Je retins un soupir laissant couler l'ironie mordante dont il faisait preuve dans l'instant. « Ce n'est pas d'eux dont tu rêve Tom. » C'était de cet ennemi là dont je parlais. C'était ce qui le différenciait de moi. Durant longtemps j'avais rêvé de ce visage. Dans les bons moments, c'était son faciès déformé par la surprise et la douleur...Dans les mauvais...Enfin bref. Lui, j'avais le sentiment que c'était plus...abstrait...Je ne savais pas ce que ça faisait de passer une semaine sous terre sans savoir si on retrouverait la lumière du dehors. Non je ne savais pas, mais il y a une chose dont je suis sûre, c'est que je n'aimerais pas. Vraiment pas. Cette sensation d'emprisonnement...Je réprime un frisson.

Entonnement, la conversation prend un tour plus léger. Je ne sais pas lequel de nous deux avait cherché a alléger l'atmosphère. Les deux sans doute. « Ou je te laisse voir ce que je veux ? » Je fis une petite moue adorable et emplie de moquerie. Oui bon, en même temps, je ne lui cachais pas le plaisir sur j'avais a le savoir prêt de moi, même simplement a porté de vue. « Tu sais que j'ai l'image du doudou lapin effiloché de mon frère là ? Je ne sais pas si je dois me sentir vexée ou pas. » Mais je comprenais. Après tout, il avait aussi été mon doudou, d'une certaine façon, il y a quelque temps.

Quand il évoque ses doutes récents, je le picote un peu, ce n'était pas méchant mais c'était un fait. Je ne crois pas qu'il ai jamais douté de ses compétences ou de ces décisions. Enfin si en grandissant forcément, mais le constater et le comprendre était une chose difficile a accepter parfois. Enfin je crois, c'était plutôt compliqué en réalité. Tom n'était pas aussi simple qu'il voulait bien le faire croire la plupart du temps mais ça, il fallait le connaître depuis un moment pour le discerner. « C'est pas un défaut tu sais. » répondis je avant de lui baiser doucement le cou. « Et si tu veux tout savoir, moi j'ai besoin de toi pour plein de choses. » Je glisse dans ma voix un petit quelque chose de rauque même si dans l'absolu, il n'y avait pas que dans un lit que j'avais besoin de lui. Et c'était un besoin que j'avais eu du mal a accepter. Vraiment. « Complètement. » affirmais je en hochant légèrement la tête, un sourire amusé aux lèvres. « mmmh...Serait ce des avances monsieur Carrera ? » Et ce n'était absolument pas pour me déplaire, loin de là.

J’ai un blanc à sa réponse… Effectivement, ces trois là n’apparaissent pas dans mes songes. Ce sont les coupables, mais ce n’est pas ça qui me terrifie. C’est la suite. Je ne sais pas si détruire les coupables changerait quoique ce soit, mais à l’heure actuelle, j’ai la haine contre eux. Si je les avais eu sous les mains, je les aurais frappé jusqu’à l’épuisement. Ce qui, au vu de mon état au retour du camp, n’aurait pas duré longtemps et ça aurait été bien dommage. Mais j’ai l’impression qu’il manque quelque chose. Je ne suis pas d’un naturel violent, même si je n’hésite pas pour les autres. Au collège, ou au lycée, je n’étais pas réputé bagarreur, mais en général, on évitait de me chercher, parce que je frappais fort. Mais cette fois, ce n’est pas pour les autres que je veux corriger les coupables. Pas que pour les autres. C’est aussi pour moi. Et cela me déroute… J’ai encore des valeurs malgré tout ce qui est arrivé… ou j’en avais. La vengeance n’en a jamais fait partie. Jusqu’à maintenant.

Du coup, comment fuir ces rêves ? Ouvrir la fenêtre ? Non, ce ne sera pas suffisant. Je préfère ne pas l’inquiéter davantage à ce sujet et plaisante un peu sur nous deux. « Peut-être. Jouerais-tu avec moi ? » Mon regard se pose sur ses lèvres alors qu’elle fait la moue. Mais sa réflexion au doudou me fait rire spontanément. « Alors non. Tu es un doudou très sexy et tu n’es qu’à moi. » Je resserre mon étreinte pour ponctuer cette affirmation un brin possessive. Mais elle a compris le principe. Elle est la personne à laquelle me raccrocher quand la peur me prend au dépourvu, quand l’angoisse me tombe dessus sans prévenir. Aurait-elle préféré le terme de bouée ? Je n’en suis pas sûr.

Quant à mes doutes… je réponds le plus honnêtement possible sur tout ça. Ce n’est pas facile, cela souligne des défauts et des failles, que j’ai toujours soigneusement évité d’approfondir. Je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment pour faire de la psychanalyse d’ailleurs. Mon psychisme n’est pas loin de l’effondrement là. Je me tends un peu à son baiser… Le moment, bien qu’empli de gravité, est doux… Et menace de virer à quelque chose de moins… innocent. Surtout avec ces petits sous entendus susurrés avec cette voix là. Je tourne un peu la tête pour dégager les cheveux de son cou, lui baiser à mon tour et murmurer à son oreille : « Cela y ressemble bien Mademoiselle Wilson. Y répondez-vous favorablement ? »

Je ne pensais pas que de ces cauchemars, de cette fuite en dehors, la discussion pourrait virer en quelque chose de plus plaisant et même sexuel. Il faut avouer que je n’ai pas vraiment eu la tête à ça ces derniers temps et surtout, je n’avais pas la forme pour ça. C’est ma première nuit loin de la clinique, je suis censé me reposer, mais voilà… Mon esprit, lui, ne me laisse pas en paix. Il n’y a pas de remèdes contre les souvenirs ou les cauchemars… Quoique, en jetant un regard à la jolie blonde à mes côtés, je me dis qu’il y a moyen de les chasser. Je ne suis pas certain que le Docteur Nolan Wilson ai songé à prescrire cela à ma sortie. On ne lui dira rien. Mais mon esprit s’est apaisé avec cette conversation posée et sans jugement. Et je retrouve un peu d’allant alors que la conversation se fait plus sulfureuse et pleine de sous entendus. Elle ne s’offusque pas que je la qualifie de sexy et surtout que je la revendique comme mienne. Je crois même que cela lui fait plaisir. Nous sommes, l’un et l’autre, assez avares de petits mots tendres. Pourtant, ce serait une erreur de croire qu’il n’y a que du sexe ou de l’envie entre nous. C’est bien plus profond.

Mon regard s’allume, peut-être pour la première fois depuis ces terribles évènements. Une étincelle de vie et d’envie, alors qu’elle joue contre ma bouche. « En effet. Mais j’aime bien t’entendre le dire. » Ma main caresse le velouté de sa joue alors que je m’empare de ses lèvres, avec douceur. Je n’ai pas une faim brutale d’elle, pas comme lors de nos premières étreintes, alors que mon corps grondait de frustration. J’ai besoin de davantage de tendresse. Probablement de me retrouver dans un cocon apaisant, de m’abreuver à sa lumière, après tant de temps dans les ténèbres. « Hum, loin de moi l’idée d’être rabat-joie, mais je ne crois pas que ce soit pertinent de faire ça ici… » Elle qui craignait déjà qu’une voisine se rince l’œil, qu’est-ce que ce serait là. Et puis, les températures ne s’y prêtent pas. Je ne sais même pas si je suis en capacité de vraiment aller jusqu’au bout. Je me sens mieux, bien sûr, mais pas non plus au top de ma forme. Cela dit, il n’y a qu’une façon de le savoir… Et si, il y a un mois, je me serais levé et l’aurais portée sans soucis, cette fois, je vais m’abstenir, au risque de paraître ridicule. Je soupire contre son cou, et murmure finalement, sans plus aucune trace d’humour : « Je ne te le dis pas souvent… Mais je t’aime, Farah. Et après ce qu’il s’est passé… J’ai regretté de ne pas l’avoir dit. »

Il faudrait du temps. Je le savais. Lui aussi sans doute. A vrai dire, je ne savais pas vraiment comment le soulager de ses angoisses ou même de ses terreurs, ce sentiment d'inutilité avait quelque chose d'amer, mais je n'étais pas quelqu'un qui se laissait gagner par ce genre d'arôme, loin de là.  Je trouverais c'était tout. En attendant, le tour que prend la conversation est plus plaisant, plus...tendancieux aussi. Je ne vais pas dire qu'il ne m'a pas manqué, ce serait mentir mais lui comme moi avions eu autre chose en tête et surtout, je songeais a son état de santé... Mais allez le faire comprendre a notre cerveau qui se mettait en mode sexe ? Mais même si j'entrais dans son jeu,  ou peut être qu'il entrait dans le mien, cela ramenait un peu de lumière dans ses yeux.

Sa passion était intacte, je la sentais sur ses lèvres ou dans sa façon bien a lui de s'approprier les miennes, me laissant avec autant de promesses que de frissons, mais il y avait aussi une touche de tendresse et un besoin de douceur certain. « Mmh....Rabat joie ? Prudent je dirais, tu n'aimerais pas ce que je ferais a mes voisines si elles repoussaient leur rideaux. » fis je avec un demi sourire amusé. Bon et puis, lui comme moi n'étions pas forcément adepte de l'exhibitionnisme. Et il faisait froid. Bref, nous n'étions pas prêt de rouler dans l'herbe a la lumière de la lune.  Je laissai mes doigts errer sur ses cheveux un peu trop long maintenant tandis qu'il nichait son visage contre ma nuque.

Sa voix roula sur ma peau, les mots égrainaient une chaleur diffuse qui vint se lover directement au creux de ma poitrine. Je n'étais jamais très a l'aise pour exprimer ce que je ressentais, c'était ironique lorsque l'on savait que je ne mâchais jamais mes mots et ne tournai jamais autour du pot. Je ne sais pas si c'était de la pudeur ou une étrange timidité, avant on me taxait d'arrogance ou de snobisme alors que ce n'était juste que de la réserve. L'entendre me dire qu'il m'aimait était aussi merveilleux qu'intimidant quelque part. Mes doigts marquèrent un temps d'arrêt et un sourire involontaire nagea sur mes lèvres.  « Tu as le chic pour me toucher sans que je ne m'y attende. » commençais je avec un léger rire dans la voix. Un rire heureux. Oui, c'était ça. « Viens. » ajoutais je en me relevant, attrapant sa main pour l’entraîner a ma suite jusqu'à ma chambre.  Je le débarrassai du plaid pour le pousser sur le lit avec un sourire entendu, puis je lui grimpai dessus avant de pousser un léger soupir en accrochant son regard. Mes paumes glissèrent sur ses joues et mes pouces effleurèrent sa lèvre. « J'ai traversé l'enfer quand j'ai cru t'avoir perdu. »  Et j'avais été a deux doigts d'ôter une vie pour ça. « Je te demanderais bien de ne plus jamais recommencer mais ce serait demander l'impossible » on ne vivait pas une vie normale, certain d'entre nous risquait leur vie tous les jours pour ne serait ce que nous ramener de quoi manger ou nous servir.  Puis je déposai un sourire sur ses lèvres. « oh, et je t'aime aussi. »

Si ce genre de cauchemar m’a cueilli plus d’une fois depuis que nous sommes revenus à Fort Nisqually, il n’y avait pas de remède miracle à l’infirmerie et j’ai bien souvent étouffé mes angoisses, me raisonnant simplement et calment les battements erratiques de mon cœur et mon souffle trop saccadé. C’est ainsi qu’on chasse les cauchemars. Et il n’y a personne pour le faire pour moi. Et pourtant… Cette nuit, Farah est à mes côtés, contrairement aux nuits précédentes. Je n’ai pas à faire semblant que tout va bien. Même si aucun d’eux n’est dupe et si je ne leur ai pas assuré que c’était le cas, j’ai tout de même fait preuve d’une certaine retenue tout ce temps, hormis quelques moments de faiblesse. Mais là… Nous sommes seuls. La présence de Farah est réconfortante. Et la jeune femme terriblement attirante… En fait, quand on frôle la mort, on se raccroche à la vie. Et sa présence me rappelle que je le suis. Mon désir s’éveille par quelques regards et gestes de séduction.

C’est plus facile de s’oublier avec elle. En elle. Mais dehors, ce n’est quand même pas terrible, la nuit est froide et des regards indiscrets peuvent traîner. J’ai un rire contenu quand elle ajoute que c’est juste prudent alors qu’elle pourrait se montrer violente avec les autres femmes qui oseraient regarder. Parce que ma garde est baissée, parce que je suis bien en cet instant, parce que je ne désire plus de regrets, je soupire contre elle et lui avoue être amoureux d’elle. Je ne sais même plus si je lui ai déjà dit aussi simplement, sans fioritures, sans utiliser des synonymes. Peut-être… pour moi, c’est évident, mais… il paraît que je ne dis pas assez ce que je pense ou ressens alors… C’est fait. Et c’est facile en fait. Davantage que je ne le pensais. Je ne suis pas du genre à lui dire en boucle et à n’importe quel moment, j’aurais l’impression que cela perdrait son sens… Je sens ses doigts cesser leur mouvement apaisant contre ma nuque, saisie.

Durant un instant, j’ai une angoisse la concernant, concernant la façon dont elle va recevoir cette confession, mais cela s’évapore tout aussi rapidement, alors qu’elle laisse échapper un rire joyeux et se relève, tout en m’emmenant avec elle. Je referme la porte de la caravane, ma crise de panique passée. Intrigué, je la laisse prendre les commandes et mes mollets butent contre le lit, tandis que je m’assois, sous son geste impérieux. Cela me plait. Mon regard pétille d’anticipation contenue. Elle me chevauche, me domine cette fois, et pourtant ses mots sont incroyablement doux… vulnérables. « Je sais… Je ferai mon possible. Je n’ai pas envie d’y rester… Même si ce monde semble sans espoir, sans avenir, j’ai envie de construire quelque chose avec toi. » Un sourire ravi fleurit alors qu’elle dit m’aimer aussi. « Tu me le prouves ? » Je me fais plus malicieux, alors que je lui retire sa chemise.

C'est vrai, lui demander de ne plus prendre de risques était un vœux pieu. Il ferait comme moi, il sortirait, il chasserait, il garderait le camp en sécurité, même si il fallait risquer sa vie en le faisant. Le temps de la tranquillité avait disparu depuis 5 ans. Juchée sur lui, je savourais sa présence après quelques semaines d'enfer entre sa disparition, sa soit disant mort et sa maladie. J'avais déjà eu peur, une multitude de fois, mais c'était bien la première fois que j'avais expérimenté ce genre de terreur et ça faisait mal, vraiment très mal.

Et mon cœur s'emballe tandis qu'il me rassure, il ne me fera pas de promesse qu'il ne pourra pas tenir, je le sais et je ne le lui demande pas, ce serait totalement irresponsable et idiot. Qu'il ressente l'envie de bâtir quelque chose avec moi me rend presque euphorique, s'en était presque incongru vu la situation...ou pas justement. Difficile a dire et qu'importe en réalité. Ce qui comptait, c'était lui, vivant et avec moi, le reste...On pourrait toujours s'en occuper demain non ? La suite de ses mots allumèrent une lueur de désir dans mes iris, je pouvais la sentir brûler délicatement dans leur cœur et un sourire ourla mes lèvres tandis que ma chemise glissait sur mes épaules. En dessous, je n'avais qu'une simple brassière et, durant une demie seconde, je regrettais mon tiroir remplit de dentelles et de tissus aussi doux que la soie. Tant pis, songeais je en m'en débarrassant à la suite de la chemise. L'air froid me fit frissonner mais je n'avais qu'a plonger dans les bras de Tom pour que sa chaleur le chasse.

J'observais un instant ses traits émaciés, encore un peu tirés, il lui faudrait sans doute du temps pour récupérer, encore plus si des cauchemars venaient pourrir ses nuits. Cela dit... Je pouvais m'occuper de ses nuits, songeais je en glissant mes paumes sous son t-shirt, ne me lassant pas de sentir sa peau sous elles. Je repoussai le tissus toujours plus loin pour le dévoiler dans la pénombre. Le bout de mes doigts rencontra le renflement très léger de quelques cicatrices, certaines datant d'avant l'apocalypse, d'autres plus récentes, elles étaient presque invisibles et j'en portais sans doute aussi mon comptant. « C'est si gentiment demandé. » me moquais je un peu en déposant mes lèvres dans le creux de sa clavicule avant de laisser glisser la pointe d'une langue mutine sur l'arrondi d'un muscle. Je crois que je n'aurais jamais assez de temps pour le découvrir et le redécouvrir, je ne pourrais pas m'en lasser et ce constat était aussi terrifiant qu'absolument délicieux réalisais je en redessinant les contours de son ventre de la langue. Oui, absolument délicieux.