Lorsqu’elle se tourne vers moi, son grand sourire m’interpelle et je remarque très vite qu’elle a plutôt l’air contente de me revoir. Moi qui appréhendais un peu ces retrouvailles hors de l’hôpital, la voir aussi souriante a le don de me détendre. Le tutoiement soudain semble la perturber légèrement mais je n’y fais pas tellement attention, je suis vraiment heureux de la revoir. A son tour, elle me demande si ça va, soulignant le fait que j’ai l’air d’aller bien mieux. « Ça va, super même ! » J’hésite un instant à lui avouer que c’est en grande partie grâce à elle, puis je finis par lui souffler « Ça me fait très plaisir de te voir. » Paroles que j’accompagne d’un nouveau sourire. Je me répète sûrement mais j'ai dû mal à croire qu'elle ait accepté ce rendez-vous. Mais, la voir enfin, après tous ces jours d'attendre... Ne peut que me ravir. Je suis vraiment impatient de passer un peu de temps avec elle...

Elle s’avance ensuite pour me faire la bise, puis elle m’avoue qu’elle a envie d’un très grand café et d’un cheeseburger. Je ne peux pas m’empêcher de rire doucement, appréciant sa spontanéité. A vrai dire, c’était un peu ça qui me dérangeait dans notre relation à l’hôpital… Emerson ne pouvait pas vraiment être elle-même, rattrapée par ses obligations de médecin. Mais là, je suis content de voir que tout cela est derrière nous. Je vais enfin pouvoir découvrir qui est la vraie Emerson, et pour être honnête, j’ai vraiment hâte d’en apprendre plus sur elle.

« Il y a un petit bar-restaurant qui fait ça à quelques rues d’ici. Ça nous arrive d’y aller avec les collègues, après le boulot. Ils ont du café et des cheeseburgers… Avec des portions de frites énormes ! Moi ça me va ! » L’idée d’aller manger un gigantesque burger ne me déplaît pas. Il y a sûrement plus classe comme endroit pour un rendez-vous… Mais bon, les restaurants chics, ce n’est pas ce que je préfère. Trop sophistiqué, trop de manières, très peu pour moi. Un petit endroit simple et sympa, c’est ce qu’il nous faut, et je pense que ça devrait lui plaire. J’espère juste qu’aucun de mes collègues aura eu la bonne d’idée d’y aller pour déjeuner… Pas que ça me dérange, mais j’ai vraiment envie d’être tranquille avec Emerson. Connaissant parfaitement bien les gars de la caserne, ils peuvent franchement être lourds… Mais vu l’heure, nous ne devrions pas en croiser.

« Le restaurant doit être à un petit quart d’heure de marche d’ici. Tu préfères qu’on y aille en voiture ou y aller à pied ? Comme tu veux, ça m’est égal. » Marcher ne me pose aucun problème, mais peut-être qu’après toutes ses heures de boulot elle n’a pas envie d’y aller à pied… C’est comme elle préfère… « A moins que tu meurs vraiment de faim, et dans ce cas, on prend ma voiture ! » Je lui lance un petit sourire complice, étant donné qu’elle semblait affamée quelques minutes plus tôt.  

« Parfait ! C’est par là ! » Et nous voilà partis, direction le petit restaurant à quelques rues de là. A peine avons-nous fait quelques mètres qu’Emerson s’agrippe à mon bras. Je détourne les yeux vers elle, tentant de cacher mon étonnement avec un grand sourire. Est-ce que ça me dérange ? Non, bien au contraire ! C’est juste que ça me surprend un peu. Qu’importe, nous continuons notre route. Je suis tellement heureux d’être avec elle, ce rendez-vous commence vraiment très bien ! Très vite elle m’explique qu’elle a eu un service difficile et qu’elle est fatiguée, reparlant de ce café qu’elle compte prendre en arrivant au restaurant. « Non, tu es resplendissante ! Je crois que je t’ai vu bien plus fatiguée que ça à l’hôpital ! Mais tu aurais dû me dire que tu étais fatiguée, on aurait pu se voir plus tard ! » Et pourtant elle est là, malgré la fatigue. Cela me flatte quelque peu, visiblement même fatiguée, elle a envie de passer du temps avec moi. Ça me fait sourire d’ailleurs, encore un peu plus.

Alors que nous discutons, elle me demande aussi si je ne m’ennuie pas trop chez moi. Ah, ah… La question que tout le monde me pose depuis que je suis contraint à passer mes journées à la maison. Je ne peux m’empêcher de rire. Je suis sûr qu’elle doit se dire que je dois être pire qu’un lion en cage, un peu comme à l’hôpital. D’ailleurs je ne lui cache pas que je commence à en avoir assez. J’ai tellement hâte de reprendre le boulot. « Je vais pas te mentir, j’en ai marre d’être chez moi. Ça fait vraiment du bien de sortir ! J’suis passé voir quelques-uns de mes amis à la caserne mais bon… Ça me rappelle trop le boulot et l’infirmière m’a dit que j’en avais pour encore un petit moment. » Je soupire doucement avant de la regarder de nouveau, toujours le même grand sourire aux lèvres. « J’ai pu reprendre un peu le sport, c’est déjà ça ! Mais bon, j’dois faire attention. Ma peau me tire pas mal dans le dos, c’est encore douloureux par endroit. Donc bon, j’essaye de m’occuper comme je peux… J’avoue que… J’passe pas mal de temps devant la télé ces derniers temps. » Je ris de nouveau mais franchement, j’en ai marre de devoir rester à la maison…

Complètement pris par la conversation et perdu dans les beaux yeux d’Emerson, je ne vois même pas que nous sommes arrivés près du restaurant. C’est elle qui me demande si c’est bien là. Je m’arrête alors, la jolie blonde toujours accroché à mon bras. Levant la tête vers l’enseigne, je lui réponds alors « Oui ! C’est bien là ! Tu vas voir, c’est vraiment très bon ici. » Nous approchons alors de l’entrée du restaurant, j’ouvre la porte et fait signe à Emerson d’entrer avant moi, tenant la porte. « Après toi ! » Une fois à l’intérieur, un serveur nous salue et nous installe à notre table. Ça a l’ait plutôt calme et je n’aperçois aucun de mes collègues de travail. Très bien. Nous allons être au calme ici et c’est parfait pour faire un peu plus ample connaissance. Une fois à notre table, le serveur nous apporte les cartes et nous demande si nous allons prendre quelque chose avant de déjeuner. Je jette un regard malicieux à Emerson et je réponds « On va prendre deux très grands cafés bien corsés pour commencer. Merci ! » Je lui souris de nouveau laissant le type  aller nous préparer nos cafés. Tout en attrapant la carte, sans pourtant l’ouvrir je lui demande « Alors ? Qu’est-ce que tu fais de ton temps, quand tu n’es pas à l’hôpital ? A part voir tes anciens patients ? » Ma voix s’est fait plus basse sur la dernière phrase et je ne peux m’empêcher de la regarder d’un air malicieux. Moi qui avait peur de n’avoir rien à dire ou de ne pas me sentir à l’aise… Au contraire, je me sens vraiment bien avec elle…

Et nous voilà installés à la table du restaurant, et ce sourire qui ne quitte plus mes lèvres. Mes yeux n’arrivent plus à se détacher d’elle et je l’écoute attentivement, oubliant complètement le monde qui nous entoure. Elle m’avoue que ce n’est pas dans ses habitudes de venir déjeuner avec d’autres patients. Ça me rassure d’ailleurs… Et je suis plutôt ravi d’être le premier avec qui elle fait ça. Exceptionnel, qu’elle dit, puis elle ajoute que c’est parce que il fallait que je reste tranquille. Je ne peux m’empêcher de rire doucement alors qu’elle se reprend de peur que je le prenne mal. Il n’en est rien, je la trouve même d’autant plus irrésistible comme ça, visiblement un peu confuse par tout ça. J’adore le fait qu’elle me parle franchement, qu’elle reste naturelle… Elle ne joue en aucun cas un jeu et ça me plaît énormément à vrai dire. Je la découvre enfin comme elle est, pas comme à l’hôpital… Néanmoins, je fronce tout de même légèrement les sourcils lorsqu’elle m’avoue d’être une idiote lorsqu’elle est en dehors de l’hôpital, ou du moins d’en avoir l’air. Alors, je ne peux m’empêcher de sourire avant de lui répondre « Oh tu sais… Moi c’est un peu pareil, j’sors pas tellement en dehors du boulot. ‘Fin si, avec des amis. Mais c’est rare d’être en aussi bonne compagnie. Alors, oui, moi aussi j’suis content… Jouer les types insupportables, ça a du bon visiblement… » Encore un léger rire qui s’échappe d’entre mes lèvres. Et c’est au même moment que le serveur revient pour prendre notre commande. Une fois cela fait nous reprenons notre conversation…

Elle évoque alors l’idée d’organiser une petite soirée avec mes amis, un barbecue, histoire de me changer les idées. J’avoue que ça pourrait être pas mal. Concernant l’organisation, en revanche, ce n’a jamais été mon fort. Elle se dit alors maniaque. Vraiment ? Si c’est vraiment le cas, je dois dire que pour le coup ce n’est vraiment pas mon genre. Non. Il suffit de voir l’état de mon appartement. Bon. Ce n’est pas le bazar mais il n’est pas très bien rangé. Et puis faut dire que mon père n’a jamais été très doué pour ça. Le ménage, le rangement, ça n’a jamais été son fort. « C’est une bonne idée ! » Je reste silencieux un instant avant de reprendre « Eh mais ! Tu pourrais venir, ça t’occuperait une fois sortie de l’hôpital. » Puis brusquement une légère moue apparaît sur mes lèvres, peut-être que ça ne lui plairait pas… Ou qu’elle n’a pas envie de rencontrer mes amis. « Oh… Euh… Comme tu veux hein. J’te présenterai mes amis, bon, ils peuvent être un peu lourd des fois mais ils sont sympas. Je t’oblige à rien… Et… » J’imagine déjà Sean me voir avec cette jolie blonde à mes côtés… Lui, c’est vraiment le pire. C’est mon meilleur pote mais il peut être chiant avec ça. Faudrait peut-être que je lui en parle avant ? J’le vois déjà faire le chieur c’con là, à me poser dix mille questions et à ne pas me lâcher avec ça. Ouais… Si elle accepte de venir, va falloir que je lui dise de fermer sa bouche. C’est à croire qu’il y a déjà quelque chose entre Emerson et moi maintenant que je réfléchis à tout ça. Mais à vrai dire… Oui… J’aimerais vraiment que ça marche avec elle. Je m’en rends compte, vraiment, maintenant que nous avons pris le temps de discuter un peu. Peut-être que c’est un peu trop tôt ? J’en sais rien… D’un coup, c’est moi qui semble perdre légèrement pied. J’aime pas ça, je tente de cacher ça en lui offrant un nouveau sourire. Puis je lui dis « En tout cas, ça me ferait plaisir que tu viennes… Enfin… Si j’organise quelque chose quoi… »

J’écarquille un peu les yeux lorsqu’Emerson semble s’étouffer en buvant son café. Est-ce à cause de ce que j’ai dit ? Je prends un air inquiet l’espace d’un instant, puis lorsqu’elle finit par me répondre je suis finalement rassuré. Elle semble d’ailleurs un peu étonnée que je lui propose de venir à cette soirée qui n’est même pas encore organisée. Puis finalement elle me dit que ça lui plairait et qu’elle serait même partante pour m’aider pour les préparatifs. Un nouveau sourire sur mes lèvres, décidément. Je crois que ça fait longtemps que je ne me suis pas senti aussi bien, et c’est grâce à elle. C’est fou comme je me sens bien avec elle. J’me répète, sûrement, mais c’est vrai. Emerson a vraiment quelque chose de spécial, j’ai encore du mal à savoir ce que c’est… Mais je n’ai jamais ressenti ça auparavant, et ça me plaît énormément.  

« Tu me diras quand tu es disponible et on organisera ça ensemble alors ! C’est pas tellement mon truc ce genre de chose mais si tu es là pour m’aider, ça sera sûrement parfait ! » Oui, je ne peux m’empêcher de la flatter. Et puis, ça sera l’occasion de passer du temps ensemble. Car oui, j’suis bien décidé à ne pas la lâcher maintenant que je la connais un peu plus. Et quelque chose me dit que cette impression est réciproque. Elle me sourit encore et je lui réponds à mon tour, étirant les lèvres au maximum alors que nos plats arrivent. Je suis étonné que ce soit aussi rapide, ou est-ce parce que je n’ai pas vu le temps passer en discutant avec Emy ? Qu’importe, la jolie blonde a l’air ravie en voyant son assiette. Je ne lui avais pas menti ! Les cheeseburgers sont délicieux ici. « Bon appétit. » Je répète ses dires avant d’attraper une frite et de la savourer. Oui, je ne me gêne pas pour manger avec les doigts, c’bien plus simple pour manger un burger et je ne pense pas que ça la dérangera… Tant que je ne me mets pas de la sauce partout, ça ira. Elle me demande alors si je connais l’endroit et si je suis déjà venu avec mes collègues. « Hum… Oui, c’est un peu ça. On vient plusieurs fois par mois. La nourriture est super bonne et puis l’ambiance est sympa. Mais j’pense pas qu’on croisera un gars de la caserne, généralement on vient le soir. Y’a des concerts au bar d’à côté parfois… C’est super sympa. » C’est à son tour de me faire quelques flatteries. Un héros ? Moi ? C’est vrai que souvent, les gens ont cette image concernant les pompiers. Notre métier est dangereux, c’est vrai. Et bon, j’avoue qu’au début de ma carrière, j’aimais assez être considéré comme tel, je vais pas le cacher. Un peu de reconnaissance, ça a toujours du bon… Mais je pourrais en dire autant de son métier, elle aussi sauve des vies. Pas de la même façon, certes, mais c’est en quelque sorte une héroïne, elle aussi…

Alors que nos assiettes se vident rapidement, elle finit par m’avouer qu’elle passe un bon moment et qu’elle est contente de me voir en bonne santé. Je suis prêt à lui répondre que c’est également mon cas, que je suis très heureux d’être là avec elle. Mais brusquement, sa main vient à la rencontre de la mienne et je reste alors silencieux. Je laisse mon regard dériver sur nos mains à présent entrelacées, puis je me focalise de nouveau sur son visage. Je souris, encore. Puis doucement, je laisse mes doigts caresser le dos de sa main avant que nos doigts ne se recroisent. Je remarque qu’elle se sent un peu gênée par son initiative mais pour ma part, j’apprécie vraiment qu’elle se soit lancée… J’aurais fini par le faire, parce que j’en mourais d’envie mais je trouve ça encore mieux que ce soit elle qui ait fait le premier pas. Je n’ai plus vraiment de doute à avoir concernant ce qu’elle pense de moi. Continuant de jouer avec ses doigts, je laisse un petit sourire en coin prendre possession de mes lèvres puis je me lance à mon tour. « Je passe vraiment un bon moment aussi. Et… je suis vraiment heureux d’être avec toi. J’dois dire que tu me plais beaucoup, alors… Ça ne peut être que bien. » C’est rare que je laisse mes sentiments parler, mais là, je veux vraiment qu’elle sache ce qu’il en est. Et j’crois que je ne pouvais pas rêver mieux comme premier rendez-vous avec elle. Tout est parfait…