« Oui ! Dimanche, ça me semble pas mal. J’vais en parler aux collègues, j’te tiendrai au courant. » Et voilà. J’ai déjà hâte d’y être. Y’a aucun doute, je suis certain qu’elle s’entendra bien avec les gars de la caserne. Et puis, certains sont mariés et d’autres ont des copines, donc elle ne sera pas non plus la seule femme présente. Elle qui disait ne pas voir de monde en dehors du boulot, ça devrait lui plaire également. Puis, l’idée de passer du temps ensemble pour préparer tout ça me plaît. A ce qu’elle m’a fait comprendre, elle aime bien préparer ce genre de chose, et moi… Bah… Disons qu’un peu d’aide, ça ne me ferait pas de mal. C’est rare que j’invite les gens chez moi d’habitude, mais il faut bien un début à tout.

Nous continuons notre conversation, parlant de tout et n’importe quoi. Ce moment est très agréable, et il le devient bien plus lorsqu’elle ose venir saisir ma main. Les légers soubresauts dans ma poitrine ne laissent aucun doute sur l’effet qu’Emerson a sur moi. Je ne peux m’empêcher de sourire et je finis par lui avouer qu’elle me plaît. Oh, ce n’est pas une chose simple pour moi mais j’ai vraiment envie qu’elle le sache. D’ailleurs, je pense que ça a le don de la gêner un peu. J’espère que je ne suis pas en train de lui faire peur… D’un coup, je me mets à douter mais elle semble me faire comprendre que c’est réciproque. Jusqu’à ce qu’un bip familier ne retentisse. La main d’Emerson quitte brusquement la mienne pour aller attraper le biper qu’elle garde à sa ceinture. Je la regarde alors, quelque préoccupé. Elle me dit alors qu’elle doit y aller. Elle ne m’explique pas les raisons mais je comprends tout de suite qu’il s’agit de son travail. Elle se lève alors rapidement et laisse de quoi payer le repas sur la table… Elle n’a pas le temps de me dire ce qu’il se passe, et elle me dit simplement de la rappeler. Le biper se remet à sonner et elle jure en plein milieu du restaurant. Oh, quelqu’un d’autre que moi n’aurait peut-être pas apprécié ce départ précipité mais à vrai dire je sais ce que c’est. C’est souvent la même chose quand je suis de garde, et lorsqu’il y a des vies en jeu, il faut faire vite. « Oui. D’accord. A plus… » Tard... Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase qu’elle est déjà partie. Je la regarde courir vers l’hôpital à travers les vitres du restaurant, jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Je me mets alors à sourire, puis je finis par remarquer tous ces regards étonnés vers moi. « Une urgence, elle est médecin. » Une fois cela fait, je termine tranquillement mon repas. Quand même un peu déçu qu’elle soit partie aussi vite…

***

Plus tard, je rejoins Sean. A vrai dire, je lui dois quelques explications… Surtout qu’il a passé la journée à me harceler par SMS. Cela m’a bien fait rire lorsque j’ai vu la dizaine de messages non lus sur mon téléphone. Alors je lui ai dit de me rejoindre jusqu’à mon appartement pour boire une bière. Ça tombait bien en plus, il y avait justement un match de baseball à la télé. Mais à peine passé la porte d’entrée, il commence déjà à me poser un tas de questions « P’tain mec ! T’pourrais me répondre quand même, t’étais où ? Avec qui ? » - « He bah… Comme je t’ai dit, j’avais un rendez-vous, et... » Le regard de mon ami se fait alors soupçonneux, tout comme l’avait été le son de sa voix lorsque je l’avais eu au téléphone la veille. « Bon. Tu la fermes, et tu me laisses parler. » Je ne sais même pas par où commencer… Mais il faut bien que je me lance et après avoir pris une profonde inspiration je finis par lui expliquer. « Tu sais… Quand j’étais à l’hôpital, j’ai fait chier tout le service… Les infirmières voulaient même plus s’occuper de moi tellement j’étais chiant. C’est une interne qui a pris le relais, tu sais la blonde que t’as croisé plusieurs fois. Puis, pour que j’me tienne tranquille, on a convenu qu’elle accepterait de venir boire un café avec moi, une fois sorti, si j’me calmais… Et au final, le café s’est transformé en déjeuner, au restaurant où on va souvent avec les gars… Et… » Sean me regardait, un grand sourire aux lèvres. Puis, il se mit à applaudir quelques secondes avant de me donner une tape sur le bras. « Alors là ! Bien joué ! Même à l’hôpital, à souffrir comme jamais, t’arrives à avoir des rencards. T’es doué Barnett ! » - « Ta gueule Sean ! T’es pire que moi. Et, puis… C’est pas pareil que les filles que j’ai rencontré avant… J’te jure, elle, y’a quelque chose… De différent… » L’autre crétin ouvre alors grand les yeux et laisse sa bouche former un « o », visiblement étonné. Puis il reprend « Han ! Toi t’es en train d’tomber amoureux. Avoue ! » Il commence à s’marrer et je lève alors les yeux tout en soupirant, exaspéré par son comportement. Je continue à mon tour « P’t’être bien ouais… Alors écoute moi attentivement. J’ai prévu d’inviter un peu de monde ici dimanche prochain, on fera un barbecue dans la cour en bas. Je lui ai proposé de venir, alors, j’te jure… Si tu joues au con, j’te tue… »

***

C’est dimanche. Avec Emerson, nous avons pu discuter tranquillement de tout ça par téléphone. Elle devrait bientôt arriver d’ailleurs, pour m’aider à préparer le repas du midi. La veille, j’suis allé faire les courses, j’ai nettoyé l’appart de fond en comble. J’crois qu’il n’a jamais été aussi clean depuis très longtemps. En même temps, oui, j’ai envie de lui faire bonne impression. J’ai même pris le temps de faire ma vaisselle du petit-déjeuner, vous savez, celle qui reste toujours jusqu’au soir dans l’évier… Bref, après ça j’ai pris ma douche et je me suis préparé. Nous avons de la chance, le soleil est au rendez-vous et il fait chaud. J’ai donc mis un t-shirt et un short, puis je me suis dépêché d’aller jusqu’à chez le fleuriste à quelques pas de là. Histoire d’offrir un beau bouquet de fleur à Emerson, vu qu’elle avait laissé de quoi payer le repas la dernière fois. Une fois rentré, je regarde l’heure. Bientôt dix heures, elle ne devrait pas tarder… Pour ce qui est de Sean, il a été prévenu. Et il a intérêt d’assurer.

Quelqu’un frappe à la porte. Ce doit être elle, je n’attends personne d’autre. Je me dirige vers l’entrée de l’appartement puis j’ouvre. C’est bien elle. Je réponds à son sourire alors qu’elle m’explique qu’elle a ramené un peu de musique. J’avoue ne pas y avoir penser. « Salut Emerson ! C’est une très bonne idée. Tu le remercieras de ma part alors ! Je n’y ai vraiment pas pensé. » Oh alors, son frère est au courant de tout ? Si elle lui a parlé de moi, c’est que j’dois être un peu important pour elle non ? Après tout, j’ai parlé d’elle à Sean également… En tout cas, je suis ravi de la voir. Elle est magnifique dans cette robe.

Elle me demande quand doivent arriver les invités, je jette un coup d’œil à ma montre avant de lui répondre « J’ai dit aux autres de venir entre midi et demi et treize heures. Ça nous laisse pas mal de temps pour préparer ce qu’il y à faire. Sachant que j’ai demandé à des amis de passer hier pour installer les tables et les chaises dans la cour, en bas. Tout est déjà prêt, y’a plus qu’à préparer le buffet. » Je lui fais signe de me suivre dans la cuisine. Là, je prends le bouquet de fleurs et le lui tend… « Tiens. C’est pas grand-chose mais je me disais que ça te ferait plaisir et… C’est surtout pour te remercier de venir m’aider pour tout ça. J’espère que tu aimes les roses. » Emerson semble ravie, je me mets ensuite à la recherche d’un vase, ou du moins d’un grand verre pour pouvoir y mettre les fleurs. Il est temps que nous nous mettions au travail.

La cuisine est plutôt petite et je n’ai pas grand-chose pour faire la cuisine, j’espère que ça ira. Je ne suis vraiment pas du genre à aimer faire la cuisine, j’ai souvent la flemme de me faire à manger. Mais là, je vais faire un effort. Emerson doit sûrement être plus douée que moi. J’ouvre le réfrigérateur et en sort deux sacs « Je suis allé faire les courses hier, j’espère que je n’ai rien oublié. J’ai pris de quoi faire les recettes dont tu m’avais parlé au téléphone. Mais… Va falloir que tu m’expliques comment faire parce que… J’suis pas très doué pour la cuisine… » Je rigole doucement, avant de lui jeter un regard quelque peu malicieux. Je hoche légèrement la tête avant de reprendre « Oh et la femme d’un ami m’a dit qu’elle s’occupait du dessert, elle va faire des gâteaux je crois… J’ai pris de la glace aussi, vu la chaleur, ça devrait plaire… » Je ne suis vraiment pas dans mon élément, ne sachant pas par quoi commencer… Complètement perdu face à tout ce qui est posé devant moi. Je détourne les yeux vers Emerson avant de lui demander « Par quoi je commence ? »

Je suis tellement occupé par toutes ses préparations que je n’ai pas vu les heures défiler. Emerson m’a vraiment été d’une aide précieuse pour tout ça. Nous terminons tout juste lorsque déjà j’entends déjà des voix arriver dans la cour. Un premier couple d’ami arrive, et je vois tout de suite dans leur regard qu’ils sont impressionnés par tout ça. Ah ça, je ne les ai jamais habitués à ce genre de chose avant… La table a été joliment mise, avec une belle nappe. Les diverses préparations y sont posées, comme les verres et les bouteilles. Un peu plus loin, le barbecue est prêt à être allumé, lorsque tout le monde sera arrivé. Une glacière contient un stock suffisamment conséquent de viandes pour une bande de pompiers affamés… Et puis, grâce à Emerson, il y a aussi de la musique. C’est parfait.

D’autres amis arrivent à leur tour. Je fais les présentations avec Emerson qui s’est chargée de servir les verres. Puis c’est au tour de Sean de faire son apparition, le sourire aux lèvres. Il s’approche de moi et me salue d’une poignée de main avant de regarder tout autour « Waouh mec, t’as fait tout ça pour impressionner ta belle ou quoi ? » Je vois bien qu’il a fait exprès de ne pas parler fort pour qu’il n’y ait que moi qui l’entende. Je fronce alors les sourcils et lui répond « C’est elle qui m’a aidé… Elle s’occupe des verres là-bas… » - « Ah mais ouais ! J’me rappelle maintenant… P’tain Barnett, t’as pas choisi la plus moche en plus… » - « Ferme là Sean, bordel ! » Je lui envoie un coup de coude dans les côtes, histoire de le faire taire. Puis je lui lance un regard noir pour vraiment lui faire comprendre que je suis sérieux. J’veux pas qu’elle entende ses remarques puériles, pas aujourd’hui. Je me retourne vers Emerson, rassuré en voyant qu’elle n’a rien vu ou entendu de notre conversation. Je vais alors la rejoindre, talonné par Sean qui semble avoir compris… « Emerson ? J’te présente Sean, mon meilleur ami. On fait partie de la même équipe, tu as déjà dû le croiser à l’hôpital, je pense… » Pitié mec, ne me fais pas honte… Je ne cesse de me répéter ça dans ma tête. Mais heureusement, il reste tranquille. Ouf…

La rencontre avec Sean, c’est ce que j’appréhende le plus. J’ai tout le temps peur qu’il dise une connerie qui mettrait Emerson mal à l’aise. Et ça, je ne veux pas. Mais au final, ça se passe très bien. Bon, forcément il en fait un peu trop, n’arrêtant pas de me lancer des fleurs. J’apprécie le fait qu’il essaye de montrer à Emerson que je suis quelqu’un de bien. Mais au bout d’un moment, je le regarde en lui faisant comprendre qu’il en a fait assez. C’est au même moment que Juan, un autre type de ma brigade, vient me trouver. Visiblement les autres commencent à avoir un peu faim et il est grand temps d’allumer le barbecue. Et alors que je compte demander à Sean de s’en occuper, ce dernier me rétorque d’y aller en m’expliquant qu’il va rester avec Emerson pour discuter. J’arque un sourcil, et lui lance de nouveau un regard qui veut tout dire. Il a intérêt de faire attention à ce qu’il va lui dire. Je ne bronche donc pas et je suis Juan jusqu’au barbecue.

Le temps passe, et je regarde Emerson de temps à autre. Visiblement, elle semble bien s’entendre avec tout le monde. Ça me rassure énormément. Là, la femme de Juan vient à son tour pour discuter un peu. « C’est vraiment chouette d’avoir organisé tout ça Kendale. Ça faisait longtemps que je n’ai pas vu les gars aussi enthousiaste. Tu sais, ils ont vraiment hâte que tu reprennes le boulot. Et puis… J’suis contente pour toi… Emerson a l’air vraiment super ! J’espère que ça va marcher avec elle… » Je la remercie et je lui avoue que j’aimerais également que notre relation avec Emerson devienne plus sérieuse. En tout cas, je suis content, tout le monde à l’air de l’apprécier… Et ça me donne encore plus envie de me rapprocher de la jolie blonde…

Toujours affairé au barbecue, j’ignore depuis combien de temps je suis là mais ça doit faire un long moment. Avec tous les gars autour, la bouffe a préparé, les discutions avec un peu tout le monde, je n’ai pas vu Emerson depuis longtemps. Mais le pire c’est que je ne m’en rends pas vraiment compte, tellement occupé par tout ça. Puis, concentré sur la viande en train de cuire, j’entends la voix de la jeune femme. Visiblement, elle a envie de me parler. Je laisse Juan prendre le relais et nous nous éloignons des autres, Emerson me tenant le bras. Puis elle finit par me dire qu’elle apprécie beaucoup tout le monde ici… Mais… Qu’elle aimerait que je sois un peu plus avec elle. Je prends alors un air confus, très embêté de l’avoir laissé seule. Une fois à bonne distance des autres, nous nous arrêtons et elle reste debout devant moi, ses yeux ne quittant plus les miens. Je me perds durant un instant dans ses yeux clairs, je lui souris à mon tour alors qu’elle me demande si j’ai eu le temps de goûter les plats que nous avons préparé ensemble. Non. Je n’ai pas pris le temps de manger, trop occupé par la cuisson des grillades. Et à vrai dire, à cet instant, ce n’est pas la nourriture qui m’intéresse… Je laisse mes yeux dériver une fraction de seconde sur ses lèvres. A vrai dire, ce sont plutôt elles que je crève d’envie de goûter…

« Oh… Excuse moi Emy’… » Je crois bien que c’est la première fois que je me permets de l’appeler ainsi. Une fois encore, je regarde ses lèvres, puis je reprends une mine désolée. « J’espère que Sean ne t’as pas trop embêté… Je suis désolé de t’avoir laissée aussi longtemps… » Alors pour tenter de me faire pardonner, je prends doucement sa main tirant doucement dessus pour qu’elle s’avance un peu plus vers moi. Oubliant complètement le reste de mes convives, je me focalise sur Emerson et rien que sur elle. Peu importe qu’ils nous regardent. « Ils peuvent bien se passer de moi pendant quelques minutes… » A ces mots, l’une de mes mains se pose sur sa hanche et je m’avance vers elle, sans me précipiter. Puis je viens capturer ses lèvres, lui offrant un baiser. Me repenchant vers l’arrière, je la regarde de nouveau en souriant avant de revenir lui voler un autre baiser, bien moins timide que le premier. Est-ce que j’aurais dû attendre encore ? Aurais-je dû l’embrasser une fois les invités partis ? Je ne me pose même pas ces questions. Si je l’ai embrassé, c’est parce que j’en avais envie, là, tout de suite. Et je dois dire que ce moment est tout simplement magnifique…