Rosaleen était toujours dans le vague, elle peinait à se remettre de ses émotions et de toutes cette peine autour d'elle. Alors certes, des personnes avaient retrouvées leurs familles et leur soulagement était palpable, mais pour une fois les ondes positives ne parvinrent pas à prendre le dessus sur ce désastre ; y avait-il seulement quelque chose qui pouvait apaiser ne serait-ce qu'un instant toutes ces vies perdues ? La rousse s'était relevée et, après un sourire signifiant à Ian qu'il n'avait pas à s'inquiéter pour elle, elle l'avait regardé s'éloigner vers Thalia ; la femme semblait sur le point d'accoucher. Rosaleen se demanda un instant si elle devait le suivre, mais elle se rendit rapidement à l'évidence au vu de ses jambes tremblotantes qu'elle ne serait pas d'une grand utilité.

Regardant autour d'elle, elle entendit les rires de Moore. D'abord interloqué par un tel culot, elle fut complètement désarçonné par le geste de Jaden ; il venait vraiment de lui tirer une balle en pleine tête ? C'était finit non ? Ils avaient eut le dessus, avaient prit assez de vie, alors qu'est-ce que cet homme avait bien pu faire pour mériter cela ? La plupart affichaient des sourires satisfaits quant à cette action. Elle avait décidé de ne pas donner son avis à quiconque, mettant sa franchise habituelle de côté ; ils étaient tous sous le choc des événements et elle avait besoin de temps pour réfléchir à ce qui allait arriver ensuite. Qu'allait-il advenir d'eux maintenant ?

Passant nerveusement une main sur sa joue où les larmes avaient recommencé à couler, elle soupira bruyamment et se mit en chemin vers un des nombreux cadavres qui étaient allongés là et autour duquel personne n'était. Elle était peinée et ne savait pas si elle pourrait un jour passer au dessus de ce qu'ils avaient tous vécu, mais il fallait aider ces âmes à partir. Il fallait bien se rendre à l'évidence, la galloise n'avait pas d'époux qui s'était battu là-dehors, pas d'enfant à protéger ; ils avaient tous su se protéger eux-même et elle n'y avait été pour rien. En réalité, bien que la jeune femme était consciente qu'elle n'aurait jamais pu porter une arme, elle culpabilisait de s'être montrée ainsi inutile, alors tout ce qu'elle pouvait faire maintenant c'était donné un peu de paix à ces corps sans vies auxquels des âmes étaient toujours attachées.

Dans l'optique d’entonner une première prière, elle s'agenouilla auprès du corps d'un homme d'une cinquantaine d'années, elle lui avait déjà parlé à quelques reprises et avait bien entendu remarqué la jambe peu fiable sur laquelle il claudiquait, celle qui lui ne lui avait pas valu sa place à l'extérieur du gymnase. Elle se rappelait qu'il lui avait dit qu'avant tout cela il faisait le clown dans un service pédiatrie ; son quotidien respirait la mort, et pourtant il semblait qu'il avait toujours trouvé cette capacité à apporter un peu de bonheur à tous ces enfants condamnés. Mais maintenant ? Qui allait jouer ce rôle ? Pourquoi avait-il fallu que la mort vienne le chercher en personne ?

Il n'y avait plus personne désormais pour être porteur d'espoir, plus personne pour leur faire croire qu'il y avait quelque part une once de beauté ou d'avenir. Le sourire de Pierrot s'était éteint et il n'illuminerait plus jamais les yeux de ceux qui en avaient besoin.

Ayden s'était contenté de regarder Moore longuement, détaillant longuement son visage avec un rictus crispé. Il était mort et le muet avait bien marqué son dédain après un crachat de sang sur ce corps sans vie. Si les Enfers existaient, l'illustrateur espérait vivement que le général s'y retrouverait. En fait, il espérait surtout que ce soit les Enfers Grecs, là où les plus vils sont punis en revivant chaque jours les mêmes horreurs.

Se détournant finalement, le muet parcouru encore une fois, de ses yeux fatigués et rougis par les larmes, l'ensemble du gymnase. Qui oserait venir ici, à présent ? Qui oserait respirer l'air emplie de négativité ? Parlant de négativité, un peu plus loin, il pu voir la chevelure rousse de Rosaleen. Étrangement, l'illustrateur se sentit mal et éprouva le besoin de la rejoindre. En s'approchant, il se rendit compte qu'il boitillait légèrement, sans doute la responsabilité de sa blessure à la cuisse. A hauteur de la jeune femme, Ayden lui prit la main et l'embrassa délicatement, comme à chaque fois qu'il se voyait, en guise de "Salut". La demoiselle n'était clairement pas dans son assiette et lui savait que c'était à cause de toute cette boucherie. Il était clair que l'optimisme dont elle faisait preuve chaque jour, l'espoir qu'elle m'était en l'avenir, venait de prendre un coup. Sans réellement demander son avis, il passa un bras autour de la taille de son amie et la guida vers les autres où d'autres survivants se rassemblaient. Thalia accoucherait bientôt de ce qu'il comprenait et beaucoup avaient besoin de soins. Apercevant Ian, super mal en point aussi, Ayden vint lui tapoter l'épaule en guise d'encouragement, laissant la rousse à ses côtés. L'urgentiste aurait fort à faire.

- Ayden. Viens par là.

Le muet se détourna pour voir son frère qui lui faisait signe d'approcher. L'artiste s'approcha de son aîné et ce dernier s'approcha de l'oreille du jeune français pour lui donner quelques indicatives, laissant dans ses mains un couteau de combat. L'homme serra les doigts autour du manche et soupira, glissant son regard sur les corps abattus. Seth s'éloigna pour aller rejoindre Jaden et lui chuchoter à son oreille.

- Commence à les évacuer, on va... Faire ce qu'il faut...

Tapotant l'épaule du blond, l'ancien soldat vint rejoindre son cadet, observant le reste des survivants, un petit sourire en coin. Au moins, bon nombre d'entre eux restaient dans le camp des vivants. Reprendre une vie "normale" serait complètement difficile désormais. Enfin, il entraîna le seul membre de sa famille vers un coin du complexe sportif. Il venait de se donner une mission. Empêcher la Mort d'envoyer ses nouveaux Sbires à l'assaut. Seth récupéra une lame, jeta un coup d'oeil à Ayden qui hocha la tête. Son aîné lui avait dit qu'il fallait détruire les cortex cérébraux des décédés et l'artiste avait accepté, mine grave. Il avait déjà tué aujourd'hui, alors ce serait simple d'enfoncer un couteau dans une tête... La guerre n'était pas totalement finie, tout compte fait.