Re: A l'est d'Eden
Mer 4 Jan 2023 - 22:15
24 décembre – 21h30
« Tasya, tu viens ? Il y a un des disgraciés du dortoir 6 qui fait une sorte de messe de Noël. » Line s'arrête sur le pas de la porte et observe la mexicaine. « Tu devrais venir, ça te ferait du bien... » Tasya hausse les épaules. Elle n'a pas à cœur de fêter Noël. Pas ici. « Je suis fatiguée » soupire-t-elle. C'est le premier Noël de ses jumeaux. Ils auraient dû le fêter en famille, Jacob aurait probablement ramené un petit sapin et les jeunes parents auraient disposé quelques cadeaux à son pied. Ils auraient passé la veillée en famille avec Phoebe, Noah, Victor, Grace, Elliot et leur famille puis se seraient endormis, comblés, heureux. C'est en tout cas le Noël dont elle aurait rêvé mais à la place, elle n'aura rien de tout ça. Sa famille est à des centaines de kilomètres de là. Jacob aura-t-il pu avoir la garde de ses enfants en ce jour particulier ? Rien n'est moins sûre. Elle a terriblement froid et ce n'est pas à cause des températures glaciales.
Pourtant, c'est avec un œil légèrement plus pétillant qu'elle reprend : « Amuse toi bien avec... Marvin ? » Line rougit immédiatement.« Avec ? Non, qu'est-ce que tu racontes ! » La mexicaine secoue la tête avec un sourire. Elle a bien vu comment les deux jeunes se regardaient et se cherchaient constamment. L'un venait dès qu'il le pouvait au dispensaire, pour un mal imaginaire ou un bobo sans gravité et Line se tenait constamment disponible pour lui. Et puis, Marvin loge au dortoir 6 de ce qu'elle en sait, exactement là où sa nouvelle amie se rend ce soir.« Si tu changes d'avis, n'hésite pas à nous rejoindre » Elle quitte le dispensaire en jetant un dernier regard à Tasya.
La mexicaine rassemble quelques affaires et salue l'homme de garde ce soir avant de partir à son tour. Elle rassemble les pans de son châle autour de ses épaules. Elle a tellement froid. La brune souffle sur ses doigts pour les réchauffer tandis que ses pas la dirigent vers la cabane d'Alec. Ses chaussures résonnent dans l'obscurité et soudain, elle entend un autre bruit. Quelqu'un se rapproche et au moment où elle veut se retourner pour voir qui la suit, on la tire violemment par le bras pour l'attirer ailleurs.
Tasya laisse échapper un petit cri et tente de se débattre. Un homme au visage masqué par une écharpe la surplombe. « C'est son bébé pas vrai ? C'est pour ça que tu l'intéresses ? » Il la secoue pour qu'elle réponde plus vite mais elle est pétrifiée, incapable de prononcer un mot. « Tu sais ce qu'il m'a fait Alec ? Il a buté mon frère ! » Elle laisse échapper un gémissement de terreur quand elle aperçoit le bout de verre brisé qu'il avance dans sa direction. « Une vie pour une vie » murmure-t-il en avançant l'arme artisanale vers son ventre.
« Qui est là ? » Une nouvelle voix résonne alors dans l'obscurité et l'homme qui la tient semble hésiter. Il finit par jurer et par la lâcher. Dans sa précipitation, il perd également le morceau de verre qui vient se briser au sol. Tasya retombe au sol et éclate en sanglots. Un milicien apparait et tente de rattraper le fugitif mais peine perdu, l'homme est déjà loin. Il revient sur ses pas et aide la mexicaine à se relever. Elle tremble et est incapable de mettre un pied devant l'autre alors il la soulève sans trop de difficulté. « Tasya c'est bien cela ? Je suis Luis. » Il la ramène directement chez Alec qui, heureusement, n'est pas présent ce soir. Son absence est le plus beau cadeau que l'homme pouvait lui faire. « ça va aller. J'y veillerai » promet-il. Luis ne s'attarde pas, elle n'a pas le temps de le remercier qu'il referme déjà la porte et s'éclipse. Tasya se réfugie sous les couvertures et ne touche pas à sa ration de nourriture. Elle veut juste oublier, être loin, se réfugier dans le sommeil. Elle tardera à s'endormir et à calmer les tremblements de son corps. Sacré Noël.
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Re: A l'est d'Eden
Jeu 5 Jan 2023 - 12:11
29 décembre – 19h00
C’était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée.
Et pourtant, j’étais incapable de faire autrement. Après ma discussion avec les autres, je me suis rendu au dispensaire, sans chercher à réfléchir plus que ça. Si je l’avais fait, probablement que j’aurais compris qu’il n’est jamais bon d’avoir toutes les réponses aux questions qui nous hantent. Si je l’avais fait, je ne serais probablement pas assis par terre, derrière la baraque, genoux repliés contre moi sans être capable de dire ou de faire quoi que ce soit depuis près d’une heure.
***
Dispensaire – 18h00
«Oh Mason ! Je peux vous aider ? » Le visage de Line s’illumine d’un sourire, alors que je prends une grande inspiration. «Peut-être. » Je me rapproche, m’assurant qu’il n’y a que nous deux dans la pièce et elle me fixe, la mine interrogative. «On m’a dit que vous aviez une espèce de registre. Sur les … gens qui sont morts ici. » Un bref froncement de sourcils de la part de la jeune femme et elle semble hésiter. Avant de me tendre un petit cahier. «J’essaie de le tenir à jour autant que possible. Mais il n’y a pas forcément tous les noms. » Et j’hésite, avant qu’elle n’ajoute. «Allez-y, mais… n’espérez pas trop. »
L’espoir.
C’est bien la seule chose qui m’aide à me lever chaque matin. L’espoir que ce cauchemar finira par s’arrêter. Que je vais rentrer. Retrouver les gens que j’aime. Que les tyrans finiront enfin par payer pour tout ce qu’ils ont fait.
Et c’est aussi ce qui m’aide à tourner les pages, alors que je cherche un nom que je n’ai pas la moindre envie de voir écrit ici. Finalement, j’arrive à la dernière et j’ai un froncement de sourcils. «Vous n’en avez pas d’autres ? » Line secoue la tête. «Non, mais je vous l’ai dit, il n’y a pas forcément tout le monde. Par contre… » Elle a un temps, avant de quitter la pièce et de revenir avec une petite boite. «J’essaie de garder des… pas des souvenirs, mais des objets importants. Comme pour éviter que les gens disparaissent pour de bon. Vous voyez ce que je veux dire ? D’autant que les bijoux et autres ne les intéressent pas. Il suffit de tendre la main et d’aller à la première bijouterie venue pour trouver ce qu’on veut. »
J’attrape la petite boite et je l’ouvre avec précaution, le silence envahissant la pièce. Une petite broche, des alliances. Une paire de boucles d’oreilles. Un camé avec des portraits à l’intérieur. Chacun de ces objets me serre le cœur, alors que je me demande quelle pouvait être leur histoire. Et puis, au bout d’un temps abominablement long, je les vois.
Les deux médailles. Celle de mon frère et la mienne. Que j’avais donné à Mei l’année dernière. Je m’en saisis d’une main tremblante, le regard brouillé par les larmes qui ne veulent pas couler. «Je… c’est à moi ça. » Si l’on peut dire. «Je suis désolée Mason. Ce n’est pas moi qui l’ait mis dans la boite, mais la femme qui était là avant moi. Je ne sais pas d’où ça vient. Mais gardez-la. » Je n’écoute plus vraiment ce qu’elle me dit dans la foulée et je quitte le dispensaire comme un automate, le regard fixant le vide.
***
Baraque n°6 – 19h00
Je ne sais même pas comment je suis arrivé jusqu’ici. Je serre les deux médailles entre mes doigts, sans me rendre compte que je me balance d’avant en arrière. J’ai un sursaut quand une main touche mon épaule et je me tourne, la mine hagarde, pour voir Jude qui s’est agenouillé à côté de moi. Il ne dit rien et se contente de poser une main sur ma nuque. Parce que parfois, les mots n’ont pas assez de poids, n’ont pas assez d’impact. Parce qu’ils ne suffisant pas à traduire toute la douleur qu’on peut éprouver. Et je finis par éclater en sanglot, alors qu’il passe son bras autour de mes épaules. «Pleure mon garçon. Pleure autant qu’il le faudra. Et après, il faudra te relever. »
Finalement, les larmes se tarissent d’elles-mêmes. Et je finis par souffler, dans un murmure. «Je ne vais pas y arriver Jude. Ils ont gagné. » Je ne reverrais jamais ma femme et mes enfants. Je vais mourir ici. Et le pire ? C’est qu’ils ne le sauront probablement même pas. «Tout ça n’a servi à rien. » En retour, je l’entends rire doucement. «Bien sûr que si. Tu n’es qu’une pièce de ce puzzle immense Mason. Il ne t’est pas encore donné d’en voir la finalité. Mais chacune de nos actions, bonne comme mauvaise, a une importance. Et Dieu ne permettra jamais à ces monstres de gagner. Tu le sais, au fond de toi. » Je me rends compte que je tremble des pieds à la tête, mais je hoche la tête alors qu’il continue, d’une voix douce, apaisante. «Tu dois tenir le coup. Ce serait dommage d’abandonner maintenant tu ne crois pas ? Ce serait comme de partir avant la fin du film. » Sans trop savoir pouvoir j’ai un rire, plus nerveux qu’autre chose. «Riley m’a dit que, tous les soirs, tu murmurais quelque chose, une série de prénoms. C’est ça ? » Un hochement de tête. «Tu devrais peut-être faire une exception et les dire maintenant non ? » J’hésite et je déglutis, avant de murmurer, le regard dans le vide. «Anjali. Charlie. Joker. Sally. Tommy. Cara. Keneka. Dimitri. Hailey. Gabrielle. Min-Oh. Neela. » Et, sans même m’en rendre compte, je continue en boucle, durant de longues minutes. Jusqu’à ce que je finisse enfin par arrêter de trembler. Et je finis par passer la chaine autour de mon cou, retrouvant le poids de ma médaille et de celle de Samuel. «Allez. Debout mon garçon. Il faut continuer maintenant. »
Pardon Mei, mais je dois continuer. Pour toi. Pour tous les autres. Pour ne pas les laisser gagner.
Car il y a un avenir et ton espérance ne pourra pas être brisée.
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Re: A l'est d'Eden
Jeu 5 Jan 2023 - 20:53
29 décembre – 18h00
« Il y a eu un accident » Les mots de Luis lui avaient glacé le sang tandis que le regard du milicien était fiévreux. Accompagnée de deux autres personnes du dispensaire, Tasya avait été emmenée sur les lieux du drame. La mine. Transportée en charrette hors de l'enceinte du bidonville, avec le médecin et l'autre infirmière, c'est là qu'elle l'avait vu : le champs des crucifiés. Sur un grand terrain vague, des centaines de croix étaient dressées sur lesquels on avait crucifié des personnes, désormais dans divers états de décomposition. Elle avait entendu des personnes en parler au bidonville sans jamais pouvoir le voir de ses propres yeux. C'était fait et elle aurait préféré l'éviter. L'image lui avait retourné le ventre et elle avait du se faire violence pour ne pas rendre tout le contenu de son estomac. Ce voyage ne faisait que conforter un peu plus ce qu'elle pense de New Eden : ce sont des monstres et ils ont fait de leur groupe un enfer.
Sur place, la panique règne. Tasya a à peine le temps de faire le tour de l'horizon du regard et partout où ses yeux se posent, elle ne voit que de la dévastation. Un des couloir de la mine s'est effondré sur une vingtaine de personnes. Des décombres, on sort déjà les premiers cadavres, trépanés à la va-vite pour éviter un réveil inopiné. Rassemblant son courage et son sang froid, Tasya porte déjà secours aux premiers blessés. Le médecin fait un premier tri, il renvoie les blessés les plus légers vers le dispensaire du bidonville et garde ceux qui ne peuvent pas être transportés dans leur état.
Un des miliciens dépose devant Tasya un jeune homme, d'à peine 20 ans. Il a une partie du torse arraché et s'étrangle dans son sang. Elle tente de stopper l'hémorragie mais c'est déjà trop tard. A peine quelques secondes plus tard, elle ne sent plus son pouls. « Noon ! » Un cri déchire le silence tandis qu'un homme se rapproche. « Mon fils ! » Il tombe sur le corps inanimé, pose ses mains sur le visage ensanglanté. « Il vous l'avait dit que c'était trop dangereux ! » gémit-il. Le père, le visage dévasté par les larmes, reprend, s'adressant aux miliciens : « La mine menaçait de s'effondrer, vous avez insisté pour qu'on creuse encore plus ! C'est de votre faute ! » Il se remet debout et se dresse face au soldat le plus proche. « C'est de votre faute s'il est mort ! » Son attitude devient plus menaçante et malgré les demandes du militaire, il ne se détourne pas. C'est alors qu'une détonation déchire les airs et l'homme tombe au sol, mort, une balle à l'arrière du crâne. Tasya laisse échapper un gémissement d'horreur.
La mexicaine n'a pas le temps de réaliser pleinement tout ce qu'il se passe, déjà, un nouveau blessé arrive, amputé à la jambe. Elle compresse la plaie mais se doute qu'il ne survivra pas. Il la supplie pourtant de le sauver. « Je vais faire tout mon possible, je vous le promets » Tasya s'acharne, serre plus fort le linge qui déjà s'imbibe de sang. « J'ai besoin d'aide ! » crie-t-elle. Ses yeux fouillent l'horizon pour trouver ses deux coéquipiers, mais elle ne les voit pas, ils sont probablement déjà occupés ailleurs. « Restez avec moi » supplie-t-elle, mais déjà, l'homme perd connaissance.
Ils seront 11 à perdre la vie ce jour-là. Tasya n'a pu sauver qu'un seul de ses patients et elle le veillera une bonne partie de la nuit, dès qu'il est rapatrié au bidonville. Lian se remettra totalement de ses blessures. Pour la mexicaine, cette soirée se rajoutera à la longue liste de ses plus sombres cauchemars....
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Re: A l'est d'Eden
Ven 6 Jan 2023 - 22:29
31 décembre – 4h30
Je me réveille en sursaut, le cœur battant à tout rompre, alors que je n’arrive plus à me rappeler, l’espace d’un instant, où je suis. Je m’assois, tâtonnant par réflexe à côté de moi dans l’espoir de sentir la présence d’Anjali, comme tant de fois depuis que je suis arrivé ici, mais en vain.
D’un coup, ça fait tilt. Le seul point positif, c’est que ça chasse le spectre du cauchemar. Un peu. Suffisamment pour que j’arrête de trembler. Il fait encore nuit noire, mais je me rends compte que je serais bien incapable de me rendormir. En silence, j’attrape mes bottes, mes mitaines et un autre pull, grimaçant quand le bois grince avant de réaliser qu’au milieu des ronflements et des mauvais rêves des uns et des autres au fond, ça doit passer inaperçu.
J’ai un temps d’arrêt, sans trop savoir quoi faire, alors que la montre au verre brisé de Riley accrochée au lit me rappelle qu’il me reste bien deux heures avant qu’on nous réveille. Je me faufile finalement dans l’autre pièce, avant de me laisser tomber sur une des chaises, me frottant le visage à deux mains avec un profond soupir.
Les minutes s’égrènent, alors que je me laisser happer par l’obscurité. Jusqu’à ce que la porte s’ouvre de nouveau sur la silhouette de Jude. Qui allume une bougie sans un mot, avant de s’activer dans la pièce. Réchaud allumé, il fait chauffer un peu d’eau et, sans vraiment me demander mon avis, pose devant moi un mug ébréché rempli d’un liquide brun qui rappelle vaguement le café. «Combien ça t’a coûté ? » Un sourire. «Un des gardiens me devait un service. Profite, je suis d’humeur généreuse ce matin. » J’attrape la tasse des deux mains, me réchauffant un instant en silence, sans chercher à dire quoi que ce soit. «Tu veux en parler ? » Un soupir, alors que j’ai un haussement d’épaules. «Ca changera quelque chose ? » Il boit quelques gorgées et tousse un rire. «Peut-être que ça t’évitera de te réveiller une nouvelle fois aux aurores. » Et j’ai un temps, mon doigt glissant sur une des nombreuses rainures de cette table. «Je n’arrête pas de rêver aux égouts. J’y perds chacun des membres de ma famille, les uns après les autres. Et je n’arrive à retrouver personne. » Je relève les yeux et je fixe Jude quelques instants. «Pas besoin d’être psy pour savoir ce que ça veut dire. »
Il tend la main et me tapote l’épaule. Avant de reprendre, d’une voix tranquille. «Ma femme est morte avant le début de l’épidémie. Cancer généralisé. Je suis heureux qu’elle n’ait jamais vu ça. » J’ai une hésitation avant de souffler, à mi-voix. «Vous avez eu des enfants ? » Il hoche la tête et esquisse un sourire. «Trois. Deux d’entre eux étaient à New-York au début de l’épidémie. Le plus jeune était en voyage en Californie. Je n’ai jamais réussi à avoir de nouvelles. Mais je prie Dieu chaque jour pour les revoir en vie. » Je suis incapable de ne pas froncer les sourcils, un peu pris de court par cet optimisme et cet espoir que je peux entendre dans sa voix. «Comment… » Il fixe la bougie, presque rêveur, avant de finir ma phrase. «Comment je fais pour y croire ? » Un hochement de tête en réponse. «Parce que croire en quelque chose, c'est d'abord et surtout ne jamais y renoncer. » Devant mon air perplexe, il ajoute, complice. «Dis-moi Mason, si demain tu pouvais sortir d’ici, qu’est-ce que tu ferais ? A titre personnel, j’irais marcher sur la plage. Pieds nus. Et je profiterais du silence. »
Je replie une jambe contre moi et je pose mon menton sur mon genou. Avant de souffler, dans un murmure. «J’irais retrouver ma femme. En espérant que par miracle, elle accepte encore de m’adresser la parole. » J’ai un froncement de sourcils. «Et je passerais le reste de ma vie à me faire pardonner de ne pas avoir été là. En étant avec elle. En lui offrant le mariage dont elle rêvait. En repeignant notre chambre en jaune. En l’emmenant faire un pique-nique au bord de l’eau. En lui jouant un morceau au piano. En essayant de lui cuisiner quelque chose sans tout brûler. » Sans m’en rendre compte, même si j’ai les larmes aux yeux, j’arrive quand même à esquisser un sourire. Et je pourrais continuer un moment comme ça. J’inspire longuement et j’essuie mes yeux d’un revers de la main avant de récupérer ma tasse. «C’est un joli projet Mason. Alors n’y renonce pas. » Forcément, j’ai du mal à le croire et ça doit se lire dans mes yeux. Parce qu’il ajoute, toujours sur le même ton. «Tu es un homme de Foi mon garçon. Alors aies la Foi. »
Y croire et ne jamais renoncer. Je finis par hocher la tête doucement, alors que, dans la pièce d’à côté, tous les autres commencent à se réveiller. Une nouvelle journée qui nous attend. Une nouvelle année même. «On sortira d’ici Jude. Je te le promets. » Et il a un sourire amusé. «Je sais mon garçon. Je sais. »
Et Jésus lui dit : Si, tu peux !... Tout est possible à celui qui croit.
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Re: A l'est d'Eden
Ven 6 Jan 2023 - 23:55
31 décembre – 4h30
Tasya n'avait pas quitté le chevet de Lian depuis son arrivée au dispensaire, il y a deux jours. L'homme, blessé dans l'effondrement d'un des couloirs de la mine, était l'un des rares rescapés. Sa fièvre ne descend pas. Il est brûlant. Elle mouille un lange qu'elle lui applique sur le front. Ils n'ont pas beaucoup de médicaments et rien pour faire diminuer cette fichue fièvre. Alors, elle veille et s'assure qu'il ne manque de rien. Malgré la fatigue, elle reste fidèle au poste. Lian se réveille et semble déboussolé. Elle l'aide à boire un peu d'eau et à manger un peu de soupe tiède. « Est-ce qu'il y a quelque chose que je peux faire pour vous ? » demande-t-elle en lui posant une fine couverture sur le torse. Le regard de l'homme est légèrement vitreux, il peine à se concentrer pour la regarder. « Vous.. Vous voudriez chanter pour moi ? » A sa demande, Tasya se raidit. « Je.. Je ne chante pas.. » souffle-t-elle en secouant doucement la tête. Elle chantait avant, mais là, elle se sent complètement perdue et n'a pas vraiment le cœur à cela. L'homme serre ses mains, en proie à la fièvre. « S'il vous plait... » supplie-t-il alors. Elle hésite, mais la lueur d'espoir qu'elle lit dans le regard de l'homme fait vaciller son hésitation. « Ma sœur, elle aimait que je lui chante cette chanson avant d'aller se coucher » La mexicaine ferme les yeux et commence à chantonner.
- Spoiler:
« Cada noche oré
No sé si alguien me escuchó
En el alma un canción
Que nunca entendí
No hay miedo en mi interior
Aunque haya tanto que temer
Moverás montañas
Porque en ti está el poder
Habrá milagros hoy
Si tienes fe
La ilusión no ha de morir
Un gran milagro
Hoy al fin veré
Si tienes fe lo lograrás
Podrás si tienes fe»
Entre les doigts du patient, elle glisse une petite croix qu'elle a trouvé parmi les objets laissés à l'abandon. Si elle semble avoir perdu la foi, la mexicaine sait que pour beaucoup, elle est importante, alors elle respecte tout cela. La respiration de l'homme se fait plus tranquille et lorsqu'elle est sûre qu'il dort enfin, elle lâche sa main et se relève. Il est tard, ou tôt, elle ne sait plus vraiment. Tasya n'avait pas prévu de rester aussi longtemps au chevet de Lian mais elle a craint pour sa vie. Ils ont pu l'opérer avec difficulté et les heures à venir étaient cruciales. Quelqu'un devait s'assurer qu'il s'hydrate bien et que ses pansements étaient changés à heures régulières. Elle s'est portée volontaire. Tasya a eu besoin de se changer les idées après la vision du champs de la mine et celui du champ des crucifiés. Elle n'est pas au bout de ses surprises concernant New Eden. Ce groupe semble n'avoir aucune limite en terme de cruauté.
Lorsqu'elle sort du petit box où est couché le patient, Line s'empresse de venir à sa rencontre.« Tu as une belle voix » Tasya la remercie d'un sourire.« Je vais veiller sur lui, tu devrais rentrer » Elle perd son sourire tout en continuant d'une voix prudente :« Il te cherchait » La mexicaine a un petit frisson. Inutile de lui demander de qui elle parle, il s'agit d'Alec sans aucun doute. « Merci » soupire-t-elle. « Tiens moi au courant si son état s'aggrave » La brune prend congé de son amie et à regrets, elle sort du dispensaire et traverse le bidonville.
Depuis son agression, elle n'est pas rassurée mais heureusement, à cette heure aussi matinale, elle ne croise que des miliciens.« Où étais-tu ? » La voix d'Alec résonne dans l'obscurité de la petite cabane. « Au dispensaire » affirme la mexicaine. La claque la prend par surprise et elle tombe en arrière.« Je t'ai dit de rentrer tous les soirs » souffle-t-il mécontent. Sa joue prend déjà une teinte violette. Tasya se recroqueville sur elle-même et c'est sur le sol qu'elle dormira ce soir-là.
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Re: A l'est d'Eden
Mar 10 Jan 2023 - 12:04
1er janvier – 7h30
J’ai une grimace de douleur alors que j’essaie, sans succès, de me pencher pour mettre mes chaussures. Chaque mouvement est une vraie torture et je ne peux même pas me permettre de soupirer. Riley se rapproche et sans un mot, m’aide et noue les lacets. Avant de souffler, d’un ton léger. «Et après, on me dit de choisir mes combats hein… Hôpital, charité, tout ça. » Il me tapote l’épaule, avec une grimace compatissante alors que je me traine dans la pièce commune. Sans que j’aie le temps de comprendre, je me retrouve avec une tasse d’un liquide chaud dans une main et un morceau de pain à peine rassis dans l’autre. « Tu vas à l’infirmerie et tu restes au chaud aujourd’hui. On te ramènera de quoi manger ce soir. » Je fronce les sourcils, alors que j’essaie – sans succès – de reconnaitre celui qui a parlé. Autour de lui, les autres acquiescent et je secoue la tête. «Non vous n’êtes pas… vous n’avez pas à… »
A quoi au juste ? M’aider ? Me donner l’impression que non, la nuit dernière ne m’a pas brisé en mille morceaux ? Me trouver à manger alors que je suis incapable de travailler aujourd’hui ? Oui, tout ça. « Tu sais, on est tous passés par là. » Le type tire sur son pull et je peux deviner la marque sur son épaule. Et un autre l’imite. « J’ai dû marquer ma propre femme tu sais. Ces fils de pute ont aucune limite. » Je détourne les yeux et je fixe mes chaussures, honteux. Jimmy, que j’ai dû marquer hier, vient me presser doucement l’épaule. « Fallait que ça tombe sur quelqu’un. C’est pas ta faute. Okay ? » Un vague hochement de tête alors que je me dis que j’aimerais juste disparaitre.
Mais ça ne marche pas comme ça.
Tout le monde commence à s’activer et, pour ma part, je finis par prendre le chemin de l’infirmerie. J’ai peur d’y aller. De revoir Tasya. Et en même temps, j’ai envie de lui parler. Mais comment je vais pouvoir la regarder dans les yeux après ce que j’ai dû faire ? Je reste planté de longues minutes devant la porte avant de finir par me décider. Et je suis presque soulagé de croiser le regard de Line. Dont le sourire se mue en une mine horrifiée à voir mon état. «Seigneur… ils n’y sont pas allés de main morte cette fois. Venez. On va voir ce qu’on peut faire. » Au moins, pas besoin d’expliquer quoi que ce soit. Je me laisse entrainer par la jeune femme et, une fois mon pull enlevé, je la vois grimacer. Un bref regard dans le miroir me fait remarquer à quel point j’ai maigri ces dernières semaines. Mais c’est surtout les ecchymoses au niveau des côtes qui a de quoi inquiéter. Celui au niveau de la mâchoire est plutôt impressionnant et, heureusement, je n’ai pas l’occasion de voir la marque de la botte d’Alec dans mon dos. «J’imagine que vous préconiser du repos et de rester au chaud n’est pas la meilleure des idées n’est-ce pas ? » J’ai un rire sans joie, même si je lui suis reconnaissant de tenter d’alléger l’atmosphère. «Pour le marquage, on m’a déjà filé un truc. Une espèce de baume maison. » Elle souffle un rire léger. «C’est ça qui pue autant ? Je me suis demandé si c’était déjà infecté. Sans offense, évidemment. » Une grimace. «Oui, c’est ça. » En plus de l’odeur du sang coagulé, entre autres choses. A dire vrai, l’hygiène ou la pudeur semblent devenus accessoires. Je n’ai pas le temps d’ajouter quoi que ce soit qu’une silhouette familière se dessine dans l’embrasure de la porte. Aussi sec, je baisse les yeux, soufflant un simple «salut », dans un murmure. Je me demande si j’arriverais un jour à oublier l’odeur de chair brûlé, les cris ou encore la douleur. Probablement que non. Et le fait d’être toujours en vie n’arrive pas, en cet instant, à me remonter un peu le moral.
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Re: A l'est d'Eden
Mar 10 Jan 2023 - 14:38
« Est-ce que ça fait mal ? » demande Alec en s'asseyant au bord du lit à côté d'elle. Du bout des doigts, il effleure la zone autour du marquage et un instant, Tasya craint qu'il n'appuie volontairement dessus. Il n'en fait rien mais finit par se lever et par attraper un seau. « Je t'ai ramené de quoi désinfecter la plaie. Approche » Il arrose copieusement une compresse d'alcool et l'applique sur la peau à vif. Tasya retient à grande peine un gémissement de douleur. Elle a l'impression qu'il lui enfonce la compresse dans l'épaule alors qu'il ne fait qu'effleurer la blessure pour la désinfecter. Il applique ensuite un bandage propre et le fixe sur son épaule. « Heureusement que je suis là pour prendre soin de toi, pas vrai ? » La mexicaine hoche doucement la tête et se détourne. « Dis-le » répète-t-il d'un ton plus froid. « Heureusement que tu es là » Alec souffle par le nez, esquisse un sourire. « Sans moi, tu crèverais de faim et de froid avec les autres. T'es une chanceuse » Sur ces paroles, il finit par quitter la cabane.
Tasya fixe la porte par laquelle il a disparu. Le pire c'est qu'elle sait qu'il a raison : sans lui, elle ne dormirait pas à l'abri des intempéries, du froid et souffrirait probablement de la faim, comme tout le monde ici. Sa grossesse poursuit un déroulement normal grâce à lui. Devrait-elle s'estimer chanceuse pour autant ? Elle ne sait plus et se sent confuse. La mexicaine enfile difficilement son pull avant de quitter le logement à son tour. Elle prend sans tarder le chemin de l'infirmerie. Autour d'elle, la foule est plus diffuse, Tasya est en retard et la plupart des gens sont déjà sur leur poste de travail. C'est un jour comme un autre pour la majorité des disgraciés, mais elle, elle peine à oublier ce qu'il s'est passé il y a quelques heures à peine.
Dans l'infirmerie, il y a déjà du monde. « Mason... » souffle-t-elle en le voyant installé sur un des lits. La mexicaine hésite. Elle avait tant espéré que ça ne soit pas lui hier, que tout ça n'était qu'un cauchemar. Mais il est bien là. Elle ne sait pas quoi lui dire tandis qu'il baisse le regard pour fixer le sol. Line finit par la tirer de son indécision et s'approche pour la saluer et la tire par la main.« Tu me montres ta marque ? Que je puisse la désinfecter, il vaut mieux éviter une infection » Tasya secoue la tête « Il s'en est occupé, ça va aller » Line hausse un sourcil et croise les bras avec un regard désapprobateur.« Allons bon, Alec est infirmier maintenant.... Allez montre » A contre-coeur, la brune enlève son pull en grimaçant. « Il a fait du mieux qu'il pouvait » Elle ne peut s'empêcher de le défendre.
Tasya laisse Line s'occuper de sa blessure et elle garde le regard droit devant elle, essayant de lutter contre la douleur que les soins réveillent à nouveau « Je.... Je t'ai cru mort » murmure-t-elle à l'intention de Mason. « Personne ne savait où tu étais.. J'ai cru qu'ils t'avaient exécuté. » Est-ce que ça n'aurait pas mieux valu que de le voir là ? Battu à cause d'elle, condamné à mourir dans cet endroit après avoir été utilisé jusqu'à en crever ? « Est-ce que ça va ? » demande-t-elle alors en tournant son regard vers lui pour le poser sur ses blessures, évaluant de son œil médical la gravité de ses plaies.
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