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Re: On n'oublie jamais rien, on vit juste avec

Mer 16 Fév 2022 - 15:54

J’vois bien que ma question la laisse un peu sur le cul ou, en tout cas, qu’elle voit pas où j’veux en venir. Et je me frotte la nuque, laissant filer un silence avant de tousser un rire sans joie au reste de ses propos. « Ouais, c’pas demain la veille que j’vais m’dire qu’on est en sécurité. Mais t’as pas pigé ma question. Si on lâche l’affaire, on fait quoi ? » J’sais pas si j’suis plus clair ou pas. Et puis, de toute façon, c’est pas comme si on allait vraiment lâcher l’affaire dans tous les cas. On a pas vraiment les moyens de s’le permettre. On a besoin de ça pour bouffer, pour vivre… survivre même. Et on a pas les moyens de penser à plus long terme pour le moment. Plus tard peut-être, ou si on tombe sur un plus gros groupe qui essaie pas d’nous bouffer. J’saurais pas dire.

Et j’lui lance un bref regard quand elle me confirme que ma façon de faire fonctionnait pas. « J’sais pas si ça marche mieux mais, au moins, j’suis honnête. » Et probablement qu’elle a plus le sentiment que je la prends pour une conne en voulant l’acheter ou en disant amen à tout. J’garde le silence quand elle continue, fronçant les sourcils quand elle me parle de pas prendre de risques inconsidérés. Et j’souffle, dans un murmure pensif. « … est-ce que ça en vaut la peine… » C’est pas vraiment pour elle, plus d’intégrer ce qu’elle me raconte. C’est une façon de faire qui m’est pas habituelle. Probablement parce que j’en ai toujours eu rien à foutre. Que ce soit le pourquoi ou les conséquences.

J’finis par tourner la tête vers elle alors qu’elle me fixe longuement. Et j’me frotte le visage à deux mains, laissant le silence s’installer alors que je réfléchis très sérieusement à ce qu’elle me demande. « Je… j’pense pas. Avoir besoin d’prouver quelque chose. » A qui que ce soit. J’veux dire, rapport à mon groupe, j’crois qu’on a vécu assez de merdes ensemble pour plus que j’me sente le besoin de prouver quelque chose. Et, pour les autres, j’ai pas l’impression que leur opinion changera, quoi qu’je fasse. Je fronce les sourcils de plus belle, mon regard se baissant pour fixer mon tatouage au poignet. Et je l’effleure un instant, avant de lâcher, à mi-voix. « Je… si c’était une histoire de culpabilité ou de vengeance, ce serait si grave que ça chica ? Ca en vaudrait pas la peine ? »
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Re: On n'oublie jamais rien, on vit juste avec

Jeu 24 Fév 2022 - 22:05

Pourquoi se sentait-il obligé de me poser la question une seconde fois ? Je lui lançai un regard interdit, avant de lâcher sur un ton plus agressif que je ne l’aurais voulu : « Je ne sais pas, Joa' ! Je ne sais pas… » C’était ce qu’il voulait m’entendre dire, peut-être ? Je n’avais pas toujours réponse à tout. Nous pouvions toujours rejoindre un groupe plus conséquent où nos services seraient appréciés, mais le problème resterait sans doute le même. Ceux que je connaissais se livraient tous une guerre sans merci à laquelle nous ne voulions pas prendre part de manière aussi franche et directe. Nous serions plus exposés, moins mobiles aussi… Même si nous aurions la force du nombre. Je n’étais pas prête à faire une croix sur ma liberté. C’était ce pourquoi on se battait encore.

Et si ma relation avec Joaquin n’était plus un long fleuve tranquille, guidé par notre seule envie que les choses fonctionnent, je me surpris à apprécier comment les choses avaient curieusement évoluées. L’honnêteté ne m’avait jamais paru essentielle dans ce type de relation, loin de là. Je voulais seulement me faire aimer pour me sentir protégée, autrefois. Maintenant, je m’étais surprise à me prendre à mon propre piège. J’avais fait en sorte d’être correctement entourée, et je ne voulais me séparer d’aucun d’entre eux si la situation l’exigeait, encore moins Joaquin. Je voulais faire en sorte que ça puisse fonctionner.

Mais tout ce que les autres avaient pu me laisser entendre ces dernières semaines avaient jeté un voile d’ombre. Je m’étais surprise à douter de nouveau de lui, alors que je n’avais plus eu à le faire depuis bien longtemps. « Dis… Joaquin… » Je relevai le regard vers lui, un peu plus hésitant. « Est-ce que tu as vraiment cherché à violer Tori ? Est-ce que… Ca t’est arrivé de prendre quelqu’un par la force, dans le passé ? » Je ne savais pas quelle réponse j’attendais réellement. Il disait ne rien avoir à prouver à qui que ce soit. Le pensait-il vraiment ?

La vengeance, la culpabilité… C’étaient des sentiments puissants qui pouvaient bien le mener à sa perte. Je soufflai doucement : « Je sais seulement que… Ca ne résoudra rien. Et aussi que ça finit toujours mal, Joaquin. »
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Re: On n'oublie jamais rien, on vit juste avec

Jeu 24 Fév 2022 - 23:06

On est baisés. Si Ruby sait pas ce qu’on pourrait faire au lieu de poursuivre ce chemin de tarés, on est sacrément dans la merde. « Okay. » J’laisse filer un silence avant de reprendre, en la fixant quelques secondes. « On verra ensemble alors. » Que ce soit nous deux, ou même avec le reste du groupe. Ouais, on regroupe des putains d’individualistes, mais pourtant, on est soudés maintenant. Et on verra bien ce qui nous tombe sur le coin de la gueule quand ça arrivera.

Par contre, j’lui lance un regard en coin quand elle prononce mon prénom et, forcément, j’me fige au reste. Avant de laisser filer un soupir. J’aurais dû deviner qu’elle finirait par me demander ça. Et quelque part, j’suis presque étonné qu’elle l’ait pas fait avant. Mais ça m’arrangeait bien. « Ca fait longtemps que ça te trotte dans la tête ? Genre depuis le début ou juste depuis qu’on a croisé Tori ? » Est-ce que ça change quelque chose ? Pas vraiment. Disons que si ça fait que quelques semaines, j’aurais moins à demander ce qu’elle peut bien foutre avec moi. Je me frotte le visage à deux mains avant de fixer le vide « Pour Tori ? Nan. J’devais la ramener pour le patron. Point. J’étais juste le connard à la main lourde. Et j’avais pas la moindre intention de la violer. » Et j’essaie d’me rappeler de quoi j’ai pu lui parler. Elle a appris beaucoup de choses sur moi, sauf qu’il y a encore ces putains de zones d’ombre. Et j’me serais bien passé de les révéler.

J’renifle un coup, cherchant mes mots. Et même si j’étais doué pour ça, j’suis pas sûr que j’en trouverais qui conviennent. « Avant Eliza… Ouais. J’étais un putain de monstre Ruby et j’étais entouré par des types qui m’auraient fait passer pour un enfant de choeur. J’serais bien infoutu de te dire ce que j’ai pu faire pendant des mois ou à qui. C’est… flou. Comme une putain de cuite qui aurait duré dans le temps. » Probablement que j’essaie d’oublier un peu tout ça, histoire de pas péter totalement les plombs. J’saurais pas dire. Je continue de fixer le vide, fronçant les sourcils. « Ca a duré un an ? Jusqu’à ce que je la croise … et que Dany finisse par... » J’ai même pas envie de finir cette phrase. J’la revois encore parfois, les veines tailladées, alors que je la récupère au petit matin après son passage dans son lit. « J’ai plus touché une fille après ça. Jusqu’à ce que je quitte le groupe. » J’ai un froncement de sourcils alors que j’me rends compte que j’ai un peu de mal à garder le fil de tout ça. J’ai l’impression que ça a duré des putains d’années en vrai. Toute une vie.

Et j’ajoute, dans un murmure, les mâchoires contractées. « J’sais bien que rien de ce j’pourrais faire rattrapera tout ça. J’suis pas débile. Et que j’ai aucune excuse. » J’finirais en enfer et ce sera totalement justifié. « Mais … j’ai juste envie de… j’en sais rien… de plus être un monstre ? Quelque chose dans le genre. » Putain, dans le genre totalement con, j’me pose là. Finalement, j’suis bien incapable de la regarder dans les yeux. Et j’replie un genou contre moi, posant mon menton dessus, fixant le vide.

C’est là que je me rends compte qu’elle a fini par me répondre. Rapport à la vengeance, la culpabilité. Toutes ces conneries qui m’animent en fait. Et qui m’aident à tenir debout. Pour me faire oublier à quel point j’peux être la dernière des merdes. « Ca finit toujours mal chica. Ca finirait pas sinon. Mais j’me vois pas faire autrement. Tu comprends ? »
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Re: On n'oublie jamais rien, on vit juste avec

Dim 6 Mar 2022 - 13:07

La question n’avait pas l’air de réellement le surprendre. Pourtant, ça m’avait demandé une certaine dose de courage de lui poser ouvertement. Je lui rendis un regard interdit quand il m’en retourna une, se demandant depuis combien de temps exactement ces interrogations pouvaient me trotter dans la tête. « Depuis… Que les autres ont parlé de toi. » Tori n’avait rien dit de précis, ou plutôt, elle ne l’avait pas fait dans une langue que je pouvais comprendre. Tout était passé dans son regard effrayé. S’il m’avait ému ? Pas le moins du monde. J’avais été seulement terrifié à l’idée qu’il puisse nous arriver quelque chose. C’était venu après, quand les paroles d’Elena m’étaient revenues en tête, ou encore quand Lennox était venu nous en parler. Ou même Valérian. Ils avaient réussi progressivement à insinuer ce doute en moi. « Tu n’as jamais été comme ça avec moi, je… » C’était difficile à concevoir qu’il ait pu être un autre homme, et qu’il ait réellement pu changer.

J’hochai lentement la tête quand il m’avoua faire simplement la basse besogne pour Dany, ou qui que ce soit avant lui, quand il s’était agi de Tori. Il l’avait sûrement frappé. Je savais comment il pouvait être dans ces moments-là. C’était effrayant. Et ensuite ? Elle l’avait simplement confondu avec ces anciens agresseurs, les Sinners ?

Apparemment pas. J’écarquillai les yeux, sous le choc de la révélation, quand il m’avoua qu’il avait fait parti de ceux-là avant qu’Eliza ne lui ouvre les yeux. Il m’avait parlé d’elle. Je savais qu’elle avait agi comme un déclencheur pour lui. Je n’avais été que la goutte d’eau par la suite. Mais avant elle… Il avait sévi pendant un an. Je lâchai d’une voix étouffée : « C’est long. » Joaquin en parlait comme s’il avait passé cette année dans une torpeur. Ca l’arrangeait bien de ne pas se souvenir en détail de ce qu’il avait pu faire, et à qui, en leur compagnie. J’avais la gorge serrée, le souffle difficile. « J’ai l’impression de ne pas vraiment de te connaître. » Je m’étais surtout voilée la face, parce que ça m’arrangeait bien. Je pensais l’avoir vu dans ses pires moments quand il m’avait réclamé pour lui, à mon arrivée dans son gang, ou quand il avait massacré Dany dans un élan de rage sous mes yeux. Mais non… Ce n’était même pas comme si on lui avait imposé. Il aurait pu faire le choix de ne pas s’en mêler.

Je remontai mes genoux contre ma poitrine, des larmes silencieuses roulant sur mes joues. « Pourquoi… Pourquoi tu faisais ça ? Qu’est-ce que ça t’apportait ? » J’avais du mal à réfléchir posément. Il n’avait pas envie de passer pour un monstre ? Mais c’était bien ce qu’il avait été. Est-ce qu’on pouvait vraiment cesser de l’être ? « Une fois qu’on a commencé à tuer… Ca devient plus facile. » Je lui rendis un regard noyé par les larmes. « Tu crois vraiment que tu peux juste faire table rase ? Je crois que c’est impossible. Tu n’as le choix que de vivre avec. » Et c’était peut-être aussi pour ça qu’il ne se voyait pas faire autrement. Il voulait tuer ces salopards jusqu’au dernier, juste pour tenter d’oublier qu’il en avait fait partie lui aussi. Mais on n’oublie jamais rien. Ca n’aurait pas de fin.
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Re: On n'oublie jamais rien, on vit juste avec

Dim 6 Mar 2022 - 19:57

Je fronce les sourcils, gardant le silence quelques secondes. « Les autres… » J’ai un bref soupir avant de lui lancer un regard en coin. « Et, pour ce que ça vaut, je … jamais j’serais comme ça avec toi. » Même si j’suppose que là, de suite, ça veut absolument rien dire pour elle.

Et putain, je pensais pas que ce serait aussi dur de remuer toute cette merde. Je sens ma gorge qui s’noue à mesure que j’lui parle et que je me sens merdeux comme jamais. Paradoxalement, parler de Tori est plus simple. J’ai fait l’homme de main, rien de plus. Comme un paquet de types avant et après moi.

Mais le reste… J’ose même plus la regarder en vrai. « … c’est long ouais. » Trop. Beaucoup trop. Juste ce qu’il faut pour m’embourber dans une merde infâme dont j’sortirais probablement jamais. J’y ai cru pourtant, l’espace d’un instant. Que j’avais l’droit. De passer à autre chose, de plus être ce type et de l’oublier. Mais j’ai été encore plus con que je l’aurais cru. Parce que les fantômes seront toujours là. Prêts à me sauter à la gorge et à foutre en l’air c’que j’essaie de construire. Et j’ai un soupir quand elle continue. « … j’comprends. T’es… t’es quand même celle qui m’connait l’mieux. » Là encore, j’ai comme un doute sur le fait que ça ait le moindre sens pour elle.

Je continue de regarder devant moi, essuyant une larme qui roule sur ma joue à sa question. Pourquoi… putain, si elle savait combien de fois j’me suis demandé tout ça. Toutes ces nuits sans sommeil, à revoir encore et encore tous ces visages, à essaye de me dire que j’pouvais quand même avancer. Que si j’avais survécu à tout ça, c’est que je pouvais continuer ma route. Je me frotte le visage des deux mains, avant de reprendre, d’une voix qui se casse de temps à autre. J’essaie même plus d’faire semblant que je suis pas totalement en train de me casser la gueule là, ce serait pas crédible. « Je.. j’suis pas sûr Ruby. J’y ai beaucoup réfléchi et… y a aucune réponse qui m’parait … acceptable. J’ai toujours eu une vision foireuse des femmes, de moi, de ma place dans un groupe. J’ai toujours fait de la merde, sans réfléchir. Quand on claquait des doigts, je répondais présent et là, on me filait une fille comme un os à ronger. C’était… ce que tout le monde faisait. C’était même pas pour le plaisir. » Je secoue la tête, alors que les mots s’entrechoquent dans mon esprit et que j’ai l’impression que ma tête va exploser. « Et j’suis tombé sur toi. Sur vous. Yulia, Dana, Allïa, Salem… » J’ai un sourire sans joie. « J’ai appris à respecter les gens. Les femmes. A comprendre que j’étais pas juste un clébard. Mais que j’étais encore un pauvre type qui avait des années lumières à rattraper. » Je souffle doucement, m’essuyant de nouveau les yeux. « Tu te rappelles, tu m’avais demandé ce qui m’avait plu chez toi au tout début… c’était ça en fait. Mais j’ai jamais su mettre des mots dessus. » Et j’ai un haussement d’épaules. « Et puis, ça suffira jamais à compenser tout le reste. »

Je finis par tourner la tête pour voir son visage embué de larmes.

Je l’ai perdue.

Je vois pas comment ça pourrait être autrement. J’essaie pourtant de croire que, si elle est encore là, c’est qu’il y a encore une micro-chance pour qu’elle ait pas juste envie de m’envoyer péter, mais j’suis pas si con. Fait chier putain…

Et je reprends, dans un murmure. « Toutes les horreurs paraissent plus facile quand on est en plein dedans. C’est juste une fois que t’arrives à prendre un peu de recul que tu vois à quel point c’est… pas humain. » Je détourne de nouveau les yeux. J’ai pas envie qu’elle me voit chialer comme un crétin en vrai, mais je peux pas m’en empêcher. « T’as ptet raison ouais. C’est pas possible. J’serais toujours … moi. » Est-ce que j’ai envie de vivre avec ça ? C’est une autre question à laquelle j’suis pas sûr de vouloir réfléchir là, de suite.
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Re: On n'oublie jamais rien, on vit juste avec

Jeu 10 Mar 2022 - 19:53

L’horreur se dépeignit sur mes traits, à mesure que Joaquin m’expliquait ses raisons profondes… Il n’en avait tout simplement pas. Il s’était contenté de faire comme tout le monde. Il avait pris des femmes par la force, simplement parce que ça lui semblait normal d’agir comme on l’attendait de lui. Il était devenu moins qu’une bête dans le sillage de parfaits salopards. « Je comprends pas… Je… » Ou plutôt, je n’arrivais pas à l’accepter. Je tremblais, de manière incontrôlable. Cette conversation me replongeait à une époque que j’aurais préféré oublier. Moi aussi, ça m’avait paru normal un temps, de donner mon corps pour avoir la paix. Je détestais avoir à me remémorer ce que j’avais dû faire ou subir pour en arriver là où j’en étais aujourd’hui. Mais sans cela, je ne serais sans doute plus en vie pour pouvoir en parler.

J’avais cessé de le regarder, la joue posée contre mes genoux. Mes bras enserraient si forts mes jambes repliées, comme pour empêcher mon cœur de se briser en mille morceaux. C’était impossible. Je n’arrivais plus à refreiner ces sanglots qui me venaient, sans même en comprendre réellement la nature. Je me sentais seulement mal, si mal.

Il me fallut de longues minutes pour retrouver un semblant de calme, et certainement voir également un rôdeur passer en contrebas pour me rappeler où nous étions. Je m’essuyai les joues d’un revers de manche avant de lui rendre un regard tout simplement perdu. Je ne savais plus quoi penser de tout ce qu’il venait de m’avouer, ni même quoi penser de lui tout court. C’était peut-être simplement trop d’un coup.

« Je ne suis pas comme elles. » Yulia, Dana, Allïa ou Salem… Je reniflai un coup. « Et tu racontes encore n’importe quoi, comme d’habitude, simplement pour m’être agréable. Tu n’as toujours pas compris. » Il agissait toujours comme le dernier des cons. « J’en ai marre de ton discours de conformiste à la noix. » Je le fixai droit dans les yeux, à travers mes larmes. « Tu sais ce qui ne va pas chez toi ? Tu n’as aucun amour-propre. Tu fais simplement ce qu’on te demande. Tu agis comme les autres voudraient que tu le fasses. Et quand tu changes de groupe… Tu revois juste tes règles en fonction, mais jamais tu ne vas te poser la question de qui tu as vraiment envie d’être au fond de toi. Tu devrais commencer par là. Et quand tu auras la réponse, reviens me voir. » Et peut-être qu’elle me conviendrait. Je n’en savais rien. Je ne savais plus où j’en étais avec lui. J’étais complètement perdue.

Je me laissais retomber en bas de la carrosserie du véhicule, pour me rapprocher de notre moto. Je lançai un regard interrogateur en arrière vers Joaquin. « On rentre ? » Est-ce qu’il en avait seulement encore envie, après ça ?
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Re: On n'oublie jamais rien, on vit juste avec

Jeu 10 Mar 2022 - 23:40

Elle pige pas. Franchement, comment j’pourrais croire qu’elle comprendrait quelque chose à tout cette merde. Ptet parce qu’au final, y a pas grand-chose à comprendre. Juste que je suis … je sais même plus comment me qualifier. Et j’me rends compte que je m’en branle complètement. Y a plus rien qui m’importe là, tout de suite. J’ai juste envie de lâcher l’affaire pour de bon. Sérieux ? A quoi ça sert de continuer putain ? Si la seule femme que j’ai jamais vraiment aimée me regarde comme ça ?

Et j’ai l’impression de me retrouver des mois en arrière. Enfin au moins là, elle flippe pas vraiment. Y a du progrès.

… mon cul ouais.

En fait, le pire dans tout ça, c’est de l’entendre pleurer comme ça. J’me suis déjà senti merdique mais jamais à ce point-là. J’essuie mes larmes d’un revers de la main et je déglutis, alors qu’elle reprend la parole. Je laisse filer un rire sans joie à sa remarque. « Vrai qu’là, j’fais tout pour être agréable. T’as raison. » Et j’me fige au reste, sans même savoir comment j’dois réagir. Si j’dois réagir. Ca fait mal putain et j’ai l’impression qu’elle fait juste ça pour me plomber encore plus.

J’ai envie de me tourner vers elle et de la secouer. De lui dire qu’elle est comme les autres. Qu’elle a tort. Qu’elle aussi aille se faire foutre. Parce que je l’ai déjà entendu ce putain de discours. C’est pas la première fois. Et ça finit toujours de la même façon. On s’en branle de qui j’suis ou de qui j’ai envie d’être. J’le sais déjà de toute façon. Une pauvre merde que personne supporte plus de quelques mois. Allez, quelques années va, c’est presque un record là. A quoi ça sert de savoir qui j’ai envie d’être ? Y a jamais rien qui change. Juste les gens autour de moi. Parce que j’finis toujours par rester le dernier debout alors que tout le monde crève.

J’sens mes mâchoires qui se contractent alors que j’regarde le vide et qu’elle descend de la voiture. J’ai même plus envie de bouger. De la voir. De l’entendre. Ca encore moins que le reste. C’est le moment où normalement, elle va dire qu’elle veut plus jamais voir ma gueule finalement. Et ça, j’ai pas envie de l’entendre. Parce que c’est comme ça que ça va finir. J’l’avais dit, ça finit toujours mal de toute façon.

Sauf qu’elle dit pas ça.

Je fronce les sourcils, la fixant quelques secondes comme pour être sûr que j’ai bien capté ce qu’elle vient de me dire.

« Rentrer ? Je… » J’ai un temps, sans savoir quoi répondre.

Je me relève comme un automate, regardant les clés de la moto que j’ai entre les mains. Y a une part de moi qui a envie de lui dire de rentrer toute seule et de se démerder. Pour arrêter les frais pour de bon. Parce que j’en peux plus là. De me battre contre ce que j’suis, ce que j’ai été. Et d’avoir toujours l’impression de perdre.

Et puis l’autre.

Celle qui s’dit que j’pourrais ptet finir par trouver la putain de réponse à cette question. Et que j’pourrais vraiment avancer cette fois. Pas juste me laisser vivre. Ou pire encore. Ce serait ptet… pas si mal.

J’sais pas combien de temps je reste sans bouger, à quelques mètres d’elle à peine. Mais j’finis par me rapprocher d’elle et par souffler, à mi-voix. « Te quiero chica. Como nunca he querido a alguien. Y nadie va a cambiar eso. Ni si quiera tu. O yo. » Et je m’éloigne avant de d’attraper mon casque. « Grimpe, avant que j’change d’avis et que j’te dise d’aller te faire foutre. »
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Re: On n'oublie jamais rien, on vit juste avec

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