La Four Runner filait à vive allure, seul véhicule présent parmi les épaves de dizaines d'autres échoués de par et d'autres sur la route. " Ça gâche le paysage... " regretta Sarah qui se trouvait au volant, alors qu'elle s'adressait à Eli, unique passager à bord à ses côtés dans le véhicule en haussant le sourcil, tirant une moue exagérément boudeuse. Bien qu'ils auraient pu avoir bien moins de chance en réalité. Malgré le vent froid qui soufflait, entraînant les feuilles mortes dans son sillage, un soleil assez clément et arborant de jolies éclaircies les accompagnait pour ce voyage, qu'ils avaient plus ou moins improvisé la veille.

Après les derniers événements, il fut difficile pour chacun des membres du groupe de remonter la pente. Sarah en faisait partie, et le temps fut son meilleur allié pour apaiser son esprit, lui permettant de réussir à tourner la page, voir même de l'arracher. Et avec l'arrivée de Murphy et le moral des troupes qui commençait à remonter, autant dire que la question de la reprise des expéditions fut posée plus d'une fois ! Et en vérité, les deux s'étaient compris sans trop savoir comment, et s'étaient tous deux facilement laissé entraîner dans ce voyage, après en avoir informé le reste du groupe, ainsi que leurs conjoints mutuels.

C'était une bonne chose qu'elle soit si franche vis-à-vis de tout ça, ils avaient tous deux décidé de s'éloigner un peu et de tenter leur chance à la périphérie. " Alors, on descend sur Tacoma ou on essaye autre part ? " le refuge n'étant déjà plus visible de là où ils se trouvaient, mais ils n'avaient pas encore vraiment décidé de leur destination. Selon les panneaux, ils devaient être à environ une quinzaine de miles de la ville, mais Eli gardant un œil sur la carte de l’État de Washington et les environs afin de la guider déciderait également de l'endroit qui lui semblerait le plus pertinent à explorer.

Elle chantonnait un peu, rien de particulier, juste une mélodie douce et entraînante, tout en écoutant et hochant la tête aux indications du mexicain,  " Dis, il doit y avoir un paquet de clopes qui traîne dans la boite à gants... " lui demanda-t-elle en lui adressant un sourire, s'assurant qu'il se serve -s'il le souhaite- par la même occasion avant de tirer à son tour une taff sur la barrette de nicotine, renouant avec ses vieilles habitudes. " Et du coup, quoi de neuf ? Selene n'a pas trop mal réagi ? Tu ne m'as même pas expliqué au final ! " s'interrogea l'actrice, amusée et laissant échapper un petit rire. Même si en vérité il ne lui devait pas vraiment, c'était plus un prétexte pour masquer cet élan de curiosité -bien que n'étant pas trop étonnant de sa part- ses pensées étaient beaucoup plus légères et elle s'en estimait heureuse. C'était pas tout à fait un Road Trip, ou du moins pas encore ? Mais peu importe, ça avait au moins le mérite de changer les idées.

J'lève les yeux vers le paysage dévasté, quand Sarah glisse une remarque. "C'est pittoresque." Je souffle, un sourire amusé sur les lèvres. C'est vrai, les carcasses de voitures encastrées les unes dans les autres forment quelque chose de tristement grandiose. Je m'affale un peu plus dans le siège passager, froissant la carte entre mes mains. J'arrive encore à nous repérer, mais ça reste infiniment plus compliqué que nos bons vieux GPS. "Tacoma, ça me va. Je connais bien le coin, j'ai grandi là bas." Ça raviverait quelques souvenirs, des bons comme des mauvais. L'expédition avec Roza m'avait mené dans le même coin. Bêtement... j'ai un peu l'espoir de la retrouver, elle ou un autre visage familier.

Selene n'a pas été tout à fait ravie de me voir partir. Mais ça devait bien arriver à un moment ou un autre, n'est-ce pas ? J'n'ai jamais pu tenir en place. L'entente s'est fait naturellement avec Sarah. J'sens qu'on s'est connectés, depuis cette sombre histoire de cannibales. A porter le même trauma, sans pour autant vouloir en parler. On se projète bien assez facilement sur l'autre pour avoir besoin d'y mettre les mots. J'ai juste promis qu'on ne traînerait pas pour rentrer. J'n'ignore pas les dangers d'un trajet si long, mais... j'suis optimiste, comme toujours et malgré tout.

Mon regard s'éclaire brusquement quand elle parle de cigarettes. "Nan, sérieux ?! Tu pouvais pas l'dire plus tôt ?" Osef de la carte, je l'écrase sur mes genoux pour ouvrir la boîte à gants et y plonger les deux mains d'un seul et même élan. Rapidement, je trouve le paquet, encore à moitié plein. Le tabac sera sans doute un peu sec, m'enfin. J'en coince une première entre mes lèvres, fouille compulsivement les poches de mon manteau pour me saisir de mon briquet et l'allumer, la lui donner. La seconde, je l'embrase de la même manière et la garde coincée entre mes lèvres. "P'tain, ça f'sait un bail que," j'inspire longuement, toussote un peu sur le passage brûlant de la fumée, et la recrache en entrouvrant la fenêtre de mon côté. ".. j'avais pas fumé, wow." Ça m'tourne un peu la tête. Ça doit faire des semaines, ouais.

J'rouvre la carte et lui indique, l'articulation gênée par le filtre, "'ourne à droite à la sortie d'la route, ça d'vrait êt' sur les panneaux." J'tire une nouvelle taffe, et lui avise un regard coupable lorsqu'elle parle de Selene. La fumée reste coincée une seconde dans l'creux d'ma gorge, avant que je n'réponde, "Well... Tu sais, elle m'a fait les gros yeux, j'crois qu'elle s'attendait pas à c'que.. j'sorte. J'avoue que j'ai un peu attendu la dernière minute pour lui en parler, pour pas qu'elle ait trop le temps d'me tuer, tu vois ? M'enfin," j'grimace brièvement, "Elle est pas pire que ma mère. Alma m'a chié un cake, putain. Si j'n'avais pas protesté, elle s'rait avec nous, maintenant." J'ai d'ailleurs le réflexe débile mais conditionné de jeter un petit coup d'oeil à l'arrière de la voiture. Elle aurait été foutue de s'y planquer. "Elle est p'têtre dans l'coffre en c'moment même à attendre qu'on se gare pour m'tirer l'oreille." J'me r'tourne vers la blonde, hausse les sourcils, dans une plaisanterie teintée de sérieux résigné. "'Puis Selene c'est une chose, Duncan doit pas être évident non plus à gérer... Quoique, ça doit être plus simple pour toi : tu lui as fait les yeux doux, c'est ça ?"

La voiture file à grande allure. J'me permets d'ajouter, quand on approche de l'entrée de Tacoma, "S'tu veux mon avis, on a autant intérêt l'un qu'l'autre à n'pas rentrer les mains vides. Selene m'a réclamé du beurre de cacahuètes, y a un moment... Duncan a p'têtre un pécher mignon, lui aussi, nan ?"

Alors, leur destination serait Tacoma. Acquiesçant à sa proposition, Sarah emprunta alors la longue route boisée qui surplombait le refuge. L'itinéraire choisi les éloignait d'ailleurs grandement du petit quartier où le groupe d'Atticus leur était tombé dessus. Miller n'en avait pas forcément eu conscience, mais se disait toutefois que d'autres tarés du même genre pourraient bien rôder ailleurs, et qu'il valait mieux redoubler de prudence.

Pour l'heure de toute façon, il n'y avait rien à craindre, aussi le moment semblait assez bien choisi pour une pause cigarette. Son partenaire pour ce voyage ne cacha d'ailleurs pas son enthousiasme, délaissant la carte pour ouvrir la boîte à gants " Rien que pour cette réaction, ça valait le coup d'attendre ! " s'amusa Sarah en riant, alors qu'elle l'observait s'allumer à la hâte une cigarette qu'il lui tendit avant d'en allumer une autre. Les deux toussotèrent un peu, c'est dire à quel point ils n'avaient plus l'habitude ! Mis à part celle que lui avait proposé Lisandro, et les deux ou trois qu'elle avait pioché dans ce paquet, l'actrice n'avait clairement plus le même rapport au tabagisme qu'auparavant... " Pas vrai !? C'est un peu pareil pour moi tu sais... " concéda-t-elle avant de tirer une seconde taff sur la cigarette, se détendant peu à peu alors qu'elle expirait la fumée.

Suite aux indications du graffeur, la blonde braqua sur la droite alors qu'ils parcouraient le quartier de Gig Harbor. Curieuse quant à la réaction de Selene suite à l'annonce de cette expédition improvisée, elle interrogea alors son passager à ce sujet. " J'imagine oui... " s'amusa Sarah, sauf qu'elle avait sous-estimé Alma, et les remontrances autant plus grandes qu'elle avait fait à son fils ! " Non sans rire ? " s'étonna la blonde en riant de bon cœur, l'observant se retourner, de peur d'être surpris par l'auteure de ses jours. " Sois tranquille, tu risques rien à ce niveau... Pour cette fois-ci en tout cas ! " vrai, parce que l'aînée des Delgado n'avait certainement pas dit son dernier mot dans toute cette histoire, mais c'était plutôt mignon -bien que sans doute pénible pour Eli- qu'elle veille sur lui de la sorte.

Sans doute aussi curieux qu'elle, son interlocuteur la questionna à propos de Duncan, se doutant qu'il ne devait pas avoir été aisé pour elle de l'informer de ses derniers projets... " Hé bien... J'aurais préféré que ce soit plus simple cette fois-ci... " confia l'actrice, l'air un peu désabusée, bien que la moue sur ses lèvres trahissait un peu le vrai fond de sa pensée. " Mais je t'assure que d'habitude ça fonctionne ! " tirant une énième taff sur sa cigarette, elle songea un instant à son compagnon, resté au refuge. " Je pense qu'il aurait préféré m'accompagner, pour s'assurer que tout se passe bien... Je le comprends, mais j'ai besoin de savoir qu'il veille sur les autres aussi... " néanmoins, elle n'était pas bien sûre qu'il avait compris que c'était un mal pour un bien.

Arrivés aux abords du pont Narrows qui allait les mener à Tacoma. Eli lui expliqua qu'il avait du négocier sa sortie au prix d'un objet bien particulier à rapporter. " La quête inespérée du beurre de cacahuètes hein ? " constata la jeune femme avec humour. " Je pense que Duncan ne ferait pas la fine bouche devant une bonne bouteille d'alcool fort ! " confia-t-elle en haussant les épaules. " On aura qu'à ouvrir l’œil, ils seront de moins mauvais poil ! " de toute façon, ce n'était pas comme si ce n'était pas le but à la base. Elle comptait bien passer une partie de l'hiver bien tranquille, au coin du feu, alors autant se ravitailler le plus possible auparavant.

" Voilà, on y est ! " constata Sarah alors qu'ils venaient de traverser le pont, tirant une dernière taff sur sa clope avant de la jeter à l'extérieur. Elle ralentit alors grandement la vitesse du véhicule, afin qu'ils aient le temps de s'attarder sur ce qui se trouvait autour d'eux. " Tu as grandi ici alors ? ... Ça avait l'air sympa à l'époque. " de nombreux quartiers résidentiels formaient tout de même un ensemble harmonieux, la route principale était plutôt dégagée, et l'endroit semblait pour le moment assez calme. " De quel côté on va ? " puisqu'il connaissait le coin, il y avait quelques établissements commerciaux indiqués par différents panneaux qui pourraient être une première piste, où peut-être pourraient-t-ils tenter leur chance un peu au hasard?

Le courant passe bien, c'est déjà une apréhension en moins pour le trajet à venir. Tout en savourant le tabac brûlant, je souris quand elle m'parle de Duncan. En voilà, un couple que j'ai bien du mal à imaginer dans l'intimité d'une dispute. Sûrement que malgré ses airs de colosse, le géant se soumet à la blonde comme tout mâle digne de ce nom le ferait. L'image m'arrache un petit rire hâché par l'expiration de la fumée. Selene aussi, j'en suis convaincu, aurait préféré nous accompagner plutôt que rester au campement, prisonnière à cause du bébé. Et si j'acceptais de partager ce sacrifice jusque là, j'me rends bien compte que mes jours de liberté sont également comptés. Quand l'enfant sera là, je n'trouverai aucun prétexte assez important pour partir à l'aventure - même juste pour prendre l'air.

"Je n'ferais pas la fine bouche non plus." j'appuie l'idée en haussant un sourcil, et ajoute en murmurant, "Deux ou trois bouteilles ne s'raient pas d'trop." Que Duncan ne soit pas le seul à profiter de l'ivresse. Et qu'on passe le temps ce soir, aussi.

Nous voilà à Tacoma. A travers la vitre, et à mesure que l'on s'enfonce dans le quartier, mon regard se perd sur les rues que j'arpentais étant gosse. J'replie définitivement la carte sur mes genoux, ouvre un peu plus la fenêtre pour y jeter mon mégot et la referme aussitôt pour m'épargner le désagréable courant d'air froid. "C'était horriblement tranquille." Par delà la route, j'aperçois le lycée de Tyron et Kathlyn. "Continue sur l'avenue, pour l'instant. Pour la picole, on a peu d'chance de trouver notre bonheur dans les rayons de supermarchés, mais j'connaissais les alcooliques du quartier." J'lui avise un sourire alourdi par la nostalgie. C'est par ici, que j'garde les derniers souvenirs avec mon père. Cette ville est chargée d'émotions en tout genre, et toutes se pressent au portillon. "Là, à gauche [...] à droite. La maison rouge, là. Viens."

Je décroche ma ceinture, empoigne la machette et m'extirpe de la voiture. La maison est modeste, sans barricades, juste une grille en fer entourant le jardin. Le portail est fermé, bien sûr. J'tends les bras pour en attraper le haut, prends un petit élan  et grimpe par dessus, les semelles rippant brièvement sur le bois. De l'autre côté, le verrou est facilement trouvé et décroché pour ouvrir à la blonde. "Bienvenue dans la demeure de Mr. Picard, un prof de français qui s'est toujours vanté de sa cave à vin et que... Hum, disons qu'il m'a déjà dépanné, moi et mes potes, sans le savoir." J'me gratte la joue du bout du doigt, l'embarras n'étant finalement là que pour la forme. Avoir été un sale garnement par le passé me permet de rester en vie dans le présent.

Le jardin est petit, s'ouvre en un chemin étroit sur la gauche de la maison pour mener à l'arrière. Devant, la porte d'entrée est supplantée d'une petite lucarne en verre gravé. Les fenêtres ne semblent pas barricadées, mais les rideaux à l'intérieur sont tirés. Il n'y a pas un bruit. Mais, "Il va p'têtre falloir déloger M'sieur Picard, fais gaffe." Sans doute inutile de préciser ce genre de chose à la responsable des expéditions.

Sarah avait silencieusement acquiescé à sa remarque. Ouais, si ils pouvaient trouver deux ou trois bouteilles, ce serait pas de trop. Si déjà, ils étaient d'accord d'ouvrir particulièrement l’œil pour dénicher quelques petits trésors du genre, ça commençait définitivement bien. Elle avait jeté ouvert un peu son carreau afin de jeter le mégot, qu'elle avait coincé sur son pouce avant de l'éjecter avec son majeur, l'envoyant directement dans la rivière juste en dessous du pont sur lequel la Four Runner avait commencé à rouler. Ce n'est qu'après quelques secondes qu'elle pouvait désormais constater, tout comme Eli qu'ils étaient arrivés à destination.

La jeune femme commença à rouler à une vitesse plus modérée, tout en demandant à son vis-à-vis comment ça se passait à l'époque. Horriblement tranquille, pour la ville qu'on surnommait la cité du Destin ? " Vraiment ?... " Ça lui laissait un goût de trop peu, aussi s'était-t-elle amusée à imaginer le mexicain arpenter les rues sur un skate-board, commettre ses premiers délits en même temps que de réaliser ses premières œuvres d'art en taguant quelques murs. Il lui avait indiqué de continuer sur l'avenue qui se présentait à eux, ils étaient bien avisés de ne pas se ruer directement vers les premières grandes enseignes, parce que depuis tout le temps qui avait passé... Ce serait un miracle si ils dénichaient une bouteille de Whisky pas frelaté entre la poussière, les crottins de rat et tout le bordel autour... " Ici à droite ? Okay ! " elle avait manoeuvré jusqu'à garer le véhicule dans un quartier plutôt tranquille, un peu amoché par certains actes de vandalisme, des cadavres étaient visibles à certains endroits, et tout ça était un peu pittoresque à vrai dire.

Les deux s'étaient débarassés de leur ceinture avant de sortir de la voiture, la blonde emportait avec elle un couteau et un Glock 17, ainsi que quelques outils, comme une lampe-torche au cas où. Ils avançaient désormais vers la façade rouge, dont bien sûr, le portail était fermé. Le brun à ses côtés prend alors un peu d'élan pour grimper par dessus, et lui déverrouille ensuite la porte. " Merci ! " elle fit alors ses premiers pas sur la demeure d'un certain Mr Picard. Si elle pouffa au nom, elle apprécia l'anecdote, " En même temps, il avait qu'à garder ça pour lui ! Qui boit seul, crève seul ! " lança-t-elle, d'un ton enjoué alors qu'ils marchaient désormais tous deux dans le petit jardin -sans trop se préoccuper des fleurs qui étaient fanées depuis bien longtemps- jusqu'à arriver à l'arrière, où se trouve la porte d'entrée.

Pas de barreaux aux fenêtres, et la petite bicoque semblait encore tenir pas trop mal, les rideaux étaient tirés, est-ce que l'endroit avait été quitté précipitamment ? Ou peut-être pas... " Tant qu'il se trimbale pas une colonie de rats... " elle roula des yeux avant de faire une grimace un peu dégoûtée. Eli avait essayé d'ouvrir la porte, sans succès. " Une fenêtre ouverte... Peut-être ? " ils regardèrent chacun d'un côté, et n'eurent guère plus de chance. " Bon... Alors, si tu me le permets... " Sarah porta alors sa main à l'arrière de ses cheveux pour en retirer une petite épingle, qu'elle déplia alors, avant d'en recourber l'une des extrémités de manière à former un crochet, l'autre extrémité lui servit à faire une sorte d'anneau, afin d'avoir une meilleure prise, et puisqu'elle possédait déjà un entraîneur de fortune qu'elle sortit d'une des poches de son blouson de cuir, l'actrice s'approcha ensuite, s'abaissant pour commencer à bricoler la serrure, elle tenta quelques mouvements pendant quelques secondes -pour se refaire la main aussi- mais la serrure n'était pas très complexe et … Clic... elle se releva alors, regardant son binôme en haussant les épaules, avec un air innocent, avant qu'une de ses mains ne désigne la porte à Eli pour l'inviter à entrer. " Je t'en prie ! "

A l'intérieur, ça sentait pas mal le renfermé... " Soit ils ont viré la femme de ménage, soit personne n'a mis les pieds ici depuis des mois... " regretta-t-elle, en se pinçant le nez, initiant quelques pas dans la demeure du professeur, allumant sa lampe-torche pour inspecter les environs. Il y avait toujours pas de bruit, à part une le tic tac irrégulier d'une horloge défectueuse, dont elle finit par enlever les piles, agacée.

Alors qu'elle avançait vers semblait être une petite réserve " Hé regarde...Y en a un qui va être gâté ! " c'était un carton plein de nourriture pour chats, avec un peu de chance... Ce serait pas forcément à jeter... Miller trouva également par la même occasion quelques conserves alimentaires, rien de très glorieux mais c'était déjà ça. Et puis, ils avaient fini par revenir vers l'entrée, pour explorer les autres pièces " Alors, où est-ce qu'il planque sa bibine le Picard hein ? " d'ailleurs, elle avait pas vraiment fait attention aux petits bruits qui insidieusement s'ajoutaient au plancher qui craquait un peu, et à la conversation banale qu'ils étaient en train d'avoir.

Les bras croisés derrière Sarah, j'reste fasciné par la technique dont elle fait preuve pour forcer cette serrure. Rien qu'avec une épingle à cheveux... Comme dans les films, putain. J'essaie de deviner, aux mouvements presque imperceptibles de ses doigts, tout ce qui se trame à l'intérieur du mécanisme - sans comprendre. "Faudrait vraiment que tu m'apprennes... Ça m'évitera de me défoncer l'épaule à chaque fois que je veux ouvrir une porte." J'esquisse une brève grimace, exagérément honteuse. Et enfin, la porte cède sous la dextérité de la blonde. On entre.

J'ai un sourire amusé à sa remarque. C'est vrai, ça pue. Ça sent le vieux - déjà - et c'est sans doute la moins agressive des odeurs qui nous titillent les narines. La moisissure, la poussière, la mort. Un joli cocktail. Alors que l'actrice s'en va achever une pauvre horloge à piles, je fais un premier tour rapide dans le salon, pour vérifier que rien ne se cache derrière les grosses pièces de mobilier. Le pauvre professeur... il n'aura sans doute pas fait long feu. Dire qu'il approchait tranquillement de l'âge de sa retraite. Ça me pince un peu le cœur.

Je rejoins alors Sarah, devant le carton de nourriture pour chat. "Oh ouais... Ça rentre dans la voiture, non ?" Le matou de la prison - cette pauvre bête n'a toujours pas de nom, rappelons le - se satisfait pour le moment des rongeurs et des oiseaux qu'il parvient à attraper, mais l'hiver approchant, ses proies sont vouées à se raréfier. Et puis... Même pour nous, si on en vient à se ronger les peaux pour se nourrir, ça pourra toujours faire office de plan B. Peu ragoûtant. Mais comestible.

"'Faut descendre à la cave." Je hausse les sourcils, comme pour suggérer un petit défi. On ne s'attarderait pas à vérifier l'étage tout de suite - autant se presser pour l'essentiel.

Entre le salon et la cuisine, j'ouvre une porte qui donne sur un escalier très raide. Un nuage de poussière s'envole, va s'accrocher aux nombreuses toiles d'araignées qui relient les deux murs entre eux. "Hm..." Un peu écœurant, mais il va falloir plonger là dedans. Je sors la lampe torche de mon sac à dos et prends les devants. "Tu me couvres ?" Je ne lui laisse pas tellement le choix. Les marches grincent, l'obscurité se fait de plus en plus épaisse. Arrivé en bas, je ne vois plus rien qui sorte du halo de la lampe. Ça suffit à claquer un petit frisson d'angoisse. Hors de question de m'y aventurer au hasard. Même si je me souviens globalement de l'emplacement des bouteilles. S'il y a des morts, autant les ramener vers les escaliers, là où je pourrais encore les voir. "Petit petit !" J'claque la langue, pour attirer les  potentiels malades comme on appellerait un chien. Quelques coups du cul de la lampe contre la rampe en acier. Rien ne se montre. C'aurait été étonnant d'y trouver un rôdeur, finalement.

De ce côté, en tout cas. Puisqu'un peu plus haut, dans les escaliers reliant l'entrée et l'étage, ça a percuté le bruit et ça commence à se bouger. J'avance en vitesse, sans les entendre encore, et repère les bouteilles de vin proprement empilées sur une sorte d'étagère métallique. Je rouvre mon sac pour y fourrer un maximum de ce précieux trésor. Une bouteille. Puis deux, trois, quatre, et on tire bien sur le tissu pour faire passer la cinquième. Rouge ou blanc, ce sera la surprise. Je m'empresse de revenir sur mes pas, bloque la lampe entre mes dents pour refermer le sac à dos largement alourdi. Si on se permet un aller-retour à la voiture, on pourra même en prendre le double ! "'out 'a 'ien 'our 'oi ?" dis-je sans pouvoir articuler en revenant vers la lumière, les cheveux et les épaules recouvertes de toile blanche.

Ils avaient emmené le carton plein de nourriture pour chat jusqu'à l'entrée, afin de l'emporter plus tard, quand ils auraient terminé l'exploration de la maison du fameux Picard, dont Sarah semblait impatiente de découvrir les trésors. Aussi, la cave semblait une bonne idée, la porte qui était située entre le salon et la cuisine serait celle qui les mènerait alors à leur but, mais le tout était pour le moment plongé dans l'obscurité.

Eli avait alors sorti sa lampe torche afin d'éclairer droit devant lui " Oui, vas-y. " ils commencèrent alors tous deux à descendre prudemment chacune des marches jusqu'en bas. La cave qui représentait environ un tiers de la maison était remplie de piles de cartons et d'un tas de trucs divers et sans grand intérêt, mais ils n'y voyaient pas grand chose d'autre. Aussi, ils commencèrent à s'aventurer un peu au hasard, avant d'essayer de vérifier la présence ou non de rôdeurs en ces lieux. Quelques secondes passèrent, en silence, jusqu'à ce que des bruits provenant de l'étage supérieur ne se fassent entendre, se voyant confier la lampe torche du mexicain, elle l'éclaira alors qu'il emportait rapidement plusieurs bouteilles de vin qu'il fourra dans son sac. "" Jackpot ! " s'exclama-t-elle, plutôt enthousiaste pour le coup, alors qu'elle en emportait également deux supplémentaires, il ne leur restait plus qu'à remonter " Tout à fait … Allez on sort de là ! " lui avait-t-elle répondu afin de l'inciter à remonter au rez-de-chaussée.

Toutefois, les deux furent sur leurs gardes dés que la porte de la cave fut refermée, étant donné les bruits qu'ils avaient entendu un peu plus tôt. " On jette un œil à l'étage ? " ils s'étaient alors séparés chacun dans deux des couloirs qui bordaient l'étage, la plupart des portes étaient verrouillées, et Sarah ne mit la main sur rien de spécial, si ce n'est quelques anti-douleurs. " Eli ?... " elle s'approcha alors du couloir qui menait à la cage d'escalier, prête à attendre son camarade afin de quitter les lieux. Quelques bruits de pas l'incitèrent à avancer dans une direction, jusqu'à ce qu'elle soit prise par surprise par le fameux monsieur Picard " Oh … C'est donc ici que vous étiez... " elle observa alors le cadavre décharné du vieillard, prête à agir, avant qu'Eli ne surgisse de nulle part et ne l'élimine sans trop de peine. " Avoue … Ça te démangeait depuis qu'il t'as recalé hein ? " dit-t-elle, taquine en le bousculant d'un coup de coude avant de redescendre, emportant le carton avant qu'ils ne quittent la maison du professeur.

Une fois leurs trouvailles chargées à l'intérieur du véhicule, ils pouvaient désormais se remettre en route. "" On pourrait essayer de visiter ce complexe commercial là bas ? Il y a quelques maisons aux alentours aussi, suffit qu'on ait un peu de chance... " elle avait alors commencé à remonter la rue, pour un trajet d'à-peine quelques minutes, avant qu'ils ne se garent à proximité d'un premier commerce dans lequel ils entrèrent alors afin de commencer à l'explorer.