Je rendis son arbalète à Selene en retournant en arrière. « J’ai appris de la meilleure, pas vrai ? » Mon sourire s’étira. Je la dépassai finalement pour faire demi-tour et regagner les véhicules. La nouvelle avait déjà fait le tour à mon arrivée. Tous les gardes dans les miradors avaient été neutralisés proprement, sans que nous nous fassions repérer. Les autres avaient géré. Je surpris les deux archères en question, sans parvenir à les reconnaître. Elles étaient fortes, vraiment ! Quelques uns s’activaient déjà à sectionner le grillage pour aider au passage des véhicules. Quant à moi, je rejoignis rapidement mon propre groupe, car il serait bientôt l’heure de mettre le plan en action.

J’avais un regard un peu hébété quand Ruben me rejoignit, en me complimentant. Kaya ne tarda pas à se ramener, en m’ébouriffant les cheveux par derrière. Même elle se fendit d’un petit commentaire. « Merci… » Ca faisait chaud au cœur, vraiment. Je rigolai, d’un air gêné. « Ouais, ça va ! Ils ont vraiment rien eu le temps de faire ! » J’avais du mal à réaliser que je venais de faire un truc pareil, et que ça avait fonctionné. J’étais sans doute encore un peu sous le choc. « Il faudrait vraiment que je me trouve une arbalète. » Ou un arc, peut-être.

J’hochai la tête quand Ruben nous proposa de nous expliquer le plan plus en détail. Je sautai dans le véhicule quand Corray nous fit signe. C’était l’heure.

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Dans son sillage, Eli s’était jeté à ses côtés d’un même geste. La musicienne avait l’impression que son cœur pouvait s’entendre depuis le mirador, mais celui-ci ne s’intéressa pas plus à leur cas. Heureusement. Selene recommençait tout juste à respirer normalement quand Joachim arriva à sa hauteur. La torche s’était éloignée et elle craignait qu’en se redressant, elle ne fasse trop de bruit. Avec précaution, elle pivota, ôta la bandoulière de son arbalète et la confia à l’adolescente.

Son estomac se serra douloureusement. Elle ne reviendrait pas dessus mais voir le fils d’Isaac ici c’était… elle ne le sentait pas. Ils s’étaient trop battus pour les préserver – lui, Juliet, ce petit con de Ruben – pour finalement les savoir risquer leur vie au même titre que les adultes. Transmettre une arme de mort eu jeune garçon… ça lui donnait la nausée. Alors quand il eut abattu sa cible, quand il revint vers elle lui rendre l’arbalète, elle ne parvint pas à sourire en retour.

- Tu seras vite meilleur que moi, répondit-elle sans y mettre l’intonation fière qui allait avec.

Ses dents rongeant l’intérieur de ses joues, elle ruminait son mal-être et s’en retourna auprès des autres. Il leur faudrait un certain temps pour tailler une ouverture de taille convenable mais dès qu’une brèche suffisante pour sa silhouette gracile fut accessible, elle s’y faufilant en murmurant un « je reviens » à ses camarades. Demi-courbée, elle se fondit dans les ombres et rasa la grille pour aller trouver la victime de Joachim et récupérer son carreau. Elle en avait trop peu pour les abandonner quand elle avait le choix.

Au moment où elle revenait vers le reste de l’écoute, les crachotements de son talkie – et la déflagration en arrière-plan – annoncèrent que le groupe de Connor était en place. Bien… c’était donc à eux d’entrer en scène. Selene tapa dans les mains pour attirer l’attention de son équipe : eux, ils avaient une destination différente des autres…

- Prends le volant, dit-elle à Kaz.

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Avec l'aide de ces deux autres mecs, on achève de couper une bonne portion de grillage. Faut encore tirer le bordel pour le tordre, le tout sans faire trop d'bruit ni se blesser bêtement. Quand le passage est assez large, j'lâche le grillage, recale la pince à ma ceinture et souffle un coup.

J'me rapproche des voitures. J'pense que quasiment tout le monde est là, et ça commence à s'installer. Putain, bientôt on s'retrouvera sûrement dans la mêlée.

J'balaie la scène du regard, repère Elisabeth en voiture, Selene qui revient, les membres du camp et un p'tit jeune qui s'éloigne pour prendre une position tout à fait reconnaissable. "Ah ouais, j'avoue." Réajustant mon fusil dans mon dos, j'fais quelques pas pour me poster près du garçon, face à un beau buisson. "Hey, t'as de bonnes idées toi." j'le salue d'un regard bien remonté vers les yeux et m'occupe de mes affaires. Un long soupir de soulagement accompagne le ruisseau qui se perd dans les branchages. Ca, ça aurait bien malvenu en pleine action.

"Allez." On range le tout dans une légèreté bien gagnée, avant de revenir aux véhicules. Une petite tape encourageante sur l'épaule de mon compagnon de buisson, et j'rejoins la bagnole qui contient déjà Kaz et Selene. J'monte à l'arrière, guettant l'arrivée de Salem. J'pourrais dire une connerie pour détendre l'atmosphère, n'importe quoi, mais... J'crois que j'suis trop tendu pour ça.

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Je suis resté en retrait. Il ne faut pas chercher à s'imposer à tout prix ou à faire ses preuves quand les tâches qui se présentent ne sont pas taillées pour nous. Attendre son moment, le bon pour être utile. Économiser les forces en attendant et rester concentré. Le regard que se pose partout. Prêt à agir au besoin, tapi dans l'ombre. Jubilant pourtant lorsqu'un point peut-être coché de notre côté et admirant le courage et les capacités de certains. L'adrénaline a pris le pas sur les peurs et les doutes. Les émotions sauvagement contenues au fond du corps de l'empathe que je suis. Obligé de monter des barrières pour se protéger. Alors, je dois avoir l'air froid, concentré, calculateur même.

Mon regard glisse souvent vers Otis et Milow. Les surveillants encore plus que tout autres. Selene revient finalement vers nous et frappe dans ses mains pour attirer l'attention. Je tourne aussitôt la tête vers elle et cela tombe bien parce qu'elle s'adresse à moi. Je hoche la tête et me hisse derrière le volant. Un regard derrière moi pour m'assurer que tout le monde est en place.

Ok. Je suis prêt.

Je pose le pied sur l'accélérateur, près à démarrer dès que le passage sera possible.

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