« Mais t’es sérieuse, Zed ? Vire-moi ce truc ! » Je repoussai sa caméra sans ménagement, le plus loin possible de moi, dans un grognement désapprobateur. A force de l’utiliser sans arrêt sans aucune raison valable, la batterie de sa caméra allait bien finir par lâcher, non ? « Je peux savoir où t’as choppé cette merde ? T’es partie de Fort Ward avec juste une sulfateuse et ton pyjama, non ? » Elle l’avait sorti de son cul ou quoi ?

« J’ai rien affirmé du tout ! » M’insurgeai-je aussitôt quand Yuan s’en mêla. Il me sortait toujours autant par les yeux celui-là, avec son petit sourire suffisant. « Vous savez quoi ? Démerdez-vous ! » Que Zelda prenne aussitôt la défense de son tuteur avait fini de m’achever. Je n’avais aucune envie de les avoir tous les deux en stéréo encore une minute de plus.

Le calme et le silence, loin du campement, me fit le plus grand bien. Les nouvelles que je leur rapportais de ma petite virée n’étaient ni bonnes ni mauvaises. Layla et Zelda commencèrent à en tirer leurs propres conclusions, me laissant profondément sceptique. « Attendez… Ocean Shore, c’est juste à côté-là ? Pourquoi on quitte une zone hautement contaminée pour l’épicentre de toute cette merde au juste ? C’est complètement crétin de ramener nos infectés ici, on a aucun moyen de s’assurer qu’ils se sauvent pas dans tout l’état lors d’une de leurs crises, et en plus, elles risquent de se déclencher davantage encore en étant proche de la source. » Layla pouvait m’assurer que l’endroit avait été bombardé, je n’en démordais pas. L’état de Washington était vaste, les possibilités vastes et nombreuses. « Tirons-nous de là. Cherchons ailleurs. »

Mais la discussion coupa court rapidement, quand il fut question de se répartir les tours de garde. Je réduisais le feu à de simples braises avant de grimper dans la tente, sur le toit du véhicule, avec Zelda et Layla. Je dormis à peine une poignée d’heures avant que le mari de Zi ne m’extirpe de mon sommeil. Un grognement peu ravi lui répondit aussitôt. J’attrapai mon arme pour prendre le relais de sa garde, mais il nous informa aussitôt qu’il avait entendu un bruit inhabituel. Je fis un signe de tête à Zelda pour qu’elle l’accompagne. J’en avais déjà marre de l’entendre râler autant au réveil. Elle était pire que moi en fait.

Je restais à l’entrée de la tente, sur le toit de la voiture, a surveillé les alentours en attendant leur retour. Il ne fallut qu’une poignée de minutes supplémentaires pour que j’entende à mon tour ce grognement inquiétant, propre à glacer le sang. Son écho se propagea dans les bois silencieux, comme une promesse de mort. « Layla ? » Soufflai-je d’une voix faible. « Layla, réveille-toi ! » Je lui laissai le temps d’émerger, aux aguets, surveillant le retour des autres. Yuan et Zelda finirent par surgir des bois après un temps qui me parut infini. « Vous étiez où ? C’était quoi ce bruit ? Ça va réveiller tous les morts du coin, ça craint. »

Spoiler:

« Evite de tirer alors. » C’est la seule réponse que l’adolescente parvient à lui tirer, alors qu’il reprend la route, sourcils froncés. De nouveau, alors qu’ils arrivent dans la forêt, le même bruit étrange. Et il a un bref hochement de tête à l’attention de Zelda quand elle confirme que oui, c’est chelou. « Je ne vous aurais pas réveillés pour rien. » Surtout qu’il sait à quel point elle peut être imbuvable au réveil.

Il se fige alors quand leurs lampes finissent par éclairer le cerf, vraisemblablement à l’origine du bruit. Déglutissant alors qu’il n’arrive pas à détacher son regard de la créature, il souffle, en direction de Zelda, quand elle parle de le filmer. « Tu ne t’approches pas surtout. » Et il attrape son talkie mais, quand le grognement retentit de plus belle, il préfère se saisir de son couteau de chasse. Une brève inspiration, alors qu’il s’approche aussi silencieusement que possible de la bête, se glissant sur le côté pour éviter de capter son attention. Il manque de glisser à plusieurs reprises, mais il arrive à hauteur de la créature. Il a tout de même un temps d’arrêt quand il la voit d’aussi près et les battements de son cœur s’accélèrent, alors qu’il plante sa lame dans son crâne pour le voir s’effondrer. « Filme-le de près, il faut que les autres voient ça. »

Mais il n’a pas envie de s’attarder plus que nécessaire. Il entraine alors rapidement Zelda en direction du camp, non sans une grimace quand ils arrivent à hauteur de Locklan et de Layla. « Si je vous dis un cerf transformé en rôdeur, vous en pensez quoi ? A part qu’on devrait se tirer de là au plus vite évidemment. » Parce que si même les animaux se mettent de la partie, il ne donne pas cher de leur survie. Un mouvement de tête en direction de Zelda pour qu’elle leur montre ce qu’elle a filmé alors que, de son côté, il fixe de nouveau la forêt avec inquiétude.

Spoiler:

On tirait Layla des bras de Morphée et il lui fallut quelques instants pour émerger d’un lourd sommeil. Se passant une main sur le visage, elle ne trainait pas pour autant, sortant de la tente et s’équipant machinalement de ses armes. Elle n’avait pas eu besoin d’explication en constatant l’absence des autres. Elle se retrouvait donc avec Locklan, à attendre le retour de Zelda et Yuan.

- Je vais surveiller le périmètre. Annonçait-elle avant de s’éloigner.

Le campement n’était pas très grand, mais il valait mieux faire une petite ronde. Si le mécanicien attendait les autres dans une direction, elle surveillerait les autres tout simplement. Lampe de poche en main et pistolet dans l’autre, l’Anglaise observait attentivement les bois environnants, écoutant également pour repérer tout bruit suspect.

Frissonnant dans l’air humide et froid de la nuit, l’intendante continuait pourtant sa petite ronde avec application. Fort heureusement, il n’y avait rien de notable. La végétation était très dense, mais il ne lui semblait pas que quelque chose rôdait dans la forêt. Le faisceau de sa lampe passait, puis revenait rapidement sur quelque chose. Instinctivement, la différence avait fait qu’elle avait voulu reposer les yeux plus attentivement sur cet amas au sol. Un rôdeur au crâne défoncé, sans douce celui mentionné par les autres plus tôt lors de leur arrivée. Néanmoins, Layla notait que l’humidité ambiante semblait aider à la prolifération de champignons. Ils semblaient un peu partout. Sur les troncs, sur le cadavre, au sol… Peut-être qu’à Bainbridge l’on avait trop coupé les forêts pour permettre à ces champignons de pousser ? Ici, ils semblaient complètement dans leur élément. Des pensées inutiles ne sommes et donc la Britannique choisissait de revenir auprès de Locklan, alors que Yuan et Zelda revenaient enfin.

C’est là qu’elle entendit l’annonce de l’Asiatique.

- Un cerf en rôdeur ? Vous êtes certain ? Si oui, il est effectivement préférable de reprendre la route. D’ailleurs, je vous recommande de faire attention si vous récoltez des vivres dans les bois ou récupérez de l’eau. Il y a beaucoup de champignons. Je ne m’y connais pas du tout, mais normalement cela est associé à la pourriture et la décomposition, non ? Histoire de ne pas s’intoxiquer bêtement.

Il ne restait plus qu’à attendre confirmation quant à ce cerf.

- Devrions-nous brûler le corps ? Pour éviter toute propagation ? Réfléchissait-elle tout haut.

Spoiler:

- C'est vraiment dégueu !

Elle s'exprime pourtant sur une note enthousiaste, Zelda. Ce truc la fascine et puis ce n'est quand même pas tous les jours qu'on croise un cadavre de cerf qui s'agite encore. La nature conserve encore une part de mystère et quelque part, ouais, c'est aussi flippant qu'excitant. T'as eu d'son sang sur toi ? demande-t-elle tout de même à Yu', l'interrogant d'un regard qui s'attarde déjà sur sa silhouette à la recherche d'un truc qui ne devrait pas s'y trouver. Tu t'sens normal ? Parce qu'on sait jamais, et qu'elle n'a pas du tout envie de perdre son chinois préféré.

Il n'y a dès lors rien d'étonnant à ce qu'elle le surveille du coin de l'oeil jusqu'à ce qu'ils rejoignent les autres à leur petit campement. Et même après, lorsqu'il leur expose la situation sans perdre davantage de temps. Tu veux voir ? propose la jeune femme à Laya lorsque cette dernière leur demande s'ils sont sûrs de ce qu'ils ont vus ? Elle n'est même pas frustrée, plutôt pressée de partager leur découverte avec ses camarades. J'vous mets l'bout ou Yu' a failli s'éclater dans la boue à côté d'lui ! Il s'est bien rattrapé mais quand même, ça reste marrant. Quant à cette histoire de champignons et le fait qu'ils soient indicateurs de pourriture ou de décomposition... Moi j'associe plutôt ça au risotto. Mais ouais, autant éviter de s'intoxiquer tout seuls comme des demeurés si on peut l'éviter. On a déjà été assez cons pour mélanger des infectés avec des personnes saines alors on va p't-être pas s'empoisonner comme des cons en prime, hein ! Et avec un peu de chance ils éviteront l'Oscar du groupe de survivant le plus stupide de toute l'histoire des groupes de survivants débiles. Y'a plus qu'à croiser les doigts.

Moi j'retourne pas là-bas en tout cas ! annonce-t-elle aussi quand l'intendante évoque l'idée d'aller brûler le cadavre. C'est sûrement pas un hasard si on a retrouvé cette saloperie aussi près d'Ocean Shore. Et si un bombardement n'est pas parvenu à éradiquer c'te merde, c'est pas un petit feu à la con qui aura sa peau... Après elle n'est pas scientifique, c'est sûr. Mais la bestiole avait le flanc ouvert, peut-être dévoré par des prédateurs. C'est trop tard. Fallait s'assurer qu'le job avait été bien fait la première fois ! Envoyer des observateurs au sol ou j'sais pas ! peste-t-elle. Maintenant, c'est trop tard. Et à part s'apitoyer sur les erreurs commises, le mieux reste effectivement de foutre le camp. J'm'occupe d'la tente ! Et la voici qui file déjà pour escalader le capot de la voiture et joindre le geste à la parole.

Spoiler:

Comment Layla faisait pour être aussi fraiche et dispose après seulement quelques heures de sommeil ? Ça me laissait rêveur. Je restais, pour ma part, à l’entrée de la tente, tout en la surveillant du coin de l’œil. Elle décida de revenir sur ses pas dès que Yuan et Zelda furent de retour, pour écouter également ce qu’ils avaient à me dire. « Un… cerf rôdeur ? Vous avez bouffé ces champignons, ou pas ? » Un bref rire me secoua, mais la vidéo de Zelda acheva de me convaincre. « C’est quoi ce délire encore… ce virus s’adapte vraiment à tout, maintenant. » Les explications de Layla achevèrent le tableau. « Ok, ok ! Si vous voulez cramer un truc, faites cramer toute cette forêt maudite, en fait. La question sera réglée. » Non, je ne plaisantais même pas. « Sérieusement, soit on se casse sans demander notre reste et on se retrouve un autre endroit loin d’Ocean Shore, soit on incendie tout pour y voir plus clair et être sûr que ce virus de malheur a disparu de la région. » Il n’était certainement pas question pour moi de ramener ce cerf pour étude, c’était un coup à propager le virus encore ailleurs. « Sinon on demande à un contaminé de venir et de nous dire si son sixième sens d’insecte détecte ses petits copains. Il paraît qu’ils se reconnaissent entre eux. »

Je descendis de la tente pour laisser Zelda la replier, m’occupant de mon côté d’éteindre le feu à nos pieds. Rouler en pleine nuit était une très mauvaise idée, mais le brâme du cerf n’était sûrement pas passé inaperçu. Je n’avais pas envie de rester ici pour m’assurer si tous les cerfs avaient subi le même sort. C’était peut-être le même que celui que j’avais croisé plus tôt ou… peut-être pas. Dans un cas comme dans l’autre, ce qui l’avait transformé était toujours ici, quelque part. « Quoi que vous choisissiez, on se casse. »

Spoiler:

Il a une grimace à la remarque de l’adolescente. C’était effectivement dégueu comme elle dit si bien, mais il n’a pas envie d’en rajouter. « Ca va. Ne t’en fais pas. Je me sens tout à fait normal. » Et, lors de leur retour au camp, si leurs compagnons sont sceptiques, la vidéo a tôt fait de leur confirmer la nature plus qu’improbable du cerf.

Et il écoute les échanges, se chargeant de ramasser les quelques affaires qui trainaient pour les fourguer dans la voiture sans même une hésitation. Le cumul des champignons et du cerf, au vu de ce que chacun peut dire, ne fait qu’attiser sa défiance envers cet endroit. Et, entre Zelda qui refuse de remettre les pieds dans la forêt et Locklan qui parle carrément de tout brûler, il a du mal à trouver une option acceptable.

C’est avec un profond soupir qu’il souffle, essayant de rester aussi factuel que possible. « Il a raison. Si on veut rester dans la région, il faudra qu’on élimine tout ça. Champignons, cerfs mutés. Et le feu reste la meilleure solution pour s’assurer que tout disparaitra. » Mais, avant que Zelda s’emballe et cherche déjà comment fabriquer un lance-flammes fait maison, il ajoute, pensif. « Faire ça de nuit, sans avoir la moindre de ce qui nous attend ne me parait pas une bonne idée. D’autant que, si ça se trouve, ça ne servira à rien et demain nous tomberons sur la même chose sur des rochers ou que sais-je encore. Et qu’il faut qu’on ait une idée de la façon dont le virus s’est étendu. D’une façon ou d’une autre. » Que ce soit au niveau de la base ou ailleurs. Si c’est juste un accident unique ou si la région est totalement foutue. Alors, avant de tout cramer, autant s’assurer que ça servira à quelque chose. « Dans tous les cas, éloignons-nous de cet endroit. Maintenant. » Même si rouler de lui ne l’enchante pas plus que les autres, c’est certain.

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Chacun y allait de son opinion et Layla commençait à réaliser que l’écosystème qui les entourait ne leur permettrait aucune décision radicale. Du moins, pas en l’état des choses.

- Nous ne pourrons pas incendier la forêt. Pas nous quatre seulement. Pas avec l’essence qui nous permet de nous déplacer avec notre véhicule blindé. Il valait mieux bien expliquer pour qu’ils comprennent l’enjeu majeur. L’endroit est réellement trop humide. Quant au cerf… nous pourrions simplement faire un bucher, mais… est-ce que le virus, même cette nouvelle mutation, est encore actif après la mort définitive le l’hôte ? Est-ce que nous perdons du temps ? Voilà la question qu’elle voulait poser. Pour les champignons, il me semble normal dans trouvé dans une zone comme celle-ci. Sont-ils dangereux comme les spores que nous avons déjà trouvées ? Je ne suis pas scientifique. Zelda, tu pourrais peut-être les filmer. Demandait-elle à la jeune femme.

Fatiguée et irritée par toute cette situation, l’intendante se passait une main sur le visage avant de souffler un coup. Le réveil était brutal, l’inquiétude lui nouait l’estomac, mais comme d’habitude elle gardait ce masque de professionnalisme.

- Je préfère garder le véhicule blindé personnellement. Donc nous avons le choix de faire un bucher pour le cerf ou partir immédiatement. Voilà les options préférables.

Il fallait quand même avouer que ce caméscope qu’avait pris Zelda n’était pas une idiotie pour une fois. Finalement, il semblait qu’elle commençait à réfléchir un peu, enfin.

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