Etrangement ça ne m’étonne pas, dit-il avec un sourire. Il sait bien que ce dernier n’est pas particulièrement fan du sport, mais s’il veut avoir un petit peu plus d’aptitudes que simplement être en bonne santé, il n’a pas trop le choix. Non, je fais attention quand même. Il sait bien qu’il ne doit pas forcer sur son bras, mais constater le fait qu’il n’est plus exactement à son niveau habituel a tendance à l’agacer.

Et ça ne loupe pas encore aujourd’hui: même s’il tient le coup jusqu’au bout, il n’est tout pas capable de faire l’exercice impeccablement. Il ressent d’ailleurs une légère douleur vers la fin, le faisant froncer des sourcils. Tu veux dire, pourquoi être devenu un agent du FBI ? Il reste silencieux un instant. Par pure vocation, je dirais. C’était un métier qu’il a toujours voulu faire, et ce depuis son enfance: certes à un aussi jeune âge, il idéalisait beaucoup… Mais même en grandissant, cela n’avait pas vraiment changé.

Et pour participer à la protection des citoyens, ainsi qu’au respect des lois du pays. Pure ironie, quand on sait que New Eden piétine sans aucune gêne une grande majorité de ces mêmes lois, qui semblent avoir été bien rapidement oubliées… Mais il n'est pas franchement bien placé pour émettre la moindre remarque là-dessus, vu qu'il les piétine lui aussi allégrement depuis qu'il a rejoint la milice, même s'il n'est pas vraiment d'accord avec tout ça. Puis les horaires de bureau, ça ne m’a jamais intéressé. Être appelé à n’importe quelle heure de la journée ne lui avait jamais posé problème: il se donnait entièrement à son travail, si bien que le reste… avait tendance à passer au second plan. Y compris sa famille.

Spoiler:

Je profite un peu du sport pour pouvoir passer du temps avec Elijah et avoir aussi des informations sur lui. Parce que ça me fait plaisir de toujours apprendre un peu plus à le connaître. S’il est un peu un père de substitution pour moi, il est en tout point différent des membres de ma famille. Si je sais beaucoup de chose sur Elijah, c’est aussi grâce à Mia qui ne rechigne jamais à parler d’Elijah avec une pointe de fierté dans la voie. Je hoche la tête lorsqu’il me répète ma question avec un détail en plus.

- Par vocation ? Je veux dire, tu aurais pu être simplement dans la police. Pourquoi spécifiquement le FBI.

Je trouve ça cool, de mon côté. Qu’il est trouvé son chemin rapidement. J’ai un peu tâtonné de mon côté. Mais il est vrai que ça a toujours tournés autour de la boulangerie, la pâtisserie, la cuisine de manière générale même si je n’irai jamais dire que je suis un cuisinier hors pairs. Sourire aux lèvres, j’écoute Elijah s’expliquer un peu. Il a la tête sur les épaules, c’est une bonne chose. Je n’ai jamais vraiment parlé de ma vision des choses sur NE à Elijah. Pas forcément par manque de confiance parce que, très clairement, il a ma confiance à 100%. Mais je ne veux pas l’inquiéter et je veux probablement le protéger des quelques répercutions que mes idées peuvent avoir. Même Mia n’est pas plus au courant que ça. S’ils savent qu’NE n’est pas porté dans mon cœur, ça ne va pas plus loin.

- Je ne doute pas que tu devais être un agent génial.

Mais je dois avouer que je ne pourrais pas faire ça. J’aime bien avoir des horaires fixes. Parce que je ne veux pas être appelé à toutes heures. J’aurai l’impression de louper beaucoup de chose dans ma vie. Ce que je ne dirais pas forcément à Elijah. C’est un plan de carrière et je respecte à 100%.

- Mes parents étaient pompiers, tous les deux. Ils pouvaient être appelés à tout moment. Ce qui rendait difficile la vie de famille par moment. J’avais mes frères pour pouvoir jouer les parents de substitues quand j’étais plus jeune. Je leur en voulais un peu d’avoir été plus présent pour eux que moi avant. Et puis, en grandissant, je me suis rendu compte que c’était pour faire le bien autour d’eux. Comme toi, de ton côté.

Je repose les yeux sur Elijah, un sourire un peu factice sur le visage. Je hausse les épaules avec douceur avant d’ajouter.

- Quoi qu’il en soit, je suis sûr que c’est un travail difficile mais que tu étais un bon élément.

Parce que la police et le FBI étaient deux choses très différentes. Déjà parce que chaque les agents étaient compétents sur la totalité du territoire, contrairement aux policiers qui ne l’étaient que dans un seul état: le leur. Elijah l’explique un peu à Evan, sans trop rentrer dans les détails. Et puis, c’était plus prestigieux, ajoute-t-il avec un rire. Il ne cache pas son côté élitiste, car il s’agissait bel et bien de la réalité: comparé à la police, le FBI avait une réputation bien plus prestigieuse.

Je ne sais pas si génial est le mot approprié, mais en tout cas, je faisais mon boulot. Et il se donnait toujours à fond, sans compter les heures supplémentaires et l’épuisement. Oh, je vois. C’est un beau métier, pompier. Il le laisse ensuite reprendre son récit, et… soudainement, il sent légèrement moins à l’aise. Clairement, Evan est en train d’évoquer un sujet pour le moins compliqué, une évocation de sa propre vie… et des nombreuses erreurs qu’il a commises. Tu leur en as voulu longtemps ?

Cependant, il l’écoute jusqu’au bout, sans l’interrompre une seule fois. Oui… Je vivais pour mon travail. Il a d’ailleurs gardé cette tendance à se noyer dedans, pour éviter tout le reste. C’est ça manière à lui de fuir, tout simplement. Le reste était une succession d’échecs, à côté. Que ce soit avec sa famille, son ex-femme ou ses enfants… Puis l’instabilité de ses relations, hormis celles étant purement amicales. Rien ne semblait aller, en dehors de ça: mais au moins, il lui restait son travail. Aujourd’hui, peut-on dire qu'il fait encore le bien, en étant milicien ? Mh non, pas vraiment. Mais pas le choix non plus. Il a un sourire sans joie, en réponse à celui d'Evan: puis il soupire, tandis que son regard semble se perdre dans le vague...

Je vois bien qu’Elijah était heureux de son travail. Prestige, capacité d’agir sur plusieurs territoires. Non, je pense qu’Elijah devait être un bon élément. Je ne sais pas pourquoi je m’attarde sur le métier de mes parents. J’en parle peu. Pas forcément à tout le monde non plus. C’est encore un sujet à vif quand il date pourtant de quelques années. Lorsqu’il me pose la question, je hoche la tête avec lenteur.

- Jusqu’à ce que je ne puisse plus les voir par la force des choses… C’est bête de se rendre compte de tout ça quand tu ne peux plus t’excuser.

J’écoute Elijah et je me rends compte que c’est probablement un peu trop similaire pour lui. Le but n’est pas de lui pourrir le moral. C’est juste que… ça me fait probablement aussi un peu de bien d’en parler. Aussi dévastateur ça soit d’un autre côté. Quand il parle de la succession d’échec que représentaient toutes les zones hors de son travail, je ne peux que regarder son visage.

- C’est plus simple de plonger à corps perdu dans une situation où tu as le contrôle. Parce que c’est justement toi qui est aux manettes.

Probablement aussi pour cette raison que je suis rarement dans une situation qui échappe à mon contrôle. Enfin, sauf problème soudain évidemment. Un feu, une manifestation qui tourne mal. Ce genre de merde sans nom. Les yeux sur Elijah, je bouge finalement la main pour tapoter son genou.

- Ne t’en veux pas pour tes choix. On apprend de nos erreurs, même si certaines impactent plus que d’autres.

Je suis sûr qu’ils ne t’en voulaient pas, répond-t-il, pas vraiment certain que cela aidera Evan à se sentir mieux. Les paroles d’Evan le ramène quelques années en arrière, lorsque lui-même était en conflit quasi permanent avec James. Ce dernier, en grandissant, ne lui a jamais caché à quel point il lui en voulait de ne pas avoir passé plus de temps avec lui. Tu sais… James m’a dit qu’il ne m’en voulait plus, et qu’il m’aimait malgré tout ce qu’il s’était passé. Il reste silencieux un instant. Puis il est mort le jour suivant.

Il hoche simplement de la tête, en entendant les propos d’Evan, même si le cinquantenaire savait déjà tout ça. C’était d’ailleurs ça qui le rendait fautif: il s’était rendu compte de ce qu’il faisait, en plongeant à corps perdu dans son travail. Il évitait ses enfants. Pourtant, même en s’en rendant compte, il a continué à le faire malgré tout. Elijah reste un longtemps silencieux, plongé dans ses pensées, jusqu’à ce qu’il en soit sorti par Evan. Ou plutôt par son petit tapotement sur son genou. Ouais… Je sais. On fait comme on peut.

Et dans son cas précis, c’est déjà trop tard: mais même s'il ne peut plus se rattraper depuis bien longtemps, il peut au moins éviter de refaire la même erreur. Du mieux qu’il peut, même si cela sera sûrement jamais assez à ses yeux. Esquissant un sourire plus ou moins convaincant à Evan, il se redresse, lâchant un léger soupir. Bon… On reprend ?

Il est rare qu’Elijah ne parle de James. Je suppose que c’est trop douloureux pour lui. J’ai appris beaucoup de lui grâce à Mia. Au fond, elle-même m’a avoué que j’avais certaine similarité avec lui. Ce qui est probablement la raison pour laquelle, on s’entend bien. Je ne sais pas. Je grimace légèrement quand il m’annonce finalement que James a pu au moins lui dire qu’il  ne lui en voulait plus avant de mourir. Tu hoches donc la tête, les lèvres pincées entre elles.

- Je suis désolé de l’apprendre, Elijah. Mais… d’un autre côté, c’est une bonne chose qu’il ait pu te dire ça. Avant…

Je serais persuadé qu’Elijah s’en voudrait durant des années encore sans ces mots. Même si je ne doute pas qu’il le fasse déjà, au fond. Un certain silence s’installe et je préfère finalement couper court à la conversation, rassurant alors Elijah d’une phrase que beaucoup peuvent considérer comme complétement bateau. Je me redresse finalement tout en hochant la tête. Malgré l’a parte, on reprend tout deux l’entraînement qu’Elijah instaure et le soir même, je me retrouve finalement bousillé par les courbatures. Au boulot le lendemain, autant dire que j’ai galéré pour pouvoir me servir correctement de mes bras. Ça m’apprendra à faire l’impasse sur les étirements.

C’est quelques jours après que je rejoins à nouveau Elijah chez lui. Je frappe à la porte et fini par entrer comme dans un moulin. De toute façon, ce n’est pas comme s’il ne m’attendait pas.

- Hey. Comment ça va ?

J’imagine, oui, répond-t-il vaguement, bien que touché par les mots d’Evan. Il ne le montre cependant pas, au contraire: aussi rapidement qu’il a commencé à parler, il se referme comme une huître, balayant le sujet pour en revenir à leur occupation principale: l’entrainement, reprend tout aussi bien qu’il a commencé, bien que le jeune homme fatigue de plus en plus. Et contrairement aux recommandations du cinquantenaire, il décide de faire l’impasse sur les étirement: inutile de dire qu’il n’est pas surpris de le savoir autant courbaturé le lendemain.

16 janvier. 7h.

Si Evan peut rentrer dans la maison d’Elijah comme un moulin, c’est parce que ce dernier pense toujours à la déverrouiller avant ses venues: d’ailleurs, il est une fois de plus bien debout, et qui plus est en forme. Salut. Il le jauge du regard, histoire de voir s’il est autant fatigué que la dernière fois ou non. Plutôt bien, et toi ? Il lui désigne ensuite son bras gauche. Bon, si on ne prend pas en compte ce bras qui n’en fait qu’à sa tête bien sûr… Il faut dire que ce dernier se montre particulièrement pénible en ce moment, avec ces raideurs qui ne semblent jamais cesser. Bon, j’ai pensé à quelques petits… changements, pour aujourd’hui. D’abord, on va refaire les exercices de la dernière fois, explique-t-il, avant de s'arrêter un instant. Il a un sourire. Puis on va commencer à faire un peu de course, dehors.