Malgré les vertiges et la douleur, je me retrouve rapidement sur le plateau du scan. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de grimacer légèrement. Je ne suis pas très à l’aise sur le dos, le médecin semble s’en rendre compte d’ailleurs, puisqu’elle me propose de me mettre sur le côté. Une nouvelle fois, sa main se pose sur mon bras et elle m’aide à trouver une position confortable. Elle disparaît ensuite, puis je n’entends plus que sa voix dans le micro. Quelques recommandations, une voix rassurante et l’examen débute enfin. Je ne bouge pas, comme elle me l’a demandé.

Lorsque c’est terminé, elle revient me voir, souriante. Elle m’annonce alors que j’ai eu de la chance. Ce n’est qu’une simple commotion, rien de grave. Je ne le montre pas tellement mais je suis soulagé par cette nouvelle. Cependant les mots qu’elle prononce ensuite ne m’enchantent pas vraiment. Du repos ? Je n’ai pas du tout envie de rester ici. J’ai horreur des hôpitaux, et vu comment ça s’est passé lors de mon réveil, j’suis pas sûr de pouvoir supporter un séjour de plusieurs jours ici.

Elle me ramène jusqu’à ma chambre, je reste silencieux. Elle doit bien voir que ça ne me plaît pas de devoir rester ici. Elle m’explique alors qu’elle va prévenir son équipe, histoire qu’ils ne viennent pas me déranger… Une nouvelle fois, elle semble vouloir faire au mieux pour que tout se passe bien. J’apprécie beaucoup son geste… Après mes débuts chaotiques ici, je dois avouer que j’ai beaucoup de chance d’être tombé sur elle. Elle continue en me disant que si j’ai besoin de quoi que ce soit, je peux la biper directement. Elle repassera plus tard pour refaire les pansements.

Je réponds à son sourire puis elle finit en l’informant que plusieurs de mes collègues sont venus prendre de mes nouvelles. Mais… Que je ne pourrais les voir que dans quelques jours, si mon état s’améliore. Non ? C’est une blague ? Elle ajoute qu’elle va leur demander de rentrer chez eux et leur expliquer que j’ai besoin de repos. Une fois plus, je sens de la colère monter… Elle doit bien le voir d’ailleurs… Mais elle tente d’apaiser l’atmosphère avec un peu d’humour et un beau sourire. Et le pire… C’est que ça marche. Je ne bronche pas, si ce n’est une tentative pour essayer de lui faire changer d’avis. « Je vais bien… Ils peuvent venir quelques minutes non ? » Elle n’a pas besoin de mots pour me faire comprendre que la réponse est négative. Elle disparaît, fermant la porte derrière elle. Je me retrouve alors seul comme un con dans cette chambre… Je déteste les hôpitaux… « Putain… »

***

Mes paupières s’ouvrent doucement. Visiblement j’ai dû m’assoupir un peu. Tout est calme encore de moi. J’essaye de me redresser mais la douleur me tiraille le dos et le bras. J’ai bien plus mal que tout à l’heure… Je serre les dents et je parviens à m’installer un peu mieux dans mon lit. J’ignore depuis combien de temps le médecin est parti. Je jette un coup d’œil vers le biper, qu’elle m’a laissé avant de s’en aller. Je ne peux pas le dire, mais ça doit faire à peine deux heures qu’elle est partie. J’hésite quelques minutes… Puis finalement, j’appuie sur le bouton pour l’appeler…

J’attends alors un peu, jusqu’à ce que la porte s’ouvre enfin. Je l’accueille avec un léger sourire. « Je… Excusez-moi de vous déranger mais… Je… J’ai l’impression que ça me fait plus mal que tout à l’heure… » Puis après un court silence, je reprends « Vous êtes sûre que personne ne peut venir me voir ? C’est pas que je m’ennuie mais… Avouez que y’a pas grand-chose à faire ici… A part devenir fou… » J’essaye d’en rire, néanmoins, ça me saoule vraiment tout ça… Si seulement je n’avais pas voulu jouer aux héros… C’est sûrement bien fait pour moi tout ça…

Je n’ai pas eu à attendre très longtemps avant qu’elle arrive. Encore une fois, elle m’offre un beau sourire et se montre très agréable. Elle m’écoute avec attention, parcourant de nouveau mon dossier, puis elle m’explique qu’elle va me redonner de quoi soulager les douleurs. Elle s’exécute alors puis elle finit par répondre à mes interrogations, concernant les visites. Elle prend un air désolé, me réexpliquant que je ne pourrais pas avoir de visites avant quelques jours, le temps de me reposer… Bon, j’aurais essayé au moins… Je n’insiste donc pas. Je vois bien qu’elle fait tout son possible pour m’expliquer les choses avec calme, ce que j’apprécie d’ailleurs. « Bon. Bah… J’attendrais un peu alors… » Elle doit bien voir que ça ne me réjouit pas mais je lui souris tout de même…

Elle m’annonce ensuite qu’elle va changer les bandages. Je remarque alors comme un changement dans sa façon d’être, elle semble subitement hésitante. C’est peut-être moi qui me fais des idées, sûrement à cause de la fatigue et de la morphine qui commence à faire effet. Néanmoins, j’ai l’impression que son attitude est différente tout à coup. Je ne dis rien, attendant ses recommandations pour qu’elle puisse refaire les pansements. Mais elle reprend simplement… En me disant qu’elle pourra repasser me voir une fois sa garde terminée. Je ne peux cacher un certain étonnement, pourquoi voudrait-elle repasser voir un emmerdeur comme moi ? Après tout le bordel que j’ai mis dans son service, j’aurais plutôt pensé qu’elle aurait préféré ne pas avoir à me supporter… Puis, est-ce réellement professionnel de sa part ? A vrai dire, je n’en ai pas grand-chose à faire de ça…

Je l’interroge donc du regard, essayant de trouver une réponse à sa proposition. Après tout, ça ne me dérangerait pas qu’elle revienne me voir. Elle est gentille, agréable, jolie… Ça me fera un peu de compagnie… « Euh… Oui… Si vous voulez… » Pas franchement très enthousiaste comme réponse, je suis toujours un peu étonné. Je reprends alors « Oui, ça sera avec plaisir, mais… Je ne veux pas vous embêter, vous avez sûrement mieux à faire… » Je lui souris légèrement avant d’élargie mon sourire en ajoutant « Mais ? Vous ne venez pas de dire que j’ai besoin de me reposer ? » Je ne peux m’empêcher de rire doucement. Simple remarque pour apaiser un peu les tensions. « En tout cas, j’espère que votre équipe de nuit sera aussi agréable que vous pouvez l’être avec moi. »

Je me sens mieux, les blessures me font moins mal. Bon, ça reste douloureux évidemment mais je le supporte plutôt bien. Je suis surtout moins énervé, moins tendu. Ça fait du bien de pouvoir discuter un peu avec le médecin… « En tout cas c’est très gentil de votre part Docteur… Euh… » Comment s’appelle-t-elle d’ailleurs ? « Je ne crois pas que vous vous soyez présentée tout à l’heure ? Ou alors j’ai oublié… » Impossible de savoir si elle me l’a dit ou pas…

Cette situation est plutôt étrange. Enfin, ça doit certainement être à cause de la dose de morphine qui commence à faire effet. Je suis plutôt étonné qu’elle veuille repasser me voir après sa garde. A vrai dire, ce n’est pas moi que ça va déranger, au contraire. Vu que je ne peux pas voir mes collègues, je ne vais pas rechigner et refuser sa compagnie. Elle est très souriante et je dois avoir qu’il est très communicatif. Moi-même je lui souris, oubliant le reste. Elle se met ensuite au travail, s’affairant à changer les pansements. Les quelques craintes que j’ai pu avoir avant qu’elle ne commence s’estompent rapidement. Ça fait bien moins mal que je ne l’aurais cru. Bien sûr, il y a la morphine pour m’aider. Je dois néanmoins serrer les dents à plusieurs reprises mais cela reste plutôt supportable. Et je suis certain qu’elle est également très douée pour faire ça avec la plus grande des douceurs.

Le regard vide, posté vers le mur en face de moi. Sa voix me ramène à la réalité, elle m’explique alors qu’elle restera peu de temps. Cela me fait sourire et je ne peux m’empêcher de lui répondre « Je ne veux pas que vous vous sentiez obligée, hein ? » Je tourne légèrement la tête, essayant de croiser son regard… Mais évidemment, cela est plutôt compliqué étant donné les tiraillements que je ressens dans le dos. Je vais éviter de bouger…

Tout en continuant le pansement, elle finit par me dire son nom. Mackensie ? Est-ce son nom ou son prénom ? Je suis pris par le doute durant un instant. Mais étant donné qu’elle est médecin, j’en déduis qu’il doit s’agir de son patronyme. Je ne suis pas certain qu’un médecin donnerait son prénom à un patient. J’hésite un instant à lui poser tout de même la question mais elle me prend de court en m’annonçant qu’elle a terminé. Elle revient devant moi avant de quitter la pièce encore une fois. Un dernier sourire. Elle reviendra plus tard, normalement.

***

J’ouvre les yeux. Apparemment j’ai dû m’assoupir un moment. J’ignore combien de temps. Est-elle passée pendant que je dormais ? Je ne peux pas le dire, je ne sais pas quelle heure il est. Je me frotte les yeux, encore légèrement endormi. Je me sens bien mieux que tout à l’heure, la douleur est toujours présente mais elle est moins douloureuse. Je me mets alors à regarder le plafond de ma chambre… Puis mon regard se pose sur la fenêtre, jusqu’à dévier jusqu’à la porte. Et de nouveau le plafond. Qu’est-ce qu’on peut s’emmerder ici… A part dormir, y’a rien à faire. Bon, en même temps elle m’a dit que je devais me reposer. Mais bon voilà, j’ai dormi là… Suffisamment… Alors je me mets à attendre, à l’attendre… Et étrangement, je commence à sentir une sorte de déception en pensant qu’elle est finalement rentrée chez elle…

Soudain, la porte finit par s’ouvrir. Et je suis content de voir que c’est elle qui revient. Je souris encore. « J’ai cru que vous m’aviez oublié Docteur Mackensie. » Sérieusement ? Je ne pouvais pas trouver une remarque encore plus pitoyable ? C’est pathétique. Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Je me contente de rire légèrement avant de remarquer qu’elle semble exténuée. J’arque alors un sourcil avant de reprendre « Vous avez l’air fatiguée. Vous pouvez y aller si vous voulez, je n’ai pas envie de vous retenir… Vous feriez mieux d’aller dormir… » Voilà que c’est le patient qui donne des recommandations au médecin… Cette pensée me fait sourire et je continue alors « Vous aviez raison, ça fait énormément de bien… »

Je suis content qu’elle soit là. Et l’entendre dire qu’elle serait venue me voir, qu’importe les obstacles, me fait plutôt plaisir. Je suis chanceux d’être tombé sur un médecin comme elle, surtout vu comment s’était parti lors de mon admission ici. Parce que bon… En plus d’avoir été patiente avec moi, elle a tenu parole et est revenue après une garde certainement très longue et éreintante. Peu de médecin le ferait… Peut-être parce que ça ne se fait ? Franchement, je m’en fiche. Avoir un peu de compagnie me fera beaucoup de bien.

Elle s’installe dans le fauteuil près du lit tout en s’amusant également des conseils que je viens de lui donner. Mon rire se mêle au sien mais je finis par grimacer légèrement à cause de ma blessure qui me tiraille dans le dos. Rien de bien méchant, heureusement. Elle me dit de ne pas m’inquiéter pour elle, qu’elle ira dormir dès qu’elle sera rentrée. Elle m’avoue également être ravie de me voir aller un peu mieux.

Je ne sais pas trop ce qu’il m’arrive mais j’ai comme la sensation d’aller mieux quand elle est là. Nous ne nous connaissons pourtant pas… Avant tout ça, c’était une inconnue à mes yeux. Néanmoins, sa présence m’apaise, me détend… C’est étrange… Et je n’arrive pas à détourner mon regard du sien. Je remarque alors qu’elle a des yeux magnifiques. Mais, elle finit par baisser les yeux, avant de reprendre, me demandant si je compte bien me tenir durant la nuit. Je ne peux pas m’empêcher de rire. « Oh… Qu’est-ce qui vous fait penser que je vais être intenable ? » Mon visage se fait malicieux. Moi, insupportable ? Je ne vois pas du tout de quoi elle parle. Je reprends alors un air le plus innocent possible avant de continuer en essayant de garder mon sérieux. « Bon… D’accord… Je n’aurais pas dû me comporter ainsi, je le reconnais… Mais comprenez-moi… Je n’aime pas tellement qu’on me force la main… » Je n’ai pas tellement envie de refaire des histoires… Mais bon… Si ça ne me plaît pas, je le dis… « Ok… Ok… J’ferai un effort… Mais c’est bien parce que c’est vous qui me le demandez… »

Un court silence s’installe alors que je lui offre un nouveau sourire. « Hum… Si je me tiens correctement durant toute la durée de mon séjour ici… Vous accepteriez de venir boire un verre avec moi ? » Je jette un coup d’œil vers la porte avant de continuer d’une voix plus basse. « Une fois que je serai sorti, bien sûr… » Mais qu’est-ce que je suis en train de faire ? Là, c’est certain, j’vais passer pour le type le plus lourd qu’elle n’ait jamais vu.