Assise sur un vieux congélateur devant une fenêtre, au premier étage d'un immeuble dont on a bloqué l'accès comme on a pu, je regarde dehors pour voir ces saletés vider peu à peu les lieux. On a fait du chemin avec Lila, mais je ne lui ai toujours rien dit. En fouillant des endroits plus ou moins inexplorés, on est arrivés vers l'aéroport, elle a pas voulu y aller, elle a garder l'entrée pendant que j'essayais de voir si je trouvais quelque chose ou quelqu'un, mais c'était étrangement vide. Sam était là, complètement desséché, une balle dans la tête apparemment. Elle ne m'avait pas tout expliqué et je peux comprendre, si elle a vu ça... au moins il n'est pas devenu l'un d'eux et pour lui... c'est terminé. Je l'ai reconnu à son blouson surtout parce qu'il est pas très reconnaissable en fait.

Mon journal devant les yeux, je fais le point, sans me préoccuper de ma soeur pour le moment, je l'aperçois dans le coin droit de mon regard elle a un peu bouger mais je sais pas si elle s'est réveillée. J'ai l'impression que je ne dors plus. Loki est couché au point du congélateur et il commence à remuer de la queue, il va être temps de sortir. J'ouvre mon journal, comme chaque jour :

Le 16 Janvier 2020
Cher Journal,

408ème jour sans Finn...

Les jours passent, ils se ressemblent et à la fois pas. J'écris toujours dans un journal, je sais même pas pourquoi, peut-être que ce sera utile à quelqu'un, quand la population reviendra, quand la fin du monde aura fini. J'écris pour toi Papa, tu m'as dit que la rentrée au collège serait une nouvelle aventure, que j'aurais probablement de quoi écrire, et tu ne pensais pas si bien dire. J'ai beaucoup grandi, enfin dans ma tête parce qu'en fait je rentre toujours dans mes vieux fringues, j'ai réussi à m'occuper d'un chien et de Lila, même si elle n'en a plus vraiment besoin, mais quelque fois, j'aimerais que tu sois là, que tu prennes soin de moi papa... je t'aime

Je déglutis douloureusement et referme mon journal d'un coup. Je lance un regard dehors et j'annonce en descendant du congélateur, excitant Loki au passage " Allez hop, les Abominaffreux se bougent, c'est l'moment ! Le Space Needle nous attend ! T'es prête frangine ? " Je ne la ménage plus, j'ai bien compris qu'elle a eu son lot et qu'elle a su sortir son épingle du jeu, du coup l'ambiance entre nous est redevenue plutôt normale si je dois dire. Loki vient lui faire une grande léchouille avant de commencer à sautiller près de la porte. J'attrape mon sac et je tends le bras à ma soeur. " La journée va être longue, alors bouge toi, vu le quartier on a plein de lieu à visiter ! " Si Harrison est remonté vers Seattle, il a pu se diriger vers le Space Needle un bâtiment auquel il vouait une espèce de culte comme je disais, bref un geek, ce que j'étais sur le point de devenir à mon tour.

D'une légère grimace amusée, j'entrouvre la porte après avoir déplacé le canapé qui l'entravait, écoutant le silence pesant du couloir. Je me tourne vers ma soeur en chuchotant " Un appart avec un miroir ? " Je la taquine mais c'est pas faux, on n'a pas eu de chance l'appartement ici est quasiment vide, le miroir de la salle de bain était complètement brisé et celui de l'armoire on n'y voyait plus rien tant le sang séché et la poussière avaient accrochés. Je m'engage dans le couloir, Loki à droite de mon genou, sur ses gardes lui aussi. Le bâtiment semble désert, ce qui est plutôt une bonne chose. Il est miteux, on cherchera dans d'autres immeubles, ou des pavillons avec un peu de chance.

Descendant silencieusement les escaliers accompagnée de mes acolytes, j'approche de la porte, inquiète parce qu'on ne peut pas voir à travers, donc ce sera au petit bonheur la chance comme disait Mamie. Je lance un regard à Lila qui semble déjà prête, puis j'ouvre doucement, mon couteau papillon dans la main gauche, mon bâton dans la droite. Je sais que je ne pourrais pas me battre au bâton à cause de l'amplitude dans l'entrée, mais une chance, je peux rapidement ramasser le couteau dans ma poche arrière, ils ne sont pas là. Enfin, si mais plus loin, on a de la marge. " Viens, on part à droite, ils sont tout desséchés ceux-là, on a le temps d'se barrer et y'a des arbres, donc peut-être des parcs ou des jardins, donc des maisons, j'connais pas l'coin. "

Je n'attends pas vraiment de réponse, je sais qu'elle va me suivre parce qu'en fait on suit un peu le même raisonnement de manière générale, et puis je connais mieux Harrison, et puis si elle veut un miroir digne de ce nom... La vue d'un tricycle rouillé dans le caniveau me fait bizarrement réagir. Est-ce que des gens mettent encore des bébés au monde ? Comment ils s'en sortent ? Et si le bébé meurt dans le ventre est-ce qu'il... ? Une grimace passe sur mon visage je suis vraiment devenue glauque avec les années, mais finalement, je suis pas trop mal lotie, je me suis adaptée à cette vie bizarre. J'ai pas trop eu l'choix c'est clair, mais là, les rues nous appartiennent. Parfois quand j'étais seule, j'avais l'impression d'être damnée, d'être la maîtresse des enfers, j'suis pas nette. J'ai presque oublié les jeux qu'on faisait, du moins la sensation de m'amuser.

Alors qu'on marche dans la rue, trois ou quatre Abominaffreux loin derrière nous qui ne suivent pas la cadence, rouillés qu'ils sont les trucs, complètement dézingués, j'en aurais presque pitié. Bizarrement, je me sens plus forte depuis que Lila est de retour et j'ai une envie folle de me retourner et de les éclater, ça ferait ça en moins. Mais je suis pas sûre que ce soit le kiff de ma frangine sincèrement. " Hey ! Guette la baraque ! Viens ! " J'attends pas son accord pour m'avancer vers une demeure franchement classe par rapport aux vieux bâtiments de tout à l'heure. Je pousse le panneau de la porte d'entrée et je tapote de mon bâton contre le bois " Hey les vilains, ram'nez vos miches ! " J'ai pas crié bien sûr mais j'ai parlé d'une voix assez forte. J'entends un râle étouffé venant d'en haut et une silhouette cadavérique rampante tente de nous rejoindre en dégringolant les escaliers, terminant dans une position improbable et indénouable. Je me retiens de rire tellement c'est ridicule parce qu'il claque des dents, la mâchoire coincée entre ses genoux, enfin si je connais mon anatomie parce que là rien n'est très certain... couteau papillon, schlaff ! Le silence revient. Je le pousse du pied pour refermer la porte, histoire d'éviter les visiteurs. " On fait le tour de la maison, si y'en a d'autres aussi secs ça va pas être de la rigolade... "

Une fois la porte d'entrée fermée, on entame le rez-de-chaussée, dos à dos je regarde le salon pendant qu'elle s'approche de la cuisine je pense. Je l'entends taper sur la porte et sans réaction elle annonce que l'endroit semble sécurisé mais à peine j'arrive qu'un vieux moche lui tombe dessus et on se casse la gueule, mais il est pas seul. Je suis tombée un peu plus loin alors je plante d'un coup sec de bâton dans la tête de celui resté debout alors qu'il s'écroule j'entends ma soeur râler... pour sa robe ! Je la regarde outrée, fronçant les sourcils l'air de dire que c'est franchement pas sérieux... puis j'observe la cuisine vide de gens morts ou vifs. D'un signe de menton, je lui fais comprendre qu'on doit vérifier l'étage et je m'engage dans le couloir, me doutant bien qu'elle m'a suivie. Les marches en bois craquent un peu, j'espère que ça n'attirera personne d'autre, mais il ne semble pas.

Arrivées sur le pallier, je regarde, il y a quatre portes, toutes fermées et une espèce de placard ouvert avec la porte pleine de sang séché, des toilettes on dirait, probablement là que ce cachait l'abruti qui s'est vautré dans les escaliers...

Je colle mon oreille à la première porte, rien, je l'ouvre à peine puis la pousse de mon bâton. C'est une vieille chambre de grand-mère, avec des vieux rideaux, il y fait assez sombre, mais suffisamment clair pour voir qu'il n'y a personne. Je fais pareil avec la deuxième, toujours suivie de ma soeur, visiblement une chambre parentale classique, qui sent le moisi. Un pied derrière le lit m'interpelle, j'approche mais en fait... y'a que le pied... et la moquette est toute noire. Pas difficile de deviner que l'un d'eux s'est fait bouffer en bonne et due forme, c'est dégueulasse ! La chambre suivante, une chambre d'enfant... je bug un instant mais je continue pour tomber sur une chambre d'ado plutôt cool, même si la trainée de sang noir là qui va sous le lit est de très mauvaise augure. Je tape sur le boit du lit et après quelques grattements frénétique, une fille, probablement dans nos âges, sort comme elle peut, mais je lui laisse pas le temps de sortir entièrement et lui plante le crâne. Je m'accroupis à côté d'elle et l'observe. " Putain, elle doit avoir notre âge ! C'est flippant ! Regarde dans ses fringues, tu trouveras peut-être un truc cool... "

J'ai changé de ton rapidement, j'essaie de pas m'attarder sur le côté humain de ces trucs, sinon ça te plombe le crâne. Du coup je fouille avec Lila dans la piaule, sait-on jamais qu'elle soit Emo, on trouverait pour nous deux des fringues, j'aurais bien besoin de changer de fute le mien est déglingué. Elle avait une chambre cool cette fille !

Je fouille ça et là, y'a des babioles inutiles, du maquillage aux couleurs hideuses, des bijoux en toc, des peluches, bref rien de très intéressant, du coup je passe à l'armoire. Bien sûr, Lila est du côté penderie, s'observant dans le miroir, et pour ma part, je sors à l'arrache quelques pantalons et t-shirt sombres tout ce qu'il y a de plus classique et discret et d'ailleurs ce pantalon là, type slim denim noir avec une petite zipette sur la cheville, c'est pas dégueu ! Mais quand je me retourne, l'horreur... ma soeur à trouver une putain de robe de bal ou je ne sais quoi, saumon, en satin, et elle me demande mon avis en plus ! Je la regarde, choquée, comment peut-elle une seule seconde porter ça ? Elle attire mon attention sur des bracelet à clous, la fille a dû avoir une période gothique probablement.

J'approche de ladite caisse sans quitter Lila des yeux et en hochant négativement la tête. D'habitude je lui dis pas grand chose sur ses fringues, mais là, entre la couleur pas discret et l'effet satiné, il manque plus que des paillettes pour jouer les boules à facettes version vampire de Twillight ! " Nan nan nan, la couleur, le côté brillant c'est pas possible, on va nous repérer à quinze bornes au moins t'es malade ! Prends-la si tu veux, mais pour le jour où on vivra dans un camp sécurisé ou je sais pas, mais pour survivre dehors, même Edward Cullen est passe plus inaperçu au soleil ! " Un de ses films préféré, je savais qu'elle comprendrait la référence. Ma grimace de dégout en rajoute une couche, mais ça j'y peux rien. Je prends un top noir avec un motif de nounours rose pâle, et un slim beige avec des petites fleurs brodées sur le côté et lui tends avec un regard qui veut dire qu'elle sortira pas de cette pièce si elle porte pas ça à la place.

Pendant ce temps, je fouine dans la boîte et prends les bracelet de force, et je les mets sur mes bras jusqu'à presque recouvrir mes avant bras, avec des pique et du cuir, ça pourrait être une arme supplémentaire... Les bracelet mis, un t'shirt noir à manches longues, le slim noir, mes rangers... je sors mon appareil photo et demande à ma soeur si elle est prête pour prendre une photo souvenir. Discrètement, je prends une photo de la fille aussi. Les morts encore reconnaissables, j'ai pris l'habitude de les prendre en photo en me disant que peut-être, un jour, quelqu'un pourrait les voir et reconnaitre des gens, savoir ce qu'ils sont devenus...

Après avoir ramasser mes affaires sales dans mon sac, oui parce qu'elles sont abîmées et sales, mais il est hors de question que je m'en débarrasse, je glisse mon sac sur mon dos. Il est un peu lourd, mais c'est étrange, malgré ma minceur, j'ai pas mal de force je crois, ou c'est juste l'habitude. Je me dirige vers la porte de la chambre dans le silence pesant de la maison avant de me tourner vers Lila. " J'propose qu'on fasse un tour à la cuisine, histoire de voir si y'a pas une conserve ou deux oubliée, ça t'va ? "