Je fronce le nez, alors que je m’enroule dans une écharpe qui semble pas avoir de fin et que m’a donnée Hazel. Echarpe multicolores, parce qu’il parait que ça me va bien. L’espace d’une seconde, j’ai eu envie de lui faire un câlin pour la remercier, avant de me rappeler que je dois surtout pas m’attacher à ces gens-là. Que ce serait une très mauvaise idée.

Alors, plutôt que de profiter de la chaleur du foyer, plutôt que passer l’aprem à jouer avec Jackson et Evan à des jeux de cartes que je leur ai appris, j’me suis dit qu’il était temps de commencer à mettre mon plan en action. Oh, qu’on soit bien d’accord, j’essaie de faire ça par étape hein. J’suis pas débile, on est en plein hiver, si je pars maintenant, on me retrouvera morte dans un ravin pas loin d’ici. Et puis, je commence à me rendre utile. Pas autant que je le voudrais, mais ils ont l’air assez contents de moi.

… okay, ils ont toujours l’air contents de tout, c’est un truc de dingue. J’pense qu’à la longue, ça doit sacrément porter sur les nerfs en vrai.

Enfin, l’idée, c’est me trouver un moyen de transport. J’ai une pensée émue pour mon skate qui a probablement fini dans les flammes de l’enfer du motel et j’espère vaguement qu’en vrai, un de ces connards de New Eden a glissé dessus et s’est pété le cou. Genre, une belle fin pour mon skate adoré.

J’enfile une paire de mitaines et j’me sens enfin parée à affronter le froid. ‘fin, fait plus doux qu’à Seattle j’ai l’impression. Pourtant, on est pas si loin. Et y a aussi la mer à Seattle. Bref, c’est bizarre, mais j’vais pas me plaindre de pas avoir le bout du nez qui gèle au bout de dix minutes. Je laisse un petit mot à Eden, expliquant que je vais juste me dégourdir les pattes. Question de respect, j’ai pas envie qu’elle s’inquiète pour rien, même si je serais probablement revenue avant qu’elle se rende compte que je suis pas juste en train de jouer à l’ado émo dans sa chambre. Ouais, je connaissais pas ce mot mais c’est Rick qui m’a appris. Je trouve ça marrant comme concept et ça me donnerait presque envie d’avoir une chambre à moi pour la repeindre en noir.

Mes couteaux bien glissés dans ma ceinture, ma batte de baseball accrochée à mon sac à dos, je me faufile hors de la barricade, une carte en main. Hazel m’a expliqué qu’il y avait pas mal de maisons abandonnées mais qu’il faudrait marcher un peu. J’me dis que je peux commencer par là et, si je trouve rien d’intéressant, je finirais par expliquer mon projet aux autres.

Je commence à marcher d’un bon pas, alors que je me rends compte que ça me fait du bien en fait. D’avoir un truc à faire de concret. Pas que faire des conserves le soit pas hein, je trouve ça même super utile. Tout comme le tri des herbes ou des trucs qu’on trouve dans la forêt. En vrai, j’ai appris plus de trucs pour la survie en une semaine qu’en cinq ans. Mais là c’est différent. C’est plus… moi. Un truc pour moi. Je note quand même de voir si je trouve des jouets pour les petits et je continue de marcher, m’orientant comme je le peux avec le soleil. Ouais, c’est pas super probant.

Mais je m’arrête quand j’entends du bruit. Je me retourne. Rien du tout. « … okay Mary, tu commences à péter les plombs. Tout roule, ça doit être une bestiole de la forêt enchantée. » Un truc du genre quoi. Je reprends ma marche et j’entends de nouveau quelque chose. Comme des bruits de pas sur la route. Ma main se pose direct sur le couteau de lancer que m’a laissé Tiago pour m’entrainer y a des mois de ça et je fronce les sourcils. « … y a quelqu’un ? » Et je roule des yeux. « Evidemment, le monstre de la forêt va te dire que c’est lui. C’est débile. » Bon, y a ptet vraiment quelqu’un par contre. Et ça, c’est moche.

Tariq était réticent à laisser entrer tout et tout le monde dans Sanctuary Point. S'il était assez intelligent pour savoir qu'il était probablement trop dur dans sa façon d'accueillir ceux-ci. La vérité, c'est qu'il ignorait s'il était trop prudent ou si le reste du groupe ne l'était pas assez. Passer pour le rabat-joie de service ne lui faisait plus peur à présent. Il voulait faire en sorte que tout le monde aille bien et continue de vivre normalement. Les informations données sur des camps comme New Eden le laissait aisément penser que SP était le paradis à ne pas délaisser.
Tariq savait qu'ils faisaient parties des chanceux. Ils avaient un toit sûr, des vêtements, de quoi manger et de quoi passer l'hiver. Une possibilité de se protéger sans trop de difficulté. Compte tenu du monde extérieur, aucun d'eux n'avait réellement à se plaindre.

Tariq était dans la forêt depuis un bon moment. Il avait finalement fait le tour de la barricade et avait passé plusieurs heures, arme sur le dos à profiter des bruits alentours. Outre les bruits d'animaux, Tariq avait pu entendre sa propre paranoïa ici et là voire sa propre imagination tenter de lui jouer des tours.
Arrivée aux portes de la barricade, Tariq remarqua la rousse traverser celle-ci sans se retourner. Sac à dos, batte de baseball et carte en main. Le monde d'aujourd'hui laissait les enfants et adolescents dans l'obligation de devoir grandir trop vite alors voir une personne non majeur ne le choquait pas plus que ça. En revanche, en venant de Seattle, Tariq ignorait si la dénommée Mary Abigail savait lire une carte et encore moins où elle allait. Sans compter qu'en dehors des barricades, l'endroit était bien moins sécurisé par logique. Théoriquement, il ne connaissait pas la jeune fille et une partie de lui-même se disait qu'il n'avait aucune obligation envers elle.
Le brun poussa finalement un soupire. Il ne pouvait pas la laisser dans un potentiel danger hors d'ici.

Tariq décida donc de suivre la rousse, marchant à plusieurs mètres d'elle dans un silence religieux. De toute façon, il n'allait pas se mettre à parler tout seul. Il était d'ailleurs surpris après un moment de ne pas la voir se retourner ou ne serait-ce que réagir aux bruits de ses pas. Tariq dévia de sa trajectoire et parti vers la droite pour pouvoir rejoindre la jeune fille un peu plus loin sur le sentier. Alors qu'il arrivait non loin de celui-ci, la rousse regarda derrière elle et à la faible distance entre lui et Mary, il pouvait encore une tentative de se rassurer qui le fit d'ailleurs sourire d'amusement.
Le bruit des pas de Tariq sur le sentier, à environ un mètre devant Mary la fit à nouveau réagir.

- Je ne suis pas sûr que tu puisses me référer au monstre de la forêt mais je peux te confirmer que tu ne tiendrais pas longtemps dans un film d'horreur.

Parce que sa discrétion laisse à désirer mais qu'en plus, elle a bien du mal à repérer d'où proviennent les sons. Ce qui, en soit, n'est pas tant négatif s'il oublie les rôdeurs un peu trop virulent. Bon, si proche de la barricade, ça ne devrait pas grouiller au mètre carré comme dans certaines zones. Les armes de Tariq étaient toutes deux rangées. Il n'avait aucune raison, dans l'immédiat, de tenter de se protéger bien qu'il restait sur ses gardes. D'un autre côté, le couteau et la batte peuvent être complexe à gérer mais la rousse, pas vraiment.

- Ce n'est pas prudent de sortir du périmètre toute seule.

Même si Tariq ne connaissait pas la jeune fille, maintenant qu'ils étaient à Sanctuary Point, il fallait aider et protéger. Et même s'ils ne restaient pas bien longtemps, il devait faire de son mieux pour que tout le monde repartent avec le même nombre de membre. Tariq s'approcha avant de s'arrêter non loin de la jeune fille, juste pour jeter un oeil à la carte. Carte qui venait sans nul doute d'Hazel.

-  A quel endroit de la carte, tu comptais te rendre ? Vu la zone, ce serait plus rapide et moins dangereux à deux.

Bon, point positif, y avait vraiment quelqu’un qui me suivait.

Point négatif… bah y a quelqu’un qui me suit.

Ouais, moi aussi je m’épate des fois. Je sais, je sais.

Bref ! J’en étais où ? Ah ouais, y a joie de vivre et allégresse qui a décidé de me stalker. J’me demande bien pourquoi. Je veux dire, il a rien d’autre à faire de ses journées ? Ils ont l’air pourtant tous super occupés en vrai. Et, à force d’insister, j’ai même réussi à avoir des trucs à faire. Sauf qu’aujourd’hui, j’ai donc ma mission et j’espère qu’il va pas tout foutre en l’air.

Quand il se décide à causer, j’essaie de faire genre je suis pas surprise. Bon okay, ça marche pas terrible. Et je souffle, après l’avoir dévisagé de bas en haut. « … t’es vraiment sûr de pas être le monstre de la forêt ? Ca t’irait bien pourtant. » Ouais, j’suis comme ça moi, la fille sympa et avenante. « Et ma vie est un film d’horreur depuis presque 6 ans. Pourtant, j’suis toujours en vie. » Moi aussi ça m’épate et pourtant, c’est le cas. Des incendies, des mordeurs, des supers mordeurs, des mecs qui ont pensé que se taper une gamine de 14 ans c’était un bon plan et j’en passe. Alors franchement, une forêt ça me fait pas peur.

Je roule des yeux quand il me dit que c’est pas prudent de sortir du périmètre, avant de souffler en fronçant. « Ouais, mais si j’veux trouver ce que je cherche, ce sera pas derrière les barricades. Et j’voulais déranger personne. Je sais, ça va te surprendre, mais je sais me débrouiller en vrai. »  Pas que ça me gêne qu’il vienne. Après tout, s’il m’accompagne et qu’on se fait attaquer, vu que c’est lui qu’on visera en premier, j’aurais le temps de m’enfuir. Je sais, c’est pas très sympa, mais je repense à ce que m’a dit Lex, ma survie en premier, avant tout le reste.

J’ai un temps d’hésitation, avant de finir par lui montrer la carte. « Y a un bloc de maisons là. » Je tapote un point précis. « Je me suis dit que je pourrais trouver ce que je cherche. » Et j’ajoute, repliant ladite carte. « Je voudrais un vélo. Ou des pièces détachées pour en faire un. Tu… tu veux bien m’aider ? Enfin, si t’as rien de plus important à faire quoi. » J’ajoute, sans lui laisser le temps de répondre. « Je rentrerais pas avant d’être allée là-bas de toute façon. C’est à huit kilomètres, ça se fait ! » Surtout que ça fait du bien de se balader un peu, d’être au calme. Ca m’aide à me remettre les idées en place en vrai. Mais ça, je sais pas trop si je peux lui dire ou pas. En attendant, je guette sa réponse, non sans une moue. J’espère qu’il va pas me faire la leçon, ce serait super chiant.

Une première pour Tariq. Il avait été appelé par de nombreuses choses mais monstre de la forêt était une première. Avec les quelques phrases qu'il avait bien pu entendre de la bouche de la jeune fille, il était pas plus surpris par son franc parlé. Rien que pour ça, elle avait déjà quelques points en plus pour Tariq. Quant aux films d'horreur, il est vrai que tout le monde a beaucoup subit. Certains sont encore en vie, certains, non.
A Sanctuary Point, Tariq ne pouvait décrire sa vie comme un cauchemar. Ils avaient eu des mois difficiles mais globalement, la vie était meilleure que dans d'autres endroits.

- J'aimerai faire comme tout le monde et te dire que tout va bien se passer mais ce serait te mentir et te prendre pour une idiote. Ce que tu n'es pas. Alors, je vais juste te dire que je comprends.

Un haussement d'épaule de la part de Tariq avant qu'il ne se concentre sur ce que la rousse faisait en dehors du périmètre mais aussi à quel endroit celle-ci voulait se rendre. Elle veut trouver ce qu'elle cherche, ce qui n'aide en rien Tariq. Sans la moindre désignation de l'objet en question, ils n'allaient pas aller bien loin. Jetant un oeil à sa carte, il remarque sa réticence à lui dire, ce qui ne le choque pas. Aucun des deux ne se connaissent. Sans compter le fait qu'elle reste une jeune fille et que sa méfiance est compréhensible.
Lorsqu'elle pointe enfin quelques maisons à moins d'une dizaine de kilomètre, Tariq hoche simplement la tête.
Pour en construire un, en revanche, c'est une autre histoire. Tariq pouvait aider à trouver des pièces mais le monter, absolument pas. Il n'était pas calé dans la construction de vélo. Elle ne laisse aucune réponse potentiel à Tariq et le brun se contente alors de patienter pour pouvoir en placer une.

- Je suppose que tu peux en trouver un. Il y a pas mal de sentier donc une maison doit bien avoir un vélo.

Allait il aider la jeune fille ? Bien sûr. S'il avait déjà suivi la rousse jusqu'ici, il n'allait pas rebrousser chemin maintenant. De plus, il n'était pas réellement confortable dans l'idée de la laisser y aller seule. Qu'elle soit temporairement à Sanctuary Point ou non. Tariq comptait traiter tout le monde de la même manière. Protection y compris.

- Allons y. On ne devrait pas en avoir pour longtemps. Tu as pris de quoi boire pour la route ?

8km devrait prendre un peu moins deux heures dépendant de l'allure. Alors autant ne pas traîner plus longtemps. Tariq repositionna correctement l'arme sur son dos pour pouvoir marcher sans que l'arme ne gène en cas de course soudaine. Situé à droite de la rousse, le responsable de la sécurité du camp se tenait à un bon mètre d'elle tout en suivant l'allure prise par la plus jeune pour ne pas la distancer de trop.

- Tu sais construire un vélo ? Dans le cas où on ne trouve pas le vélo, il faut savoir quelle pièce chercher dans les quelques maisons.

Je lance un regard en coin à Tariq, essayant de le jauger sans trop savoir quoi penser de lui. Clairement, il est pas aussi … avenant que le reste de sa famille. Bon, après, forcément, si je compare à Hazel, c’est difficile de trouver plus sympa. J’me demande comment elle fait d’ailleurs, après toutes ces années. Mais j’crois que c’est pas le sujet. Cet endroit est de toute façon tellement improbable que des fois, j’me demande si on est pas morts. J’veux dire, ce serait pas la pire vision du paradis non ? Même s’il manque les gens que j’aime en vrai. Donc c’est pas terrible non plus.

J’essaie de me remettre les idées en place alors qu’il finit par me répondre. Et possible que j’aime bien ce qu’il dit. « Ca se passe jamais bien de toute façon. J’suis étonnée que vous le pensiez ici aussi. » Est-ce qu’il comprend vraiment ? J’saurais pas dire. Et puis, c’est pas comme si c’était vraiment important au final. Si j’ai pas trop envie de dire ce que je compte faire, ma méfiance qui prend le pas sur le reste, je finis quand même par lâcher le morceau. Il peut toujours être utile et il connait le coin en plus. « C’est ce que je pensais. On m’a dit que les gens du coin étaient morts ou s’étaient tirés. Ce serait pas de bol qu’ils soient tous partis avec leur vélo sur le dos quand même. »

Je replie ma carte et je hoche la tête à sa question. « J’ai deux gourdes et j’ai de quoi manger aussi. Hazel m’a fait un casse-croûte, même si j’avais rien demandé. Du coup, autant dire qu’il y a largement assez pour toi et moi. Si t’as faim. » Je finis par reprendre la route et quand il reprend, j’ai un haussement d’épaules. « J’ai déjà vu des gens faire au no man’s land. J’sais pas si j’arriverais à refaire la même chose, mais ça coûte rien d’essayer. Et puis, j’ai du temps à perdre de toute façon. » Vu qu’on rechigne à me filer des trucs trop fatigants ou trop compliqués à faire, même si j’apprends des trucs super intéressants.

Je continue de trottiner à ses côtés, jetant des regards autour de moi pour me trouver des points de repère, avant de reprendre, comme si de rien était. « Dis, tu suis souvent des ados de même pas 15 ans dans la forêt ou j’suis une privilégiée ? » Forcément, j’ai un petit sourire en coin quand j’demande ça. J’me sens pas du tout en danger en sa présence, mais j’suis pas idiote, s’il veut me faire du mal, j’pourrais rien y faire. J’entends alors quelques grognements et je plisse des yeux, désignant la forêt un peu plus loin. « Y a beaucoup de mordeurs ici ? J’ai l’impression que c’est quand même vachement calme. Les gens s’étaient tous tirés ? » Nan parce qu’en vrai, se planquer ici, ça reste un bon plan, surtout quand on a du terrain comme eux. On peut rester en autarcie un sacré bout de temps. Alors ouais, qu’il y ait aussi peu de monde, ça surprend.

Tariq est probablement trop terre à terre pour tout prendre du bon côté de la chose. AU fond, il n'en voulait pas à Hazel et au reste du groupe de tenter de faire en sorte d'avoir un avenir meilleur. Il est vrai que tout passent par le mental. Mais c'était un peu trop pour Tariq qui préférait voir le monde comme il était. Probablement plus négatif que positif mais ça restait sa propre vision des choses.
Tariq préfère se concentrer sur la tâche de la rousse. Simplement parce qu'il n'était pas un parent, pas un ami pour celle-ci non plus et donc, s'il pouvait être une oreille attentive, le but n'est pas de devenir son psychologue, non plus.

- La plupart tentait d'avoir chacun de leurs membres plus que le vélo.

Le pire dans tout ça, c'est que Tariq ne faisait pas aucune blague. La plupart des personnes ayant fuit, que ce soit ici ou ailleurs, préférait avoir leurs corps intacts et chacun des membres de leurs familles, au passage. Le vélo ou quoi que ce soit d'autres n'étaient pas la grande priorité à l'époque. Ni maintenant, d'ailleurs. Comme Tariq l'avait déduit, la jeune fille est loin d'être idiote. Hazel lui a fait de quoi manger et elle-même à prit de quoi boire pour le temps passé en forêt. Peu de chance qu'il mange mais de l'eau ne serait pas de refus.

- C'est plus simple de construire un skateboard qu'un vélo. Mais je pense que quelqu'un si connaissant un peu pourra t'aider.

Tariq espérait tout de même pouvoir trouver un vélo plutôt que de voir la rousse galérer à en construire un pour finir ensuite dans le premier ravin à cause de la perte d'une roue. Ou de toute autre partie du vélo, d'ailleurs. Tariq ignorait combien de temps celle-ci comptait rester. La construction d'un vélo risquait de prendre un peu de temps sans la moindre connaissance technique. MA se permet de faire preuve de sarcasme et Tariq étouffe un rire.

- Pour être complétement honnête, je te voyais plus âgé. Mais tu aurais en dessous de dix ans que je t'aurai ramené derrière la barricade. A quinze ans, j'estime que tu es capable de prendre des décisions bonnes ou mauvaises. Comme tu es à Sanctuary Point, je dois m'assurer de ta sécurité comme les autres.

Ce qui ne réponds pas à la question de la jeune femme. Tariq n'a pas l'habitude de suivre qui que ce soit. Il observe principalement mais dans le cas d'Aby, elle ne connait pas les alentours, ce qui peut s'avérer être dangereux. D'un autre côté, elle a raison de se méfier, qu'il soit inoffensif ou non n'est pas la question.

- Comme tu es récente ici, je préfère te suivre et t'aider en cas de soucis, aussi creepy ça puisse être étant donné qu'on a bien vingt ans d'écart.

Petit coup de vieux ? Pas vraiment. Tariq accepte les années puisqu'il ne peut pas faire autrement. Ce n'est pas en se plaignant de celles-ci qu'il rajeunira, au fond. Les grognements entendus alertent un peu Tariq qui tourne la tête vers la droite. Les mordeurs sont présents en forêt mais pas vraiment ici.

- Non, pas vraiment. Tu en as peut-être un ou deux qui se bâtent en duel à quelques kilomètres mais tu trouves plus d'animaux que de mordeur. Ca n'empêche qu'il est préférable de rester sur ses gardeurs. Ce n'est pas les mordeurs qui m'inquiètent le plus. Plutôt les pilleurs.

Si un groupe voulait s'en prendre à eux, autant dire que leurs chances sont minces. Tariq préférait donc éviter toutes personnes potentielles et continuer sur la quête du vélo. Il hocha donc la tête vers la rousse. Beaucoup ont fuit dès qu'ils en ont eux l'occasion. Rejoignant les refuges le plus rapidement possible.

- Tous. Ca fait un moment qu'on est ici, on a eu le temps de faire le tour. La plupart ont préférés les refuges ou les grandes villes avec une sécurité militaire. C'est parfois plus rassurant que de savoir que tu es seul comme un con dans une maison. D'un autre côté, ça les aurait sauvé de rester ici.

Tout est une question de point de vu. Selon Tariq, Matias a eu une bonne idée de rassembler la famille puis quelques survivants ici.

J’ai un bref haussement d’épaules à la remarque de Tariq avant de souffler, en fronçant le nez. « Bah… s’ils avaient été sur un vélo, ils auraient pu sauver leurs membres plus rapidement. Oh, ou tu parles des membres de leur famille ptet ? » Mouais bon, au final, partir en courant, c’est jamais la bonne option. J’ai un profond soupir quand il continue. « Mon skate me manque. On me l’avait offert pour mon anniversaire. » Y a genre 1000 ans. Bon, en vrai, c’était juste l’année dernière. Tiens on est le combien là ? C’est bientôt de nouveau mon anniversaire.

15 ans.

Su-per.

Bref.

Je mets ça de côté, avant de lui lancer un regard en coin. « Ah ouais ? Tu pensais que j’avais quel âge ? Mais sinon, j’vais avoir 15 ans dans quelques semaines donc. Et j’me dis qu’il y a des gens vachement plus vieux qui prennent des décisions bien plus connes que les miennes. J’dis pas que je suis un génie ou un truc du genre hein, juste que je pense pas être dans les pires. » J’espère en tout cas. Mais vu que je suis toujours en vie, c’est que je dois pas être totalement à côté de la plaque. Pas trop en tout cas. Et j’ajoute, alors qu’il m’explique pourquoi il me suit. « T’as pas l’air si vieux que ça. ‘fin, j’veux dire, t’as l’air sympa. Pour un vieux. » Avant de lui rendre un sourire façon colgate et de me concentrer sur ce qui m’entoure avec un peu plus d’attention.

A sa remarque, j’ai une grimace. « Comme les types qui sont venus foutre en l’air le mariage des STARS ? Ca arrive souvent des trucs pareils ? » Je repense à ma discussion avec Eden, sur le fait qu’au final, les choses finissent toujours par partir en couille, quoi qu’on en dise. Bah visiblement, j’avais raison. Autant dire que j’suis pas super top ravie du truc quoi. Je continue de trottiner, les mains sagement enfoncées dans les poches de ma veste. Et je laisse filer un silence songeur, alors qu’il me confirme que tout le monde s’est tiré. « Ca a pas fait trop bizarre au début ? Nous on était au stade. Avec des militaires. On s’est enfui quand les premiers mordeurs ont fini par manger des gens. C’était moche. » Je sais pas si c’était pire pour les adultes qui m’entouraient ou pour moi au final. J’ai fini par accepter des choses qui les hantaient, mais c’est pas comme si j’avais vraiment le choix. « T’as jamais eu envie de partir d’ici ? » Je lui lance un nouveau regard curieux, alors qu’on continue de marcher et qu’on enfile les kilomètres.

Le silence finit par retomber, même si on échange des trucs de temps à autre. Mais mine de rien, ça fatigue un peu de marcher, ça fait un moment que j’ai pas fait autant d’exercice. « J’vais ptet avoir des ampoules. » Un froncement de nez à cette idée, même si ça m’empêche pas de continuer de marcher d’un bon pas. Faut dire que j’ai connu pire, donc j’vais pas non plus pleurnicher pour ça. Et en vrai, j’me demande s’il me reste assez de larmes à gâcher pour un truc pareil.

Au final, on commence à voir quelques maisons qui se dessinent un peu plus loin. J’ai un temps d’arrêt, dépliant ma carte pour m’assurer que je me suis pas plantée. Et j’ai un regard en direction de Tariq. « On commence par-là alors ? » J’espère qu’on va pas non plus devoir écumer toutes les baraques du coin, ça serait long et surtout emmerdant.