- Personne n'est indispensable, Amigo. Elle lui sourit cependant tendrement, avec une certaine gratitude. Elle reste humaine, et voir son travail encensé ne peut que lui faire plaisir. Elle le bouscule doucement de l'épaule en retour, appréciant le compliment qu'elle sait rare venant d'Adam. L'homme est avare de mots tout court, ceci étant, et Tesa n'est pas peu fière de lui arracher quelques paroles, bien qu'elle se garde bien de le lui faire savoir.

La cubaine laisse couler un petit rire à la réponse de son ami, et elle lui glisse un regard en coin. Vraiment ? Tu as déjà sondé le mien ? Qu'est-ce que tu y as trouvé, mh ? Elle doute d'avoir une réponse, mais malgré tout ça ne coûte rien de poser la question.

Elle opine un brin et reprend.
- Pister et traquer n'est pas aisé, je m'en suis vite rendu compte... On s'est perdu plusieurs fois, on a failli ne pas rentrer avant la nuit ! Enfin, Aponi veillait sur nous, heureusement. La couturière se perd dans ses pensées quelques secondes à ce souvenir, avant d'assurer avec certitude : Mais avec Nihima comme professeur, tu vas vite évoluer, j'en doute pas !

Elle sourit largement en encouragement, avant de changer drastiquement de sujet. T'as eu l'occasion de sortir un peu ? Ça se profile comment là-dehors ? Parce qu'elle, elle n'a pas eu le temps de mettre un orteil dehors depuis leur déménagement forcé...

Les paroles de l’ancien agent sont sincères, Teresa est talentueuse et elle mérite les compliments de son ami. Le léger coup d’épaule de la cubaine lui arrache un léger sourire. Elle sait y faire pour réussir à le dérider un peu. D’ailleurs, il garde un sourire en coin quand elle se met à rire, lui demandant s’il a déjà sondé son esprit. L’afro-américain hausse les épaules avant de lui répondre « Peut-être, oui. » Évidemment, il n’en dira pas plus. Néanmoins, il sait depuis longtemps à quel point la jeune femme est une battante ; c’est ça qui, chez elle, plaît au profiler.

« Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre avant d’atteindre leur niveau. C’est comme monter à cheval… Je ne suis vraiment pas un bon cavalier. » Faut dire que l’ancien citadin n’avait jamais approché un cheval avant d’atterrir ici. Mais comme pour le reste, il fait des efforts pour progresser. « Personnellement, je suis plus doué sur la structure d’entraînement et pour me battre. »

Puis lorsque Teresa lui demande s’il a eu l’occasion de sortir, il répond « J’ai participé à quelques expéditions, oui. J’ai accompagné une équipe jusqu’à la prison. » Cela fait quelques mois que Adam sort de façon plus régulière, et si à la prison tout s’est plutôt bien passé, l’homme reste préoccupé par tout autre chose. « Mais le problème reste les Croatoans. Il faut toujours être prudent lorsque l’on sort. »

"Peut-être". Ça vaut pour un oui ! Elle lance un regard curieux vers l'ancien agent, se retenant de lui demander d'avantage ce qu'il a bien pu déceler chez elle. C'est une curiosité légitime, de vouloir savoir ce qu'un autre peut bien savoir sur soi. Savoir l'image qu'elle projette, savoir s'il a passé la carapace de sourire pour trouver les failles de la brune, nombreuses finalement.

- Si je comprends bien je n'ai plus de secrets pour toi ! Qu'elle finit par répondre avec une mine mi-amusée, mi-taquine. Elle hoche à ses mots quant à leurs progrès à faire, concernant le pistage tout comme le fait de monter à cheval. A qui le dis-tu ! J'ai un mal fou à tenir sur un cheval. Pourtant je les adore.. Je vais souvent les voir aux écuries, le soir. Quand j'arrive pas à dormir. Mais c'est autre chose de les monter..
Isaac avait commencé à le lui apprendre, mais c'était.. il y a longtemps. Et avec un résultat tout relatif. Il faut dire qu'elle aussi était une citadine pure et dure après son arrivée de Cuba, alors les animaux de la ferme, c'est pas son truc.

- Les combattants sont sans doute les plus importants du camp, tu sais. Sans vous.. on ne tiendrait pas deux semaines. Elle lui décroche un nouveau sourire, de gratitude. Chacun a son utilité ici, c'est évident, mais certains plus que d'autres, à court terme particulièrement.

Finalement la discussion tourne sur les expéditions à l'extérieur, et leurs dangers. La prison..? Ho merde, je suis même pas au courant de ça. Vous chercheriez quoi ? Elle se mordille la lèvre quelques secondes et finit par demander : Les Croatoans. Ils sont aussi terribles qu'on le dit ?

Il voit bien que sa réponse sème un peu le doute chez la Cubaine ; qu’elle se rassure, Adam n’a pas dressé son profil psychologique complet. Néanmoins, la réaction de la brune ne peut que le faire sourire. Et peut-être qu’il fait exprès de rester évasif pour la taquiner à son tour ? Oui, c’est sûrement ça. Il n’y a bien qu’avec la jeune femme qu’il se montre ainsi. Parler avec Teresa lui fait du bien et la conversation poursuit son cours. « J’avais jamais mis le pied à l’étrier avant d’arriver ici. Mais Nihima ne m’a pas laissé le choix. Elle m’a fait monter à cheval tous les jours jusqu’à ce que je sache me débrouiller. » Une sacrée aventure pour un citadin comme lui. « Je me fais encore peur parfois mais j’ai un bon cheval. Je sais que je peux compter sur lui. » Wakta est un cheval qui n’a peur de rien ; puissant mais sans être trop caractériel. Il n’aime pas trop la compagnie de ses congénères ; d’ailleurs, ça serait à cause de ça que Nihima l’ait confié au profiler.

Adam écoute toujours son amie alors qu’elle parle des combattants. L’homme n’intervient pas jusqu’à ce qu’elle rebondisse sur ses paroles, concernant les missions extérieures. « Gig Harbor est surtout un endroit où nous rencontrons d’autres communautés, cela permet de faire pas mal d’échanges, de négocier des ententes avec d’autres groupes. Pour ce qui est des Croatoans, oui, malheureusement. Ils sont très dangereux. Il faut vraiment être prudent quand on sort. C’est aussi une raison de ma présence sur les convois, il faut du monde pour protéger ceux qui se rendent à la prison. Cela fait partie des missions des Berserker, tout comme la sécurité du campement, ici. »

C'est rare, particulièrement rare qu'Adam se laisse aller à taquiner qui que ce soit, et son petit air de ne pas y toucher alors qu'elle se demande s'il n'aurait pas fait son profil psychologique entier à de quoi arracher un sourire à la brune. Enfin, un sourire un peu inquiet. On est toujours inquiet, quand quelqu'un est capable d'en savoir autant sur nous-même alors qu'on ne lui a rien dit. Mais puisqu'il refuse de répondre, elle n'en rajoute pas, et la conversation dérive sur Nima et les chevaux.

- J'étais dans le même cas que toi avant qu'Isaac ne m'encourage à me rapprocher des chevaux, puis de les monter. C'était.. une période très dure pour moi. Ça a été thérapeutique, pour tout dire. Et ça m'a fait beaucoup de bien. C'était après son agression, alors qu'elle était au fond du trou, et qu'aucune lumière ne transparaissait dans l'obscurité de ses pensées noires.
Mais toi, tu sais monter grâce à l'acharnement de Nima, c'est une compétence indispensable de nos jours ! Et être en confiance avec son cheval.. ça joue beaucoup.

Son sourire est revenu, perdu quelques instants plus tôt à l'évocation de sa période de grave dépression. Son éclaircissement sur Gig Harbor lui fait prendre conscience des enjeux des missions extérieures. C'est pas rien.. Dire que c'était mon Job, avant. Elle est secouée d'un frisson qui lui remonte la colonne vertébrale à l'évocation des Croatans. Je vois.. Malheureusement de nos jours, la menace vient autant des morts que des survivants. Elle se mordille la lèvre un instant, hésitant à poursuivre. Puis finalement, comme toujours, c'est la parole qui l'emporte sur le silence.

- Tu n'as jamais peur de mourir, Adam..? Rien ne te retient ici ?

« L’acharnement ? » La remarque de Teresa lui arrache un nouveau sourire. « Je crois que c’est encore plus que ça. Nima ne m’a pas lâché pendant des mois. Je pense qu’apprendre aux côtés d’Isaac c’est autre chose… Je ne vais pas remettre en cause les méthodes de Nihima mais j’imagine qu’il est plus… Pédagogue ? » Il sait déjà que son amie ne le contredira pas. Mais il ne dit pas cela pour se plaindre, au contraire. Il est vraiment reconnaissant du travail mené aux côtés de la Lakota.

Évoquer la menace des Croatoans semble jeter un froid, l’ancien agent n’a pas de mal à le remarquer. Brusquement, la conversation devient à nouveau plus sérieuse. Il écoute les craintes de la brune, jusqu’à prendre la parole pour répondre à sa dernière question. « La mort ne me fait pas peur. Enfin… Je veux dire, le fait de mourir moi, ce n’est pas ce qui m’effraie le plus. Si ça doit arriver, eh bien… C’est que mon heure est arrivée, que c’est le destin qui veut ça. » Il marque un léger silence avant de poursuivre. « Quant au fait que rien ne me retient ici… C’est ce que je pensais au départ. Le jour où j’ai rencontré Nihima, qu’elle m’a proposé son aide, je m’étais juré de passer seulement quelques jours ici. Le temps de me remettre sur pied. Elle a su me convaincre de rester. Et aujourd’hui, pour être franc, je ne me vois pas partir. » Il capte le regard de son amie, avant d’ajouter. « Je crains bien plus la mort des personnes auxquelles je tiens. »

La brune éclate de rire avant de se bâillonner en riant derrière sa main. Elle se mord la lèvre pour calmer son fou-rire et murmure un : Désolé... Elle jette un oeil à l'extérieur, puis vers le camp, mais personne ne semble avoir été dérangé. On parle de Nima.. forcément que le terme "d'acharnement" est trop léger ! Son sourire se fait plus tendre à l'évocation d'Isaac. Il est bien plus doux, oui.. il n'a jamais eu un mot plus haut que l'autre. Il avait eu un rôle important dans sa reconstruction après son agression et son enlèvement, même s'il n'en avait peut-être pas conscience. C'est vraiment une belle personne, tu sais. Tout comme l'est Nima, à sa manière bien plus brute de décoffrage.

Le sérieux revient, et Adam laisse parler la brune sans la couper, jusqu'à ce qu'elle s'adresse directement à lui. Il a tout perdu, est-ce que l'amitié ou l'attachement à un groupe suffit à le garder en vie ? Dans le cas de Tesa, c'est différent.. Si elle aussi a perdu femme et enfant, aujourd'hui elle se raccroche à son jeune fils, à son frère de coeur et à ses quelques amis proches. Elle n'est plus seule.

- J'avais pas peur de mourir avant.. Qu'elle souffle doucement. Aujourd'hui, je ne veux pas abandonner ma famille. Lisandro prendrait soin d'Alejandro c'est certain, et Malik est bien assez grand pour y survivre, mais pour autant, la couturière ne peut que laisser parler son instinct maternel à leur encontre. Elle secoue la tête pour se sortir de ses morbides pensées, rend le regard à son ami. Je te comprends. Je la crains aussi, encore bien plus fort que ma propre mort. Un sourire revient à ses lèvres alors qu'elle s'accroche à son bras mine de rien. Je savais que tu voulais plus nous quitter ! Malgré sa manière de le dire avec humour, ses mots sont sincères, et elle glisse un baiser tendre sur la joue d'Adam. Je suis contente que Nihima ait su te convaincre de rester. Je suis contente de te compter parmi mes amis.