matin, j’irai chercher de l’eau pour qu’on puisse se laver un peu, surtout elle, ensuite… on peut devrait tenter de trouver à manger, avant de quitter la ville, par tous les moyens, elles avaient absolument besoin de se nourrir, on devrait trouver un moyen de tenir à deux sur mon vélo, Charlie n’était pas grande, elle devrait pouvoir s’asseoir sur le guidon par exemple, d’ici là… vaut mieux qu’on reste planquées.
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Re: Sidus

Mar 14 Sep 2021 - 19:40

J’acquiesce lentement, préférant me nourrir de cet espoir incertain plutôt qu’affronter une vérité qui me ferait sombrer. Oui, Hazel s’en sortirait. Les garçons l’auront ramenée à Sanctuary Point et Allegra aura pris soin d’elle. La matriarche n’est que pharmacienne mais elle a ce don pour soigner, pour remettre les gens sur pied. Ils auront trouvé une solution. Il lui faudra juste du temps pour se remettre physiquement, et davantage encore pour panser les plaies psychologiques. Mais elle s’en tirerait. Vivante. Oui, c’est ce que j’ai envie de croire, ce que je dois croire. Il n’y a pas d’autre alternative. Parce que si elle meurt, j’aurais tué la première personne dans ce monde à s’être liée à moi de manière si fraternelle et absolue.

N’y pense plus
Ce que j’aimerais pouvoir me fermer, appuyer sur un bouton pour effacer tout ce que je ressens, toutes mes pensées. Mais ce n’est pas possible, pas maintenant que je me suis accrochée, que je connais les affres de l’abandon, de l’attachement.

Mon amie s’abaisse pour se plonger dans un pragmatisme que je parviens même pas à effleurer en pensée. Tout a été si brutal, si soudain. Tout aurait pu se passer différemment, et je n’aurais rien perdu. Mais les choses sont ainsi faites et je dois apprendre à vivre avec. À survivre, à nouveau. La route, les kilomètres, l’insécurité. Tout ce que je redoutais quelques mois plus tôt devient soudainement ce futur incertain. Trouver de la nourriture. De l’eau. Éviter les morts, se méfier des vivants. Parfois, j’aimerais ne jamais avoir quitté l’église, ne jamais avoir rencontré Hazel, Erin ou Apple. Ne pas savoir ce que ça fait de tenir à quelqu’un. Ne pas encaisser ce que la perte inflige à l’esprit.

Les mots de la brune me parviennent mais ne s’ancrent pas. Je rêve d’une nuit qui durerait trois jours, sans cauchemars, sans mille pensées qui s’entrechoquent là-haut. Même la petite voix s’est tue, comme si consciente qu’elle n’aurait, cette fois-ci, pas voix au chapitre. Je suis seule, seule dans ma boîte crânienne. “Me laisse pas” que je murmure alors que je domine mon amie de ma faible hauteur, toujours accroupie vers son sac. “Ne m’abandonne pas.” C’est presque une supplique, moi et ma foutue peur de la solitude, de l’abandon. C’est plus fort que moi. Toutes les personnes qui ont un jour eu le rôle de s’occuper de ma personne sont parties sans se retourner. “Jamais…” Une larme finit par rouler sur ma joue, et Dieu sait comme elles sont rares, voire quasiment inexistantes. De toute ma vie, je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où j’ai pu goûter ce flot salé sur ma peau. “Je n’ai que toi maintenant. Que toi…” Murmure presque inaudible tandis que je ne quitte pas ses yeux.

Elle doit le promettre, même si elle ne le pense pas. Parce que je ne pourrais pas continuer sans ça.






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Re: Sidus

Mer 15 Sep 2021 - 10:13


La voix de sa complice sécha net ses réflexions pratiques. Apple leva les yeux pour rencontrer ceux de sa cadette, brillant d’une détresse qui roulait sur ses joues ivoirines. Ne pas la laisser. Une flèche invisible transperça la poitrine de la community manager, profondément touchée par cette supplique. Depuis le début, elle n’avait jamais eu personne de si… attachée ou dépendante. Ses frères étaient capables de se débrouiller, son père se servait d’elle pour justifier sa folie. Par la suite, elle avait été seule. Toujours seule. La trentenaire ne connaissait que la compagnie de ses souvenirs morbides, de ses humeurs changeantes et de ses pulsions incontrôlées. Avoir l’affection de Charlie, c’était… ça lui donnait l’impression de ne pas être si mauvaise… et d’être enfin comprise, dans ce monde humain qui la rendait malade.

- Jamais. C’est promis, certifia-t-elle, sans hésiter une seconde, je pourrais pas te laisser.

Parce qu’elles étaient différentes et semblables, parce qu’elles étaient deux anomalies, parce qu’elles devaient s’unir pour survivre aux « autres ». Apple éprouvait un immense élan d’amour pour cette femme, elle ne comptait vraiment pas se séparer d’elle. A ce moment précis, elle avait l’impression que c’était pour la vie. Qu’elle et Charlie vivrait ensemble jusqu’à la fin et partagerait tout ; le bon comme le mauvais.

- On va… on va se tirer d’ici et trouver un autre endroit où vivre tranquillement.

Où ? Elle n’en savait encore rien. La trentenaire ne savait même pas encore s’il existait un lieu à même de l’accueillir, qui serait compatible avec sa personnalité. Un refuge où elle pourrait manger à sa faim, mais où la présence humaine ne l’oppresserait pas. Un refuge où elle ne serait plus obligée de tuer et où on ne risquait pas d’essayer de l’assassiner dans son sommeil. Un refuge où elle cesserait enfin d’être en cavale. Les lèvres d’Apple se plissèrent un instant, puis elle se redressa et prit Charlie dans ses bras. Une étreinte maladroite, poisseuse, mais elle avait eu la sensation que sa camarade avait besoin de ces contacts – contrairement à elle. Elle s’écarta vite pour reprendre ses distances, lui soufflant à mi-voix :

- Vas te reposer, je m’occupe de veiller. On repart demain.
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Re: Sidus

Mer 15 Sep 2021 - 20:10

Les yeux dans les siens, je m’abreuve de ses mots, m’en nourris. Si pour certains ils ne sont que du vent, que les preuves par les actes sont nécessaires, il n’en est rien me concernant. J’ai envie de croire tout ce qu’elle me dit. Ai besoin de croire chaque syllabe qu’elle prononce. Elles deviennent une bouée à laquelle se raccrocher et si je ne me gorge pas de ses promesses, il ne me reste rien pour continuer à avancer.
Alors je scelle cet accord dans un coin de ma tête, noue plus fortement le lien qui nous lie. C’est elle et moi maintenant, contre le monde, contre les gens, contre tout. Jamais je ne laisserai personne lui faire le moindre mal. L’humanité entière pourrait se contenter de la cataloguer comme monstre que je me ferai l' avocate du diable. Les gens se contentent de ce qu’ils voient et surtout ce qu’ils comprennent. Apple n’est pas que cannibale. Mais c’est trop leur demander que d’aller à l’encontre de cette morale établie par d’autres. Ils ont leurs croyances, leur norme absolue. Mais elle m’a épargné. Il a suffit qu’elle comprenne pour me laisser vivre, pour me porter, pour devenir mon acolyte dans cette nouvelle société.

L’étreinte est trop fugace, trop brève. Je n’ai même pas le temps de lui rendre cet élan affectueux que déjà elle s’extirpe au contact et je baisse la tête, déçue, en manque. Alors j’acquiesce, me fais docile. Parce que c’est plus facile, parce que je n’ai pas la force ni de la contredire, ni de supporter la répulsion qu’un contact plus appuyé provoquerait en elle. Les yeux rivés au sol, je joue nerveusement avec mes doigts et me détourne.

Un autre endroit pour vivre tranquillement, est-ce seulement possible? Cet Eden existe-t-il? J’en doute très sincèrement, mais quel autre choix à présent? Fouillant dans mon sac, j’extirpe le sachet apporté avec moi alors que je tentais de retrouver sa trace. Quelques fruits, et des graines. Je sépare scrupuleusement le tout en deux parts égales et pose sa ration sur le sac de mon amie, allant dans un coin de la pièce principale.

Un vieux drap traîne dans le coin et après l’avoir épousseté, je l’étends au sol avant de m’allonger dessus, me servant de mon sac comme oreiller. Je sais que je ne trouverai pas le sommeil cette nuit, pas après tout ça, ou seulement nourri d’atroces cauchemars. Alors, les yeux ouverts fixés sur une lézarde dans le mur, je me recroqueville sur le côté, comme je le faisais dans ce placard sordide, chez Jane. Dans l’obscurité la plus totale, le regard fixé sur le seul point de lumière, je finissais toujours par me séparer de la réalité pour rendre le temps abstrait. Cette maison devient placard, la fissure dans le mur ce point de lumière. Et je laisse mon esprit dériver, se scinder en deux entités distinctes, me réfugiant dans celle que personne ne peut atteindre.

Dos tourné à la jeune femme, dans une semi conscience qui m’a sans douté manquée, je souffle un “je t’aime” sans savoir si elle l’entend. Rien de romantique, rien de sensuel ni de charnel. C’est une promesse, une affection fraternelle. Apple devient cette moitié qui m’a si cruellement manqué. Celle que j’aurais aimé avoir, enfant, pour surmonter l’absence de tout.

Absente mon absence, j’ai des yeux pour pleurer quelque soit la chambre...






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Re: Sidus

Dim 19 Sep 2021 - 15:14

Apple se sentait désemparée. Comment réagir face au désarroi de son amie ? Sa bouche s’ouvrit devant le don de fruits et de graines posé sur son sac, sans savoir quoi dire. Sa cadette se réfugia ensuite dans un coin, sans un mot, sur un drap vaguement épousseté. Pendant quelques secondes, ou bien étaient-ce des minutes, la trentenaire observa Charlie, le cœur douloureux. Elle voudrait lui dire qu’elle n’était pas obligée de rester, qu’elle pouvait retrouver Hazel, qu’elle l’autorisait à la quitter. La solitude ne l’effrayait plus, elle l’avait forgée avec les années. Le plus étrange était justement de ne plus être seule. C’était… nouveau.

- M-moi aussi, avait-elle répondu, machinalement, dans un faible murmure.

Apple se promit de ne pas manger la ration frugale que lui avait donné sa complice. Celle-ci méritait de la garder et de se nourrir. La faim était un démon qu’elle connaissait bien, elle savait comment lui tenir tête. Mais elle se refusai à laisser son unique amie en souffrir aussi. Pas tant qu’elle pouvait y faire quelque chose.

*

La community manager avait tenu trois heures avant que sa résolution ne devienne une véritable malédiction. Même avec l’approche du crépuscule, la chaleur caniculaire était à peine retombée. Prise en état entre la sensation d’étouffer et la faim qui lui écorchait l’estomac, Apple se prit à reconsidérer son opinion. Ne pas regarder les fruits. Si elle ne les voyait pas, elle ne serait pas tentée. Mais trop tard, elle les avait vus. Et si Charlie lui avait donné, c’était pour qu’elle les prenne, non ? Lui en voudrait-elle de les manger ? Ou lui en voudrait-elle encore plus de ne pas les manger ? Elle n’osait pas demander. La concernée n’avait pas bougé, l’aînée n’était même pas sûre qu’elle dormait. Lâchement, elle fuyait cette détresse contre laquelle elle se sentait impuissante. Pas grave, elle se rattraperait en la faisant survivre. C’était simple ! Du coup, elle ne mangera pas les fruits, elle les lui donnerait pour le petit déjeuner. Cette idée la fit sourire.

*

Mince, elle s’était assoupie. Apple se leva d’un bond, comme pour se punir d’avoir faibli. La nuit était tombée depuis plusieurs heures, elle s’était efforcée de ne pas fermer l’œil, mais… la journée avait été longue et les émotions intenses. La trentenaire se sentait fracassée, son cerveau avait décroché. Elle avait sombré dans le canapé qui servait actuellement à bloquer la porte – entre autre. La community manager mit quelques secondes à se rappeler où elle se trouvait et ce qu’elle avait engendré. Charlie. Penser à elle lui serra les entrailles. Une amère sensation de culpabilité lui envahit le gosier. Elle avait craqué, elle avait mangé la ration qu’elle s’était promise de lui garder…

Et la faim n’était pas loin. Toujours prête à la narguer.

*

Le jour ne tarderait plus. A travers l’un des volets endommagé, Apple avait pu s’assuré que le ciel commençait à s’éclaircir. Il se débarrassait de son noir intense pour virer au bleu nuit. Ses yeux étaient douloureux d’être restés ouvert, elle avait mal au crâne et ses membres étaient engourdis. Pourtant, elle avait rassemblé deux seaux trouvés dans le garage et appela :

- Charlie, tu dors ? Avant que sa camarade n’ait pu lui répondre, ou seulement manifester qu’elle ne dormait pas, la community manager déclara : je vais sortir nous chercher de l’eau.
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Re: Sidus

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