« Faut savoir ! » S’emporta-t-elle davantage : c’était à ne plus rien y comprendre. « Un coup tu regrettes, un coup non ? Décide-toi ! »

Elle ne savait plus sur quel pied danser. En plus, elle ne comprenait sincèrement pas pourquoi c’était si mal de vouloir le laisser tranquille. Elle pensait avoir fait ce qui était le mieux pour eux deux : certes, ça les empêchait de passer la matinée ensemble et probablement de recommencer, mais ils n’avaient pas vraiment discuté de ce que ça voulait dire pour eux, de ce que ça impliquait d’ailleurs. Alors… Pourquoi lui en vouloir ? Pourquoi s’en prendre à elle alors qu’il suffisait de se poser et d’en parler, pour voir s’ils étaient sur la même longueur d’ondes ?

Casey n’eut pas vraiment l’occasion d’en dire plus, Takeo ayant décidé de la marteler et de passer ses nerfs sur elle. Les sourcils froncés, la blonde était clairement sur le cul. Il ne voulait pas que ça se reproduise alors qu’il lui avait semblé que c’était tout le contraire. Sinon, pourquoi s’emporterait-il ? Il la détestait, alors qu’il s’énervait sur elle parce que ça comptait. Et surtout, il avait craqué sur elle. Il ajoutait aussi qu’elle était « une putain de conne », mais ça, ça eut juste le mérite de la faire marrer. C’était de bonne guerre, non ? Et de toute façon, elle lui ferait payer.

D’ailleurs, elle entreprit de le faire tout de suite. Casey esquissa un sourire mutin, dont elle avait le secret, avant de s’approcher d’un pas de lui. Elle attrapa son poignet doucement après qu’il ait voulu la bousculer avec, pour l’empêcher de recommencer à l’avenir. Elle avait plutôt l’intention de lui faire perdre ses moyens pour l’instant. Un pas supplémentaire, et la blonde perça ses barrières pour passer délicatement ses bras autour de son cou et se rapprocher davantage :

« Ah ouais, tu me détestes ? » Demanda-t-elle d’une voix mielleuse, en contraste complet avec les mots qu’ils s’étaient échangés jusqu’ici.

L’emportement semblait être loin, mais si elle le sentait tendu et toujours sur le qui-vive avec elle. Casey comprenait : elle se comportait toujours d’une manière qui ne convenait pas avec ce qu’on attendait d’elle. C’était décontenançant, pour le moins étrange. Mais elle était comme ça, elle l’avait toujours été : il lui fallait prendre les chemins en sens inverse pour se rendre inoubliable. Aussi se hissa-t-elle sur la pointe des pieds pour venir effleurer le bout de son nez du sien, effleurer ses lèvres de la même manière, pour souffler tout contre :

« Tu préfères crever, vraiment ? » Chuchota-t-elle en plantant son regard bleu dans celui sombre de son partenaire.

Elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, à la fois moqueur et provocateur. Casey avait très bien compris le message. Elle avait aussi tout à fait conscience de ses charmes sur les hommes qui y étaient sensibles. Pour le coup, elle ne pouvait empêcher son palpitant de battre dans sa poitrine, en souvenir de ce qu’il s’était passé cette nuit, et de ce qu’ils avaient partagé. Elle n’avait pas l’intention d’en rester là : il n’y aurait pas qu’un round entre eux, elle en avait la certitude. Et lui aussi devait le savoir, parce que comme elle, il n’avait aucune envie que ça s’arrête là-dessus. Ils avaient des promesses silencieuses à tenir.

« T’es qu’un menteur. » Murmura-t-elle avant de poser doucement ses lèvres sur celle de son amant. Il avait craqué pour elle, il l’avait admis. Si Casey ne savait pas ce que ça impliquait, elle était au courant maintenant. Ça changeait tout.

En l'espace de 24 heures, le japonais était passé par plus d'états émotionnels qu'il ne l'avait jamais fait durant son séjour sur l'île. Incertitude, inquiétude, bonheur, déception, colère. Et apparemment, Casey n'avait pas décidé de l'épargner, cette fois encore. Tandis que Takeo continuait de lui hurler dessus et de lui cracher toute sa rancoeur à la figure, la jeune fille n'avait pas du tout la réaction escomptée.

Ils étaient censés continuer à se gueuler dessus encore quelques minutes, se balançant vacheries et insultes, jusqu'à se mettre d'accord sur à quel point ils se détestaient l'un l'autre. Et bordel, là tout de suite, à cet instant, il la détestait terriblement. Il lui en voulait tellement de lui avoir donné de l'espoir et il lui en voulait encore plus de l'avoir déçu en agissant comme elle l'avait fait. Il la haïssait. Il ne s'en cachait pas. Il lui balançait sa haine. Alors pourquoi est-ce qu'elle semblait retrouver son calme ? Pourquoi elle ne répondait plus ? Pourquoi elle lui souriait ?!

C'était déconcertant. Elle s'approcha doucement de lui jusqu'à tendrement passer ses bras autour de son cou. Takeo resta immobile tandis que son cœur s'emballait et qu'il continuait à la dévisager, sourcils froncés. Oh, il n'était pas aussi bête que ça, il était bien conscient de ce qu'elle était en train de faire. Avant même qu'ils ne passent une nuit ensemble, elle avait déjà cette fâcheuse habitude de jouer de ses charmes pour mettre le japonais mal à l'aise et prendre l'avantage sur lui. Elle avait toujours soupçonné le japonais de la trouver charmante. Mais maintenant que les deux avaient passés un cap, et qu'elle avait eu la confirmation certaine de ce qu'éprouvait le jeune Shigeru à son égard, elle pouvait aller beaucoup plus loin pour le déstabiliser. Elle avait les armes pour, elle le savait.

« Ouais, j'te déteste... » lui répondit-il, baissant tout de même le ton. Quelque part, il le pensait. Mais il était bien incapable de résister. Il lui disait cela, mais il ne fit rien pour l'empêcher de l'enlacer. Il n'essayait même pas de la repousser. Il la détestait pour ce qu'elle avait fait, mais alors qu'elle se montrait de nouveau tendre et affective, il se rendait compte qu'il la désirait toujours, qu'il souhaitait revivre ce genre de moments, avec elle. Et il s'en voulait d'avoir cette pensée.

« Mourir de torture, même.... » continua t-il de lui répondre d'une voix encore plus faiblarde. Sa respiration devint de plus en plus régulière tandis que leurs lèvres s'effleurèrent de nouveau. Il se souvint à quel point il en avait apprécier la saveur, quelques heures plus tôt. Un peu inconsciemment, il plaça ses mains dans le bas du dos de Casey. « J'te hais... » finit-il par lui chuchoter, juste avant qu'elle ne vienne lui déposer un baiser.

C'était comme cela que ça allait être, désormais ? Elle allait ainsi disposer d'un si grand pouvoir sur lui ? Finirait-il par s'incliner à chaque fois, juste parce qu'il était tombé sous son charme ? Il était totalement épris d'elle, c'était une certitude. Et ce baiser lui donnait envie de plus, encore une fois. Mais il y avait une chose qu'il détestait encore plus qu'il n'appréciait ce moment : ne pas avoir le contrôle. Et là, il sentait bien que c'était la jolie blonde qui avait l'ascendant total. Il ne pouvait pas se laisser Il commença par lui rendre son baiser avant de se rétracter subitement et de reculer de quelques pas.

Il était hors de question que ça se passe comme cela. Après tout, c'était elle qui avait débarqué chez lui la nuit dernière, non ? C'était elle qui l'avait embrassé en première. C'était elle qui avait voulu que leur relation prenne cette tournure. Elle le voulait autant que lui, alors il n'y avait pas de raisons que ce soit elle qui dicte les règles.

Il finit par se rapprocher de nouveau d'elle et la plaqua contre le mur. La tenant par les hanches, il lui embrassa délicatement le cou avant de remonter jusqu'à son oreille pour lui chuchoter.

«Toi aussi tu mens... ça se reproduira parce que TU en as envie. Dis-le... »


Il recula son visage pour la regarder droit dans les yeux.

Elle gagnait, encore. Son sourire mutin se transforma rapidement, affichant une satisfaction qu’elle ne parvenait pas à cacher à son amant. Tout ça avait l’air d’un jeu avec un prix à la clé, un prix qui lui faisait envie, très honnêtement. Elle put se blottir davantage contre lui, l’enlacer, se raccrocher pour prolonger le baiser. Elle ne croyait en aucun des mots qu’il lui disait. Il ne la haïssait pas : il l’adorait. Il l’adorait au point de se laisser faire par elle, de lui céder, probablement parce qu’il y gagnait aussi au bilan. Elle rit contre ses lèvres, avant qu’il ne s’éloigne d’elle brusquement.

Qu’est-ce qu’il y avait encore ? Il avait la défaite amère ? Elle le fixa avant de le voir revenir vers elle, qu’il ne l’attrape par les hanches pour revenir la mettre contre le mur derrière elle. Tout ça avec la poigne d’un homme qui en voulait, qui n’entendait pas perdre trop facilement les prochains bras de fer. Elle se sentait fragile entre ses bras, comme une poupée de porcelaine qu’il aurait pu manipuler à sa guise. Pour autant, elle n’entendait pas se laisser faire, elle n’était pas de cette trempe-là. A se plier, à se soumettre. Elle devait maintenir le contrôle elle aussi, et c’était un point qui serait difficile entre eux, elle en avait conscience.

Elle lui offrit son cou pour le laisser la dévorer de baiser, jusqu’à ce que sa voix grave à son oreille ne lui serre le bas-ventre violemment d’envie. Elle devait le dire. Elle planta son regard dans le sien, avant d’esquisser un sourire moqueur :

« J’ai jamais prétendu le contraire… » Souffla-t-elle comme une provocation en le ramenant à elle pour l’embrasser avec plus de fougue et de gourmandise.

Elle gagnait.


Casey reprit doucement son souffle, alors qu’il posait sa tête contre sa poitrine. Elle l’enlaça doucement, passant ses doigts dans ses cheveux en bataille tendrement. Un sourire sur les lèvres, elle ne comptait plus vraiment le nombre de fois où ils s’étaient aimés de cette manière. Ça faisait quelques jours que ça durait, et qu’ils n’en parlaient pas vraiment. Ils se disputaient avant de se réconcilier de cette manière uniquement. Comme s’ils n’arrivaient pas à en discuter, qu’ils n’étaient pas prêts à ça.

Pourtant, même s’ils se passaient de mots, Casey avait l’impression de le connaître de mieux en mieux. D’une autre manière, cependant, mais d’une qui comptait tout de même. Elle jouait de ce qui le faisait vibrer, de ce qui le tendait, l’agaçait, le frustrait, lui donnait envie. La blonde était sans arrêt dans un jeu ou elle taquinait volontiers. Elle pouvait être la pire des chipies dans ce genre de moments, elle ne savait pas comment faisait Takeo pour la supporter. Sans doute qu’effectivement, il y gagnait beaucoup à être en sa compagnie.

Avec lui, elle se sentait étrangement normale. Etrangement humaine.

« A quoi tu penses ? » lui demanda-t-elle en fixant le plafond de sa chambre, sans cesser ses caresses pour autant.

Son état de béatitude ne retombait pas, mais il se dissipait pour laisser place à une paix intérieure qui lui faisait un bien incroyable. Et il n’y avait eu que lui pour offrir ça depuis deux ans. Et plus ça allait, plus elle y tenait.

Il n’était pas parvenu à ses fins. Pour cette fois, il voulait être celui qui contrôle les débats. Il voulait que ce soit elle qui craque. Il voulait l’entendre dire que c’était elle qui en avait envie. Mais elle ne le dit pas. Maligne, elle se contenta de lui chuchoter qu’elle n’avait jamais nié le vouloir aussi, mais elle ne prononça pas explicitement les mots que le japonais souhaitait entendre. Takeo esquissa un léger sourire à cette réponse. Il savait que ce serait compliqué avec une femme ayant un tel caractère. La seconde d’après, il renonça à l’idée de résister – pour cette fois – et les deux s’embrassèrent de nouveau avec passion, concluant ainsi cette dispute.

Régler les conflits de cette manière, c’était d’ailleurs devenu leur quotidien de ces derniers jours. C’était toujours le même schéma : cela débutait par une dispute qui, au vu de leurs caractères, prenait rapidement une ampleur démesurée. Et lorsqu’ils semblaient qu’ils atteignaient un point de non-retour, ils se sautaient dessus – littéralement. Parfois, cela se faisait instinctivement, les deux se retrouvant comme aimantés, soudainement pris d’une attirance irrésistible pour l’autre. D’autres fois, c’était simplement Casey qui jouait de son numéro de charme, et Takeo qui cédait, implacablement.

A ce stade, le japonais avait abandonné l’idée de lui opposer une résistance. Il était désormais bien conscient du pouvoir qu’elle avait sur lui, et se savait incapable de ne pas lui céder. Il appréciait chacun des moments qu’il passait aux côtés de la jeune blonde, c’était évident. Mais cette flagrante faiblesse, ce manque de contrôle, ça le bouffait de l’intérieur. Il se sentait totalement à sa merci.

Leur relation était difficile à définir. Ils jouaient à un petit jeu du chat et de la souris, que Casey gagnait indubitablement. Ils se voyaient désormais régulièrement, mais la blonde continuait à s’enfuir au petit matin. Certes, elle n’essayait plus de le cacher au japonais, mais cela continuait tout de même à agacer le jeune Shigeru. Il était clair que lui souhaitait beaucoup plus d’elle que ces moments – certes intenses – mais furtifs qu’elle daignait lui offrir.

Il ne lui disait pas clairement ce qu’il désirait. Si elle agissait ainsi, c’était qu’elle n’avait pas les mêmes ressentis que lui. Il se sentait déjà en position de faiblesse par rapport à elle, alors lui avouer qu’il souhaitait plus alors qu’elle semblait beaucoup plus détachée que lui, c’était lui donner encore plus de pouvoirs. Et il en était hors de question. Alors il gardait tant bien que mal sa frustration en lui, et essayait simplement d’apprécier leurs câlins quasi-quotidiens. Pour autant, le plus souvent, lorsqu’il démarrait une dispute avec elle, c’était pour cette raison, même s’il essayait de ne pas trop lui montrer.

Ce jour là, encore une fois, les deux s’étaient retrouvés dans le même lit – celui de Takeo, évidemment. Il se dégageait toujours de leurs nuits torrides la même passion, la même alchimie, le même plaisir. Durant ces échanges fougueux, Takeo oubliait toute la frustration qu’il avait en lui. Mais elle lui revenait chaque fois en pleine face lorsque les câlins se terminaient, conscient que quelques heures plus tard, elle lui échapperait comme à chaque fois.

Cette fois n’était pas différente des autres, et ces pensées le préoccupèrent de nouveau tandis qu’elle l’enlaçait et qu’il reposait sa tête sur sa poitrine, tout en entourant sa taille de ses bras. Comme si cela pouvait lui permettre de la garder avec lui. Mais aujourd’hui, il avait une idée en tête. Casey s’était sûrement rendu compte qu’il avait l’esprit ailleurs. Lorsqu’elle l’interrogea, il lui embrassa tendrement le cou avant de la lâcher pour se redresser sur ses avant-bras.

« Rien, rien… j’me disais… » commença t-il timidement, avant de faire glisser tendrement le bout de ses doigts sur le ventre de sa conjointe, comme pour essayer de l’amadouer. « Demain, c’est l’anniversaire de Tom, et pour l’occasion j’avais préparé une bête de p’tit dej… Mais finalement Kevin et Tom sont partis passer la nuit chez des potes à eux, ils reviendront pas avant demain soir… » C’était un tas de mensonge. C’était pas du tout l’anniversaire de l’adolescent, et le petit déjeuner, il ne l’avait préparé que pour amadouer Casey. La seule chose vraie, c’était que les gosses seraient absents jusqu’au lendemain. « J’me disais… tu pourrais rester, pour une fois… J’veux dire, tout seul j’pourrais pas terminer ce p’tit dej, va y avoir du gaspillage et tout… » Plus bidon comme excuse, tu meurs. « … et y a personne ici, tu t’feras pas prendre… ».

Takeo stoppa ses caresses et recula un peu, en attente d’une réponse. Il espérait ardemment qu’elle reste mais ne voulait pas le montrer. « Enfin, si tu veux. J’men fous au pire… »

Il se disait ? Casey leva les yeux vers lui, alors qu’elle sortait la morsure du froid sur son corps dénudé ; fronçant les sourcils, elle avisa l’homme d’un regard curieux, impatiente d’en savoir déjà plus à ce sujet. L’anniversaire de Tom ? elle ne savait déjà pas quel jour on était, aussi ne s’étonna-t-elle pas vraiment. Lorsqu’il lui proposa de rester juste pour manger le repas qui revenait à l’adolescent, la blonde pouffa de rire. C’était tentant !

« Quoi comme petit déjeuner ? » Demanda-t-elle avec enthousiasme, ses grands yeux bleus s’éclairant d’une lueur mutine.

S’il y avait bien une chose capable de faire réfléchir Casey plus que d’habitude, c’était la bouffe : elle adorait manger ! Sucré, salé, qu’important, tant que ça se mangeait. Sa taille fine n’attestait pas de son appétit, ni de son régime alimentaire pré-apocalyptique. La malbouffe, ça la connaissait. Les glaces pleines de chantilly, les fruits pleins de sucre, les frites pleines de ketchup ! Toujours dans l’excès, et rarement rassasié, c’était définitivement comme ça qu’elle fonctionnait. Et s’il y avait bien un repas qu’elle adorait, c’était le petit déjeuner.

Cependant, si elle était très tentée de dire immédiatement oui, la blonde réfléchit un instant : elle avait des habitudes, avant de connaître Takeo. Un quotidien qu’elle ne tenait pas forcément à bousculer, comme pour garder pour elle cette partie de sa vie qu’elle ne voulait pas partager avec les autres. Egoïstement, certes, mais c’était là tout Casey également : elle n’était absolument pas sensible à l’envie de l’homme qu’ils partagent un peu plus qu’un lit et des disputes. D’ailleurs, elle ne vit pas sa proposition comme une tentative pour la faire simplement rester et obtenir plus d’elle.

« Ma sœur le prépare tous les matins, ça risque d’être tendu, tu sais… » Fit-elle avec une petite moue en coin, venant se passer une main nerveuse sur le visage en essayant de trouver une solution à cet épineux problème. « On a qu’à le manger maintenant ! » Déclara-t-elle soudainement !

Comme si elle avait crié « eurêka ! » à l’homme, elle le fit basculer sur le matelas pour prendre place au-dessus de lui. En tenue d’Eve, elle se moquait bien qu’il la voit ainsi. La pudeur, elle s’en passait, surtout après ce qu’ils avaient déjà fait tous les deux, elle n’avait plus grand-chose à lui cacher. Ses cheveux emmêlés retombèrent en cascade sur ses épaules, recouvrant sa poitrine. Elle se passa les doigts dans sa tignasse pour tenter de la dompter, sans y parvenir. Et puis, elle abandonna très vite cette idée, les pensées et l’estomac tournés vers autre chose :

« Tu as des pancakes ? » Demanda-t-elle en se penchant pour lui dérober un baiser. Elle jouait, oui. Comme toujours, pour Casey, la vie n’était qu’un immense jeu. « Et du Nutella ? » Renchérit-elle. Le pot que John lui avait donné en échange de sa présence à sa soirée d’anniversaire était déjà vide. « J’adore le Nutella… » Ajouta-t-elle sur le ton de la confidence, alors que ça n’avait rien d’un secret.

Elle esquissa un grand sourire : décision était prise pour sa part. elle relâcha Takeo, et se remit sur ses jambes. Attrapant le T-shirt de l’homme, elle l’enfila sans lui demander son avis, et alors qu’il devait se demander ce qu’il lui prenait, elle questionna :

« Bon, on y va ? » Tout ça avec tellement de simplicité qu’il n’aurait pas pu le lui refuser.

Il était pourtant persuadé que cela fonctionnerait. Ce plan, il le préparait depuis quelques jours déjà. A force de côtoyer la blonde, il avait bien compris – ce n'était pas très compliqué – que la nourriture était un sujet sensible. Et si elle refusait de rester pour lui, elle ne refuserait certainement pas de rester pour un gourmand petit-déjeuner. C'était ce qu'il avait pensé, en tout cas. Et lorsque la jeune femme se mit à rire et à le questionner sur la nature du repas, il pensait sincèrement que c'était dans la poche.

« Un SUPER petit déjeuner...» lui répondit-il simplement, en essayant de se donner un air mystérieux.

Pour le coup, il était assez sûr de lui. Il faut dire que le japonais n'avait pas fait les choses à moitié. Pour être certains de taper dans le mille, il avait simplement rassembler le maximum de douceurs possibles. Pour ce faire, il avait même solliciter l'aide de Tom et Kevin, qu'il avait envoyé quémander des sucreries à tout le voisinage.

Le léger sourire de satisfaction qui s'installait sur son visage disparut dès lors que Casey trouva une excuse pour ne pas avoir à rester. Elle ne pouvait pas fausser compagnie à sa petite sœur qui le préparait tous les matins, bah voyons... Si le jeune Shigeru essayait de ne pas le montrer, elle venait de le vexer. Avait-elle si peu envie de passer du temps avec lui, au point de même refuser un copieux petit déjeuner ?

Non non ! Elle ne souhaitait pas passer du temps avec lui, mais elle ne comptait apparemment pas renoncer à ce repas ! Sa solution était toute trouvée : le manger maintenant. Et alors qu'il comptait protester – au moins un minimum – elle recommença à jouer avec lui comme elle en avait l'habitude, s'installant au-dessus de lui, le questionnant tout en le charmant.

« Oui, oui... des pancakes, du Nutella, et d'autres trucs... » concéda-t-il en soupirant, renonçant au passage à son envie de montrer son mécontentement. Il se savait toujours si faible face à elle, mais ne souhaitait pas déclencher une nouvelle dispute.

« Allons-y... » lui répondit-il en quittant le confort du matelas.




Le petit-déjeuner – si on peut appeler ça comme ça étant donné l'heure à laquelle ils l'avaient dévoré – n'avait pas servi l'objectif initial du japonais, mais au moins Casey avait eu l'air de l'apprécier. Ou peut-être était-ce simplement parce qu'elle avait l'appétit vorace en toutes circonstances. Quoi qu'il en soit, les deux avaient (vraiment) beaucoup mangé.

Le ventre rempli, ils finirent par remonter pour profiter du peu de temps qu'il leur restait avant l'heure fatidique où Casey était censé s'échapper. Lorsque le réveil sonna, c'est avec difficulté que Takeo parvint à ouvrir les yeux. Tournant la tête, il remarqua que Casey dormait toujours à poing fermé. Le copieux repas qu'elle avait... hum... englouti y était sûrement pour quelque chose. Takeo l'observa quelques minutes, l'esprit songeur. Il savait qu'elle comptait sur lui pour la réveiller dans ce genre de situation. Mais en était-il vraiment obligé ?

Il s'y refusa. Après tout, il avait fait tout ça pour qu'elle reste, et c'était là une manière de réaliser son objectif. Il ne pouvait pas se résoudre à avoir fait tout ces efforts pour rien, peu importe combien cela était égoïste. Et puis, ce n'était pas de sa faute si ils n'avaient pas entendu le réveil, si ?

Alors, se sentant comme soulagé et coupable à la fois, ils ferma de nouveau les yeux et se laissa aller. Et de nombreuses heures passèrent avant leur réveil...

Casey ouvrit péniblement un œil. La joue posée contre le coussin confortable, l’impression d’être absorbée par le matelas, elle ne parvenait juste pas à sortir de son sommeil. Si la nuit avait été courte, et plutôt gourmande – parce qu’elle avait vraiment beaucoup mangé avant de parvenir à se rendormir – c’était ce qui expliquait l’épreuve qu’elle affrontait actuellement. La blonde était partagée entre un sommeil satisfaisait et la nécessité de se réveiller. Pourtant, lorsque son œil capta l’heure sur le réveil de Takeo, elle eut l’impression de subir la pire douche froide de sa vie.

Ses pupilles s’écarquillèrent de stupeur, alors qu’elle se redressait brutalement sur son matelas. Jamais elle ne bondit aussi vite sur ses appuis pour se remettre debout, et chercher du regard ses affaires. Il était dix heures. Du matin. Autant dire que sa sœur était réveillée depuis un moment déjà, et avait déjà dû remarquer son absence de sa chambre. L’impression d’avoir l’estomac dans la gorge, Casey se transforma en un rien de temps en véritable tornade :

« Merde ! » Grogna-t-elle farouchement en venant tirer sur les draps pour chercher son t-shirt qui s’était emmêlé à l’intérieur.

Juste de quoi sortir le japonais lui aussi de son sommeil, et de lui faire comprendre que ça allait être, 1 – une très longue journée à venir, 2 – l’une des pires de son existence vu qu’elle allait probablement faire de sa vie un enfer.

« Pourquoi tu m’as pas réveillé ?! » Demanda-t-elle en enfilant précipitamment son t-shirt, sans prendre la peine de récupérer son soutien-gorge au passage. Pas comme si elle en avait vraiment besoin, alors elle le laissait en souvenir à son amant à qui elle en voulait. « Putain tu fais vraiment chier ! » Grogna la blonde en enfilant son jean, manquant de se casser la figure.

Elle se rattrapa de justesse sur le bord du lit, avant de se coucher au sol pour chercher ses chaussures. Lorsqu’on était une infame bordélique incapable d’un peu de bon sens, et qu’on balançait ses affaires à tout va dans un espace dédié, c’était vraiment pas des plus simples pour partir de chez quelqu’un en vitesse. De toute façon, pourquoi elle se pressait au juste ? Elle ne parviendrait jamais à faire illusion quand sa petite sœur chercherait à la questionner sur son absence de la matinée.

Mais ça n’était pas vraiment à Maddie qu’elle mentait présentement : c’était à elle. Casey avait encore l’espoir, complètement fou, qu’elle pourrait garder son jardin secret et son intimité pour elle. Alors qu’elle nouait sa ceinture, elle releva le nez vers le japonais avant de grogner un bon coup. Lui n’avait pas bougé d’un pouce, la fixait sans trop comprendre ce qu’il se passait (avec sans doute l’impression que le ciel venait de lui tomber sur la tête), et elle se sentit instinctivement furibonde : elle lui en voulait. C’était forcément de sa faute !

« J’suis sûre que tu l’as fait exprès ! » Ajouta-t-elle en passant son gilet et en s’emmêlant dans ses manches. Elle essaya de démêler ses cheveux hirsutes d’un geste de la main, avant de lui balancer au visage un : « C’est quoi ton problème ? » Qu’il ne devait probablement même pas comprendre.