S’éloigner de la ville pour l’été avait été la meilleure décision qu’ils avaient prise depuis un moment. Il avait enfin l’impression de pouvoir respirer. Il n’avait plus l’impression de se faire étouffer par la chaleur de la ville alors que le soleil tapé sur leurs têtes. Il avait en horreur sa touffe de cheveux qu’il avait sur la tête et qui lui donnait l’impression d’étouffer. Pourquoi est-ce qu’il avait les cheveux si longs déjà ? Du moins, ça le changeait bien de la coupe en brosse qu’il avait eue avant tout ça. L’année dernière avait déjà été compliquée à cause de ça. Il était tout de même content d’avoir trouvé une casquette à se mettre sur la tête. L’aidant à moins plisser les yeux, avec ses problèmes de vue, il était impératif qu’il garde une paire de lunettes sur le nez et trouvé une paire de lunettes de soleil à sa vue était tout simplement impossible. Déjà qu’il avait changé trois fois de pair puisque certaine avait été cassé et d’autre lui faisait plus mal au crane que ne le soulageait.

Enfin, c’était toute une histoire, mais pour le moment, ils étaient tranquilles avec Eileen, toujours en train de survivre, mais à un rythme un peu moins effréné. Ils avaient assez de provisions pour être tranquilles les quelques prochains jours ce qui était bien plus que la plupart du temps. Ils allaient bien et se prenaient même à flâner sur les routes de campagne du Sud. L’heure était venue de trouver un endroit ou vivre pour les prochains mois. L’année dernière c’était ce qu’il avait fait et ça leur avait fait un bien fou. Alors il aurait été bête de ne pas refaire la même chose. S’accorder une pause pendant l’été, ce qui permettait de recharger les batteries et ne pas craquer psychologiquement. Il ne faisait pas confiance aux autres alors même si on leur proposait de rejoindre un groupe, ils n’accepteraient sans doute pas de toute façon. Il avait essayé une fois, ils ne recommenceraient pas une deuxième.

- Tu crois qu’on trouvera un endroit sympa ou passé l’été dans le prochain village ?

La question était vraiment sincère. Caleb voyait déjà le panneau de signalisation indiquant qu’ils s’approchaient de la ville, il remarquait aussi dans l’horizon les silhouettes des différentes maisons se détachaient. C’était peut-être la fin de l’errance du moins temporairement. C’était une idée qui lui permettait de tenir. Se dire qu’une fois de plus, il arrivait au bout du tunnel. De toute façon, la situation ne pouvait pas être si horrible tant qu’il avait Eilleen avec lui. Il affichait un petit sourire alors qu’il serrait légèrement la main de cette dernière. Il posa son regard sur elle, avant de prendre une grande inspiration quand il faut y aller et bien il faut. Ce village était tout aussi impressionnant parce qu’il ne savait pas ce qu’il allait y trouver. Il pouvait très bien n’y avoir personne comme ils pouvaient y trouver mort et vivant qui y cohabitait et pour le coup, Caleb n’était vraiment pas emballé à cette idée.

- Restons prudents, on ne sait pas sur quoi on peut tomber.

La prudence est mère de sureté. C’était certain qu’ils devaient rester sur leur gardent coute que coute. Visiblement, il avait eu raison, puisque déjà, il repérait deux silhouettes devant eux qui se détachaient dans la rue. Vivant ou mort ? Il ne savait pas du tout. Dans le premier cas, la question gentil ou méchant pouvait s’ajouter. Il se rappelait avec un brin d’amertume de toutes les rencontres qu’ils avaient faite jusqu’à maintenant et seulement une ou deux s’était bien passé au final…

Cela faisait du bien de sortir des rues de Seattle et de partir trouver un environnement plus favorable dans les campagnes. Eileen était heureuse de ce voyage, tout en restant consciente du danger qui planait toujours sur eux. Cette menace était cependant moins présente maintenant qu'ils n'étaient plus sur les grands axes ni dans les zones les plus urbaines. Par ailleurs, le temps était plutôt clément, même si la région restait très capricieuse. Les conditions étaient à priori réunies pour que tout se passe pour le mieux, et ils ne pouvaient qu'espérer que cela durerait.
Caleb fit part à sa compagne de son espoir de trouver un endroit où passer l'été dans la prochaine bourgade. De son côté, la jeune femme préférait repousser leurs recherches encore plus loin, pour se trouver un coin isolé comme celui dont ils avaient pu profiter l'année précédente. Un endroit plus proche de la nature, plus apte à leur offrir des ressources fraîches qu'ils ne pouvaient pas se procurer d'ordinaire. De son point de vue, cette bourgade ne pouvait être qu'une étape.

« Je ne sais pas. On peut essayer de trouver un chalet comme l'an dernier, ce truc que les gens utilisaient pour aller se ressourcer dans la nature et chasser... Ce serait sans doute mieux pour toi, et qu'on puisse profiter des ressources de la nature, non ? En tout cas, ça ne nous empêchera pas de nous poser quelques jours...

Ce n'était pas la première fois qu'ils s'arrêtaient pour faire étape dans une maison ou une petite ville. Le milieu urbain leur restait familier, mais ils gardaient en tête que cela pouvait être extrêmement dangereux. C'était la base de toute survie. Ne jamais sous-estimer ce qui pouvait se produire. En cela, ils étaient sur la même longueur d'ondes. C'était la raison pour laquelle ils scrutaient le paysage qui se dressait devant eux. Il y avait des silhouettes qu'il était possible de distinguer au loin, et c'était d'ailleurs une bonne raison de se faire du souci. Eileen ne savait pas à quoi ils avaient affaire, mais l'idée qu'il puisse s'agir d'autres survivants ne lui plaisait pas trop.

- Oui... D'ailleurs si ces choses-là étaient plus que deux, j'aurai même eu envie de dire qu'on devrait passer notre chemin. Si c'est des vivants... on devrait éviter, tu ne crois pas ? »

Ils avaient bien trop eu affaire à des survivants ces derniers temps, et cela avait parfois été difficile ou douloureux. Ils s'en étaient sortis, bien entendu, mais cela ne s'était parfois pas joué à grand-chose. Elle n'avait vraiment pas envie de tenter le diable si d'autres vivants étaient dans le coin. À bien des égards, ils étaient plus imprévisibles et plus dangereux que des rôdeurs. Il était vraiment difficile pour elle d'envisager s'installer sereinement dans une maison, même pour quelques jours, avec des voisins à proximité directe.

C'était le troisième jour de leur expédition. Trois jours qu'ils avaient quitté le refuge pour prendre quelques distances et en profiter pour explorer les environs. Duncan et Sarah se trouvaient dans le quartier Sud de Tacoma, alors que l'après-midi était en train de se dérouler et qu'ils repartaient tous deux avec un butin bien plus maigre que les deux premiers jours. Les quelques boîtes de conserve trouvés aux alentours n'étaient qu'une bien maigre consolation face aux quelques kilomètres qu'ils allaient devoir marcher pour revenir à leur véhicule, afin de partir explorer un autre endroit.

L'actrice ignorait quelle serait leur prochaine destination, écoutant ce que lui disait son compagnon, tout observant la rue dans laquelle ils étaient en train d'évoluer, toujours sur les aguets bien qu'elle devait avouer qu'ils n'avaient rencontré que peu de rôdeurs. " Je t'avoue qu'on aurait du se baser sur un autre point de repère...Mais étant donné qu'on n'a fait que descendre la rue depuis tout à l'heure, elle doit être dans le coin, ne t'en fais pas ! " répondit la jeune femme, en lui attrapant doucement la main. " Pourtant c'est la base de réussir à retrouver où on s'est garés ! " plaisanta la jeune femme en éclatant de rire.

Heureusement qu'ils pouvaient compter l'un sur l'autre, autant à l'extérieur que pour tout le reste. Leur retour au refuge ne se ferait certainement pas sans heurts, mais bon, il n'en était pas encore là. Et la jeune femme se permettait de souffler un peu et de penser à elle, pour une fois, ça la changeait. Et c'était un luxe que peu pouvaient encore s'offrir par les temps qui courent.

Dans leur recherche de la Cheyenne, et au détour d'une ruelle, ils pouvaient désormais distinguer deux silhouettes au loin qui s'approchaient dans leur direction. A leur distance, c'était encore difficile de déterminer si ils étaient humains ou pas... " Aucune idée... " mais sa main s'était déjà posée sur la poignée de son couteau, prête à s'en saisir si ça s'avérait nécessaire.

Finalement, ils ne se trouvaient plus qu'à quelques mètres les uns des autres, gardant tout de même une distance de sécurité. La blonde observa les deux personnes qui lui faisaient face. Un homme d'une quarantaine d'années bien entamées et une femme qui semblait avoir à peu près son âge. Bien que méfiante, Sarah fut la première à briser la glace " Salut ... "  bref, concis. Elle n'avait spécialement envie de faire la causette, mais c'était rare de croiser d'autres survivants. Sa main n'avait toutefois pas quitté son couteau, juste au cas où, bien qu'elle les voyait mal se battre sans raisons particulières au beau milieu de nulle part.

La réflexion d’Eileen était logique, mais il fallait se rendre à l’évidence, il ne s’agissait sans doute pas là de la meilleure option. Il avait un visuel sur eux ce qui voulait dire que l’inverse était également vrai. Partir se cacher était l’option qu’il préférait, mais il devait se rendre à l’évidence, ce n’était vraiment pas la meilleure. Après cette accordée le temps de la réflexion, il répondit simplement à sa femme.

- Si c’est des vivants, ils nous ont déjà remarqués et ce serait sans doute beaucoup trop suspect de nous cacher maintenant.

S’il choisissait la fuite, il était parfaitement évident qu’ils allaient éveiller les soupçons et que ça entrainerait les deux personnes à les suivre. Il serait donc plus simple de les affronter le plus rapidement possible. Il n’était pas très emballé, mais par moment, la vie n’offrait pas vraiment le genre de choix qu’il aimait. Son regard s’obscurcit un peu alors qu’il essayât de se concentrer pour savoir si les silhouettes qu’il voyait étaient vivantes ou non. Résultat, il s’agissait bien de mortel ce qui rendait sans doute cette rencontré un peu plus compliqué. Une fois de plus, il allait devoir marcher sur des œufs.

- Le plus sage c’est sans doute de poursuivre notre chemin comme si de rien n’était tout en étant prêt à nous défendre.

Il inspira un grand coup, se remplissant d’air les poumons pour se donner du courage. Il devait faire ça, il n’avait de toute façon pas trente-six mille possibilités. Il jeta un regard en coin à sa femme qui se trouvait à côté de lui avant de poursuivre sa route. Devant lui, se trouver un homme et une femme. Il était évident qu’il était l’un comme l’autre bien plus jeune que lui ce qui une fois de plus ne le surprit pas forcément. C’est la femme qui prit la parole en premier d’un ton qui se voulait sans doute un peu froid, mais en même temps, il pouvait la comprendre, elle n’avait sans doute pas envie de croiser de survivant.

- Bonjour. Si on m’avait dit qu’on rencontrerait des survivants ici, je ne l’aurais sans doute pas cru…

Caleb avait pris la parole avec un ton qui se voulait neutre, il n’avait rien à dire de plus. Il ne savait pas comment la situation allait évoluer. Pour le moment, ils étaient au milieu de nulle part dans une espèce d’endroit qu’il ne saurait même pas décrire. Il était certain que par le passé, il n’aurait sans doute jamais mis les pieds dans un endroit comme ça part le passé, mais que dire de plus, l’épidémie avait le chic pour changer un homme. Il n’était plus aussi confiant en présence d’étrangers, certes, c’est ceux-là n’avaient pas l’air d’avoir envie de lui sauter à la gorge, mais tout de même, ils ne semblaient pas non plus très heureux de tomber sur d’autre survivant. Sa main s’était glissée l’air de rien à l’intérieur de sa légère veste pour se poser sur son arme à feu. Il voulait être prêt entre toute circonstance.

Quoi de plus bizarre que de croiser des survivants inconnus et d'échanger des banalités ? Eileen se tint à côté de Caleb alors qu'il devenait évident qu'ils ne pouvaient pas esquiver la rencontre, et ce pour des raisons de sécurité. Ils ne voulaient pas prendre le risque d'être poursuivis ou attaqués de dos. Lorsqu'ils furent face à face, ce fut pour échanger des salutations. L'homme qui leur faisait face avait une allure peu engageante, qui incitait plutôt à se méfier. Sous l'échange, il y avait clairement une tension palpable. Tout le monde se demandait ce que l'autre pensait, s'il y avait menace. Discuter tout en pensant à la meilleure attitude à avoir n'était pas évident. Aussi, la jeune femme embraya-t-elle sur les propos de son mari, non sans les trouver sans queue ni tête.

« Belle journée... Je suppose qu'on va continuer notre chem...

Elle envisageait d'entamer une retraite de circonstance, quand le bruit d'un coup de feu retentit avec un claquement du tonnerre. La vitre d'une maison proche explosa lorsqu'elle fut traversée par une balle. D'un même mouvement, Eileen et Caleb trouvèrent refuge derrière une voiture pour se mettre à l'abri des tirs. Dans un instant de panique, il y avait forcément eu quelqu'un pour penser que c'étaient les deux inconnus qui attaquaient. Mais non, ils n'étaient pas à l'origine de tout cela. Alors que d'autres tirs crépitaient, Eileen jeta un regard au sénateur, inquiète.

- Il y en avait d'autres ? Est-ce que tu as vu quelqu'un d'autre ?

Pour sa part, elle n'avait vu personne. Se pouvait-ils qu'ils soient bêtement tombés dans un piège, une embuscade ? Est-ce que les deux qu'ils avaient vus faisaient office d'appât ? Elle ne savait pas à quoi s'en tenir, et tâchait déjà de voir quel échappatoire ils pouvaient avoir. Elle se sentait piégée, avait peur pour eux. Surtout pour son mari. C'était bête, mais naturel lorsqu'il était question de sentiments. S'assurant d'un regard que Caleb allait bien, elle tourna la tête et aperçut les deux inconnus, réfugiés à l'abri à quelques mètres d'eux. Haussant le ton, elle s'adressa à eux d'une voix plus aiguë qu'elle ne l'aurait voulu.

- Ils sont avec vous ? »

Même à ses oreilles, la question semblait bête. Si tel était le cas, les deux autres les auraient attaqués aussi, et ne seraient pas présentement cachés avec l'air aussi pris au dépourvu qu'eux. Eileen reporta son attention sur Caleb. Elle voulait lui faire comprendre qu'ils devaient trouver au plus vite une solution pour se sortir de là. Elle n'avait aucune envie de rester piégée, ni de voir de plus près leurs assaillants. D'ailleurs, elle ne pouvait même pas voir qui ni combien ils étaient. Lever la tête pour regarder par une vitre ou se pencher sur le côté pour y voir plus clair ne lui semblait pas être une si bonne idée que ça.