2006, Seattle

La musique était entêtante ce soir-là. Nous nous étions retrouvés, après la compétition de motocross, avec les deux autres pilotes. On avait quelque chose à fêter aujourd’hui. « Aux quarante mètres que tu lui as mis dans la vue, Locke ! » Je me fendis d’un rire moqueur, avant d’entrechoquer ma bière avec les leurs. Je pris une longue gorgée de celle-ci avant de la reposer sur la table. Chacun y allait de son petit commentaire, pour chercher à se faire mousser un peu. Ce qui revenait le plus, c’était ce saut de quarante mètres que j’avais réussi à faire avec ma moto, me faisant gagner une précieuse avance. J’étais trop concentré pour voir qu’un pilote rival avait tenté de m’imiter… pour s’écraser la gueule la première dans la boue. En vérité, nous avions tous surperformés. On faisait réellement une bonne équipe, tous les trois. Et il valait mieux, quand on savait que le score final était collectif. Je me demandais jusqu’où on irait comme ça. Aux nationales ? Certainement. Mon père serait sans doute fier de moi. Quant à ma mère, mieux valait qu’elle n’en sache rien. Elle risquait de vriller et de m’asséner que je ne prenais pas mes études assez au sérieux. Cela dit, elle n’avait pas complètement tort. Je faisais vraiment passer la mécanique au second plan actuellement.

« Hey, Locke… » Erwin me décocha un coup de coude avant de me pointer du doigt la barmaid, sans lâcher pour autant son verre. « Quoi, mec ? » Je lâchai ce qui s’apparentait à un rire en réponse. « Fais pas l’innocent ! T’as bien vu, non ? » J’étais loin d’être aveugle, s’il se posait encore la question. Ca faisait déjà plusieurs fois qu’elle lançait des coups d’œil en direction de notre table. Mais à force de le souligner, il venait d’attirer son attention. Je lui décochai un sourire charmeur, avant de terminer ma bière. Je me penchai ensuite vers mes deux potes, leur demandant sans détour : « Vous avez soif ? » Ils ricanèrent pour toute réponse, me laissant me lever pour me rapprocher du bar. Ils reprirent leur discussion comme si de rien. C’était l’excuse toute trouvée pour aller lui adresser rapidement la parole et tâter le terrain.

Brune, les cheveux ondulés, elle était élancée avec quelques formes certaines que je ne pouvais pas manquer du regard. Je la détaillais sans vergogne, avant que ses grands yeux pétillants ne me forcent à regarder un peu plus haut. Je lui offris un nouveau sourire, tout aussi charmeur que le précédent. « Salut. C’est la première fois que je te vois ici… Nouvelle ? » J’étais plutôt un habitué, assez pour ne pas avoir raté un joli minois comme le sien. Je m’accoudai au bar, lui désignant ce qui m’intéressait. Je ne comptais pas m’appesantir si elle n’avait pas envie de discuter plus que ça. « Je te prendrais trois IPA. »

« Jena, concentre toi un peu, tu rêvasses. » Une main passe devant le visage de la brunette, détournant son attention de la table de garçons pour la reporter sur sa collègue, Penny. La bière a coulé sur ses doigts. Elle est vraiment distraite. « Tu peux pas rêvasser comme ça, on a du boulot. Même si je t’accorde que la vue est très plaisante là bas. » Elle lui adresse un sourire de connivence tandis que Jena hausse les épaules. « Désolée. » « Non mais je te comprends. Mais à ta place, je me méfierais, ce sont des habitués. Ce genre de mec, ça frime et ça te retourne la tête avant de t’abandonner et passer à autre chose. » Oui sans doute… Cela dit, Jena n’a pas l’intention non plus d’épouser ce type et de faire sa vie avec. Juste s’envoyer en l’air et s’amuser un peu, ça lui suffit. Mais pour le moment, elle n’a pas trop le loisir de s’attarder sur son observation, alors que les commandes s’enchainent au bar. Elle jette tout de même des œillades de temps en temps, se demandant si ils comptent rester jusqu’à l’heure de sa pause, histoire qu’elle puisse aller lui parler. Cela ne coûte rien. Au pire, elle se prend un vent. Au mieux… Elle ne finira pas seule ce soir…

Et évidemment, c’est quand elle n’a plus le regard braqué sur eux… sur lui, qu’il décide de se pointer comme une fleur au bar et de s’adresser à elle, la prenant un brun au dépourvu, avant qu’elle ne se fende d’un grand sourire ravi. Soit il a vu qu’il lui plaisait, soit c’est un hasard… mais étant donné sa façon de l’accoster, il n’est pas juste venu chercher un verre, c’est évident. Elle se penche sur le bar, bras croisés sous sa poitrine, moulée dans son débardeur blanc tout simple. Elle porte un pantalon de cuir et des boots assez confortables pour rester debout des heures sans avoir envie de s’arracher les orteils. Ce qu’elle note, c’est ce sourire éclatant qu’il lui décoche après qu’il l’ai bien reluquée. Cela ne la dérange pas, ça fait partie du jeu et ce serait hypocrite de s’en offusquer quand elle l’a maté depuis son arrivée ici. « Salut ! Oui, je viens d’arriver. Je dois déduire que tu viens souvent ici ? » Pas très pratique de discuter avec le volume de la musique, mais ce n’est pas un frein. Tout dans son attitude indique qu’elle est clairement ouverte à la discussion et plus si affinités. Elle hoche la tête alors qu’elle prend la commande et s’exécute. Elle aurait bien mis plus de temps, mais bon… Il faut être efficace aussi. Elle revient avec la commande et les dépose devant le jeune homme. « Moi, c’est Jena. Je suis en pause dans 15 minutes. » Elle lui adresse un clin d’œil.

Elle avait l’air surprise de me voir, ce qui me faisait presque rire. Son sourire, en réponse au mien, était resplendissant. Il m’aurait presque fait rater sa position plus qu’évocatrice, bras croisés sur le bar sous sa poitrine. Elle en faisait exprès, non ? C’était impossible de rater d’autres arguments, maintenant qu’elle les avais mise en valeur de cette façon.

J’hochai la tête en reprenant le fil de la discussion, mes yeux noirs revenant à elle. « Ouais. On vient souvent, mes potes et moi. » Je lançai un regard vers la table plus loin, ou l’un d’eux me fit un signe de la main. Mon sourire se fait plus amusé ensuite. J’allais en entendre parler, c’était certain. De toute façon, je n’avais pas trois mains. Il y en aurait bien un qui devrait se lever lui-même pour chercher sa propre bière. « Jena, hein ? » Je fis exprès de le prononcer avec un nouveau sourire charmeur. « Moi, c’est Locklan. Mais tout le monde m'appelle Locke. » La discussion ne s’éternisa pas. D’autres commandes arrivaient peu après la mienne, mais le principal avait été dit. Jena était en pause dans quinze minutes. Son clin d’œil évocateur était une invitation muette à la rejoindre. « Ok. J’irais fumer. » C’était le meilleur moyen de me débarrasser un peu de mes potes, car déjà l’un d’eux arrivait pour prendre la troisième bière restante pendant que je transportais les deux autres. « Alors ? » Je fis glisser la bière sur la table vers le dernier du trio. « Alors, j’ai un ticket. » Je lui décochai un clin d’œil, avant de trinquer de nouveau avec eux dans des rires enjoués.

Quinze minutes plus tard, les deux savaient très bien où je me rendais quand je leur signalais que j’allais cloper. Aucun d’eux ne se leva pour me rejoindre, se fendant seulement de sous-entendus équivoques. Ils étaient tout le temps intenables, le jour d’une victoire. J’avais personnellement envie de la fêter autrement, en meilleure compagnie encore. Le soleil s’était couché depuis un moment déjà. L’éclat lunaire projetait son ombre sur l’eau brillante dans le port de Seattle. La brise était rafraîchissante, au point que je peinais un peu à allumer ma clope. Je n’avais que quelques pas à faire ensuite pour m’asseoir le long des quais, les jambes dans le vide au-dessus de l’eau. Les rumeurs de certaines conversations d’autres fumeurs me venaient aux alentours, sans que je n’y prête vraiment attention. Il ne me fallut que quelques minutes d’attente supplémentaires pour que celles que j’attendais ne finisse par me rejoindre. Jena.

« C’est la folie à l’intérieur, non ? » La musique nous parvenait encore, de manière plus étouffée. Ca n’arrêtait pas d’aller et venir, même si on touchait sur la fin de la soirée. « T’en veux une ? » Je lui montrais mon paquet de clopes avant de le ranger ou non. Je soufflais la fumée de la mienne face à moi. « Alors ça te plaît comme boulot, ou tu comptes faire ça juste à l'occasion pour arrondir les fins de mois difficiles ? »

Bonne nouvelle. Cette petite bande bruyante vient souvent. Donc, le beau brun également. Son regard sur la poitrine de Jena ne lui échappe pas, mais étant donné sa position, il aurait été anormal qu’il ne louche pas un peu dessus. Il revient cependant assez vite vers son visage pour continuer la discussion alors que la barmaid se présente simplement, n’ayant pas froid aux yeux pour draguer un beau specimen de ce genre. Certes, le fait d’être plutôt jolie aide énormément à avoir confiance en elle pour tenter sa chance. Et on lui a rarement opposé un refus. Le beau brun semble intéressé et même si elle n’est pas dupe du fait qu’il joue de son charme avec elle, une petite voix intérieure se retrouve à glousser comme une adolescente alors qu’il répète son prénom. Heureusement que ce rire ridicule n’a pas franchi la barrière de ses lèvres tout de même. Cela aurait perdu tout crédit. « Enchantée Locke. » Ne lui a-t-il pas donné la permission de l’appeler ainsi au final ? Elle retient prénom aux consonances gaéliques. Cela fera une question à lui poser plus tard, quand elle prendra sa pause. Parce qu’il accepte sa proposition de discuter. Et déjà, un de ses potes les rejoint pour venir chercher les commandes qui traînent. Elle adresse un clin d’œil à Locklan, avant de retourner à son service. Elle échange un coup d’œil complice avec sa copine. Peut-être un peu envieux aussi d’ailleurs.

Autant dire que Jena ne se fait pas prier pour s’arrêter. « Je reviens vite. » Sa collègue esquisse un sourire du genre « ouais ouais, allez amuse-toi bien, j’assure » et Jena quitte le bar pour sortir, ayant vu Locklan le faire un peu plus tôt. Elle ne manque pas les regards de ses amis sur elle et se retourne juste pour leur adresser un sourire éblouissant, avant de sortir à son tour et de retrouver Locke en train de fumer. Le vent frais la saisit aussitôt. Elle aurait peut-être du mettre une veste. « Ouais. Mais plus ça avance, moins il y a de commandes au bar. » Ce sont un peu toujours les mêmes qui boivent jusqu’à l’ivresse et ensuite ne sont plus vraiment en état de venir commander. En fin de soirée, l’effervescence s’apaise, la fatigue prend le dessus. Il lui propose une clope et elle accepte, récupérant la cigarette avant de tendre la main pour avoir son briquet. Jena ne fume qu’occasionnellement. Souvent en soirée ou après, pour se détendre. « Merci. » Elle exhale avec soulagement la fumée avant de répondre : « Ca permet de manger, payer le loyer… Mais je ferais pas carrière là dedans. Me faire reluquer par les mecs morts de faim, ça va un temps. » Elle a un sourire espiègle à l’intention de Locklan. « Même si ça permet de faire des rencontres intéressantes… C’est original Locklan… Gaélique ? » Nouvelle taf, nouveau frisson avec le vent qui caresse sa peau nue. « Je voudrais devenir psychologue. Mais faut payer les études. »

« Ca veut dire que tu vas avoir un peu plus de temps que prévu à me consacrer ? » Je lui offris un sourire en coin, vaguement amusé. Sa collègue pouvait bien gérer pour deux si les commandes commençaient à diminuer, non ? Sans doute que les moins courageux n’allaient pas tarder à regagner leur lit, à l’approche de minuit. C’était ma chance de grappiller quelques précieuses minutes qui me permettraient sans doute ensuite de ne pas finir la soirée seul.

J’approchai ma main de mon briquet pour en protéger la flamme vacillante, juste de quoi générer une étincelle pour Jena. L’ambiance était calme et détendue, à fumer une clope sur les bords de quai. J’appréciais ces moments d’accalmie, surtout quand ils étaient en bonne compagnie. Jena était sans aucun doute consciente de ses propres atouts. Sa remarque concernant quelques mecs morts de faim me fit sourire et m’arracha une moue équivoque. « Ils ne sont juste pas aveugles quand ils croisent une jolie fille. » Pouvait-on vraiment les blâmer ? Elle ne m’incluait pas dans le lot, apparemment. Tant mieux, non ?

Mon sourire s’étira un peu quand elle prononça mon prénom, m’interrogeant sur ses origines. « Dans le mille. C’est pas commun, hein ? » Même en Ecosse, ça ne l’était pas. A Seattle, il m’avait toujours permis de me démarquer encore davantage. « Ma famille est originaire d’Ecosse, mais j’ai toujours vécu ici. Et toi ? » Si elle faisait ce petit boulot pour arrondir les fins de mois, soit Jena était du coin, soit elle faisait ses études ici. Je pris une nouvelle bouffée, avec un regard appréciateur vers la brune. « Psychologue ? Il va falloir t’accrocher mais… c’est cool. C’est une vraie vocation. » Je toussai un semblant de rire. « T’étais pas le genre de petite fille à vouloir lire dans les pensées de ses camarades à l’école ? » Je retrouvais peu à peu mon sérieux en la fixant plus longuement. « En tout cas, tu sais ce que tu veux. » Le sourire qui me vint ensuite était appréciateur.

Je désignai d’un signe du menton la porte que nous venions de franchir plus tôt, tous les deux. « Mes potes et moi… on fait de la course ensemble, du motocross. On s’est rencontré durant nos études de mécanique l’année passée. On s’éclate bien sur les pistes, et on commence à viser haut. » Franchement, c’était cool. Je désignai de ma main libre l’une des motos garées plus loin. « Celle-là, c’est la mienne. » Je n’étais pas certain que ça l’intéresse, alors je n’insistais pas plus que ça. En la voyant tourner la tête, je m’aperçus qu’elle avait la chair de poule. Je calai ma cigarette entre mes dents pour défaire ma veste en cuir et la poser sur ses épaules. Je la récupérai ensuite pour souffler un peu de fumée, lui décochant un clin d’œil. « T’auras moins froid avec ça. » Elle disparaissait à moitié dessous, mais je la trouvais franchement mignonne avec.

Le sourire de la jeune femme se fait éclatant pour répondre au beau brun : « Possible. Et si je m’ennuie, je prétexterais l’heure pour m’enfuir et retourner bosser. » Je ponctue ma phrase d’un clin d’œil. Je ne pense pas m’ennuyer, mais sait-on jamais… Qu’il soit sexy en diable ne suffit pas forcément. Enfin, pour un coup vite fait, si. Mais comme ils ne sont pas des animaux, ils discutent quand même un peu avant. Peut-être pour voir si ça matche entre eux ? Elle ignore si il fait des efforts pour elle ou si c’est vraiment sa façon de procéder en fait. Non pas que ça lui déplaise. Elle accepte la cigarette proposée et l’allume avec l’aide de Locklan, se détendant tranquillement tout en discutant, non sans quelque malice. Et elle éclate de rire quand il défend son bifteck au sujet des mecs qui reluquent les serveuses trop mignonnes. « Hum, tout dépend de ce qu’il y a dans le regard je suppose. » Il y a une différence entre la perversité et l’appréciation. Et dans le regard noir de Locke, il n’y nulle trace de la première.

Elle l’interroge sur ses origines, notant bien que le prénom n’est pas très américain. « Comme toi, je suppose ? » Elle glisse cela avec un sourire en coin, apprenant qu’il est d’origine écossaise. « Oh… Tu as pu déjà y aller ? Cela doit être magnifique. » C’est peut-être idiot, mais si il a de la famille là bas ou même ses racines, ce n’est pas à exclure qu’il ai déjà pu entreprendre le voyage n’est-ce pas ? Même si ça fait loin. « Moi, je suis 100% américaine, aucun exotisme. Je suis née à Newport. » Elle lui révèle qu’elle aimerait devenir psychologue, hochant la tête quand il parle de vocation, avant de rire. « Non, absolument pas. J’ai eu une adolescence difficile, mes parents ont divorcé, j’en ai fait voir à ma mère et mon beau-père… Je suis allée voir un psy et ça été le déclic. Cela m’a vraiment aidé et je me suis dis que j’aimerais faire pareil pour d’autres personnes en détresse psychologique. Voilà d’où est née ma vocation. » Elle exhale un nouveau nuage de fumée et regarde Locke en coin quand il conclue qu’elle sait ce qu’elle veut. « Effectivement. » Sa voix se fait plus charmeuse en le regardant plus franchement.

Elle apprend par la suite qu’il fait du motocross avec sa petite bande. « Du coup, tu es mécano et tu fais du motocross pour le fun ? » Même si, apparemment, il se lance dans des compétitions et que ce n’est pas juste pour rigoler. Mais ce n’est pas son métier non plus. Elle suit son geste du regard pour le poser sur les motos alignées un peu plus loin. Elle allait lui demander si elle pouvait jeter un œil, quand elle sent le poids d’une veste sur ses épaules. Surprise, elle tourne la tête vers lui, gentleman… « Merci. On peut monter à deux sur ta moto ? » Cela ne lui déplairait pas de repartir avec lui n’importe où… Mais pas avant la fin de son service, bien sûr, pas envie d’être virée. « Y’a d’autres moyens de se réchauffer… » Sa main se pose sur la cuisse de Locke, la pressant doucement.

Je soufflai ce qui s’apparentait à un rire en réponse. « C’est trop tard pour ça, non ? Si tu me révèles ton plan d’évasion, ça veut dire que tu ne veux déjà plus partir. » Je me fendis d’un nouveau sourire charmeur, sans rien dire de plus. Il fallait croire que cette lueur que j’avais au fond du regard devait lui plaire, parce qu’elle n’avait pas déjà détalé.

Pour le moment, on discutait simplement. Pourtant, une certaine tension était déjà palpable. Mon sourire atteignit mes yeux quand elle sous-entendit à demi-mots que j’étais plutôt hors du commun. « Ca me plaît, oui. » Quant à l’Ecosse ? J’hochai lentement la tête en soufflant un peu de fumée de ma cigarette. « J’y allais souvent avec mon père autrefois, mais c’est trop cher maintenant que j’ai des frères et sœurs. » Nous n’avions plus les moyens. Mais je ne pouvais pas vraiment m’en plaindre. Contrairement à eux, être le premier né m’avait permis de profiter un peu plus de ces voyages.

Je ne pensais pas qu’on échangerait autant, en vérité. Ca paraissait presque naturel. Jena me confia avoir été très impactée par le divorce de ses parents étant adolescente. Je comprenais mieux comment sa vocation pour la psychologie était née. Il vaudrait sans doute mieux que j’évite de lui dire que j’avais toujours pensé que les psychologues étaient pour les fous. « C’est pour aider les autres, alors. » Je lui souris un peu. Jena s’intéressa en retour à ce que je pouvais faire de ma vie également. « Je suis encore en formation et… oui. On peut pas vivre des compétitions. Ca rapporte assez, mais une blessure et t’es parfois foutu. » J’en avais vu tout miser sur la compétition au motocross, mal se réceptionner, et se retrouver ensuite avec une facture ouverte. C’était moche, mais ça arrivait même au meilleur.

Je ne pensais pas que ma moto l’intéressait, mais la brune était visiblement partante pour une petite virée à deux. Mon sourire s’étira à cette perspective, l’air mutin. « Bien sûr qu’on peut. Je t’emmène où tu veux, ou… tu me laisses choisir, à tes risques et périls. » Sa main posée sur ma cuisse était comme un appel. J’écrasai ma cigarette à côté, sans la quitter du regard. Je me penchai ensuite lentement vers elle pour lui souffler dans un murmure, à la frontière de ses lèvres. « Tu veux un avant-goût ? » Je n’attendis pas réellement de réponse de sa part pour venir l’embrasser. Le contact, tout d’abord doux, se fit plus pressant et plus franc, tant qu’elle ne s’en dérobait pas. Le baiser restait bref, mais chargé de promesses à venir.