Re: A l'est d'Eden
Dim 19 Fév 2023 - 18:01
J’ai un bref soupir, laissant filer quelques secondes de silence à sa question. «Est-ce que je crois que tu serais capable de faire ça pour protéger l’un de nous ou éviter qu’Elliot doive le faire ? Oui, complètement. » Et qu’elle n’essaie même pas de me détromper, elle est beaucoup trop gentille pour son propre bien. «Comme tu sais que je serais capable de n’importe quoi si ça peut vous aider. » Dieu sait que ça nous portera préjudice. Encore plus, si tant est que ce soit possible. «Et tu n’es la putain de personne. Tu fais ce que tu peux pour survivre Tasya. » Soufflé dans un murmure avant de reprendre, alors qu’elle évoque le troc.
«On a besoin de tout ici. Je peux essayer de voir de mon côté si on pourrait avoir des trucs à échanger. » Des fringues, des bougies, n’importe quoi qu’il nous arrive de récupérer quand on va bosser ou sur les cadavres. Même si l’idée me révulsait les premiers jours, j’ai fini par m’y faire. Comme à beaucoup de choses que je n’aurais jamais cru possibles me concernant avant d’arriver ici. Question déchéance, c’est quelque chose. Je le vois bien juste au plaisir que j’ai à manger une simple pomme. Pour un peu, je pourrais trouver ça pathétique, mais là encore, j’ai dépassé ce stade depuis un moment déjà.
J’ai le regard qui se fait brillant quand je vois les deux cigarettes qu’elle sort de leur cachette. «J’en ai de temps à autre. Certains gardiens aiment bien m’entendre chanter, ils me paient comme ça. » Je ne sais toujours pas trop quoi en penser soit dit en passant, mais je ne vais pas m’en plaindre. Du reste, j’ai un sourire à sa remarque. «Tu peux tenter de me faire la morale, mais je ne suis pas sûr que ce soit particulièrement avisé là de suite. Non ? » Et j’ai un rire quand elle continue. «J’ai commencé il y a quelques semaines tu sais. » Un temps, mon regard se perdant à fixer le ventre arrondi de Tasya, essayant de ne pas penser à celui d’Anjali. Je ne sais même plus quel jour nous sommes et combien de temps il reste avant qu’elle accouche. Et j’essaie de ne pas écouter cette voix qui me dit que je ne verrais jamais mon fils, que je ne verrais pas mes autres enfants grandir. Que plus jamais je ne pourrais me perdre dans le regard d’Anjali. Un froncement de sourcils, alors que je secoue la tête pour me raccrocher au présent. Faute de quoi, je risque de perdre pied pour de bon. «Ce n’est pas le moment le plus approprié en effet. » J’arrive à me bricoler un sourire avant de reprendre, non sans hausser une épaule. «Ca m’aide. Ca me coupe l’appétit. Et ça me calme un peu les nerfs. » Et, quand elle parle de boire, j’ai un sourire nostalgique. «Tu sais quand est-ce que j’ai vraiment bu pour la première fois ? Au Parlour. »
Mais j’ai un soupir, mon regard se perdant un instant dans le vide. «On peut oublier tout ça. Autrement. » J’ajoute, lui prenant la main. «Viens. » Un hochement de tête en direction du garde qui me reconnait, alors que je l’entraine jusqu’à notre baraquement que je contourne. Juste derrière, c’est un bout de terrain plus ou moins à l’abandon. Certains tentent d’y faire pousser quelques plants dans un potager de fortune, avec un succès tout relatif parait-il. On verra bien au printemps. Et, alors que j’entends les éclats de voix des discussions un peu plus loin, je souffle, dans un murmure. «Lève les yeux Tasya. Regarde les étoiles. Ici, elles sont encore plus brillantes je trouve. » Probablement parce que nous n’avons pas vraiment d’électricité ou que nous sommes à plusieurs centaines de kilomètres au nord de Walla-Walla. Peu importe. Elles sont bien là. Et ça au moins, ils ne pourront jamais nous les enlever.
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Re: A l'est d'Eden
Mar 21 Fév 2023 - 16:07
Tasya a un sourire triste aux paroles de Mason et se contente d'hocher tristement la tête. Est-ce qu'elle serait prête à faire ça pour ses amis ? Il y a encore quelques semaines, à Walla Walla, elle en serait incapable, mais ici... Elle s'est détachée de son propre corps pour ne plus souffrir, pour ne plus ressentir la douleur physique, le froid, la faim. Lorsqu'Alec la touche, ce n'est pas elle qu'il touche, c'est uniquement son corps. Elle parvient à se focaliser sur autre chose, à détourner ses pensées pour qu'il n'arrive pas à l'atteindre elle. La mexicaine comprend mieux comment Phoebe pouvait se prostituer là-bas et elle éprouve encore plus d'admiration pour sa sœur de cœur. Elle fait ce qu'elle peut pour survivre. Tasya baisse le regard : combien de temps arriveront-ils encore à survivre comme cela ?
Quand Mason lui dit qu'il va chercher ce qu'il peut troquer lui aussi, elle lui donne quelques indices sur ce qu'elle a l'habitude de troquer elle aussi. « Certains miliciens aiment les bijoux » souffle-t-elle. Ils en retrouvent parfois sur les corps des défunts. Une chaine, une boucle d'oreille, n'importe quoi ayant un peu de valeur et qu'ils ont réussi à cacher aux yeux des soldats. « Si tu arrives à en trouver, je sais qui contacter » affirme-t-elle. « Une des disgraciée du dortoir 3 est une bonne couturière aussi. Si tu trouves des vêtements en laine, elle peut en faire des couvertures » Et personne n'est contre une bonne couverture un peu plus chaude pour affronter les nuits froides. « Et moi, je me concentre sur les médicaments... » Elle a un soupir, las « Ce n'est pas normal de mourir d'une infection quand à quelques pas d'ici, ils ont tout ce dont ils ont besoin comme médicaments... » Tasya se mord la lèvre. C'est une injustice qui la révolte plus que tout.
A propos des cigarettes, la mexicaine secoue à nouveau doucement la tête « Ce serait un peu bête de sortir d'ici et de mourir d'un cancer des poumons, non ? » Bon, après, elle doute que sa consommation soit suffisante pour qu'il prenne un tel risque. Il faudrait qu'il fume encore plus. Elle se sent un peu coupable quand il affirme que la cigarette lui coupe l’appétit. Elle a au moins la chance de pouvoir manger à peu près à sa faim, elle au moins. « Ah oui ? » demande-t-elle curieuse à propos du Parlour. « C'est là-bas qu'ils t'ont arrêté ? » poursuit-elle d'une voix douce. Tasya ne sait pas s'il veut en parler, ils n'ont jamais réellement évoqué ce sujet ensemble. Cela semble douloureux.
La jeune femme le suit, curieuse. Lorsqu'il lui montre son endroit et qu'il lui désigne les étoiles, elle se perd quelques secondes dans la contemplation des astres. Sa main vient serrer plus fort celle de son ami. « C'est magnifique » souffle-t-elle, reconnaissante qu'il l'ait emmené ici. « Peut-être qu'eux aussi sont en train d'admirer les étoiles là-bas » murmure-t-elle en évoquant Jacob, Anjali et tous ceux qui sont chères à leur cœur.***
La mort d'Alba l'a chamboulée. Tasya s'en veut terriblement de ne pas avoir pu faire plus. Ce soir, elle met du temps à s'endormir, revivant en pensées les derniers instants de la jeune femme. Lorsque Alec rentre tard dans la nuit et qu'il se glisse à côté d'elle, la mexicaine sent son haleine chargée d'alcool. Elle espère qu'il s'endorme rapidement comme à son habitude mais il ne semble pas si fatigué que cela. Elle sent ses mains et, épuisée, elle tente de lui résister. Sa réaction ne se fait pas attendre, il la frappe violemment au niveau du visage et elle crie, terrorisée tandis qu'un deuxième coup tombe et qu'il hurle. Il va la tuer, c'est certain. Il ne la lâche que plusieurs minutes après. Elle passe une nuit blanche, complètement terrifiée, recroquevillée sur elle-même.
Le lendemain, Alec part tôt et lorsqu'elle jette un regard à son reflet dans le miroir, le constat est sans appel. Un de ses yeux est complètement tuméfié, plusieurs hématomes colorent ses joues, son front. Elle hésite même à se rendre au dispensaire mais elle sait qu'ils ont besoin d'elle. Là-bas, elle évite tout le monde et adresse un signe de la main à Line pour lui affirmer que tout va bien. Elle ne veut pas répondre à ses questions. « ça va » souffle-t-elle simplement. Elle referme la porte du petit bureau et va sortir de la lame du plancher, un scalpel. C'est décidé, elle va tuer Alec avant qu'il ne la tue.
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Re: A l'est d'Eden
Mer 22 Fév 2023 - 11:09
J’ai un bref hochement de tête quand Tasya me détaille ce qui se troque. Et je souffle, non sans une grimace. «On fait les poches des cadavres qu’on brûle. On a trouvé quelques trucs intéressants. » Il y a quelques mois, quelques semaines même, j’aurais été horrifié de dire un truc pareil. Mais nécessité fait loi et je suis à peu près certains qu’aucune de ces personnes ne nous en voudrait. «Je te montrerais ce qu’on a planqué. » Et je note pour les vêtements en laine, laissant filer un silence avant de hausser une épaule. «Je ne suis pas sûr que la notion de normalité ait encore le moindre sens ici Tasya. On est… dans un autre monde. » Bien loin de tout ce qu’on a pu connaitre jusque-là. Et on doit apprendre les règles pour y survivre, pour avoir la force de faire ce qu’il faut si on en a l’occasion.
Je me fends tout de même d’un rire à la remarque de la brune. «Franchement ? Je serais heureux si mon plus gros problème finit par être de me demander si je pourrais mourir d’un cancer des poumons. » Nous sommes des morts en sursis, elle en est aussi consciente que moi. Et même si je refuse de lâcher prise, si je veux tenir jusqu’au bout, je ne donne quand même pas cher de notre peau si personne ne vient nous sortir de là. Je me fige à l’évocation du Parlour et je baisse les yeux, mes doigts se nouant nerveusement entre eux. «… pas exactement. » Lâché d’un ton plus sec, alors que je finis par détourner les yeux. Je ne veux pas parler de ça. Je ne veux pas repenser à ce qui s’est passé, aux jours qui ont suivi. Et je me frotte les bras, inspirant longuement pour chasser l’angoisse qui n’a pas manqué de pointer le bout de son nez.
Finalement, regarder les étoiles me fait autant de bien qu’à elle. Et, à sa remarque, j’ai un sourire. «C’est aussi ce que je me dis. Que même si on n’est pas ensemble, on est toujours sous le même ciel. » Et même si on ne se retrouve jamais, jusqu’au bout, j’aurais pensé à elle. Jusqu’au bout, la voûte étoilée m’aura rappelé les moments passés avec Anjali. Et je sais que ça me portera, quoi qu’il arrive.
***
Les jours finissent par se suivre, sans vraiment se ressembler. Toujours plus d’horreur, alors que je pensais qu’on ne pourrait pas tomber plus bas. Et malgré la mine désapprobatrice de Tasya, je me suis retrouvé plus d’une fois, sur mon temps libre, à serrer la main des mourants. A leur parler, à les aider à trouver la paix avant qu’il ne parte. A chanter aussi. Paradoxalement, ça m’apaise, j’ai l’impression d’être un peu utile. Et je dors un peu mieux.
Mais le lendemain, quand je passe au dispensaire avant d’aller retourner je ne sais quel lopin de terre plein de caillasses inutiles, j’ai un froncement de sourcils en voyant la mine désemparée de Line. «Tu devrais… » Elle me désigne le bureau avec une grimace et je passe la porte, sans même chercher plus loin. Et, voyant Tasya avec un scalpel en main, j’ai un profond soupir, m’adossant à la porte, bras croisés. «Tu comptes faire quoi exactement ? » Sans lui laisser vraiment le temps de répondre, je continue, d’un ton à peine las. «Si tu veux aller tuer Alec à la force de tes petits poings et avec cette lame, je te préviens, tu n’as pas intérêt à le rater. Et pense à te suicider dans la foulée, avant qu’on ne t’attrape. » Je continue, ma voix se faisant un peu plus sèche. «Parce que si tu restes en vie, que tu l’aies tué ou non, ce sera le pire qui t’attend. Tout ce que tu as réussi à éviter jusque-là, tu le prendras de plein fouet. » J’ai un nouveau soupir. Alec fait de sa vie un cauchemar, mais il pourra faire autrement pire. «Et tu as réfléchi aussi aux conséquences sur les autres ? Tu crois qu’ils ne vont pas tous nous interroger pour savoir comment tu as eu ce scalpel ? » Line risque de prendre très cher, juste pour ne pas l’avoir dénoncée. Et je suppose que je serais aussi en ligne de mire, vu que nous passons beaucoup de temps ensemble. Je finis par me décaler, libérant le passage. «Mais vas-y, va essayer de le tuer. Et laisse-nous tomber. Qui a besoin de sa famille pour vivre ici après tout ? » Parce que, les semaines passant, c’est comme ça que j’ai fini par les voir Elliot et elle. Comme des petites sœurs.
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Re: A l'est d'Eden
Mer 22 Fév 2023 - 15:15
Tasya pince ses lèvres. Oui, ils sont dans un autre bout où la normalité n'a pas de sens. Ici, c'est seulement un enfer. « Il y a surement un moyen de changer les choses » soupire-t-elle. Ce n'est pas faute d'essayer, du plus fort qu'elle le peut. La mexicaine ne lâche rien : elle tente de persuader les gardes, comme elle a pu le faire avec le docteur Vanhoonten, de parler en leurs noms, de tenter de faire entendre leur voix de l'autre côté des barricades. Ils sont humains, ils ont besoin de moyens, de nourriture, de médicaments pour survivre. Et si certains l'entendent, ils semblent avoir les mains liées et ne pas pouvoir changer grand chose à leur situation.
Mason ne semble pas vouloir parler de ce qu'il s'est passé lors de son arrestation. Il se montre toujours évasif à ce sujet. Tasya hoche doucement la tête. Elle respecte son silence et ne continue pas dans ce sens-là pour ne pas le gêner davantage, mais elle glisse sa main dans la sienne et la serre pour lui signifier que, s'il en a envie, elle est là pour en parler. La mexicaine ne le forcera pas si c'est trop dur, mais elle restera là s'il a besoin. Ils sont sur le même bateau, dans la même galère, hantés par des souvenirs, des fantômes trop lourds pour leurs épaules.
Mason a raison. Même s'ils sont à des centaines de kilomètre les uns des autres, ils sont tous sous le même ciel, à observer les mêmes étoiles, la même lune. Elle a presque l'impression que la distance est moins grande tout d'un coup. « Et ils nous attendent, j'en suis certaine. » affirme-t-elle avec plus de force. « Alors il faut qu'on tienne le coup et qu'on sorte d'ici. Je l'ai promis à mes enfants et à Jacob. Je me battrais jusqu'au bout. » Le contraire n'est pas possible. Malheureusement, si ce soir-là, elle croit fermement à ce qu'elle dit, si elle se raccroche à cet espoir, son optimisme est bien aléatoire, changeant selon les situations. Un jour, elle peut se montrer forte, pleine d'espoir et le lendemain être complètement effondrée. Ainsi est la dure vie à Colville.***
La porte s'ouvre et Tasya est tellement surprise qu'elle manque de lâcher le scalpel. Elle constate avec soulagement que c'est Mason, pas un garde. « Laisse-moi » souffle-t-elle. « J'ai besoin d'être seule » Mais il n'est pas stupide et il devine bien vite le fond de sa pensée. La mexicaine se mord la lèvre tandis que ses paroles font sens dans son esprit. Toute sa détermination se fissure tandis qu'elle lui tourne toujours le dos. Serait-elle vraiment allée au bout ? Aurait-elle vraiment eu le cran de tuer Alec de sang froid ? De l'égorger dans son sommeil ? Elle ne sait pas vraiment... C'est le désespoir qui l'a poussé à raisonner ainsi.
La brune sent ses épaules s'affaisser. Elle n'a pas pensé aux conséquences sur les autres. Il lui était évident qu'elle n'en aurait pas survécu, mais au final, est-ce que c'est important ? Elle est enceinte, oui, mais que va-t-elle laisser à son bébé ? Alec va le prendre pour l'élever, probablement en trouvant une pauvre victime à épouser. Imaginer son enfant entre les mains de ce monstre lui est insupportable. Il est hors de question que cet homme pose ses mains souillées de sang sur son bébé mais comment peut-elle l'en empêcher ? Elle est coincée dans cet enfer, soumise aux désirs et exigences d'un homme contre lequel elle ne peut rien. « Je suis déjà condamnée » murmure-t-elle. Si fut un temps, elle pensait qu'Alec la protégeait, les derniers évènements lui ont prouvé le contraire. Elle se sent confuse à cette idée. « S'il ne me tue pas avant mon accouchement, il le fera dès que le bébé sera né... » Quand il se décale, elle ne bouge pas. Quand il évoque la famille, elle ferme les yeux. Bien sûre qu'Elliot et lui comptent énormément à ses yeux, ils sont comme un frère et une sœur. Tasya a envie de se défendre, de lui affirmer qu'eux, sa famille, ne risquent rien. « Je vous attire plus d'ennuis qu'autre chose... » supplie-t-elle. Il n'y a qu'à voir cette fois où ils ont failli être arrêté par les gardes parce qu'elle a voulu les empêcher de tuer les musiciens.
Sa main se porte à son visage blessé. C'est la première fois qu'Alec lui porte la main dessus de manière aussi violente. « Alec viole et tue, je le sais. » Le nombre de fois où il rentre le soir les mains couvertes de sang ou le nombre de fois où il se vante de ses dernières "victimes", elle ne les compte plus. « Il faut que quelqu'un l'arrête » Elle voudrait se montrer plus déterminée, mais elle est plus brisée qu'autre chose. Le scalpel au bout des doigts, elle finit par le reposer. « Je ne peux pas tenir Mason... » Elle a l'impression d'être au bout de ce qu'elle peut supporter. Les hématomes sur son visage, son œil tuméfié, ne sont rien comparés à la peur qu'elle ressent, à la sensation de perte, de gouffre dans lequel elle est plongée.
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Re: A l'est d'Eden
Sam 25 Fév 2023 - 12:15
Je me contente d’arquer un sourcil quand elle me dit qu’elle a besoin d’être seule. Hors de question de la laisser, surtout dans cet état. Et je finis par prendre la parole, sans prendre de pincettes. Parce qu’à mes yeux, nous avons dépassé ce stade depuis longtemps. Surtout au vu de la vie que nous menons actuellement et qui nous oblige à montrer une autre facette de nos personnalités. Je me demande ce qui se passera si nous finissons vraiment par sortir de là. Ce qui restera de nos anciens nous.
Et je préfère chasser tout ça de mon esprit, laissant filer un soupir à ses paroles. «Viens là. » Je l’entraine vers une des chaises, prenant place face à elle, alors que je récupère de quoi nettoyer au moins son visage. «Laisse-moi faire, s’il te plait. » Vérifier que ce sont juste des coups et qu’elle n’a pas quelque chose de plus grave. Oui, juste ça. Mes mâchoires se contractent quand je vois ses hématomes, mais j’ai une profonde inspiration, avant de reprendre, d’une voix plus douce. «Quand j’étais plus jeune, mon père a essayé de m’expliquer quelque chose. Que je n’ai jamais vraiment compris. Jusqu’à mon arrivée ici. » Je mouille un morceau de tissu, tamponnant son visage avec précaution. «Tu sais ce qui caractérise les êtres humains ? C’est leur finitude. » Mon ton de voix continue de changer, comme quand je raconte une histoire. «Nous sommes tous condamnés d’une certaine façon. Parce que tout, absolument tout ce que nous vivons finit par se terminer. Les bons comme les mauvais moments. Et notre propre existence. » Je laisse filer un sourire et je finis par poser ma main sur la sienne. «Ca peut paraitre pessimiste comme façon de voir les choses, mais ce n’est pas le cas. Parce que ça veut dire que tout se finit un jour. Y compris les pires horreurs. Parfois, ça prend plus de temps, mais ça aussi, ça passe. » Et il faut être assez fort pour le traverser.
Mes doigts serrent les siens et je reprends, plus assuré. «Et si je te promettais qu’on fera tout pour l’arrêter mais qu’il faut nous laisser le temps de réfléchir à quelque chose qui marchera ? Parce que les atrocités qu’il commet, ça aussi, ça aura une fin un jour Tasya. » Mais ça peut aussi être à nous de décider de la date. Quitte à ce que nous déclenchions notre propre fin, autant que ça ne soit pas pour rien non ? Et j’ai un bref regard en direction de son ventre arrondi, essayant de calculer dans combien de temps – à peu près – elle est supposée accoucher. Pour agir avant qu’il ne soit trop tard. Je finis par reprendre, à mi-voix. «Tu as le droit de douter de l’issue tout ça. Tu as le droit de croire que tu ne tiendras pas. Mais quand ça t’arrivera, viens me voir. Il faut qu’on tienne bon. Ensemble. » C’est la seule façon, à mes yeux, de survivre à tout ça.
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Re: A l'est d'Eden
Dim 5 Mar 2023 - 21:29
Tasya se laisse entrainer vers une des chaises où Mason l'incite à s'assoir. Elle n'a pas la force de lui résister de toute manière. Ses yeux fixent le vague devant elle, complètement perdue dans son propre désespoir et elle réagit à peine lorsque le chiffon vient tamponner doucement ses hématomes. La douleur physique en devient presque supportable quand elle est quotidienne. Ce n'est que lorsque son ami commence à parler de son passé que son regard se pose sur lui, soudainement plus curieux. Elle l'écoute attentivement tandis que peu à peu, ses paroles font sens. Oui, tout ça va forcément finir un jour. Comment ? Par sa mort ? Peut-être mais dans ce cas, ce sera une délivrance, c'est certain. « Ton père était un homme sage » chuchote-t-elle.
La demande de Mason, celle d'attendre le bon moment pour arrêter Alec lui arrache un petit soupir. « Je... Je ne veux pas que d'autres soient impliqués » murmure-t-elle. Tasya ne supportera pas de perdre son ami ou Elliot. Si quelqu'un doit faire quelque chose contre ce monstre, c'est elle. « Je pensais juste... Quand il dort, il est plus vulnérable... » Et c'est peut-être le seul moment où quelqu'un peut l'atteindre. Elle donc. Tasya n'est toujours pas totalement persuadée que c'était une mauvaise idée, elle n'en a juste plus le courage. Le bébé donne un coup de pied et elle pose une main sur son ventre. C'est difficile de se dire que là, elle peut le protéger mais que dans quelques semaines, ils seront définitivement séparés et qu'elle ne pourra plus veiller sur lui.
Tasya hoche doucement la tête. « C'est dur... » De tenir bon. Elle tente de ne pas s'effondrer en sanglots encore une fois, mais c'est difficile. « J'ai l'impression que c'est de pire en pire » Que les miliciens se montrent de plus en plus impitoyable, que les conditions de vie se durcissent au fil du temps et que lorsqu'elle penche toucher le fond, elle arrive encore à tomber plus bas. « Comment tu fais pour tenir ? » Il doit avoir un secret, la foi peut-être. Ils en ont déjà parlé, de son côté, elle a du mal à s'y raccrocher. Quel Dieu laisserait les hommes s'entretuer ainsi ? « Et encore, je dors dans un vrai lit et je ne souffre pas de la faim, moi... » Et en ce sens, elle se trouve encore plus pitoyable de se plaindre. Ils en ont déjà parlé. Il n'y a pas de secret, chacun doit trouver la force d'avancer, de tenir le coup.****
Tasya n'a finalement pas mis son plan à exécution. Ce matin, elle a rendez-vous avec Mason au dispensaire. Dans sa poche, elle a caché une brioche qu'elle a gardé de son propre déjeuner. « Tiens ! » Elle lui glisse la viennoiserie dans la main pour ne pas lui laisser le choix. Il doit manger. Elle a gardé aussi un peu de nourriture pour Line et pour Elliot. Si elle le pouvait, elle en distribuerait à plus de monde.
Soudain, un homme passe la porte. « Tasya ! Tu dois venir, il y a eu un accident ! » A peine le temps d'échanger un regard avec Mason, ils se précipitent tous deux en avant. Une averse les trempe en quelques secondes. Ils arrivent rapidement sur les lieux de l'accident et peuvent vite comprendre ce qu'il s'est passé. Un des câbles électriques, en mauvais état comme l'ensemble du bidonville, s'est détaché pour venir tomber au sol, dans une flaque d'eau, l'homme était sans doute au mauvais endroit. Il est inconscient, souffrant probablement d'un grave choc électrique.
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Re: A l'est d'Eden
Mar 7 Mar 2023 - 14:10
J’ai un sourire à l’attention de la brune, laissant filer un silence à sa remarque. «Mon père était quelqu’un de bon. De bienveillant. D’un peu têtu sur certains sujets. » Mon regard se perd un peu dans le vide avant que je ne reprenne, d’une voix douce. «J’ai envie de croire qu’ici, je suis enfin ses pas. Que je suis l’homme qu’il aurait aimé me voir devenir. » Même si ça doit me coûter la vie, au moins j’aurais été honnête et en phase avec mes propres valeurs jusqu’au bout. C’est toujours ça de pris non ? J’imagine que oui. « Il me manque. » Chaque jour, depuis sa mort. Le temps n’arrive pas à y faire quoi que ce soit, encore moins aujourd’hui où j’ai plus besoin de lui que jamais.
J’ai tout de même un soupir quand elle reprend. «Nous sommes tes amis. Nous sommes là pour nous serrer les coudes. Alors nous sommes forcément impliqués. Tu accepterais de ne rien faire à ma place ? » Reste à savoir ce qui pourrait être fait, concrètement, mais ça mérite une réflexion dont nous ne sommes pas capables tous les deux pour le moment. «Je sais qu’il est plus vulnérable quand il dort. Mais pas seulement. Il doit y avoir d’autres options. » On ne peut pas juste attendre et se laisser tuer à petit feu. Ce serait les laisser gagner. Et, forcément, j’ai une pensée pour les musiciens qui ont décidé de la façon dont ils allaient mourir. Un vrai pied de nez à New Eden, mais à quel prix ?
J’ai un bref hochement de tête au reste de ses propos. «C’est dur oui. Chaque journée est plus difficile que la précédente. » Pas parce que c’est forcément de pire en pire, mais surtout parce que nous avons déjà à porter le poids des heures que nous avons subies. Et qu’il n’y a rien pour nous décharger. Et, à sa question, j’ai un sourire plus malicieux. «J’ai récupéré un feutre l’autre jour. » Et je relève la manche de mon pull. Là, sur mon avant-bras tellement amaigri que j’ai parfois du mal à réaliser qu’il s’agit vraiment du mien, j’ai écrit leur nom avec application, Anjali en tête d’une liste que je m’efforce de répéter tous les jours. «Voilà comment je tiens. Il n’y a que ça qui compte. Quand répéter leur nom n’est pas suffisant, je l’écris. Comme ça, je suis sûr de me rappeler ce qui en vaut la peine. » Du reste, j’ai tout de même un rire silencieux. «Je dors dans un vrai lit. Je dois juste le partager. » Mais vu le froid qu’il fait, je ne vais pas m’en plaindre. Je préfère passer la faim sous silence, ce serait hypocrite de lui faire croire que, de ce côté-là, tout va bien.***La brioche entre les mains, j’inspire longuement, profitant autant de l’odeur que du goût. Elle disparait en un clin d’œil, même si j’essaie – un minimum – de savourer. Ce n’est pas particulièrement probant malheureusement, mais le sucre me fait du bien. J’ai à peine le temps de manger la dernière bouchée qu’on vient chercher Tasya en urgence. Je la suis sans une hésitation, trempé en quelques secondes à peine. Rien d’inhabituel, même si la pluie glacée semble comme traverser mes couches de vêtements.
Une grimace, alors que j’avise la situation. «Ne bouge pas. » J’essaie de regarder autour de moi, cherchant l’origine du courant, avant de voir un boitier électrique. Il faut passer tout près du câble pour l’atteindre, mais j’arrive sans trop de souci à éviter de me faire électrocuter à mon tour. Evidemment, personne ne bouge, les gardes semblent comme figés devant la scène, sauf quand je passe devant l’un d’eux, me dirigeant vers le boitier. « Hééé tu fais quoi là ?! » Je désigne le câble qui continue de s’agiter au sol, comme si c’était un serpent et le boitier, espérant qu’il fera le lien tout seul. « Ah ouais… vas-y… » Lâché d’un ton bougon. Clairement, il n’aime pas que je fasse preuve d’une initiative quelconque mais là, de suite, je m’en moque.
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