Installé sur le canapé, Marvin non loin de lui, se reposant mais aux aguets tout de même, l'écrivain tâchait de ne pas trop laisser entrevoir son inquiétude quant au fait d'avoir un étranger ''sous son toit''. Même s'il semblait que l'étranger en question semblait tout aussi nerveux que lui. Si, dans un autre monde, cela aurait pu être positif et gage de bon fond, ce n'était désormais plus exactement le cas aux yeux du Mainois parce-qu'en un sens, la méfiance pouvait être aussi dangereuse que le reste. Que se passerait-il si l'autre se mettait à paniquer au point de le braquer de son arme ? Les survivants qui perdaient la tête sous la nervosité ne se faisaient pas rares. Mais, pour l'instant, il avait décidé de lui laisser le bénéfice du doute, aussi répondait-il calmement à ses questions. Une simple discussion normale pour faire passer le temps mais aussi -et surtout- pour jauger un peu mieux la personne qui lui faisait face sans oublier qu'il y avaient de ces gens qui savaient parfaitement user des mots pour faire tomber leurs pairs dans le panneau.

Lorsque Kyle reprit la parole, expliquant qu'il était journaliste, l'expression de l'aîné se fit un peu plus douce. Ainsi donc, ils étaient tous les deux dans l'écriture, avant. Bien sûr être journaliste était bien plus terre à terre et cadré qu'écrivain mais ils avaient apparemment cet attrait à l'écriture en commun. Nigel avait souri quand l'autre lui avait affirmé qu'écrire était sa thérapie quand les choses devenaient trop compliquées. « Je comprends » avait-il rétorqué, et en effet il comprenait même si les choses étaient devenues différentes pour lui : avec tout ce cauchemar qui les entouraient, il se trouvait dans l'incapacité de poursuivre ce roman débuté avant que leur monde ne tombe et, par extension, il se voyait incapable de commencer autre chose. Mais écrire lui manquait, c'était un fait.

Malgré cette passion commune, le trentenaire n'avait pu s'empêcher de se crisper quand l'autre ouvrit brusquement son sac, s'attendant déjà à le voir en sortir une arme, avant de se détendre à nouveau, se sentant presque bête de surréagir de la sorte. Un carnet. Il n'avait sorti qu'un carnet. Observant l'objet d'un air un peu curieux, Nigel avait arqué un sourcil quand le plus jeune se mit à expliquer de quoi il s'agissait. Une sorte de journal de bord donc. Pour ne pas oublier ? Pour simplement décharger de son esprit ce qui lui pesait trop ? Peut-être un peu des deux. Hochant la tête, l'écrivain avait à nouveau souri. « C'est souvent bénéfique de poser tout ce qui nous tourmente sur papier, de même que les moments positifs, pour ne pas les oublier » avait-il dit sur un ton calme et compréhensif avant de se recaler un peu mieux dans son fauteuil, jetant un bref coup d’œil à Marvin qui avait déposé sa tête sur ses pattes. « J'imagine qu'il y a plus de négatif que de positif dans ce carnet pas vrai ? » avait-il demandé sur ce même ton compatissant. Et il se doutait d'avoir raison, à moins que son vis-à-vis soit le genre de personne tellement positive qu'il parvenait toujours à trouver de bons côtés aux mauvais moments.