Il semblerait que j’ai la réponse à une question que je n’osais pas réellement poser. Le dénommé Kit n’a aucune idée de ce qu’était New Eden il y a quelques mois. Du pourquoi il y a encore cette tension dans l’air. Est-ce à moi de lui expliquer ? Devrais-je ?

- New Eden aujourd’hui… c’est récent. Je crois qu’il vaut mieux cesser d’essayer d’avoir du tact ici. Il y a eu une révolution en mars. Avant ça, nous vivions sous l’autorité d’un culte pseudo religieux, fasciste, misogyne, homophobe, xénophobe et j’en passe. Il n’y a pas d’autre façon de décrire la chose. La femme… il faut s’imaginer un retour dans le temps. Aux anciennes mœurs, aux attentes impossibles, au fait que la femme n’était même pas une personne. Les enfants avaient plus de droits que nous. Enfin, les garçons. Donc… je crois malgré les changements actuels, nous avons encore peur des conséquences.

Il vaut mieux lui annoncer les réelles couleurs du groupe qu’ils viennent de rejoindre, non ? Son passé du moins.

Il arrive néanmoins à me faire rire, me faisant visualiser les dessins animés de mon enfance avec cette histoire de foudre, de cheveux dressés sur la tête et des vêtements qui disparaissent.

Kit a l'impression que tout le monde essaye de ne pas lui répondre. Il n'a pas l'impression d'avoir autant d'historique qu'il n'aimerait. Comme si certains voulaient oublier. Il espérait que la petite blonde en face de lui pourrait au moins lui répondre. Pourquoi il serait mal vu de voir une femme mouillé ? Ce n'est pas comme si les humains pouvaient contrôler la météo.

- Une révolution ? Mais quoi ? Mais c'est quoi de cette politique de cinglé ?

Incompréhensible pour lui. Les femmes étaient traités de façon ignobles. Et Kit ne peut s'empêcher de penser aux sorts des femmes présentes chez les Barbarians. Quand bien même certaines étaient aussi féroces que certains hommes, leurs corps étaient utilisés sans vergognes. Kit reste tout de même sur le cul.

- C'est une politique moyenâgeuse. Je suis désolé que vous ayez subit tout ça.

Et si Kit sait pertinemment que ses mots ne changeront rien, il tient à les dire. Mais oui, tout le monde s'était bien gardé de donner cette information. Kit se mit à rire, en écho à celui d'Eliott à cette histoire d'électricité. Bien sûr qu'il ne finirait pas en slip. Mais le but est surtout de détendre un peu l'atmosphère.

- Mais je suis content que la situation tourne de façon plus positive pour vous. Mais si je doute que les traumatismes et peurs doivent toujours être là.

Il s’agit d’un sujet assez lourd, mais je tente réellement de ne pas sombrer dans la peur, dans mes traumatismes ou ma colère. J’ai bien conscience que ce que Kit me dit ne sont que des mots, comme bien d’autres avant lui souhaitant répondre « la bonne chose », mais j’ai l’impression qu’ils sont sincères avec lui et c’est cela au fond qui me soulage. Qui me rassure même. J’ose espérer que toutes ces nouvelles personnes qui viennent ici apprendront pour notre passé pas si lointain et qu’ils seront tout aussi outrés que nous l’étions. Qu’ils se battront au moindre signe de régression.

- Beaucoup sont partis, d’autres ont espoir de transformer cet endroit. J’espère sincèrement que nous y arriverons. Que je souffle doucement.

La pluie s’intensifie et un premier éclair illumine le ciel noir, suivi d’un coup de tonnerre.

- Je sais que nous ne devons pas vraiment être sous un arbre pendant un orage, mais… Je me mâchouille la lèvre inférieure en réfléchissant. Je ne pensais pas qu’il s’agirait d’un orage… Nous devrions peut-être bouger ? Je pense tout haut, cherchant une solution moins dangereuse.

Kit savait bien que des mots ne pouvaient rien changer à des peurs et traumatismes. Après tout, les siens accompagnés des Barbarians ne pouvaient pas se résoudre en quelques mots. Quand bien même Conrad était là pour l’écouter s’il en faisait la demande. Il avait ses propres problèmes.

- C’est une bonne chose que tu sois positive. Il faut essayer d’avancer avec le sourire. Malgré les difficultés. Je n’y arrive pas moi-même. Mais j’essaye de me le répéter. J’espère qu’on arrivera à faire du groupe un endroit comme toi et les autres femmes l’entendent.

Kit lui sourit avec gentillesse. La pluie s’intensifie, un éclair trahit le ciel et Kit lève les yeux vers celui-ci. La météo changeait drastiquement et le brun se disait réellement que la télévision lui manquant. Au moins pour prévoir ce genre de chose. Néanmoins, il n’a pas envie de laisser partir la blonde à l’instant T.

- Je pense que c’est une bonne idée. Mais, ça va être bizarre comme ça, mais on peut continuer à parler quelques parts ? Je ne sais pas trop où on se trouve !

Il n’allait pas lui demander d’aller chez lui ou quoi que ce soit. Mais juste aller dans un endroit pour être au sec, et continuer à parler. C’est pas mal.

Je baisse le regard en souriant comme une idiote. Il est vraiment trop gentil. J’ai peur d’être un peu naïve et de croire tout ce qu’il me dit, alors qu’il se joue de moi, mais… c’est une réelle brise de fraicheur de pouvoir discuter avec quelqu’un comme lui. Quelqu’un qui ne me juge pas. Qui… semble avoir de l’espoir pour cet endroit.

Que dire quand il me demande de poursuivre la discussion, n’ayant visiblement pas envie que nous nous séparions immédiatement ? Je rougis de plus belle. J’ai bien conscience d’être très émotive depuis mon retour à Walla Walla. Je vis tout avec plus de force qu’avant, encore à fleur de peau de par mes traumatismes depuis mon arrestation. C’est cependant flatteur en un sens, qu’il me propose de ne pas simplement continuer nos chemins chacun de notre côté. Ça me fait me sentir plus… humaine. C’est idiot de le penser ainsi, mais après avoir été qu’une esclave, après qu’on m’ait craché dessus dans la rue…

- Il y a un café par très loin. Il faudra braver l’averse, mais nous pourrons nous y abriter. Que je propose avec un sourire timide.

                                                                         ***

Je passe une main dans ma tignasse courte pour retirer le plus d’eau possible. Mon pansement tient le coup et ça tient du miracle ! Nous nous installons à une table et je pouffe de rire. C’est tellement absurde comme situation, agréablement absurde.

- Tu es plus café, tisanes ou thé ? Que je lui demande un tout petit peu mutine, mais réellement curieuse.

La blonde rougie un peu plus et Kit se contente de lui sourire. Parce qu'elle est mignonne. Kit n'allait pas l'obliger. Et si réellement, elle a autre chose à faire ou pas envie, tout court, il n'allait pas le prendre mal. Elle n'est pas obligé de quoi que ce soit. Et puis, à ses mots, Kit se doute que ce n'est pas si fréquent. New Eden semble avoir changé sur bien des points.

- Va pour le café, je te suis.

***

Le café n'était pas très loin et Kit soupire tout de même une fois bien abrité. Tirant sur l'élastique à son poignet, il noue grossièrement ses cheveux après avoir retiré l'excédent d'eau. Il utilisait sa chevelure pour camoufler la cicatrice. Mais avec les cheveux humides, il était impossible de faire quoi que ce soit. Tant pis. Le brun s'assoit à table et penche légèrement la tête quand elle pouffe de rire.

- Avant d'arriver à New Eden, je n'avais pas eu de café depuis des années. J'aime les trois. Mais là, je prendrais bien du thé. Et toi ? Tu habites quel quartier d'ailleurs ? Je ne crois pas te l'avoir demandé.

Pourquoi ? Parce que s'il pouvait repérer la distance, il pourrait aller la voir de temps en temps. Elliot était gentille et mignonne. Quelqu'un qui semblait agréable. Et Kit essayait de s'entourer des bonnes personnes.

Lorsqu’il noue ses cheveux humides, je repère la cicatrice à sa mâchoire. Nous avons tous été marqués par la vie, visiblement. J’aimerais avoir plus de courage pour ne pas cacher mes marques… Ma marque. Il faut dire qu’il ne s’agit pas d’une simple cicatrice, mais d’un symbole… Je crois que je supporterais mieux une cicatrice… Peut-être que si je trouvais un médecin, nous pourrions…

Enfin bref !

Je souris bien malgré moi, malgré mes pensées et je reviens sur terre avec Kit.

- J’aime plus le thé et les tisanes. Spécialement puisque l’on m’a expliqué que le vrai café n’existait plus. J’habite Stanton-Anthony et toi ?

Une serveuse vient rapidement nous voir pour prendre nos commandes, avant que Kit ne puisse me répondre, prête à nous tendre de petits menus.

- Bonjour. Je la salue timidement, ayant peur qu’on me refuse le service, mais il semble que la femme ne me reconnaisse pas. Ou qu’elle s’en fiche. Ça calme un petit peu les battements de mon cœur et je souris un peu plus franchement. Est-ce que je pourrais avoir votre tisane L’été Indien s’il vous plait ? Je connais bien le menu, donc je n’ai pas eu besoin de le parcourir pour ma part, mais je laisse le temps à Kit de le faire.

C'est une après-midi complète que nous passons dans ce café, à simplement discuter. C'est très agréable et Kit ne se soucis guère de certains regards qui s'attardent sur moi. J'ai l'impression d'avoir fait la rencontre de quelqu'un de bien et c'est sincèrement quelque chose qui me fait trop plaisir. Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve, mais j'espère ici que cette rencontre impromptue se transformera en une belle amitié.

- Fin -