Je tourne brusquement la tête et recule de quelques pas face au boucan d’une grande pièce métallique qui dégringole des hauteurs de l’usine pour s’éclater à deux mètres de moi.

Ça m'aurait largement assommé, si ce n’est pas tué sur le coup.

Je lève le nez en braquant mon arme sur ce qui n’est d’ici qu’un amas d’ombres et de silhouettes industrielles. La lumière du jour perce depuis le toit, brasse des quantités probablement toxiques de poussière mais ne me permet pas de voir qui que ce soit.

Putain.

Il n’est pas tout à fait impossible que l’élément se soit détaché de lui-même dans ces installations en ruine. Mais ce scénario optimiste est brusquement balayé quand je reviens sur mes pas pour constater que la grande porte est fermée. Je tente de tirer sur les poignées. Bloquées.

“Ok… qui veut jouer avec moi ?” dis-je assez fort pour que l’intrus m’entende, du moins s’il est toujours dans les parages. Je suis vraiment curieux. Suis-je tombé dans le piège d’un pilleur ? J’ai hâte qu’il vienne se confronter à moi, que je lui montre qu’il a fait un bien mauvais choix de proie.

Prudemment, fusil à l’épaule prêt à tirer, je me détourne pour monter l’escalier métallique et grinçant qui donne accès à une plateforme de maintenance. Elle surplombe le grand four dans lequel passe la ligne de production de ce qui devait être de la transformation de ferraille. Quelques pièces difficilement identifiables y pendent encore, abandonnées alors qu’elles étaient fraichement peintes, prêtes à se faire sécher. Bien sûr depuis, le temps s’en est chargé. Plus loin, on peut vaguement deviner des presses et d'autres machines pour le traitement et la déformation du métal. L'odeur des produits chimiques flotte encore dans l'air, me donne l'espoir de trouver ce que je suis venu chercher.

Que j’abatte cet ennemi ou non, il me faudra trouver une autre sortie de toutes façons. Pas de fenêtres bien sur, les seules aérations sont en hauteur, difficilement accessibles. Mais il doit bien y avoir une issue de secours quelque part. L’autre n’a probablement pas souhaité s’enfermer à vie avec moi.

Dans mon avancée, je vois une ombre humaine passer plus haut encore. Elle se planque derrière un obstacle, mais ma lunette me permet de distinguer l'arrondi d'une tête. Je vise autant que l’obscurité me le permet, et tire. Au son, je devine que la balle transperce de la chair. Mais la silhouette ne s'écroule pas pour autant. Je la vois, au contraire, courir le long de sa plateforme avant de la perdre de vue. Je ne l'ai peut-être pas tellement touché, finalement.

Quoi qu'il en soit, la détonation a résonné dans le bâtiment. Peu importe, l'endroit est resté ouvert longtemps : ça ne délogera sûrement pas énormément de rôdeurs.

Dés:

Spoiler:

Je perçois du mouvement. La plateforme en métal battue par des chocs et des pas vibre sous mes pieds. Ce n'est pas dans cette direction que j’ai tiré. Pourtant, plus loin je devine des grognements, des respirations, sans comprendre tout de suite si elles sont humaines ou non.

Dans l’obscurité, une silhouette se lève sur mon avancée. Un rôdeur réveillé par la détonation est encore en train de se redresser sur ses jambes squelettiques quand je passe à ses côtés. Coup de crosse efficace et discret, j’écrase son crâne contre l’une des parois métalliques du four et continue en le laissant s’écrouler au sol.

Un impact plus important se fait ressentir. Je ne suis pas seul, c’est certain. On dirait que mon ami se bat contre les morts lui aussi. Mais tout ce raffut pour quelques cadavres ?

Je bifurque à droite. Une forme humaine tombe soudainement depuis l’étage supérieur et se raccroche à la rambarde devant moi. Un mec, définitivement vivant.

Le bruit attire un rôdeur bien amoché qui se traîne au sol près de lui. Il tend son bras désarticulé pour tenter de lui saisir la jambe. Je vise, tire : le crâne explose, emporte le reste du corps qui bascule sous la barrière pour s’éclater à l’étage inférieur.

Je croise son regard. Je m’en doutais un peu vue la silhouette filiforme. “Milow.”

M’a-t-il encore suivi ? C’est flatteur. Je me doutais qu’on se retrouverait. Et je suis ravi de constater qu’il tient lui aussi à entretenir ce jeu qui nous lie. J’esquisse un mince sourire satisfait en approchant prudemment. Je ne veux pas le faire fuir.

“Tu voulais me séquestrer moi aussi. Je suppose que c’est justifié.” J’hausse un sourcil, loin de ressentir quelconque colère pour ce retour de bâton. En réalité, je suis même content d’être tombé dans son piège. “Même si personnellement, j’ai eu l’amabilité de ne pas t’enfermer avec des rôdeurs.” Ca, c’est un petit reproche, c’est vrai. Enfin, ça n’est qu’un contre-temps.

Je le dévisage une seconde pour jauger ses réactions. Il y a du mouvement en bas, le répit sera de courte durée. “Comment est-ce qu’on sort d’ici, Milow ?” Il est bien plus agile que moi. Plus fin, aussi. Alors j’espère que l’accès qu’il s’est trouvé pour se faufiler ici me sera accessible aussi - et qu’il accepte de coopérer.

Rôdeurs:

Spoiler:

Le coup de feu lui a fait peur. C’est cool, j’aime bien l’idée que l’adrénaline lui court les veines quand il me voit.

Il me provoque ? Il me nargue ? Je le scrute alors qu’il s’approche, son petit sourire en coin, ses airs mutins. Ca m’amuse doucement, mais… je suis pris de court quand il me chope par le col pour me tirer d’un coup. Geste d’une force surprenante venant d’aussi petits bras, qui lui ouvre la voie vers un rôdeur pas comme les autres.

Un impact de balle perfore déjà son crâne. c’est lui que j’ai touché plus tôt ? Et ça n’a pas suffit à le tuer ?

J’ai entendu parler de ces rôdeurs ayant muté, mais je n’en ai jamais affronté moi-même. La créature semble plus grande, plus forte. Je l’admire s’écrouler sous l’attaque de Milow, fasciné par ce qui devrait redonner un peu d’enjeu à ces combats contre les morts devenus trop mous pour représenter un réel danger - à moins d’être pris par surprise ou par le nombre.

Je relève les yeux vers mon ami. “Merci.” Chacun a empêché l’autre de se faire mordre, je suppose qu’on est quittes.

Je suis la direction de son regard vers la brèche qui laisse filer la lumière du jour à travers le mur, et lâche un léger soupir. Ca devrait le faire, oui. Mais j’ai à peine le temps d’entrouvrir les lèvres qu’une autre créature nous charge furieusement.

Par réflexe, je me décale pour l’esquiver en même temps que Milow. Ce dernier tombe, frappe aussitôt le monstre qui s’écroule mais va pour se relever. Je ne lui en laisse pas franchement le temps, dégainant la batte de baseball pour l’achever d’un coup plongeant en pleine tête.

“On y va maintenant.” dis-je doucement au garçon qui se relève. Les rôdeurs se sont déjà entassés dans les escaliers, en bloquent complètement l’accès, approchent trop nombreux pour être gérés sans prendre de risques.

Il faut quitter cet étage en jouant les acrobates, et ça n’est pas du tout mon fort. Je range mes armes sur mon épaule et suis le chemin indiqué par Milow. Un saut sur la machine en face devrait me permettre de retomber de moins haut.

Je passe assez habilement par dessus la rambarde et me lance, confiant, prêt à agripper une prise en face. Elle m’échappe dans la foulée, mes pieds ne reposent sur rien d’assez stable : je tombe et encaisse douloureusement l’impact des différentes structures sur lesquelles je cogne avant de rejoindre enfin le sol.

Contrarié, surtout d’avoir échoué devant lui, je me redresse sans tarder, crispé par la douleur qui me scie les lombaires, et tout de suite bien accueilli par une poignée de morts attirés par le bruit. Je grogne en reculant, en fauche un du talon et parviens à me relever, un instant désorienté avant de retrouver mes esprits.

Dés:

Spoiler: