Au moment où il sort une référence sur McGyver, Silas sait. Il sait ce qu'il va se passer, même malgré son état. Mais il reste sans voix, parce qu'alors qu'il s'attendait à un simple échec, il est le témoin d'une réussite dont il pouvait autant se réjouir que déprimer. Ce con vient de démonter une serrure à la force de ses petites mains, et sans doute du fait de l'absence d'assez de neurones pour réaliser que c'est une idée de merde. Néanmoins, il ne peut être que ravi de la qualité de sa pince. Leatherman, quelle putain de référence. L'outil a une décennie, et pourtant, il vient de massacrer une bonne grosse serrure en lui appliquant une contrainte pour laquelle elle n'a probablement pas été conçue pour.

Mais il l'a fait. Il ouvre ce mystérieux trésor, qui, fort heureusement, contient bel et bien des bouteilles. La gueule des pauvres ivrognes s'il s'agissait juste de souvenirs, bouquins ou autres étrangetés qu'on pouvait décider de foutre sous clé dans une apocalypse. Il récupère son outil alors que l'autre lui présente, et sans prendre le soin d'enlever la serrure, le fourre dans une poche avant qu'ils ne réalisent qu'il y a du monde qui se réveille au dessus.

En même temps, vu leur bordel...

Il a une pulsion de lucidité qui fait qu'il va se jeter derrière Jeremiah quand il va commencer à se tailler sans demander son reste. Il n'a vraiment pas envie de finir au trou, et, éventuellement être plus emmerdé que ça vu son arrivée récente. Il trace alors, extrêmement concentré pour compenser l'alcool, histoire de ne pas se vautrer.

Et, miracle, il y parvient. Il termine sa course aux côtés de son nouveau collègue dans la délinquance, il reprend son souffle quelques instants, puis éclate de rire. Il ne tarde pas à expliquer :

" P'tain, même quand un démon m'a couru après, j'ai pas tracé aussi vite " il s'interrompt pour continuer de reprendre son souffle, réalisant qu'il devait peut-être se bouger le cul parce qu'il ne l'a pas fait depuis son arrivée. Et il le sent clairement. Il jure donc, pour extérioriser un peu tout ses sentiments que l'alcool emmêle : " Putain de bordel de merde. J'm'éclate, mon vieux "

Le souffle coupé, les joues et les muscles en feu, il s’arrête à un coin de rue opposé à la maison qu’ils viennent de pénétrer. Sans loi, il ne peut techniquement pas y avoir effraction pas vrai? De toute façon son cerveau est toujours embrouillé et il ne parvient même pas à se demander par quel prodige il a réussi à courir aussi vite et aussi longtemps. Penché en avant, une main sur une cuisse au-dessus du genou et l’autre tenant fermement la bouteille, il inspire et expire à grandes goulées d’air. S’il n’était pas aussi rond sûr qu’il aurait la gerbe. Et c’est dans cette illogisme des plus alcoolisés que son partenaire le rejoint. Il se marre avec lui par réflexe plus qu’autre chose. “T’as pas connu Pamela Fitzpatrick toi” Ou plutôt ses frangins irlandais qui appréciaient moyen qu’on s’approche trop près de leur sœur. Faut dire qu’elle avait des arguments de poids Pamela, et plutôt deux fois qu’une.

Un nouveau rire passe les lèvres du garde forestier alors qu’il se redresse, grimaçant quand un point de côté le surprend. “Haha! Bienvenue à Fort Ward mon vieux!” balance-t-il gaiement comme si c’était comme ça toutes les nuits. Il le regretterait probablement amèrement demain quand la gueule de bois lui rappellerait qu’il n’a plus vingt ans mais présentement, il se contrefout de demain. Enfin… “Si jamais tu croises prochainement une femme qui s’appelle Layla, tu me connais pas hein” s’inquiète-t-il subitement avant de chasser l’idée d’un geste las de la main, lui faisant signe de le suivre. La Britannique n’avait aucun pouvoir sur sa liberté après tout. Mais quand même. “J’déconne pas, cousue et bouche motus” s’assure-t-il en passant son pouce et son index le long de ses lèvres.

Bon, où est-ce qu’ils étaient rendus au fait? Tentant à nouveau de se repérer, il finit par bifurquer et reconnaître certaines maisons. “Faut que tu rencontres Jill. Un, elle est cool et sans prise de tête. Deux, elle est sacrément bonne. Quatre - encore son problème de décompte -  y’a moyen que ça colle entre vous!” Ouais, ça allait être l’éclate. Bon, il lui faudrait rattraper son retard d’alcoolisation mais avec les liqueurs qu’ils venaient de voler et une bonne descente, rien n’était insurmontable.

Elle habitait où déjà? Ah ouais, par là!

Pamela ?! Pam est où, plutôt ? Et c'est qui, Pam ? Peu importe, visiblement, puisqu'il ne développe pas. De toute façon, ils sont bien vite passés à autre chose. Après cette intronisation au sein du monde de la nuit de Fort Ward, le blond lui demande un service ; et il ne capte qu'après qu'il lui donne une information sur sa tendre : son prénom. Sur le coup, il acquiesce silencieusement d'un air trop sérieux pour être naturel ; il se force avec l'alcool. Ce n'est que, lorsqu'ils se remettent en route et qu'il remet une couche qu'il comprend et sort un :

" Aaah d'accord, Layla c'est ta p'tite Brit en fait ! J'comprends mieux, t'inquiète pas frangin " il fait quelques pas, glousse et le taquine : " P'tain, mais pour le coup fallait juste vider tes couilles, pas les donner mon pauvre "  d'un ton amusé en visant son inquiétude quant à son éventuelle réaction vis à vis de leur nuit de folie, avant de reprendre en concluant : " On est tous les mêmes, bordel "

Il systématiquement la même chose à ses compagnons de beuverie, à l'époque où il était marié et qu'il passait des bons moments avec ses camarades. Un brin de nostalgie l'envahit, mais, pas pour longtemps, puisque Jeremiah lui esquisse une suite de plan fort sympathique.

Quand il lui propose d'aller voir Jill, ça lui parle. Le prénom lui évoque un truc, mais, dans son état, impossible d'y replacer un visage, ou même un contexte, dans lequel il l'aurait rencontré. M'enfin ; tant mieux. Plus on est de fous, et plus on rit, n'est-ce pas ? Alors qu'il marche, et tâche de garder la trajectoire la plus rectiligne possible, il lui demande :

" Jill... ça m'dit un truc. Elle fait quoi, d'jà ? "

S’arrêtant dans son élan sans préambule, il ne dit mot si bien que son compagnon continue son chemin sur au moins dix mètres avant que le garde forestier se décide à briser le silence. “Hey!” L’apostrophe ce dernier sur un ton qui signifie clairement qu’il faut qu’il ferme sa gueule. Dans sa tête, mille et une menaces se fomentent quant au don de ses roubignoles et un index menaçant se pointe dans la direction de son nouveau pote. Ouais, mille et une menaces se tordent dans sa caboche alcoolisée. “Fais gaffe!” se contente-t-il pourtant de répondre dans une fausse autorité qui ne prendrait même pas avec un gosse de trois ans.
Toute façon, à bien y réfléchir, il commençait sérieusement à ressembler à un canard. Peut-être pas en public car ils étaient plutôt discrets mais admettons qu’en privé, il était loin de l’image de bourreau des coeurs…

Et il s’en foutait! Ouais, alors pourquoi il veut débattre sur le sujet déjà? Ah ouais, il ne ne le veut pas vraiment.

Reprenant sa route, le quadragénaire revient à hauteur de Dallas, ou un truc comme ça, heureux de quitter le sujet de sa vie privée au profit de sa très bonne pote. “Elle fait…. hum… c’est une sorte de… kamikaze qui part en mission et revient systématiquement blessée” résume-t-il en se rendant compte en le disant que c’est pas forcément flatteur pour la jeune femme. “Enfin elle est badass hein, a la langue plus pendue qu’une vipère qui essaierait de faire un cunni à une couleuvre et un langage plus fleuri que le plus gras des Navy Seal présent ici, mais elle est top. Pas le genre de meuf prise de tête qui prend la mouche parce que tu lui as dit qu’elle avait pris 10 grammes quoi. C’est un peu comme un très bon pote, sauf qu’elle a des boobs et un vagin” Enfin au moins le deuxième, elle était pas très gâtée par le premier. “Tu vas l’a-do-rer, tout le monde la kiffe sauf ceux qui peuvent pas la piffrer” ajoute ce dernier dans une logique de mec ivre mais ma foi, tout de même implacable. “Bonsoir” lance-t-il poliment à un ancien panneau de signalisation d’ailleurs…

Quand l'autre réagit à sa pique, il titube un peu de surprise ; mais, malgré l'alcool, note bien que ce point de détail taquine son nouveau bro. Il dissipe le malaise d'un geste de la main surjoué, avant de reprendre sa route.

Il ne tarde pas à avoir plus de détails sur Jill. Il acquiesce à sa première affirmation, un peu bizarre. Généralement, un kamikaze, surtout par les temps qui courraient, ne revenait pas. Elle devait être sacrément douée ou bien accompagnée. Mais quand vient le monologue suivant, il ne peut s'empêcher d'être un peu perdu.

Il se secoue la tête pour éclaircir ses esprits, ce qui brise sa concentration et le pousse et voir d'un peu trop près la personne que vient de saluer Jeremiah. ou plutôt, le poteau. Malgré le choc sur sa tête qui produit un beau bonk, il fait mine qu'il ne s'est rien passé et continue sa route alors qu'il commence à répondre :

" Attends. Attends. D'où un jardinier des arbres comme toi à une connaissance aussi poussée des serpents ?! Encore, si tu me parlais d'écureuils, j'aurais compris. Mais des serpents ?! Des serpents ? " puis il se souvient que ce n'était une comparaison un peu éclatée, alors, il en revient à l'essentiel : " Et tu penses qu'elle est assez flinguée pour dire : Ah bah oui, pourquoi pas ? à deux idiots complètement torchés qui l'invite à boire un... truc ? au milieu de la nuit ? J'aime ton audace, bordel " il lui reste peut-être une couille, en fait.

Il rit grassement quand l’homme se mange de frontal le poteau, lançant un “désolé” à l’objet dans une légère courbette qui le déséquilibre quelque peu. Se rattrapant de justesse, ça a au moins le mérite de lui rendre un peu de son sérieux, juste un peu, tant la peur d’échapper la bouteille l’a pris de court. Pas après tout le mal qu’ils s’étaient donné pour l’obtenir. Arquant un sourcil et grimaçant dans une mimique de demeuré quand il est interrogé sur les serpents. Quel serpent? Il a parlé de serpent? Seulement de Jill lui semble-t-il…
La pensée lui échappe aussi rapidement qu’elle l’a traversé, reprenant son chemin dans un haussement d’épaules après les interrogations sur sa pote. “Bah… ouais?” Se contente de répondre ce dernier, arrivant enfin devant la porte de chez elle.

Frappant lourdement sur cette dernière en se moquant de l’heure tardive, sûrement parce qu’il n’a aucune conscience de l’heure qu’il est, il a l’impression de patienter de longues minutes avant qu’un petit bout de femme - qui n’est pas l’ex flic - lui ouvre avec un regard mauvais. Merde, c’était quoi son nom à elle? Encore un extrait de l’imagination d’une mère trop torchée. Menor? Medor? “Salut Trevor” lance-t-il finalement en se moquant de la non mixité du prénom. “J’te présente Gladys” ajoute le quadragénaire en désignant son nouveau pote. “On vient rejoindre Jill mais t’emmerde pas, j’connais le chemin” Et se frayant un passage, la jeune femme tente de lui dire qu’elle n’est pas là mais de garde sur l’une des tours du camp. “C’pas graaaaave on va l’atteeeeendre” siffle-t-il tout guilleret en pénétrant dans la chambre de la jeune femme sans autre forme de procès.

Effectivement, la chambre est libre et il ne se gêne pas pour prendre place sur le lit, une mine un peu contrariée sur le visage. C’est qu’il voulait continuer à picoler lui. Il est encore frais comme un gardon. “Bon bah on a qu’à prendre de l’avance, elle devra juste nous rattraper plus vite.” Et puis, flemme de chercher un autre plan de toute façon. Sur ce, il débouche sa bouteille et s'en enfile une bonne rasade.

Il ne s'attendait décidément pas à ce genre de soirée en mettant les pieds ici. Et à tomber sur ce genre de personne. Mais tant mieux. Alors qu'ils arrivent à destination, ou du moins, il l'espère, il se frotte la tête, réalisant que le panneau l'avait visiblement rendu bossu. Il ne remarque même pas que Jeremiah toque, se contente de tituber un peu jusqu'à la paroi de la maison pour s'y reposer ; il tangue un peu trop et n'a pas le pied marin. Le froid attise sa fatigue, et, alors que le temps passe, il va même jusqu'à commencer à vaciller. Le grincement de la porte qui s'ouvre le fait presque sursauter.

Il secoue sa tête, comme pour se réveiller. Il ne l'est visiblement pas assez pour entendre qu'encore une fois, le blond se trompe sur son nom ; il se contente d'acquiescer bêtement et frénétiquement, en faisant mine d'être normal dans un succès relatif. Alors que celle qui a ouvert annonce que Jill n'est pas là, Silas ne demande pas son reste et fait un demi-tour quasi-dramatique, qui se transforme en 360 complet quand il entend la réponse du californien. Alors qu'il est déjà rentré, il se retrouve seul avec... Trevor ? Drôle de Trevor, mais il ne juge pas. Il ouvre sa bouche, veut lui glisser un mot, se contente finalement de tracer sa route.

Il voit la silhouette de Jeremiah se glisser dans une pièce, et il s'élance derrière lui ; il reste un instant un peu confus au seuil de la pièce, puis va finalement se poser lourdement sur ce lit qui n'est pas le sien. Il pousse un soupir alors que l'autre expose son plan, et il répond dans un premier temps juste en levant son pouce. Il se relève quelques instants plus tard, pour aller lui quémander la bouteille et en tirer une rasade bien méritée. Il lui demande :

" Combien de temps ? Ces histoires de garde, là. Elle va y passer la nuit, nan ? Au pire, on peut... on peut aller l'aider à garder ? " il ne réalise pas l'idiotie de ce qu'il propose, ni même pourquoi ce serait aussi important d'aller boire avec cette personne qu'il ne connaît même pas.