Vivre, du moins survivre, seule depuis près de dix semaines s’avère bien plus compliqué que je ne l’aurais imaginé, il faut dire que je pensais retrouver Nigel, j’en étais vraiment persuadée ! Mais non, il n’est plus à la maison où l’on s’est vu pour la dernière fois. Je m’inquiète de savoir où il se trouve, et de s’il est ou non en vie. Enfin, ça, ça m’inquiète moins, pas parce que c’est MacGyver mais simplement parce que jusqu’à présent nous avions réussi à nous en sortir. Ce n’était pas facile évidemment, mais on y arrivait ! Alors pour moi, c’est forcé qu’il soit encore de ce monde, par contre où, c’est la grande question à un million de dollars. Quoi que, l’argent n’a plus de valeur depuis bien longtemps, alors disons que c’est la question à cent conserves ! La saison n’aide pas non plus, l’hiver est rude et les nuits glaciales.

Comme Dicky n’était plus dans cette habitation, je ne m’y suis pas attardée plus que ça, j’avais bien trop peur de voir les autres connards se ramener car ça aurait été le premier endroit dans lequel ils se seraient rendus pour me retrouver, c’était plus que logique étant donné qu’ils m’y avaient trouvés. Je restais tout de même dans les parages, j’avais trouvé une petite maison à une dizaine de minutes de marche. Car oui, même si je possède un vélo, je l’utilise avec parcimonie vu la neige présente, ça demande bien trop d’effort pour être en un sens rentable, je perds bien trop d’énergie que je ne pourrais pas retrouvée. Du coup, je le prends qu’en cas de nécessité.

Au final, le temps n’est pas le plus dur. C’est évidemment la faim et l’insécurité, car pour ce qui est de trouver de quoi boire, je n’ai qu’à me baisser et remplir une bouteille de neige et la laisser fondre un minimum. Oh, et la fatigue aussi ! Je commence tout doucement à ne plus cauchemarder de ce mois d’emprisonnement, vraiment doucement. Je sais bien que dans mon malheur j’ai été chanceuse, ça aurait pu être pire, comme ce fut le cas pour Alicia et Joyce, mes anges gardiennes d’infortune…

Enfin bon, là n’est pas le sujet parce qu’aujourd’hui est un grand jour, j’en suis convaincue. Je déborde d’énergie, mentale hein pas physique, donc un élan de motivation plutôt, je sais. Déjà que de base je ne suis pas bien épaisse, j’ai l’impression d’être devenue une anorexique tellement je suis maigre. J’ai en permanence des crampes d’estomac, mon ventre crie famine, mais j’ai un mal fou à trouver de quoi manger. Pourtant avec Nigel, encore une fois, on y arrivait, mais seule c’est comme si mon cerveau avait oublié tout ce qu’on avait pu faire à deux, j’ai l’impression de débarquer dans ce nouveau monde. Mais j’en ai marre, je veux manger ! Oh je ne rêve pas d’un gros burger, de churros ou autre, non, juste manger à ma faim, point.

Alors, j’enfile un sous-pantalon et un jean avec de grosses chaussettes d’hiver qui reviennent par-dessus, un tee-shirt à manche longue, un polaire, un gros pull en laine et un manteau épais pour m’isoler au maximum du froid. Sans oublier un bonnet et des gants bien chauds, un beau bon bibendum quoi, mais l’aspect esthétique est plus que dérisoire maintenant, le côté pratique l’emporte sur tout le reste, je suis prête à enfiler les fringues les plus hideuses tant que je suis bien dedans. Quoi qu’il en soit, je finis par sortir d’un pas décidé à trouver de quoi me nourrir.

Je commence donc à marcher droit devant moi en restant au maximum alerte à tout bruit qui pourrait venir casser le quasi silence ambiant. Je ne fonce pas tête baissée sans savoir où je me rends, j’ai une idée derrière la tête ; celle d’aller dans des restaurants. Après tout, pourquoi se concentrer sur des habitations ? J’ai bien plus de chance de trouver de grosses conserves là-bas. Certes, je pourrais dans ce cas viser directement des supérettes ou même des supermarchés, mais honnêtement, ça me fout les jetons ! C’est évident que les gens s’y soient rués en premier lieu avec de fortes chances d’y trouver des morts s’étant transformés en lents. M’y rendre seule est impensable.

Alors en dehors de ces grandes ou moyennes structures et des habitations, j’estime que les restaurants restent dans l’esprit des gens qu’une troisième solution, au mieux, en tout cas au début parce que maintenant ce n’est peut-être plus trop le cas, mais vu le nombre de restaurants en ville y compris dans des petits quartiers, je me dis que je garde toutes mes chances. En tout cas, j’y crois ! A tort ou à raison, l’avenir proche le dira, mais pour l’heure, j’avance jusqu’à ce qu’un bruit métallique ne vienne jusqu’à mes oreilles. Je m’arrête net et me cache derrière une épave de voiture en sentant mon cœur s’emballer. Scrutant l’horizon, j’aperçois une silhouette à l’allure atypique des lents. Plus de peur que de mal, un petit sourire de soulagement vient même étirer mes lèvres. Je me redresse alors et décide de le contourner en passant par une rue parallèle, là au moins je serai tranquille.

Enfin ça, c’était ce que j’espérais parce que forcément, ce n’est que très rarement le cas, pour ne pas dire jamais. C’est vrai ça, à chaque fois que je prépare un truc, même de façon précise, il y a toujours un truc qui fait que je dois modifier mon plan ! Et là, c’est bien moins réjouissant qu’avec le lent d’avant, il s’agit d’un bruit de moteur et j’ai du mal à identifier précisément l’endroit duquel il provient tant ça résonne. Et puis là, je me dis qu’à tous les coups ça va venir de derrière ! Alors je me dépêche et de me glisser sur le côté de la carcasse et là, je tombe nez à nez avec l’une de ces créatures. Je me mets à hurler brièvement avant de porter ma main sur ma bouche pour me faire taire en me rendant compte de la bêtise commise. Tant pis, je cours jusqu’à la maison située face au véhicule pour y entrer et tenter de me cacher en regardant de tous les côtés pour espérer que personne ne m'ait vu tandis que le lent s'agite dans tous les sens sur la banquette arrière.

Et merde, je suis grillée. C’était assez évident pourtant, mais j’ai, durant un moment, espéré passer inaperçue. Raté. Je garde encore le silence, j’ai besoin de réfléchir à la manière dont je vais me dépêtre de la situation. Quelle carte jouer ? Dans tous les cas, il y aura des mensonges dans mes propos, comme d’habitude. Ce qui m’embête le plus dans tout ça, c’est de ne pas avoir vu si l’homme était seul ou non.  Je n’en ai pas trop l’impression, sans trop savoir précisément pourquoi, mais les coups de feu ne s’entrechoquait pas disons, il y avait toujours un temps de rechargement entre chaque détonation donnant l’impression qu’il agissait seul.

En revanche, que j’aie ou non raison, ne m’éclaire pas sur ses intentions surtout qu’il a l’air de parfaitement maîtriser son arme, il est donc rôdé. Face à lui, que pourrais-je faire avec mon simple couteau ? Il faut être honnête ; pas grand-chose malheureusement. Réfugiée derrière un canapé, je sors la tête par l’un des côtés afin de voir s’il est accompagné. A première vue, non. Je le scrute rapidement des pieds à la tête et, franchement, il n’y a pas à dire, c’est un bel homme ! Mais bon, l’aspect physique reste bien dérisoire.

Reprenant ma place, je me décide à enfin lui répondre « Ouais, bah on s’en serait occupé hein. Ils sont où vos amis ? » lui demandais-je en insinuant que je n’étais pas seule. Je ne lui laisse pas le temps de répondre et lève une main pour lui indiquer que je vais me lever. Bah ouais, je ne vais pas bondir d’un coup au risque qu’il me prenne pour un lent et me tire une balle en pleine tête ! Lentement, je me remets debout en le dévisageant avant d’être complètement levée et droite comme un i.

Je lui fais face sans broncher et place mes mains sur mes hanches. N’ayant pas eu de réponse, je lui dis alors d’un ton sec « La jeune fille attend un réponse très cher Monsieur ! » Excès de confiance de ma part ? Stupidité ? Inconscience ? Difficile à dire, mais hors de question de me défiler. Malgré les apparences, je n’emmène pas large, mais alors, vraiment pas. C’est comme si je me rendais tout doucement compte de ma bêtise, j’aurais dû abattre une autre carte, celle qui en général évite aux autres d’être trop sur la défensive ; jouer la petite fille faible en me mettant à chouiner en plus pour en rajouter une couche.

L’homme est plus malin que ce à quoi je m’attendais puisqu’il a bien vu que j’étais entrée seule. Je pourrais quand même très bien continuer en le contredisant et en affirmant que mes amis se trouvent dans la maison… Et après ? A part passer pour une idiote en m’enfonçant encore plus, je n’en vois pas trop l’intérêt étant donné que personne ne débarque pour le menacer d’une quelconque arme. Au pire des cas, je suis sûre qu’il patienterait pour les rencontrer, mais dans ce cas, il attendrait éternellement vu qu’il n’y a personne, et donc, ça se retournerait contre moi. Croisant les bras sous ma poitrine, je lâche un long soupire. « Ok Môssieur l’observateur, tu marques un point sur mon sujet. » lui dis-je sans détourner le regard.

L’entendre rire me donne l’impression qu’il me prend légèrement pour une conne, et ça, ça m’énerve ! Tout comme son invitation à vérifier par moi-même que personne ne se trouve de l’autre côté de la porte d’entrée dont il a pris soin de laisser ouverte. Hors de question de me rapprocher de trop de lui, il pourrait très bien me désarmer et là, ce serait la merde. Impossible pour moi de sortir une arme sans l’alerter non plus malgré le fusil offert par Daphne qui se trouve dans mon dos, ce ne serait pas un signe de méfiance, mais plutôt de déclaration de guerre. En tout cas, dans le cas inverse, je le prendrai ainsi. Simplement munie de mon couteau, et sans le ranger ou le brandir, je décroise les bras et laisse le droit armé le long de mon corps. J’esquisse brièvement un sourire en me rendant compte qu’à peu de choses près j’aurais pu juste avant me couper comme une idiote, mais heureusement, la chance m’a souri… Ou le talent agrémenté de maitrise ! « J’veux bien vérifier, mais dans ce cas on va faire une sorte de petite danse. Quand je m’approche de la porte tu t’en éloignes pour, qu’au final, on échange nos places. »

Sans broncher, l’homme accepte, ce qui est un bon point. Alternant entre lui et les environs, je finis par arriver à l’entrée où effectivement il n’y a personne, à priori. Puis, je souris à sa remarque et lui réponds presque amusée « En même temps, quelle idée de laisser le moteur allumer aussi ! C’est parfait pour rameuter tous ces lents ou te faire voler ta bagnole. » Bah quoi, c’est vrai ! Et il est bien gentil de m’inviter à l’accompagner, mais on ne se connait pas et malgré toute la bonne volonté dont il fait preuve pour me démontrer qu’il est seul, je n’en ai aucune garantie.

« Pourquoi je te suivrais ? En plus en bagnole, je fais quoi de mon vélo hein ? Je dois pas quitter le quartier de toute façon, enfin, il ne faut pas… D’ailleurs, tu fais quoi dans le coin ? Pourquoi t’es seul ? » Le brun est peut-être pressé, mais ce n’est pas mon problème. Il a qu’à partir si ça lui chante, moi je continuerai de mon côté et basta. Alors oui, je lui balance des questions pour essayer d’en apprendre un peu plus sur lui et peut-être que ça pourrait me faire changer d’avis car pour l’instant, c’est mal barré pour que je le suive.