La situation a quelque chose d’improbable. La relation qu’il a avec Max n’a rien à voir avec ce qu’il a pu vivre auparavant et, autant être parfaitement honnête, il n’a pas la moindre idée de ce que ça peut donner. C’est électrique entre eux, impossible de le nier. Et il aime ça. Même s’il est bien conscient qu’ils vivent tous les deux dans deux mondes diamétralement opposés. Alors, est-ce que c’est raisonnable de tenter de cohabiter ? D’avoir cet enfant ensemble ? Toutes ces questions le travaillent en continu et semblent comme s’envoler dès qu’il est avec elle. Pour la première fois de sa vie, il essaie juste de prendre les choses comme elles viennent. Et l’exercice est plus ardu qu’il ne l’aurait cru.

Au moins, une certitude, Tao l’adore. Et le sourire qui apparait sur les traits de l’asiatique à voir son fils papoter avec la jeune femme est d’une rare sincérité. Leur complicité est plus que visible et ça lui fait du bien de les voir comme ça, de voir son fils heureux. Il se contente de les observer quelques secondes, inspirant longuement, avant de lever un sourcil à la question de Max. « Mmmh ? Bien sûr. Et va pour les pizzas donc. »

Attrapant son téléphone, il pianote pour les commander alors que Tao souffle – ou crie plutôt – depuis le salon. « Double fromaaaage ! » Mais, quand Max prend la parole, il a un froncement de sourcils, avant de se figer à l’évocation de son père. « Diǎo rén… » Soufflé entre ses dents, alors qu’elle peut voir sa main serrer son téléphone avec force. Il finit par le poser sur le plan de travail et ferme le poing, commençant à faire les cent pas sans même en avoir pleinement conscience. Il ne se laisse jamais déborder par la colère mais là, c’est quelque chose qu’il ne peut pas accepter. Qu’il ne veut pas accepter. Ce n’est qu’avec un temps de retard qu’il réalise que Max a fait l’amalgame entre eux. Et il un profond soupir, se forçant à s’arrêter devant elle. « Tu veux la version courte ou la version longue ? » Bon, en réalité, il faudra bien qu’elle ait la version longue pour comprendre. « Il y a 20 ans, j’ai rencontré quelqu’un. Elle s’appelait Lisa. » Et voilà qu’il raconte son histoire. Leur histoire. Jusqu’au chèque proposé par son père. Et accepté par celle qu’il aimait. Son regard se perd dans le vide, alors qu’il finit par être à court de mots. Avant qu’il n’ajoute, dans un murmure. « Elle n’a jamais plus donné signe de vie. Je l’ai cherchée pourtant. » Durant des mois, des années même. Avant de se résigner à force de se faire claquer la porte au nez par tous ceux qui auraient pu lui apporter une réponse.

Il finit par inspirer longuement et par reprendre son regard ancré dans celui de Max. « Je n’ai rien à voir avec tout ça. Si je voulais que tu disparaisses de ma vie, j’aurais à peu près un million d’autres méthodes moins insultantes. Mais mon père ne t’aime pas. Comme il n’aimait pas Lisa. Parce que tu me sors de la voie toute tracée qu’il a pour moi. Parce que tu es libre. Parce que je me sens vivant quand je suis avec toi. » Et il a un sourire sans joie. « Au moins, tu n’as pas accepté l’argent. » Comme quoi, la vie n’est pas qu’un éternel recommencement.