Un sifflement, suivi d’un silence inquiétant. Il l’est pour tout ce qu’il implique en hypothèses alors qu’elles se dirigent vers le seul baraquement dont la porte est entrouverte. Pas de gémissements, pas de grognements morbides, alors elles s’avancent, l’arme en main cette fois-ci. La dague sagement cachée dans le creux de ses reins a été troquée par son 9 mm et si Monroe préfère largement le corps à corps, elle n’est pas non plus du genre à hésiter. Pas après cinq années de cette merde.
Prenant les devants après un hochement de tête, elle ne tarde pas à entendre une voix et elle appose un index sur ses lèvres puis désigne son oreille, signe de se taire et d’écouter. Si elle ne comprend pas encore la teneur des propos, le fait que celle-ci soit inconnue ne lui dit rien qui vaille. Pas ici en tout cas. La seule bonne pensée que la tatouée en tire est que si la voix masculine parle encore, les deux filles sont encore en position de dialoguer.

Un pas après l’autre, elles ne tardent finalement pas à rejoindre la petite troupe qui ne s’était pas aventurée bien loin. Les derniers mots de l’inconnu sont finalement les seuls qu’elle parvient à déchiffrer et son arme se pointe automatiquement dans sa direction alors que tous les canons semblaient jusqu’ici baissés. “Non, elles ont ramené leurs copines” siffle-t-elle pour toute réponse alors qu’elle continue de s’avancer, arrivant dans le dos de ses camarades. Au moins Erin et Naya allaient bien, c'était tout ce qui lui importait présentement. Ça et un gage de sécurité.

Son regard balaie la pièce rapidement, comme pour vérifier que le brun qui lui fait à présent face est bien seul et qu’elles conservent donc l’avantage du nombre à défaut qu’une stratégie étudiée. “On va faire dans la simplicité. D’abord tu poses ton arme, ensuite on évalue l’éventualité de parlementer.” L’inverse lui semble suicidaire, peu importe les causes, peu importe les raisons. La confiance se gagnait durement de nos jours, mais c’était le prix à payer pour la survie. La confiance signifiait trop souvent la mort.

Alors le regard dur de ceux qui ne fléchissent pas et sont prêts à faire ce qu’il faut même quand cela allait à l’encontre de la morale, elle continue de pointer l’homme, sans ciller.

Erin qui râlait un peu lui arrachait un sourire. Pourtant, Naya s’était bien adressé à elle en expliquant qui était Roman, pas comme si elle l’avait mise de côté, mais c’était bien sa sœur de cœur tout craché ça.

Elle écoutait néanmoins ce que lui racontait le rescapé de Seattle, mais sursautait en entendant la voix de Monroe. Se retournant pour voir la mécanicienne et la forgeronne, elle leur adressait un sourire pour les rassurer, mais aussi parce que… C’était cool de voir que les filles les couvraient comme ça. Si au départ Naya avait douté un peu de cet ajout à leur vie, maintenant elle ne se voyait plus sans elles. La complicité, l’efficacité, la camaraderie, tout c’était fait naturellement et maintenant elles étaient une sacrée équipe.

Erin s’occupait de les rassurer concernant Roman et la Cubaine lançait un regard à ce dernier. Qu’il ne lui fasse pas regretter la confiance qu’elle plaçait en lui. Oui elle le connaissait rapidement du l’hôtel, mais sans plus, et ça ne lui poserait aucun souci de lui mettre une balle entre les deux yeux s’il menaçait les siens. Ce serait dommage, mais elle dormirait à poings fermés cette nuit.

L’ingénieur soulignait quand même un point vraiment important qui méritait davantage leur attention.

- Y a un truc qui tourne pas rond… Vaut mieux rester grouper. Vous avez croisé des rigidos ? Demandait Naya aux filles qui venaient de les rejoindre ? Nous rien. Et ce silence…

Des vivants dans le coin ? Des mutants ? L’adrénaline commençait à couler dans ses veines bien malgré elle. Ça puait ici, mais grave et la Latina comptait pas y rester.

- On prend de la hauteur et on essaie de repérer ce qui peut se passer ? On fouille ? Ou on dégage ? La question se posait, non ?

Bon, est-ce qu’elles ramenaient Roman aussi ? Du moins, pour une partie du chemin ? Peut-être qu’il voudrait rester ici ou pousser encore plus au sud. Ça ne la concernait pas, sauf s’il préférait les accompagner.

Pistolet toujours en main, Naya ne pouvait s’empêcher de se rapprocher d’une fenêtre, restant néanmoins à couvert. Y avait peut-être un truc là dehors ? Il fallait qu’elle s’en assure.

Elles vont bien et elles ne sont pas seules. Un scénario loin d’être idéal et qui arrache un froncement de sourcil à la quadragénaire qui vient par la même occasion dessiner de nouvelles rides sur son front. Le canon est aussitôt levé en harmonie avec celui de son amante et les langues ne se font pas prier pour se délier immédiatement.

“Rien non plus de notre côté, la zone est déserte.” Hochant la tête pour la remarque d’Erin concernant le silence morbide des lieux et enfin à Naya, l’azur se dresse à la conquête de cette nouvelle silhouette masculine. Un arrangement ? Pour toute première réponse, la blonde ne lui offre que le silence, un silence dangereux, un maître des lieux que rien ne trouble et qui domine déjà les environs. Tâchant de retenir l’angoisse et la nervosité naissante que lui inspire cette nouvelle rencontre dans un lieu encore loin d’être conquis, son visage réussit à rester stoïque alors qu’elle pèse silencieusement le pour du contre.

“On verra.” Finit-elle par soupirer en rangeant son arme à feu. Il est trop tôt pour parler d’arrangement et si à première vue l’homme n'a en effet pas l’air dangereux, la forgeronne préfère se hâter à débusquer le réel danger de la zone, celui qui rend muette mère nature et sa faune. “On va chercher et trouver ce qui se passe ici. Le lieu est trop prometteur pour qu'on lui tourne le dos aussi vite.” Il est même parfait, point d’eau à proximité, un début de barricade à réparer, des murs épais et solides, une position reculée à l'abri des regards et peut-être même du matériel de pointe.

Sortant doucement la machette de son fourreau, elle vient lentement rouvrir la porte pour y passer la tête à la recherche du moindre danger. Mais rien, toujours ce silence lourd, pesant et omniprésent à en brouiller leurs pensées. “On aura peut-être des réponses vers le bâtiment principal.” Simple déduction, c’est le seul coin qui n’est pas encore visité, ni par le bavard, ni par elles. “Il faut aller voir.” Libre à chacun de prendre sa décision maintenant, pour la blonde, c’est tout vu, aucune marche arrière n’est envisageable et quoiqu’il advienne, quoi que décide le groupe, elle en aura le coeur net, elle ira voir.

Si les explications et la reddition rapide de l’homme tendent à calmer ses ardeurs, il n’en est rien de sa méfiance. Déjà poussée à l’extrême après les épreuves des cinq dernières années, l’attaque de l’ancienne forge l’a rendue quelque peu parano au sujet des étrangers. Le fait que Naya le connaisse ne fait, au mieux, que l’inciter à ne pas l’attacher à un poteau et le laisser crever ici. Le canon de son arme ne le quitte pas, ne fait que s’abaisser légèrement quand ce dernier range son flingue et le discours de Kara, s’il tempère un peu la situation, ne le fait pas le quitter des yeux.
Le silence qui règne ici entre chaque parole est en effet lugubre, inquiétant et n’arrange rien sa nervosité interne, planquée derrière son éternelle façade de dure à cuire qui ne prend pas sitôt qu’on a craquelé un peu la surface de vernis de cette carapace.

Jetant un coup d’oeil en direction de sa femme, qui pointe le bout de son nez vers l’extérieur, ses yeux viennent rapidement retrouver l’étranger. La forgeronne a raison. L’endroit est trop parfait pour ne pas qu’elles se donnent du mal pour se l’approprier. Plus qu’une solution de repli, il pourrait devenir un atout majeur à leurs diverses entreprises.

Pointant à nouveau son pistolet dans la direction du brun, elle lui fait signe de se rapprocher d’un mouvement de canon. “Il passe en premier” tranche-t-elle pour seule approbation à ces différents plans. Celui de l’inclure dans les recherches et de continuer à fouiller les lieux pour voir quelle menace risque de les freiner, si menace il y a.

Premièrement, ça lui permettra de garder un oeil sur lui juste au cas où. Rien ne prouve encore, autre que sa parole et le silence de morts, qu’il est réellement seul. La confiance n’existe pas dans ce genre de situation, question de survie primaire. Ensuite, si danger ils rencontrent, il sera en première ligne. Entre elles et lui, le choix est rapidement calculé, trouvé et appliqué.

Elle attend donc patiemment que le bellâtre passe devant pour se reculer et fermer la marche, autant pour couvrir leurs arrières que pour le surveiller.