De justesse !

Faith venait d’attraper au vol l’objet du délit juste à temps pour empêcher une grosse erreur.
Son couteau arraché des mains, la sauvageonne tourna un regard surpris à la médecin, inconsciente des conséquences d’un tel geste sur sa masse de cheveux, se demandant juste ce qui manquait dans son mouvement.
D’ordinaire c’était plutôt sa mère qui lui raccourcissait les cheveux, environ une fois tous les deux mois. Mais sans indications à ce niveau, elle s’était contentée de laisser tout pousser durant son isolement de six mois, simplement habituée à ce que sa tête la gratte.

Curieuse, elle écouta la jeune femme lui expliquer la première étape.
Elle eut une moue un peu plus démotivée et abattue à l’évocation de laver sa chevelure.
Bien sûr, depuis le temps qu’elle était ici, elle avait l’habitude de devoir se laver bien plus régulièrement que lors de sa vie sauvage, surtout pour faire plaisir à Tori… Mais ça ne l’empêchait pas de faire la grimace à chaque fois.
Les premiers temps, ça avait été un combat dantesque pour sa tutrice. L’eau c’était froid, et ça mouillait ! Et la fillette avait bien fait comprendre sa désapprobation en allant jusqu’à se cacher de nouveau sous son lit ou un buisson dans le jardin… Ce qui avait ajouté à la couche de crasse accumulée durant ces six mois en forêt. Mais à force de patience, de demandes douces et de l’aide des conseils de Faith sur le fait de ne pas attraper de maladies amenées par les parasites, Tori était parvenue à entraîner la petite sauvageonne boudeuse jusqu’à une baignoire.

Mais si l’hygiène faisait désormais, un peu à contre-coeur, partie de son quotidien, démêler ses cheveux avait été là une autre histoire. Six mois de crasse, de parasites et de branches emmêlées avaient transformé ses cheveux brun en une crinière ébouriffée et hirsute.
Une épreuve qu’avait choisi de ne pas encore affronter Tori devant l’ampleur de la tâche et les grimaces douloureuses que tirait Anya lorsqu’elle essayait de démêler ses cheveux.
A ce souvenir, la fillette se sentit moins rassurée par la proposition de Faith, se rappelant de la douleur désagréable dans son cuir chevelu. Elle releva vers elle un regard inquiet et hésitant cette fois.
De son côté, la médecin continua de l’encourager, lui détaillant ce qu’elle comptait faire avec beaucoup de prévenance.
La fillette hésita… Mais finalement, le sourire et l’air convaincu de Faith la rassurèrent assez pour qu’elle hoche timidement la tête en signe d’acceptation. Après tout, la jeune femme avait de beaux cheveux elle, elle devait bien savoir comment faire non ?

La propriétaire des lieux s’absenta alors, laissant Anya se perdre dans ses pensées quelques instants, regardant le plafond abimé du bureau et balançant ses pieds en avant et en arrière d’un air distrait.
La jeune femme eu tôt fait de revenir, les mains chargées de bouteilles de shampoing. Toujours un peu angoissée mais l’esprit focalisé sur le choix que lui laissait la médecin, Anya regarda les différents contenant puis finalement en désigna timidement un du doigt dont la couleur et le motif sur le côté lui paraissaient jolis.
Suivant les directives de Faith, elle descendit ensuite du bureau et alla s’asseoir sur une chaise alors que la jeune femme apportait une bassine.

“Ca-a-a… Ca-a v..va ti-ir-rer ?...” demanda-t-elle, grimaçant déjà en voyant l’eau dans la bassine.

L’assurance avait disparu assez rapidement de son visage et elle tirait nerveusement sur sa mèche de cheveux.

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Si elle devait se montrer honnête, Anya devait admettre appréhender un peu la suite malgré les paroles rassurantes de Faith…
Si la jeune femme n’avait pas paru si sûre d’elle et prévenante, elle aurait probablement pris ses jambes à son cou avant qu’on s’attaque à sa tignasse sauvage.
Tendue comme un arc sur sa chaise, elle fixa droit devant elle alors que la médecin attrapait une brosse. Un travail de longue haleine pour démêler ses nœuds commença. Et si la fillette se sentait extrêmement anxieuse de prime abord, elle s’étonna de ne pas sentir autant de douleur qu’elle aurait imaginé. Bien sûr, Faith devait à plusieurs reprises tirer sur ses cheveux dans son combat contre les noeuds accumulés durant six mois de non-entretien et d’errance en forêt, mais la douleur n’était pas grand chose par rapport à celle qu’elle avait ressentit auparavant en se coinçant les cheveux dans des branches, ou en les décollant de la sève d’un arbre.
Elle ressentait même… quelque chose d’étrange en sentant la brosse passer et repasser dans ses cheveux… comme l’éveil d’un lointain souvenir…

Il fallut plusieurs longues minutes de patience et d’agacement contrôle pour que Faith vienne à bout de l’essentiel des nœuds.
Vint ensuite la seconde épreuve : la bassine d’eau. Là, Anya grimaça. Elle n’avait jamais vraiment été enthousiaste à l’idée de plonger dans ce liquide froid et humide, et ses mois d’isolement en montagne n’avaient pas aidé à lui faire plus apprécier l’hygiène. Depuis qu’elle était au domaine, il avait fallut à Tori et Peter batailler un certain temps pour qu’elle accepte enfin de se laver. Chose qu’elle faisait maintenant plus souvent, même à reculons. Mais de là à y plonger volontairement les cheveux.
Mais elle avait déjà dis oui à Faith, et elle admirait trop la jeune femme pour oser revenir en arrière à présent. Aussi, le visage toujours marqué par l'appréhension, elle accepta de pencher la tête en arrière sur la chaise et laissa la médecin plonger ses cheveux dans la bassine posée sur le bureau. Si le contact humide de l’eau la fit d’abord grimacer de nouveau, la sensation douce des mains de Faith qui massaient ses cheveux et son crâne l’apaisèrent rapidement malgré tout.
Elle ouvrit des yeux surpris alors que ses muscles se détendaient doucement et jeta un regard à l’envers, emplit de curiosité, à sa bienfaitrice.

“Tu vois, ce n'est pas si désagréable finalement ?” s’enquit la jeune femme dans un sourire bienveillant.

Anya hésita, mais choisit finalement l’honnêteté, hochant légèrement la tête.
Non… Ça n'était pas désagréable. Elle arrivait même à en oublier la sensation de l’eau sur ses cheveux. Ou plutôt à… L'apprécier ?
Chaque mouvement que faisait Faith dans sa tignasse malmenée lui provoquait une étonnante sensation de soulagement, comme si on lui retirait une petite écharde de la peau, celle à laquelle on ne faisait plus attention et qu’on ne remarquait que lorsqu’on nous l’enlevait. L’odeur délicate du shampoing l
L’adolescente ne put même retenir un petit soupir de soulagement réflexe.

Puis, Faith la fit se relever et vint alors le moment fatidique de la coupe.
Là pour le coup, Anya ne sentit plus trop inquiète, le plus dur étant passé à ses yeux avec le lavage. Le bruit des ciseaux et les geste calme et précis de la jeune femme firent de nouveau remonter à la surface un souvenir qui flottait dans son esprit depuis qu’elles avaient commencé…
Une clairière… La sensation d’une brosse au sommet de son crâne, puis le bruit de coupe… Elle jouant avec Teto tout en riant de voir des mèches de cheveux voler sur les côtés alors que sa mère s’occupait de raccourcir le tout…
Le regard de la fillette se perdit un instant, jusqu’à ce qu’elle n’entende plus le bruit du ciseau et qu’elle tourne la tête vers Faith pour la voir couper légèrement ses propres pointes de cheveux. Son regard curieux lui valu une réponse simple de la jeune femme. Mais la curiosité de l’adolescente était autre. Cette façon qu’avait la jeune femme de s’occuper en même temps de ses propres cheveux… Une sensation étrange lui occupait l’esprit, comme l’impression de partager quelque chose d’important avec la médecin.
Aussi, elle se laissa faire docilement pour la suite, totalement confiante à présent.

Une fois son travail terminé, Faith lui tendit un petit miroir, la laissant regarder.
La vision de son reflet fit monter une étrange et douce chaleur aux joues d’Anya. Elle qui ne faisait pas vraiment cas de son apparence avec sa tignasse d’habitude si chaotique découvrant dans le miroir une enfant à la chevelure soudain bien mieux peignée. Le travail de Faith, pourtant première étape, était titanesque. Alors qu’une Faith attendrie venait poser délicatement une de ses mèches sur son épaule, elle resta plusieurs secondes, figée, les yeux écarquillés, à regarder son reflet et cette chevelure sombre bien méconnaissable entourant son visage plus pâle que la dernière fois où elle avait eu l'occasion de se regarder.
Elle leva une main et d’un doigt, appuya curieusement sur l’une des deux tâches rouges qui étaient apparues mystérieusement sur ses joues. Puis elle releva enfin son regard du miroir pour fixer Faith.

“C-c-c’es-est.. j..j..jo-o..oli.”

Les mots étaient simples, mais la lueur dans le regard qu’elle adressait à la médecin ne trompait pas : une reconnaissance profonde qui gonflait à présent son coeur alors qu’elle réalisait à quel point le geste de la jeune femme avait eu d’importance à ses yeux.
Perturbée, elle attrapa sa mèche qu’elle maltraitait en général, mais finalement fit l’effort d’ouvrir la main et de la lâcher. Elle jeta un regard rêveur à la médecin


“... D-di-is F..Fai-aith… T-tu cro..cr-crois qu-que un…uuun j-jour je p..pour-ourais av-voir des-es chev...chev-v-veu-eux b-beau c-co-omme les t-t-tiens ?...” demanda-t-elle timidement, les joues légèrement roses pour une fois.