Il avait eu un peu d’essence. Juste un peu. C’était prévisible après tout : beaucoup des épaves avaient déjà dû être siphonnées avant leur passage. Eux-mêmes étaient déjà brièvement passés pour refaire le plein, sans s’attarder toutefois. Pour suivre la progression de ses complices, Selene était descendu du pick up pour monter sur une autre voiture, quelques mètres plus loin. Celle-ci était moins haute mais la musicienne se contenterait de ça.

La pluie s’invita dans l’équation, elle pesta contre un dieu auquel elle ne croyait pas. Son blouson épais en faux cuir était parfait contre les températures froides, mais il n’avait pas de capuche. Elle n’eut donc pas le choix que de rester debout au milieu de l’averse, ses cheveux s’imbibant d’eau peu à peu, plissant les yeux pour essayer de voir quelque chose à travers les rideaux torrentiels et le brouillard.

- Temps de merde… ‘chier, marmonnait la jeune femme alors que Sarah et Duncan avait enfin rempli un bidon.

Quitte à être trempés, Selene allait suggérer de continuer, mais deux autres silhouettes se découpèrent dans son champ de vision. Elle crut d’abord à de nouveaux mordeurs jusqu’à ce que leurs gestes trop précis, et un coup de feu, indiquent qu’il s’agissait plutôt de vivants. Immédiatement, elle se baissa et entreprit de descendre précautionneusement de son poste d’observation. Sans un mot, la pianiste fit des gestes très clairs à ses deux comparses : planquez-vous, soyez prêts.

Elle-même trouva refuge derrière un capot et se penchait régulièrement pour guetter la progression des inconnus. Impossible de savoir combien ils étaient, ni s’ils étaient dangereux, alors elle préférait garder l’effet de surprise.

Le trio avait réussit à récupérer quelques litres de carburant mais vu le nombre de véhicules abandonnés sur le pont, ils pouvaient faire mieux. Bien mieux même. C’est donc avec ténacité que les deux acolytes continuèrent leur progression. Mais après quelques vaines tentatives, la blonde et le musicien arrivèrent enfin à obtenir leur précieux sésame. Cette fois ci, le déverrouillage du réservoir ne résista guère longtemps et l’installation du matériel ne dura que quelques instants. Les deux camarades commençaient à trouver leur rythme et leurs marques.

Le magasinier, qui était à la manœuvre, s’était agenouillé et surveillait le niveau qui montait petit à petit. C’est à ce moment qu’ une pluie battante se mit soudainement à grêler sur leurs têtes. - « Hé bien il manquait plus que ça ! » S’écria instantanément Duncan à sa complice. Les deux compères se retrouvèrent complètement trempés en seulement quelques minutes. Et Selene, au loin, ne semblait pas mieux lotie.

Quoiqu’il en soit, ce n’était pas quelques gouttes de pluie qui allaient les arrêter en si bon chemin. En effet, le duo qui venait de remplir son premier jerrycan ne comptait pas s’arrêter là. - « C’est toujours ça de gagné ! » Déclara le musicien qui était entrain de reboucher le bouchon de leur bidon.

Une fois cette tâche effectuée, il retira aussitôt son bonnet gorgé d’eau, l’essora et le fourra dans une de ses poches de veste tout en râlant : - « Foutu temps ! On avait déjà le brouillard pour nous empêcher de voir ce qui se passe à l’horizon et maintenant on a cette fichue pluie qui couvre les bruits ! » Puis, le magasinier regarda à nouveau la musicienne pour savoir s’ils devaient continuer leur razzia ?

Mais il sursauta soudainement suite à un coup de feu provenant de l’autre côté du véhicule siphonné. - « Merde ! Planques toi ! » Hurla t’il spontanément vers sa camarade. Le grand gaillard se dissimula tout d’abord derrière la voiture et regarda aussitôt en direction de sa cheffe de groupe. Il devait connaître ses intentions. En effet, la musicienne avait un bien angle de vision sur la situation. Devant ses gestes, Duncan fit simplement un signe de la main pour lui faire comprendre qu’il avait bien comprit et se prépara à combattre, hache en main, au cas où ?

Leur équipe fonctionnait plutôt bien, quoi de plus étonnant ? Ils avaient déjà pu tous trois faire l'éloge de leur talent et de leur détermination à survivre, il y a quelques mois de ça, alors que la situation l'avait amené à finir par les rejoindre, bien qu'ils y étaient tous réticents et que ce n'était pas ce qui était prévu. Les choses avaient changé, et c'est tout naturellement qu'ils pouvaient coopérer, désormais que la confiance était installée entre chacun.

Le rythme avait été trouvé, et ils avaient réussi, après pas mal de tentatives à remplir un jerrycan. Compte tenu de toutes les épaves qui se trouvaient devant eux, ils étaient capable de bien plus. Si Selene avait changé de poste d'observation pour continuer de couvrir leurs arrières, Sarah et Duncan avaient continué à progresser vers les prochaines voitures. Un obstacle, cette fois-ci météorologique s'opposa à eux, la fine bruine qui n'était pas forcément accomodante au départ s'était transformée en une violente pluie, la jeune femme poussa un soupir, se contentant d'acquiescer à la remarque de son partenaire, relevant la capuche de son gilet avant écarter de son visage, et de ses yeux les quelques mèches de ses longs cheveux blonds. " Mais au moins, ça te donne un look d'enfer." dit-elle, taquine, adressant un clin d'oeil à Duncan, amusée de le voir râler en enlevant son fidèle bonnet.

Elle ne comptait toutefois pas en rester là, il faudrait sans doute être un peu plus vigilant pour éviter de se casser la figure, et surtout ne pas perdre le contact visuel avec Selene. Mais c'était trop peu de raisons que pour faire demi-tour, alors qu'ils s'apprêtaient tous deux à s'avancer vers le prochain regroupement de voitures, un bruit sourd se fit entendre... Un coup de feu ? " Manquait plus que ça... " Instinctivement, et sous les recommandations du viking. La jeune femme alla se cacher elle aussi au niveau d'un regroupement de voitures, se tenant toutefois à plusieurs mètres de Duncan, dissimulée, mais ayant la même vue que lui sur les environs. Les gestes de leur leader étaient clairs : Observer les intentions des deux individus qui s'approchaient et se tenir prêts à toute éventualité.

Sarah attira l'attention de son équipier, lui faisant plusieurs signes, un premier avec son index en se désignant elle-même, et un autre, de manière circulaire, pour lui faire comprendre qu'elle pourrait faire le tour, une fois qu'ils seraient arrivés à leur hauteur et les désarmer. Une main posée sur son Desert Eagle, il ne restait plus qu'à attendre.

- Mais qu’est-ce que c’est ce ces guignols ?! grogna Selene dans sa barbe.

Désormais, elle pouvait déceler qu’ils étaient trois, mais aussi qu’ils prenaient un malin plaisir à déverser du plomb sur les rôdeurs. Ils se croyaient où, à OK Corral ? Si ça continuait, les morts qu’ils débusquaient au fur et à mesure ne seraient pas les seuls à s’inviter sur le pont. D’ailleurs, en tournant la tête pour vérifier ce qui se passait en arrière, la jeune femme vit une petite meute de mordeurs s’avancer sur le pont. Ils boitaient sous la pluie, leur peau putréfiée encore plus hideuse à cause de l’humidité. Deux étaient d’ailleurs déjà dangereusement proches.

- Et merde… Duncan ! Avec moi !

Il était le plus proche et surtout : avait un swing dévastateur à la hache. Après avoir décoché un carreau dans le crâne de la première charogne, la pianiste jaillit de sa cachette et frappe la deuxième directement avec son arbalète. Chétive, celle-ci s’écroula, mais il fallut écraser sa tête sous sa semelle pour la faire taire. Selene arracha son projectile des chairs putrides et traversa alors la route trempée pour passer du côté encombré. Elle posa alors son arme sur le capot et tira son couteau de chasse de son étui : de cette façon, elle espérait forcer les morts à vouloir contourner les épaves et donc pouvoir les abattre une par une. Par le même temps, elle ne s’exposait pas aux tirs des inconnus.

- Sarah, elle cherchait son aînée du regard pour lui dire : reste planquée et garde ces abrutis en joue.

La musicienne voulut ajouter « tue-les s’il faut » mais… qu’est-ce que ça voulait dire exactement ? Mieux fallait encore garder une mesure à leur réaction, surtout que les trois vivants qu’ils voyaient n’étaient peut-être que les éclaireurs d’un groupe plus grand. Ce serait à la blonde de juger la réaction adéquat, mine de rien, Selene lui faisait confiance pour ça.

Ça ne pouvait pas être pire, ou presque. Dissimulés au travers de toutes ces épaves, les trois Messiah jaugaient la situation, Sarah restait particulièrement attentive aux mouvements des deux personnes qui se trouvaient désormais là eux aussi… Deux? Plutôt trois en fait. Suite à un coup de feu d’une arme au calibre différent de la première détonation, ils étaient forcés de constater qu'un troisième individu était de la partie.

Si ils étaient armés, ils ne représentaient pas forcément une menace. Et tant qu'ils n'avaient pas conscience de leur présence, le groupe disposait d'un certain avantage tactique. Toujours occupée à les observer, c'est Selene qui leur fit comprendre que les choses se corsaient, avec toutes ces détonations, une petite meute de rôdeurs avait fini par être attiré par les bruits et semblaient vouloir se joindre à la fête. La jeune femme acquiesça d'un bref signe de tête à l’attention de Duncan quand celui-ci fut appelé par leur leader. "Faites attention… “ lui dit-elle alors qu'il s’empressait de rejoindre Selene.

Sarah, elle, garda sa première idée, ils pourraient très bien s’occuper de ces quelques rôdeurs tous les deux. Pour le moment, il fallait déterminer si la présence humaine leur serait hostile ou non.
" Avec plaisir “ fut la réponse qu'elle adressa à la brune. Accroupie et évoluant à travers les voitures, une main posée sur le capot des épaves qui se dressaient à côté d’elle, la blonde fut surprise par des râles à proximité, un rôdeur surgit alors directement sur sa droite. Une main sur le sol et à l’aide de ses deux jambes, elle fit tomber le mort en sursis avant de l’éliminer d’un coup de couteau . Elle finit par remarquer à travers la pluie que les trois individus commençaient à se séparer de plusieurs mètres, ce qui pourrait grandement faire la différence et lui permettre d’en neutraliser au moins un. Désormais cachée à quelques pas du plus éloigné, la main posée sur son arme de poing, ce n’était plus qu'une question de timing. Elle espérait toutefois que, malgré leur stupidité à tirer dans une zone autant à découvert, ils ne seraient pas hostiles à leur égard et que la situation pourrait se régler sans qu'elle ne s’envenime trop, ça les changerait… Une chance sur deux.