Enfin les choses avaient fini par se résoudre, dommage que l'issue ait été aussi dramatique toutefois. Mais était-ce réellement évitable dans un monde comme le leur ? Sans doute, quand on voyait la manière dont ils s'étaient tous organisés pour survivre et s'entraider. Mais d'autres préféraient toutefois faire fi de tout bon sens et moralité. Pouvait-t-elle réellement les blâmer ? Elle avait déjà été de l'autre côté, lors de sa vie de solitaire, elle ne rechignait pas au moindre coup bas, quand une opportunité pour elle d'obtenir quelque chose se présentait. Mais c'était sans doute plus simple de pouvoir observer ça de l'autre côté.

Ce sont les propos de Selene qui lui firent comprendre que leurs actes étaient parfaitement prémédités, de quoi lui décrocher un petit rire mesquin. " Dommage que ce soit nous qu'ils ont essayé de plumer. " dit-elle en vérifiant si le fusil qu'elle tenait contenait toujours des munitions. " On ira jeter un œil à ce camion plus tard alors. " constatant que deux chevrotines se trouvaient dans le fusil, elle l'arma à nouveau et fit feu sur un premier rôdeur, la deuxième cartouche s'assurant de finir le travail.

Jetant l'arme, Sarah se saisit de son couteau pour s'approcher d'un autre rôdeur, lui plantant sa lame dans la tempe, il en restait désormais plus qu'un seul. Si on excluait les dépouilles de leurs défunts ravisseurs qui ne tarderaient pas à se transformer. Sans doute rien d'insurmontable pour les trois Messiah. Mais ils devaient toutefois faire vite, ils s'étaient assez éternisés ici, aucun d'entre eux n'avaient envie de découvrir à quel point ces morts en sursis seraient déterminés à les dévorer.

Après avoir descendu la première charogne qui s’avançait vers le trio, le barbu écouta d’une oreille attentive les explications de la musicienne sur les conditions de sa détention et de sa capture. Pendant que celle-ci éliminait deux nouvelles menaces, Duncan déclara tout sourire aux lèvres : - « Content de te revoir ! » Puis, constatant que son amie avait l’air blessée, il lui demanda l’air inquiet : - « Ça va ? Rien de grave ? »

Apparemment, le camion existait réellement. Etait il vraiment remplit de carburant ? Cela restait encore un mystère. Après tout, ces gens avaient peut être tout bonnement découvert un filon ? Et si c’était effectivement vrai, c’était du pain béni pour le trio. Qui plus est, la quantité de gazole que pouvait contenir ce réservoir, pourrait permettre au groupe de tenir plusieurs semaines, voir plusieurs mois ?

Le grand gaillard qui avait retrouvé de l’allant regarda Sarah qui semblait déchaînée ? En effet, à peine avait elle éliminé Emma qu’elle était de nouveau sur le qui vive. Et elle ne tarda pas à extérioriser sa frustration en tuant deux nouveaux macchabées. Duncan était admiratif devant le courage et la force mentale de ses deux amies. Prisonnières ou blessées, elles ne renonçaient jamais. Le barbu déclara alors à ses deux camarades : - « laissez-moi le dernier je m’en occupe ! » Le type en question était un misérable bougre maigrichon. Il aurait sans doute suffit, à un homme de la corpulence du magasinier, d’un seul coup de poing pour lui arracher la tête ? Mais celui-ci resta prudent et c’est en le poignardant en plein milieu du front que ce dernier élimina définitivement cette ultime menace.

- « C’est bon de mon côté ! » Déclara le musicien à ses deux amies qui visiblement finissaient le travail en poignardant le corps d’Emma et celui de son acolyte.

- Ça va aller, assura Selene à son ami avec un maigre sourire.

Ses deux complices achevèrent les cadavres restant et bientôt, ils se tenaient sous la pluie au milieu d’un tas de dépouilles. La musicienne récupéra ses carreaux, les rangea dans son carquois et, par précaution, utilisa son couteau de chasse pour percer le cerveau d’Emma et de son groupe. Avant de repartir voir ce qu’il en était du fameux camion, elle leur fit également les poches : tout était bon à prendre. Ils avaient récupéré leurs armes, leurs victimes avaient potentiellement quelques munitions quelque part.

Une fois prête, la benjamine guida Duncan et Sarah à l’endroit où on avait essayé de la rendre captive. A la dérobé, elle jetait régulièrement des regards au viking, visiblement blessé en plusieurs endroits, mais ça n’avait pas l’air grave. Selene put alors constater un détail qu’elle n’avait pas vu précédemment : le réservoir n’était pas hors d’atteinte, ça avait été un mensonge dès le début. Ces types ne ressemblaient pas à des pillards pourtant, mais… le fait est qu’ils avaient voulu les embobiner. Elle ne regrettait pas sa décision, celle de prendre les devants.

- Il n’y a plus qu’à essayer…

Se servant allègrement dans le matériel des morts, la jeune femme ouvrit la trappe, glissa un long tuyau à l’intérieur et aspira pour faire venir la précieuse ressource qu’ils étaient venus chercher. Suspens intense. Puis un liquide noir remontait, à flot, de quoi déjà remplir deux lourds bidons. La pianiste eut l’ébauche d’un sourire satisfait ; petite victoire. Ça n’apaisait pas vraiment la perte de sa meilleure amie, ni le poids des nouveaux meurtres sur ses épaules, mais au moins : elle ne rentrerait pas les mains vides.

- Au fait, où vous avez posé le bidon qu’on avait rempli avant qu’ils arrivent ?

Elle ne se souvenait pas les avoir vus le ramener à la voiture.

Cette fois-ci les trois égarés étaient définitivement débarrassés de la menace Emma. Toute sa petite troupe avait été décimée. Ces gens avaient été toutefois tenaces et très fourbes mais le trio avait tout de même réussit à en venir à bout. Cette journée laisserait tout de même des séquelles physiques ou morales sur les trois aventuriers ? Aucun d’entre eux n’avait été réellement épargné. Regardant ses deux amies, Duncan leur annonça spontanément sur le ton de la plaisanterie : - « C’est William qui va être content de nous voir arriver dans cet état ! Il va avoir un boulot monstre à faire pour nous rafistoler ! »

Maintenant que la situation était sous contrôle, le musicien jeta un rapide coup d’œil à l’épaule de la blonde tout en lui demandant à elle aussi : - « Tu vas bien ? » Apparemment, Sarah était une dure à cuire, car bien que sévèrement blessée, elle continuait néanmoins à œuvrer sans broncher ?

Selene quand à elle poignarda Emma et ses deux complices. Puis, elle mena Sarah et Duncan vers l’endroit ou elle avait été retenue captive. Le magasinier regarda les deux corps au sol et constata que la musicienne n’avait pas été épargnée non plus et qu’elle n’avait pas chômée. La preuve en était les deux corps au sol. La jeune femme avait réussi à tuer ces deux personnes sans aucune aide. Ce qui prouvait qu’elle était coriace malgré son petit gabarit. Les deux autres l’avaient sans doute sous estimé ?

Toujours est il que le trio arriva finalement à l’endroit désiré. Les autres leur avaient encore une fois mentis. Les deux camions étaient bien là mais rien n’empêchait d’extraire le carburant de ceux-ci. L’étudiante ne tarda guère à se mettre à la tâche. Et visiblement, le carburant était bel et bien à l’intérieur. Il ne restait plus dorénavant, au petit groupe,  qu’à le transvider dans les bidons et jerrycans qu’ils avaient sous la main. A la question de la benjamine, le barbu répondit : - « Je vais le chercher, il n’est qu’à quelques pas. » Puis une fois celui-ci récupéré, il s’attela à faire la même manœuvre que la brune. La tâche était peut être longue et désagréable, mais cela en valait le coup puisque le grand gaillard réussit à en remplir deux jerrycans. Au moins, ils auraient le plaisir de rentrer avec un petit quelque chose.

C'était un sentiment de soulagement qui étrangement habitait son esprit, après qu'elle se soit occupée de deux autres rôdeurs. Egalement soulagée de voir que ses deux amis se portaient bien, malgré quelques blessures. Sarah rit à la blague que fit Duncan après s'être débarrassé du dernier macchabée présent, imaginant la mine déconfite de William de les voir tous trois arriver, mais il fallait bien que l'infirmerie serve à quelque chose après tout. Rien que le fait d'avoir pensé à tout ça, et d'avoir un peu relâché la pression et son épaule la fit à nouveau souffrir, le revers de la médaille de l'adrénaline qui s'estompait peu à peu " Bof... J'ai hâte de rentrer en tout cas... " signala-t-elle au viking qui venait de lui demander comment elle se sentait tout en lui montrant son épaule dont le sang ne coulait plus.  

Sa pensée était forcément partagée par ses deux partenaires. Même si elle essayait de ne pas le montrer, tous trois  resteraient marqués par cette expédition et cette après-midi, un repos bien mérité s'imposait d'ailleurs. Selene se chargea d'empêcher la transformation de leurs trois défunts ravisseurs avant de leur faire les poches, sans doute quelques munitions pour les armes qu'ils portaient. Sarah elle essaya d'observer autant devant eux, que derrière afin de prévenir toute autre menace, mais peut-être que leur chance avait définitivement tourné ? Plus aucun rôdeurs ne semblaient se trouver dans les environs.

La brune les emmena tous les deux jusqu'aux deux camions, où ils constatèrent tous trois rapidement que le réservoir n'était pas hors d'atteinte, et que le plan de Emma et de ses acolytes avait été manigancé dés le début pour les prendre à défaut... Était-ce un constat regrettable que les premiers humains qu'ils avaient croisé depuis un moment nourrissaient d'aussi sombres intentions ? Où était-ce plutôt un rappel brutal de la réalité qui était désormais la leur ? Ses pensées furent chassées quand elle vit Selene réussir à récupérer du carburant dans le réservoir. Duncan fit demi-tour afin d'aller chercher le bidon qu'ils avaient commencé à remplir un peu plus tôt " Je surveille nos arrières, ne vous inquiétez pas. "

Sarah s'éloigna de quelques pas, écoutant attentivement autour d'elle, en plus du cimetière de voitures, beaucoup de cadavres de rôdeurs jonchaient les lieux. Alors qu'elle contournait plusieurs autres carcasses, elle remarqua la silhouette d'un rôdeur qui commençait à s'approcher de l'impasse formée par les deux camions. Comme il n’avait pas encore notifié sa présence, la blonde s'en approcha et lui planta directement son couteau à l'arrière du crâne. C'était le dernier ? ... Peut-être un retardataire.

Revenant vers ses deux compagnons d'infortune, pour remarquer qu'ils semblaient avoir terminés, Tout en baillant poliment, Sarah attrapa un des bidons qu'ils avaient désormais rempli du précieux liquide " Allez... On se casse. " en les gratifiant tous deux d'un sourire, ils pouvaient désormais revenir au pick-up, et faire route vers leur refuge. Ce serait pas l'après-midi la plus paisible qu'ils avaient vécu, mais au moins, celle-ci s'achevait, enfin.

Cinq bidons remplis d’essence, voilà le prix de leur journée. Selene n’était pas peu fière et pourtant, sa victoire était gâchée quand elle pensait à ce qu’ils avaient dû faire. Les rôdeurs étaient devenus une sinistres formalité, mais les autres… une demi-dizaine de vivants, qui ne l’étaient plus. Avant, les petites gens critiquaient les états capables de déclencher des conflits pour des intérêts pétroliers. En quoi étaient-ils différents ? Autant de victimes pour quelques litres de carburant, alors que l’espèce humaine gagnerait plus à s’entraider, c’était… c’était triste. Il n’y avait pas d’autre mot.

La pianiste ne regrettait pas ce qu’elle avait fait ; elle estimait leur avoir donné une chance et n’avoir agi que pour protéger les siens. Néanmoins, elle n’était pas aveugle au caractère vain de ce carnage. Ils rentreraient les bras chargés mais les épaules alourdies par d’autres meurtres. Aujourd’hui, tous étaient saufs, mais demain ? Et si c’était ses amis qu’on retrouvait abattus de la sorte sur un pont pluvieux ? Pourquoi les avaient-ils poussés à faire ça ?

- Ouai…, répondit-elle simplement quand Sarah signala qu’ils n’avaient plus qu’à partir.

La pianiste ne disait rien sur le sujet mais n’aspirait plus qu’à s’en aller pour mettre de la distance entre elle et les morts violentes qu’elle avait causées. Une fois les jerrycans chargés dans le pick up, elle s’assit en silence à la place passager, trempant son siège, la portière et le tableau de bord. Sur ses traits, déjà, le sang était parti, lavé par les larmes du ciel. Mais dans sa tête, son subconscient venait de trouver la matière à tisser de nouveaux cauchemars.