Et un milkshake à la fraise pour le champion, sur ses rollers, Maxine arrive à la table du jeune garçon, qui lui offre un grand sourire en réponse. Il semble ravi, et elle lui rend sa risette avec un regard enthousiaste. Ce job ne devait être que passager, quand l'an dernier elle l'a pris. Ce diner avait un côté un peu has-been pourtant qui la faisait marrer. Depuis qu'elle y est, à défaut d'être tout à fait à sa place, Max s'y amuse. Je t'ai mis le rab de chantilly, parce que tu es mon petit client préféré d'aujourd'hui !

Le garçon rit doucement, en attrapant sa paille avec enthousiasme : Merci madame ! Outch. Le madame lui donne l'impression d'avoir pris cinquante ans d'un coup. Tu peux m'appeler Max ! Qu'elle lui rétorque alors en croisant le regard de l'adulte qui l'accompagne, l'interrogeant de son œillade défiante : Et le père de mon petit client préféré ne veut toujours rien en dessert ? Demande-t-elle. Après les burgers qu'ils ont mangés ensemble, il y a peut-être encore de la place pour autre chose.

Le petit, lui, semble tenir la distance au moins. Bon, elle ne le dira pas comme ça, elle arrondit ses salaires avec les pourboires, il vaut donc mieux s'abstenir des commentaires désobligeants quand ils arrivent. On peut partager mon milkshake si tu veux ! S'exclame le garçon en le tendant un peu vers son père. Quel âge a-t-il ? Pas plus de dix ans, c'est ce qu'elle analyse. La fin de service est pour bientôt, elle regarde l'horloge un instant avant de revenir écouter d'une oreille distraite la réponse qu'on lui donne.

Il ne vient pas de passer commande pendant qu'elle n'était pas attentive, au moins ? Pardon, vous disiez ? Le garçonnet est trop occupé à avaler une grande cuillère de chantilly qu'il enfourne dans sa bouche pour lui venir en aide. Elle va devoir s'en sortir autrement. Qu'importe. Sourire avenant, oeillade de biche, elle croise le regard de son vis-à-vis, et entend s'en sortir avec une formidable pirouette dont elle a le secret.

« Vous avez besoin de passer ce temps tous les deux Yuan. » Il relève la tête, voir les lèvres pincées de sa femme et se contente d’un bref soupir. Il sait très bien qu’elle a raison, il en est conscient. C’est pour ça qu’il a posé une journée, ce qui ne lui arrive jamais ou presque. Qu’il est là, planté dans la cuisine, sans oser regarder Zi dans les yeux. Il n’a pas envie qu’elle voie la douleur dans ses yeux, parfait reflet de ce qui brille dans les siens.

Ca fait six mois. Six mois qu’ils ont enterré leur fille. Et si Zi arrive à garder la tête haute, à être une mère pour Tao, lui n’y arrive plus. Mais il doit essayer. Surtout quand il voit ce petit bonhomme et son visage qui s’illumine juste en les voyant tous les deux dans la cuisine. « Allez mon grand, une grande journée nous attend. Va t’habiller. » Il serre doucement l’épaule de Zi avant de filer avec Tao. Passer quelques heures tous les deux, retrouver son fils. Et essayer de se retrouver lui-même. Voilà qui serait un bon programme.

Et il fixe son fils, plutôt silencieux alors qu’il continue d’évoquer leur balade à la Space Needle le matin-même. « Les gens étaient tellement petits vus d’en haut ! Tu crois que mes photos seront bien ? Et c’était vraiment la maison qu’on a vue ? T’es sûr de toi ? » Il plisse les yeux, alors que son père un sourire amusé, avant de s’extasier à l’arrivée de son milk-shake. « Merci Max ! » Soufflé avec enthousiasme alors que Yuan a un temps d’arrêt à la question. Il n’a plus vraiment faim depuis quelques mois, mais il sait que ça fera plaisir à son fils s’il prend quelque chose. « Mmmh, tu es sûr que tu n'as pas envie de tout manger ? » Un rire échappe à Tao qui s’attaque à son dessert. « Je veux bien un brownie. » mais la serveuse ne semble pas l’avoir entendu. Il a un temps d’arrêt, l’observant quelques secondes. Elle est plutôt mignonne, même si elle n’est pas son genre. Et forcément, son sourire commercial est plus qu’efficace. « Je disais qu’un brownie ce serait très bien. » Tao ajoute, la bouche pleine de chantilly. « Avec encore plus de chantilly ! Je l’aiderais à finir. » Il a un rire en secouant la tête, alors que son regard accroche le sien quelques secondes de plus que nécessaire. Elle a des yeux magnifiques. Simple constatation, évidemment. « Et un café s’il vous plait. » Cette fois, elle doit l’avoir entendu non ?

Je devrais pouvoir faire ça, qu'elle lui souffle avec un sourire en coin, quand il demande finalement un brownie et que l'enfant en rajoute au sujet de la chantilly. C'est même un rire qui lui échappe. Je reviens, assure-t-elle au duo en s'esquivant, retrouvant les cuisines et le comptoir, où elle entame de passer sa commande. Sa collègue débarque à côté d'elle et lui adresse un long regard : Un brownie, et vous pouvez avoir la main lourde sur la chantilly ! Demande-t-elle en tapotant la sonnette avec enthousiasme. Ana lui saisit la taille fermement pour se tenir à elle.

Je comprends la catégorie DILF sur Porn Hub quand je vois ça, fait-elle en désignant le père de famille. Max fronce les sourcils, se tournant vers sa camarade avec un rire d'abord troublé : Hein, quoi ? Elle n'est pas sûre de comprendre : Ouais, à d'autres Max ! Je veux juste dire que si tu veux glisser ton numéro sur la serviette du brownie, je ne te jugerais pas ! Plaide sa complice en lui infligeant en plus un petit coup de coude en plein sur un bleu encore vif. Un grognement lui échappe, elle secoue la tête : Je ne vais pas faire ça, elle ne voit pas son amie saisir une serviette et griffonner dessus : Alors moi, je vais le faire à ta place !

Hop, elle saisit au passage le brownie qui vient d'arriver, et bouscule la rouquine. Pas assez réactive, Max se fige : Non mais arrête ! La honte ! Anna, ça suffit ! Grogne-t-elle quand elle bondit sur l'occasion pour contourner le comptoir et fondre vers ses clients. C'est immobile à plusieurs mètres qu'elle comprend qu'elle est coincée. Sérieusement ! Et voilà pour monsieur, de la part de ma collègue qui viendra voir plus tard comment vous vous en sortez et si vous avez besoin d'un peu d'aide, fait Anna en venant la désigner, pile au moment où elle fond sous le comptoir pour se cacher.

Il rend un sourire à la serveuse, avant de secouer la tête en voyant Tao, les joues gonflées de chantilly. « Et tu crois que tu vas me voler mon dessert après ça ? » Forcément, il hoche la tête, le regard brillant, ravi que son père lui porte de nouveau de l’attention. Et, l’espace d’un instant, Yuan se sent coupable de l’avoir délaissé ses derniers mois. Il fallait qu’il porte son deuil à sa façon. Mais ce n’était pas vraiment la bonne. C’est même tout le contraire et il doit arrêter de rester focalisé sur son nombril. « Tu crois qu’on pourra faire ça plus souvent bàba ? » Il a un temps d’arrêt, réalisant que son regard était braqué en direction de la serveuse. « On pourrait même faire ça une fois par semaine. Tu en penses quoi ? Il faudra demander à ta mère si elle est d’accord. » Un large sourire en réponse, alors qu’il va lui ébouriffer les cheveux avec affection. Non, il ne laissera plus son fils de côté. Il n’a pas le droit.

« Elle a un joli sourire Max ! » Un sursaut, alors qu’il ne s’attendait pas vraiment à ça de la part de son fils. « Mmmh ? Oui, possible. » C’est certain même. Enfin pour l’heure, elle a plutôt l’air offusquée. Mais il ajoute, d’un ton malicieux, en direction de son fils. « Tu la trouves jolie ? » Tao grimace, visiblement offusqué de l’interrogation. « C’est une FILLE bàba ! Eurk… » Et il se fend d’un rire alors que c’est une autre serveuse qui lui amène son dessert. « Oh euh… merci. » Un regard devant la montagne de chantilly puis Max plus loin, à qui il adresse un signe de la tête. Ana dépose la serviette bien en vue et il arque un sourcil devant le numéro griffonné dessus. Un clin d’œil alors qu’elle désigne de nouveau sa collègue au loin. Collègue qui semble passablement mortifiée et qui disparait la seconde d’après. « Vous êtes sûre qu’elle voulait me le donner ? » Une œillade amusée que lui rend Ana. Et il ajoute, d’un ton toujours aussi léger. « Vous lui direz que je veux bien mon café aussi. » Il ne sait pas quoi faire du numéro pour être honnête, mais il est curieux d’entendre ce que Max aura à lui dire de ça. Ca l’amuse même. « On fait quoi après ? » Il reporte son attention sur Tao, qui a déjà englouti la moitié de son milshake. « A toi de choisir. Il y a le parcours d’escalade. Ou le circuit de karting. » Le petit commence à réfléchir avec tout le sérieux donc est un capable un enfant de 12 ans face à une telle décision. Il en oublie même son dessert l’espace d’une seconde. Question de priorité.

Elle est juste timide, assure Anna en la laissant encore plus mortifiée. Quelle garde ! Elle n'en manque pas une pour lui mettre la honte. Grognant derrière son comptoir où elle se cache du regard du père de famille, la rouquine tente de discerner par où la fuite serait le plus avisée. C'est une situation d'urgence. Il l'a super bien pris ! Assure Anna par-dessus le comptoir en la trouvant finalement : Quoi ! Mais elle n'en manque pas une : Je ne t'ai rien demandé Anna ! Tu me fous vraiment la honte !

Elle se redresse finalement et lui envoie une serviette à la figure, en l'assassinant du regard : Oooh ça va, détend-toi ! S'exclame la brune en roulant des yeux : Au pire, il te fiche un râteau et tu passes à autre chose mais tu auras essayé, essayé ? Mais je n'ai rien fait du tout, je n'ai pas envie de me prendre un râteau alors que je suis peinarde dans mon coin ! C'est un comble de devoir l'expliquer, quand même... Au mieux, vous allez vous marier et avoir trois enfants aussi mignons que celui-là, et il y a intérêt à ce que je sois la marraine de l'un d'eux !

Un rire sans joie échappe à Max, qui secoue fermement la tête : C'est m-o-r-t, Anna, tu es la pire et jamais tu ne seras la marraine d'aucun de mes magnifiques enfants, c'est clair ? Ah, donc tu pars sur la meilleure option ? Merde. La ferme, lui lâche-t-elle en grognant. N'oublie pas le café ! Putain de merde de foutre dieu de banane, le café ! Elle va devoir y retourner après cette représentation. Tu es bizarre... Juge Anna. La ferme !

Bon sang mais qui lui a fichu une collègue comme ça ? Elles travaillent ensemble depuis un an, s'entendent à merveilles, et des coups comme ça, ça n'est clairement pas la première fois qu'on les lui colle. Mais elle préfère largement quand elle y échappe. Préparant la tasse, elle se résout, la mort dans l'âme, à s'y rendre. Le petit s'esquive aux toilettes, encore pire. Bon... Ne pas renverser la tasse sur lui, ne pas renverser la tasse sur lui. Votre café, miracle, elle a réussi ! Sans bafouiller, sans tomber et sans le regarder. Autant filer maintenant.

Tao semble toujours plongé dans une intense réflexion et Yuan l’imagine presque sortir un carnet pour faire un comparatif. « On fera l’autre la semaine prochaine si tu veux. » Soufflé d’une voix plus douce, alors que ça ne semble guère l’aider à faire son choix. Du coin de l’œil, il observe les deux serveuses plus loin, essayant de ne pas s’attarder plus que nécessaire sur la rouquine. Elle n’est pas son genre, il l’aurait presque oublié l’espace d’une seconde. « Je reviens ! »

Il sursaute presque en voyant Tao bondir de son siège pour aller aux toilettes. Et il en profite pour jeter un coup d’œil à son téléphone. S’il s’est promis de ne pas penser au travail, il ne peut s’empêcher de consulter quelques mains, non sans un soupir quand il finit par réaliser ce qu’il faut. Trop d’automatismes dont il n’arrive pas à se défaire plus de quelques heures. Et il relève les yeux en voyant la tasse de café se poser devant lui. « Merci. » Son regard rivé sur Max, il laisse filer un silence avant de lui tendre la serviette avec son numéro griffonné dessus. « Quitte à l’avoir, j’aimerais autant qu’il vienne directement de vous. » Et il ajoute, sans trop savoir pourquoi. « Mon fils a raison, vous avez un très joli sourire. »

Pas le temps d’en dire plus que Tao revient, telle une tornade. « Max ! Tu peux m’aider ? Je suis ton petit client préféré non ? » Il n’attend même pas une confirmation et enchaine. « Bàba m’a proposé du karting ou de l’escalade. Et j’arrive pas à me décider. » Le voilà qui se dandine d’un pied sur l’autre, attendant le verdict de la rouquine, comme si elle avait la science infuse dans ce domaine.

Quoi pardon ? Articule-t-elle en fronçant les sourcils, alors qu'il lui rend la serviette. Elle a un temps, rattrapant cette dernière lentement, jusqu'à la remarque de l'homme. Un joli sourire ? Elle ? Max est à deux doigts de lui demander s'il a pris du crack au lieu de sucre pour son café, mais ça ferait mauvais genre. Vous pouvez le garder, glisse-t-elle finalement en lui rendant la serviette, prête à se détourner avec un sourire quand le petit garçon revient dans sa direction. Escalade ou karting ?

Tout dépend si tu as le vertige, fait-elle alors. Il a une pointe d'appréhension avant de se gonfler d'une fierté un peu maladroite : Non, je n'ai pas le vertige ! Elle n'est pas sûre d'y croire. Mais fait mine de rien. Et puis, il reprend tout seul : Mais je crois que j'aimerais bien le karting quand même, elle a un rire amusé : Je pensais justement que c'était le meilleur choix ! Certifie-t-elle avec enthousiasme : Tu sais, Bàba conduit aussi !

Ses yeux glissent vers son père. Oui, ça doit être lui. J'imagine que pour venir ici, il a dû conduire de toute façon... glisse-t-elle en fronçant les sourcils, un peu surprise. Mais non ! C'est pas ce que je voulais dire, juste... Il est pilote, comme à la télé ! Assure-t-il. Vraiment ? Impressionnant, elle croit. Elle ne l'a pas vu faire alors bon. Tu voudras venir avec nous ? Ses yeux se font ronds, comment ça ? Elle ? Ou ça ? Elle se recule sur ses rollers, se laissant glisser vers l'arrière.

Franchement, elle n'est pas persuadée que ça soit le bon moment. Tout ça la met un peu mal à l'aise : Trop bizarre, on m'appelle derrière ! Fait-elle alors que l'enfant regarde avec curiosité : J'ai rien entendu moi ! Alors, tu viens ?! Insiste-t-il simplement, avec un grand sourire : Lalalala ♫ J'ai du travail, je reviens ! ♪