Va falloir être plus précise, parce que t'as peut-être pas remarqué mais je suis pas vraiment du genre à avoir l'habitude des petites conversations petit doigt levé autour d'une tasse de thé le dimanche après midi. Si t'as des trucs que tu veux savoir tu demandes directement. Soit je te réponds, soit je t'envoie chier. Enfin, t'as compris l'idée quoi, que je lui claque sans pour autant être si violente que ça – j'y peux rien je fais ce que je peux – avant de prendre une nouvelle gorgée de boisson. Putain ce truc me défonce la gueule bordel. Pourquoi j'oublie toujours de souffler avant de boire ? Bref.

Je hoche légèrement la tête à la question de la brune. Ouais. Mais comme avec lui à l'époque, on s'était jamais trop parlé. Et quand il a suivi les Barnett à New Eden j'avais beau plus être de son groupe, clairement on a été nombreux à les considérer comme des traîtres. C'est des trucs auxquels j'avais plus pensé depuis longtemps. Kaycee... Je crois que c'est bien pour elle que ça avait été le pire. Puis je hausse un sourcil quand elle me parle d'avoir pensé à crever. C'est pas vraiment ça que je voulais dire. Même si j'ai pas réussi à sauter le pas non plus, à l'époque, quand j'ai essayé de me coller une balle dans le buffet et que finalement on m'en a empêchée quand j'étais finalement prête. Bah, je disais plus ça au sens où j'aurais vite pas correspondu à leurs putains de règles. Regarde, même en entrant par la petite porte quand ils m'ont capturée il a d'abord fallu qu'ils me torturent, me pètent le cerveau jusqu'à me faire perdre la mémoire et m'inventer une nouvelle vie avant d'essayer de me jeter dans leur société de merde. Bon, ils se sont foiré. Tant mieux.

Même si d'un autre côté, à cette époque, j'avais plus toutes ces putains de souffrances qui me poursuivaient et m'empêchaient de dormir. Sauf que toutes ces merdes là, finalement, c'est ce qui me définit. Ce qui fait de moi... bah, celle que je suis quoi. Quand ils m'ont fait perdre la mémoire, j'avais oublié jusqu'à mon prénom. Alors évidemment, toutes les merdes de mon passé aussi. Mais tout ça... Finalement c'est ce qui a fait de moi celle que je suis aujourd'hui. Alors je cherche pas à apaiser quoi que ce soit. Rien pourra changer le passé. Mais c'est pas pour autant que je finirai pas par faire payer ceux qui le méritent.

Ouaip. J'ai fait partie d'une petite association clandestine contre New Eden. Et les Remnants nous fournissaient des armes et du matos en échange des infos qu'on pouvait avoir sur eux. Et du jour au lendemain, j'ai été au point de rendez-vous qu'on m'avait fixé et cette pute qui leur servait de cheffe m'avait vendue à eux. Mais j'avais encore mes deux yeux et toute ma tête quand ils m'ont chopée. Alors j'ai pas tout de suite fini au Bidonville, si tu vois ce que je veux dire... Et j'avais encore Alba. Parfois je m'en veux par rapport à Sienna de jamais pouvoir arrêter de penser à elle mais... Putain de merde je pourrai jamais. Et heureusement pour moi, je crois qu'elle l'a compris et qu'elle m'en veut pas. J'espère en tout cas.

Un petit rire sans joie m'échappe et je hausse les épaules. J'imagine que j'aurais continué de vivre là-bas, à me faire appeler par mon deuxième prénom et à être complètement une autre personne... Sans jamais savoir tout ce qu'on m'avait pris. Rien que de penser à ça putain de merde ça fout les jetons. Et pas qu'un peu. Du bout des doigts, même si je sens plus rien, je viens frôler mes tempes elles aussi privées de sensations et couvertes de marques de brûlures à cause des électrochocs. Bordel.

Je comprends. Et pas que parce qu'ils m'ont arraché un œil aussi, hein. Même si toi dis toi qu'au moins t'as un truc qui cache ton œil manquant. Si on fait pas trop gaffe, ça passe. Moi ça reste vachement dégueu. Bref. Pour le désir de vengeance, je te comprends. Le type qui m'a fait ça... Les types qui se sont amusés à nous torturer, Alba et moi. River et Armand. J'oublierai jamais leurs noms. Ni l'espoir fou qu'un jour je puisse leur rendre au centuple ce qu'ils m'ont fait subir. Je ferme les paupières un instant, prenant une grande inspiration, avant de revenir sur la brune face à moi. Et bah, faut croire que certaines vieilles habitudes se perdent pas. A l'époque, au motel, c'était aussi vers moi que les filles se tournaient pour leurs entraînements. Et ça fait un peu plaisir de retrouver ça.

J'ai un sourire à peine perceptible, putain de nostalgique, sur les lèvres alors que je hoche lentement la tête. Je te promets pas de te transformer en machine à tuer. Mais tu peux compter sur moi. On commence l'entraînement quand tu veux. Par contre t'attends pas à ce que je te ménage. Tu vas en chier et pas qu'un peu, je suis pas super pédagogue. Mais ça a marché avec Sienna alors... Y'a pas de raisons que ça marche pas pour toi.

On formera un club si tu veux, que je lui dis en soufflant un ricanement sarcastique par le nez. Non, on fera pas ça. Mais c'était une tentative d'humour quoi. Haussant les épaules, je secoue négativement la tête à sa proposition. J'en ai pas grand chose à foutre de cacher mon œil manquant. C'est pas comme si je pouvais cacher le reste. L'oreille à moitié déchirée, les bras brûlés, tout ça. Franchement, je suis plus à ça près. Et puis si ça rebute pas Sienna plus que ça, j'imagine que c'est l'essentiel. Le reste j'en ai rien à foutre.

Croisant les bras, je me contente de hocher la tête à sa question. Bah oui c'est eux qui m'ont fait ça, j'ai pas inventé des noms au hasard juste pour le fun. Surtout que je suis pas du genre à retenir les prénoms en temps normal. Mais ceux là, je risque pas de les oublier. Et je leur ferai payer au centuple si un jour l'occasion se présente. Au moins je dis ce que je pense. Et tant pis si c'était des gens dont elle était proche quand elle était là-bas. Je m'en carre. Ce sont des fils de pute, voilà tout.

Par contre, sa réaction quant au fait que je lui annonce que je compte pas être tendre avec elle m'arrache un petit sourire. C'est toujours mieux de voir des gens motivés. Même si je pense qu'elle a pas idée d'à quel point elle va en chier. Ça tombe bien, moi je suis merdique avec une arme à feu mais le corps à corps c'est mon truc. Terminant le contenu de ma tasse, je la pose devant moi avant de me redresser et m'étirer un peu. Si t'es motivée, on à qu'à s'y mettre tout de suite. Toujours prête pour la bagarre, que ce soit pour entraîner quelqu'un ou s'en coller sur la tronche. Et ça tombe bien, j'ai un peu trop d'énergie à évacuer vu que j'ai pas foutu une dérouillée à Kerwan tout à l'heure.

Oh c'est... Une sacrée longue histoire. Pour te la faire courte : oreille défoncée par une balle qui a frôlé ma tête, une vieille cicatrice dans le dos qui date de quand j'étais gamine et que je suis tombée d'un arbre dans lequel j'avais grimpé en me prenant pour un putain de macaque. Sinon j'ai aussi plein de cicatrices de combats X ou Y. Mon bras, c'est quand New Eden a incendié et détruit mon chez moi. Le bordel où j'étais, avec les autres filles. D'où ma peur des flammes, maintenant. Mon œil et mes tempes c'est là-bas. La torture et leur thérapie de merde pour me détruire le cerveau. Rien de bien joyeux quoi. Mais bon, je dis pas ça pour me plaindre, elle a posé la question et j'ai juste pas de raisons de cacher les trucs.

Prenant une grande inspiration je viens fouiller dans ma poche et en tire une clope que je coince entre mes lèvres avant de l'allumer. Je vois bien que Phoebe hésite à se lancer directement, mais c'est pas en repoussant à chaque fois qu'elle arrivera à vraiment se foutre un gros coup de pied au cul et à progresser. Mais elle finit par se décider et j'en profite pour resserrer les bandages autour de mes mains et avants-bras tout en gardant toujours ma clope au bec. Difficile de te montrer un exemple dans le vide. Mais je vais faire doucement, pour le premier cours, promis. Ensuite je prendrai plus de pincettes. Alors vas-y, attaque moi comme si j'étais la personne que tu hais le plus au monde.