Les murs se rapprochent… l’air est suffocant. Il n’y a aucune lumière. Je cours, mais il n’y a pas de sortie. Petit à petit, je me retrouve coincé. J’ai faim, terriblement. Je vais crever là tout simplement et…

J’ouvre les yeux, le souffle court. Je cherche une lumière à tâtons par réflexe à côté de moi, mais ne trouve rien. Ma vision s’habitue à la pénombre, et je me souviens que je suis dans la caravane de Farah. J’ai quitté l’infirmerie plus tôt dans la journée, parce que je suis chiant et parce que j’ai tanné Nolan, tout en promettant que je vais faire attention, me reposer, reprendre des forces. Je ne suis plus malade, même si je n’ai pas l’appétit que j’avais avant. Je suppose que cela va se remettre en place avec un peu de temps. J’ai perdu du poids, je ne sais pas à quel point d’ailleurs et je préfère ne pas savoir. Farah fera ce qu’il faut pour que je me tienne à carreau, je ne me fais pas de bile pour ça. Elle fait confiance à Nolan pour gérer son boulot et suivra à la lettre ses recommandations.

Tout se bouscule dans ma tête et je fais à peine attention à la jeune femme qui est réveillée par mon agitation inhabituelle. Je me lève à tâtons alors que la caravane semble trop petite et que je n’arrive pas à calmer mon souffle trop rapide. C’est ça une crise de panique ? Je verrais ça plus tard, pour le moment, je sens juste que je DOIS prendre l’air. Je me lève, vite, trop vite, ma tête tourne et je pose ma main sur le mur quelques secondes. Cette caravane est vraiment petite, alors qu’il ne me faut que quelques pas pour trouver la porte et sortir, afin de prendre de grande goulées d’air frais. D’air froid même. Je descends les quelques marches pour et pose mes mains sur mes genoux afin d’apaiser mes esprits.

Foutus cauchemars… Et foutu cerveau qui vient me faire paniquer au beau milieu de la nuit. Mais au moins, la brise nocturne me donne un coup de fouet et chasse les dernières volutes de rêve. Et c’est comme ça qu’on se retrouve comme un idiot en caleçon, au beau milieu de la nuit. Dépité, je m’assois lourdement sur les marches, pas prêt encore à rentrer. Ni vraiment à affronter Farah qui doit se demander ce que je trafique… Ça va passer… C’est encore tout frais et je ne suis pas remis totalement… Avec du temps, cela va aller, je ne vais pas me laisser guider par mes peurs et mes angoisses. Cela n’est jamais arrivé jusqu’ici alors… « Désolé, je t’ai réveillé. » Et pas de la meilleure des façons. Cette façon là, ce sera pour plus tard je pense… Farah aussi va devoir faire preuve de patience…

Je ne dormais jamais vraiment profondément. Enfin si lorsque Tom m'entourait de ses bras, mais là j'étais trop inquiètes pour me laisser totalement aller. Nolan avait autorisé Tom a quitter l'infirmerie mais ce n'était pas pour autant que je n'avais pas une liste longue comme le bras de précaution a prendre. Il ne fallait pas qu'il mange trop riche, pas trop léger, limiter les activités physiques ect..ect...ect... Cela dit, je n'étais pas non plus une maman poule, je le surveillerais du coin de l'oeil mais Tom était assez grand pour savoir quoi faire pour récupérer la forme non ? Il suffisait juste que je ne laisse pas en faire trop...le reste...

C'est un mouvement brusque qui me fit ouvrir les yeux. Il me fallut une ou deux secondes pour comprendre ce qui m'avait réveillée. Je tourne la tête vers Tom, assez vite pour le voir sortir du lit, vaciller et se précipiter dehors. Je fronce un peu les sourcils. « Tom ? » Je connais bien ce genre de réactions...Enfin en partie, pas totalement sans doute. J'ai envie de lui courir après pour m'assurer que tout va bien, mais je prends mon temps pour sortir du lit, enfiler un long t-shirt et une grosse chemise informe. Je prends le temps de faire réchauffer la chicorée préparée la veille. Une cuillère de miel en guise de sucre et ce sera bon. Je lui laisse le temps de se reprendre, après tout, Tom est fier et j'ai appris, au fil du temps, qu'il haïssait montrer ses faiblesses. Des faiblesses selon lui, personnellement, je ne le voyais pas de cette manière. J'observe un instant son dos, que je vois a travers la fenêtre de ma cuisine minuscule. La faible lueur de la bougie que j'ai allumé ne me permets pas de voir correctement mais le ciel est dégagé...Marrant comme l'absence de pollution a redonner au ciel nocturne sa clarté... Mais il doit faire froid.

Tasse fumante et plaid en laine a la main, je sors a mon tour. « C'est pas grave. Tiens. » Je lui tends la tasse avant d'étaler le plaid sur ses épaules. « Mmmh...Tu vas ravir mes voisines si certaines ne dorment pas. » Même amaigri, Tom restait foutrement sexy...Ou alors c'était moi qui ne pouvait m'empêcher de le voir comme ça...Peut être. Je m'installe a côté de lui, croisant les pans de mon épaisse chemise sur mon ventre avant de glisser ma main sous son bras et d'enlacer mes doigts aux siens. Je n'étais pas quelqu'un d'émotif ou d'expansif. Je crevais de curiosité, d'inquiétude aussi, mais je n'étais pas sûre ce que soit ce qu'il attende de moi. «  Tu veux en parler ? » Et j'espérais qu'il ne me dise pas non. Je savais respecter l'intimité des autres en général, mais là, je n'étais pas sûre de pouvoir le supporter. Et je n'avais pas l'habitude de prendre des pincettes...Ah...soupirais je intérieurement. Que devais je faire ?

Je l’entends et la sens même derrière moi, avant même qu’elle ne parle. C’est évident qu’elle ne va pas rester à l’intérieur. Qu’elle va ignorer cet épisode. A sa place, je ne l’aurais pas fait. Parce que cela traduit un problème chez l’être aimé et personne n’aime en être tenu éloigné, n’est-ce pas ? Je soupire… je ne sais pas ce que je veux… Rester seul ? Partager ça avec elle ? Ma fierté préférerait que Farah ne relève pas. Mais tout le reste de mon être a besoin de sa présence en fait. De pouvoir partager mon mal être au lieu de l’enfouir en moi. Je l’ai déjà fait. Pendant 30 ans, j’ai tout gardé pour moi, j’ai enfermé cela dans un coffre et jeté la clé. Mais je n’y arrive plus. Cette fois, c’est trop gros pour être mis sous clé. Cela déborde.

Je lève la tête vers elle, qui s’est rhabillée et qui a pris de quoi affronter la froideur nocturne. Toujours posée et pragmatique. J’ai besoin de quelqu’un comme ça. Je me saisis de la tasse et l’entoure de mes mains qui commencent à refroidir, tout en sentant le poids du plaid sur mes épaules nues. Et j’ai un rire silencieux quand elle reprend que je vais ravir ses voisines en étant si peu habillé. « Cela m’étonnerait. » Il y a 3 semaines, probablement. Là… il y a du boulot. Je m’en suis bien rendu compte. Il faut reprendre du poids. Dans ma tête, je sais exactement quoi faire. Mais je dois ronger mon frein avant de retrouver la forme. Faut être patient. Et c’est chiant.

Farah s’installe tranquillement à côté de moi et m’enlace. Je lève le visage vers le ciel, observant les étoiles. Je ne pensais pas que cette vue pourrait me manquer à ce point. Ni que je pouvais flipper à ce point d’être privé de cette vue. De développer une terreur à être enfermer dans un endroit étroit. C’est sans doute un syndrome post traumatique minime, cela va s’estomper avec le temps, c’est seulement encore frais dans mon esprit. Elle me demande si je veux en parler et je ne réponds pas tout de suite… Je ne sais pas vraiment… Je n’ai pas envie de me plaindre. Je ne suis pas le seul à avoir vécu ça. Je me demande à quel point cela a affecté les autres. Ou si ce n’est que moi qui me fais une montagne de pas grand-chose, comme si je n’avais jamais rien vécu de grave avant ça. J’en ai vécu, mais jamais qui atteigne autant mon intégrité physique et morale en même temps. Et c’est là que je me rends compte que ma « force » n’est que de la poudre aux yeux. Eh quoi ? Un écueil et je me recroqueville dans un coin ? « Je ne sais même pas par quoi commencer… C’est stupide. C’est fini mais… Mon esprit n’arrête pas de me renvoyer là bas. Et de tout amplifier, à n’importe quel moment. Je n’ai jamais connu ça… Cette angoisse, cette panique. C’est l’enfermement qui m’a le plus marqué. Même si la faim et la soif… J’avais eu la chance jusqu’à maintenant de ne jamais dépassé une certaine limite mais là… » Je ferme les yeux et soupire lourdement. « Je me rend compte qu’en fait, il ne faut pas grand-chose pour que je m’effondre… »

J'eus un petit rire silencieux, enfin pas assez pour ne pas lui parvenir aux oreilles. Oui, il avait maigrit, drastiquement même, mais il demeurait très attirant a mes yeux. Je ne répondis pas avant de m'installer a ses côtés, emmêlant simplement mes doigts autour des siens, même si j'aurais aimé l'entourer totalement dans mes bras. Je ne voulais pas qu'il confonde mon affection avec quelque chose d'autre, comme la pitié ou je ne sais quoi, ce n'était pas ce que je ressentais mais bon.

Je l'enjoins a me parler et lorsque seul le silence me répondit, je rongeais mon frein. C'était son droit, c'était vexant mais il en avait le droit. De ne rien me dire. Et puis finalement, il ouvre de nouveau la bouche, s'attirant toute mon attention. J'écoute sans rien dire et je comprends d'une certaine manière. « Tom...Tu ne t’effondre pas. Je me doute que ça ne soit pas facile et, a mon avis, tu feras encore des cauchemars. Qui n'en fait pas en même temps ? Il est fini le temps où un simple ongle cassé donnait des cheveux blancs a la bimbo du coin tu ne crois pas ? Tu as traversé bien plus, ce n'est pas la première épreuve que tu traverse, peut être l'une des plus terrifiante sans doute, mais pas la première. »  Je posai ma tête sur son épaule. « Il faut du temps pour oublier, j'en sais quelque chose, ça ne veut pas dire que tu es faible ou fragile, loin de là, il faut bien une soupape de sécurité quelque part. On reste humain malgré tout, mais je me dis qu'il n'y a rien d'insurmontable.» Enfin si, il existait sans doute quelque chose que personne ne pouvait surmonter.

Je souris légèrement. « Si tu veux, on peut dormir la fenêtre ouverte si tu as l'impression d'étouffer. » Je ne sais pas si ce serait suffisant cela dit. Je n'avais pas eu de tel traumatisme, moi ça c'était traduit différemment, mais je n'avais pas vécu la même chose. Comment aurais je réagis ? Je n'en avais aucune idée et, honnêtement, je ne voulais pas tenter l'expérience.  « Tom, est ce que tu doute de toi ? Moi ça m'arrive tout le temps. » De douter de ma force, de mes compétences, de ma capacité de survie. Comme avant je doutais parfois de mon talent, de mes décisions, de beaucoup de choses, sauf qu'avant, une mauvaise décision n’entraînait pas la mort. «  Si tu flanche, Nolan, Cassy et moi, seront là. Tu n'as pas toujours besoin de te montrer fort tout le temps, tu sais. »

J’écoute Farah. Je demeure silencieux alors que j’essaie de m’imprégner de ses paroles, de sa tranquille assurance. Je sais que je suis celui que me juge le plus durement. Que Nolan, Cassidy, ou Farah, sont bien plus indulgents envers moi, que moi-même. Mais je pense que nous sommes tous un peu pareil. A exiger davantage de nous-mêmes que des autres. Mes doigts serrent les siens, alors que je porte la chicorée à mes lèvres, songeur. Doucement, mon rythme cardiaque redevient normal, s’apaise. Farah a toujours cet effet sur moi. C’est un baume lénifiant sur des plaies à vif. Des plaies dont je n’ai pas toujours conscience d’ailleurs. Sa tête vient se poser sur mon épaule et elle peut sentir mes doigts se crisper quand elle parle du temps pour oublier. Je lui ai déjà dit, je l’admire. J’admire qu’elle ai pu se relever après ce qu’elle a vécu. Elle n’en a pas conscience, mais elle a une force intérieure incroyable. Qu’importe que ce soit la rage de vivre simplement. « Ce qui parait insurmontable pour quelqu’un ne le sera pas pour un autre… Chacun a ses limites… Je pense encore que beaucoup de femmes auraient été détruites à ta place… Et tu t’es relevée seule. Moi, je vous ai. » Je porte sa main à mes lèvres et l’embrasse avec tendresse. « Rien que pour ça, je ne peux pas sombrer. » Pour être digne d’elle, tout simplement.

Je secoue négativement la tête quand elle propose de dormir la fenêtre ouverte. « Ce serait stupide de choper la crève à cause de mes peurs ridicules. » Elle n’a pas à supporter ça. Je reprends, plus malicieux : « Ou c’est une habile façon de chercher de la chaleur ? » Cela fait du bien de pouvoir plaisanter un peu. De reprendre une vie normale. Cependant, l’éclat malicieux dans mon regard disparait à sa question et se voile alors que je réfléchis, soudain plus absent. Est-ce que je doute de moi ? Désormais oui. Je suis doué pour rejeter mes doutes, pour ne pas m’attarder dessus, ne pas trop y réfléchir. « Tout le temps… Mais je n’y prêtais pas attention jusqu’à récemment… » Je finis de boire et pose la tasse derrière moi, avant de simplement lever le bras pour attirer Farah sous le plaid et la serrer davantage contre moi. Franchement, ce serait romantique comme situation, si ce n’était pas un cauchemar sordide qui m’avait amené dehors et l’inquiétude qui avait forcé Farah à me suivre… Enroulés dans un plaid tous les deux, seuls, avec les étoiles pour seules témoins… « Éternel débat… Je sais. Ils me l’ont suffisamment suriné, mais… c’est comme ça. Honnêtement, je déteste cette situation. Je déteste d’avoir été inutile si longtemps, de l’être encore. J’ai honte d’avoir été malade comme ça et si… vulnérable. Je… J’ai pas l’habitude de m’épancher… De dire ce qui ne va pas. C’est nouveau et c’est… difficile. » Je bute sur certains mots. « Et je sais pourtant que vous n’attendez que ça de prendre soin de moi. »

Tom m'a toujours dit que j'avais été assez forte, assez pour susciter son admiration. En vérité, je ne sais pas. Je savais juste une chose, c'était que je n'avais pas le choix. Ca et la colère. Immense. « Je ne sais pas. La colère a été longtemps mon moteur, pour toi, c'est différent, tu n'as pas...comment dire, d'ennemis identifiés si tu vois ce que je veux dire. Je crois que, quelque part, c'est pire. » je souris un peu a son baiser, ma peau se réchauffant pile a cet endroit. « Tu ne sombreras pas, même si tu es persuadé du contraire. » Ca j'en étais certaine. Tom avait assez de ressource, comme ce foutu enthousiasme qui m'irritait parfois, pour se relever. Il y aurait sans doute encore d'autre nuit comme celle ci mais je savais qu'il tiendrait bon...Et si il trébuchait, on serait là. Tout simplement.

Je penche un peu la tête lorsqu'il secoue la sienne. « Ce n'est pas une peur ridicule Tom. » avant que je ne souris un peu plus franchement. « Mince, démasquée ! » Et je reprends mon sérieux. « Il n'empêche que si ça peut te soulager, ça ne me dérange pas. » Et puis oui, j'aurais une bonne excuse pour me serrer contre lui...Quoique, avais je vraiment besoin d'excuse en fait ? Et puis, je pose une question qui semble trouver un écho en lui et qui me fait un peu sourire. Pas avec moquerie loin de là, mais... « Avoue, tu n'as jamais douté de toi hein ? L'ado débordant de confiance en lui. » Bon là, je me moquais un peu, parce qu'il n'avait jamais été arrogant. Je me cale contre lui, profitant de la chaleur de sous le plaid et qui émanait de lui aussi. « Bon, je te taquine, mais ce que je veux dire, c'est que nous ne sommes pas des dieux et qu'on peut supporter qu'un poids définis de responsabilités. » Je lève un instant la tête pour le regarder. « Le dire est facile sans doute et je crois qu'on a tous ce réflexe a la con, même moi, je n'aime pas dépendre des autres...Pour autant, c'est se surestimer de penser qu'on a besoin de personne. » Je fais une petite moue avant de me hisser un peu pour embrasser le creux de son cou. « Cela dit, je ne te maternerait pas pour autant, je suis pas douée pour ça. »

Je lève les yeux sur le ciel, je me sentais bien là. C'était presque méchant pour Tom pour le coup.  « Je compte sur toi pour savoir t'arrêter, interdiction de jouer au héro, je n'ai pas envie que Nolan me passe un savon. » repris je avec du rire dans la voix, tentant comme je le pouvais de chasser les restes du cauchemar qui l'avait réveillé.

Ma mâchoire se contracte un instant tellement je serre les dents alors qu’elle me rétorque que je n’ai pas d’ennemis identifiés. « Tu crois ? » Mon ton est plus ironique que je ne l’aurais voulu. « Je peux très bien les identifier. Albert. Vivian. Roman. » Ces trois salopards nous avaient jeté là dedans sans sourciller. Peut-être ont-ils été un peu nerveux, mais ils n’ont pas éprouvé de remords. Ils ne sont pas revenus nous chercher, ils n’ont pas indiqué aux autres que nous étions encore vivants. Ces lâches nous ont livré à notre sort, sans même aller jusqu’au bout et vraiment se débarrasser de nous. Savaient-ils que nous étions condamnés ? Est-ce qu’ils n’avaient pas prévu un retour de notre part ? Et si tel avait été le cas, nous auraient-ils finalement abattu sans sommation, alors que le camp aurait été à eux ? C’est bon que ceux restés ont réussi à désamorcer la révolte… Quelque part… je suis déçu. Qu’Albert et Vivan soient morts. J’ai l’impression qu’on m’a arraché le droit de faire justice. Que la mort était trop douce. Je peux ajouter Marlon dans ma liste, c’est la tête pensante.

Je tente de me détendre, de détendre mes épaules. J’embrasse la main de Farah, tandis qu’elle m’assure que je ne sombrerais pas. Je vais tout faire pour ça. Comme déjà dit, cette fois, j’ai vraiment besoin que mon optimisme revienne au galop et me soulève pour sortir de cet état. Mais cette nuit… on dirait que je suis davantage dans la complainte. Et que je livre ce que j’ai sur le cœur et dans la tête à ma compagne. Je ne réponds rien quand elle me dit que ce n’est pas ridicule, préférant m’attarder sur la note plus taquine. « Tu ne peux rien me cacher. » Je marque une pause et reprends plus bas : « Je ne pense pas que ça changera grand-chose. Je vais te prendre en doudou, ce sera plus efficace. » Je finis sur une note plus gaie. Et quel doudou !

Concernant mes doutes, je réfléchis et essaies de lui dire la vérité. J’ai un air surpris quand elle me rétorque que je n’ai jamais douté de moi plus jeune. Et… Je dois reconnaître que mon adolescence a été cool. Je n’ai pas traversé de crise existentielle. Je n’ai pas été mis de côté, au contraire. Et quand tu es populaire, quand le monde entier est ton ami (ou presque), c’est plus facile d’être sûr de soi, même si je n’ai jamais couru après l’avis des autres. Vraiment ? Alors pourquoi ce besoin maladif d’être toujours fort ? Bonne question. Je gratte ma barbe de quelques jours, songeur. « Pas jusqu’à l’âge adulte en tous cas, c’est vrai. » Après, il y a eu Cassidy. Les doutes ont commencé à s’installer par la suite, une fois adulte.

« Je n’ai jamais pensé avoir besoin de personne en fait… » Ce n’est pas ça. Juste… « J’ai besoin qu’on ai besoin de moi. Je crois. » C’est davantage ça. J’aime qu’on se repose sur moi. Cela me donne de l’importance. Ce constat est pathétique non ? Ou égocentrique. Pas très glorieux en tous les cas. Je frissonne sous son baiser et souris. « Ne t’inquiète pas, tu n’es pas prête d’être une figure maternelle à mes yeux… Ce serait moche un peu non ? » Je ris un peu et ajoute : « Il y a bien une chose à laquelle je pense et pour laquelle tu es douée… Entre autre. Et j’aime bien cette thérapie là. » Je pose ma tête contre celle de Farah alors qu’elle me sermonne gentiment. « Bien chef. Tu sais que c’est excitant le petit côté autoritaire ? »