Un soupir lui échappe, sa réponse semble sincère, presque spontanée, c'est pourtant quelque chose que Yuan ne semble pas toujours apte à être. Elle l'imagine sans mal calculer tous ses mots, avec justesse, pour tenter de ne jamais se montrer faible, ou prêter le flanc. Elle pince les lèvres, alors qu'elle prend son traitement et rejoint ce lit préparé pour elle. Mais avant qu'il ne s'esquive, elle saisit sa main : Tu restes avec moi ? Demande-t-elle d'une petite voix.

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Les lèvres trempant dans son café du matin, elle peine à se réveiller. La poche de glace retourne à l'arrière de son crâne alors qu'elle évite Yuan des yeux. Elle n'a pas faim. Elle se sent nauséeuse en fait, mais c'est la même chose que depuis le début de tout ça. Le médecin m'a dit qu'il y avait plusieurs échographies à passer, souffle-t-elle à son voisin, en l'interrompant un instant dans sa lecture de mails. Je n'ai pas le moyen de me les payer et... Je n'ai pas envie de faire ça toute seule, ajoute-t-elle.

Elle a sans doute un peu réfléchi durant la nuit, ne sait pas vraiment si c'est une très bonne idée mais peu importe, c'est dit. Tu pourras être là ou pas ? Questionne-t-elle simplement dans la foulée en essayant de ne pas avoir l'air de lui demander quelque chose de plus. Elle ne veut pas dépendre de lui mais financièrement et pour cette grossesse inédite dans sa vie, elle n'a absolument pas le choix : Oh... Et... souffle-t-elle doucement : Si on fait vraiment ça, tu devras rencontrer ma mère, et elle devra t'apprécier, précise-t-elle rapidement.

Un bref hochement de tête en réponse, alors qu’il s’allonge à côté d’elle et l’enlace sans dire un mot de plus. De toute façon, il a déjà tout dit, à ses yeux en tout cas. Le reste appartient à la rousse.  

« Tu es sûre que tu ne veux rien manger ? » Il lui lance un regard passablement dubitatif, d’autant qu’il l’a déjà vue manger pour trois sans sourciller. Avant de se replonger dans la lecture de ses mails, fronçant les sourcils de temps à autre au fil des secondes. Quand elle reprend la parole, il relève la tête et il a un temps d’arrêt, sans trop savoir – pour la première fois de sa vie – ce qui serait le plus opportun de répondre. Autant dire que la sensation n’a absolument rien de plaisant, encore moins cette impression de marcher sur des œufs alors qu’il l’observe quelques instants sans rien dire. « Je serais là évidemment. Et ne t’inquiète pas pour les échographies ou pour je sais quel examen médical que tu devras faire. D’accord ? » Tant qu’elle ne ressort pas que l’argent n’est pas un problème pour lui, cet aspect devrait, normalement, être maitrisé sans trop de difficultés.

« Hum. Je vois. » Quand elle évoque sa mère. Ou le fait qu’ils pourraient réellement faire ça, sans pour autant préciser. Mais il essaie de rester dans ce qu’il connait le mieux, à savoir la maitrise de ses propres réactions, à défaut de maitriser ce qui se passe et cette impression qu’elle vient de le pousser dans le vide. « J’imagine que tu vas me laisser improviser avec ta mère sans me donner de pistes pour qu’elle puisse m’apprécier ? » Ce serait bien trop simple sinon. Tout en parlant, il repose son téléphone et va ouvrir un tiroir pour en sortir une clé. Qu’il pose devant Max. « Je t’enverrais les codes pour la porte principale. Et le portier aura ton nom. Si tu veux la prendre. Evidemment. » Probablement qu’il devrait faire ça de façon plus romantique, moins factuelle. Mais ça reste quelque chose hors d’atteinte pour lui dans l’immédiat. Là, il est au maximum de ses capacités relationnelles. « Tu me diras quand on rencontrera ta mère alors. »

D'accord, ne pas s'inquiéter pour tout ça. Elle peut sans doute le faire. Elle sait que c'est pour le bébé, pour la grossesse, et pas forcément pour elle. Mais ça la soulage déjà d'un poids. Si décision prise, ça sera au moins sans l'appréhension de ne pas avoir de quoi faire sur son compte en banque, ou tout simplement une mutuelle capable de prendre tout ça en charge. Elle peut respirer un peu mieux rien qu'à y penser, c'est très étrange et paradoxal. Elle relève le nez vers lui et fronce les sourcils à sa question.

Oui évidemment, pourquoi je devrais faire en sorte que ça soit plus facile ? Demande-t-elle soudainement. Elle hausse les épaules : est-ce qu'il arrondira les angles si elle est amenée à rencontrer sa famille, et notamment des parents à qui il refuse de parler honnêtement ? Elle a bizarrement comme un doute, mais bon. Un soupir lui échappe. Elle le voit faire, lui amener une clé, lui expliquer qu'elle pourra venir. C'est... Pour quoi ? Demande-t-elle alors en plissant le regard : Que je passe de temps en temps ou que je m'installe ici ?

Parce que la démarche n'est pas vraiment la même, que ça soit l'un ou l'autre. Elle pince les lèvres, un peu confuse avec tout ça. Bref, l'histoire de la mère revient, et elle a un soupire : Il va falloir prendre l'avion et aller à Denver pour ça, qu'elle explique. C'est loin, et puis ça demande du temps. Quand est-ce que tu auras un weekend devant toi ? C'est important pour elle, il doit s'en douter. De préférence, avant sa naissance ? Ajoute-t-elle pour la précision, en esquissant une grimace de circonstances.

Il lui rend un sourire qu’il espère rassurant, alors qu’elle ne semble pas, pour une fois, chercher à le contredire. Une fois n’est pas coutume, il n’insiste pas sur le sujet, plutôt surpris par l’idée d’avoir à rencontrer la mère de la jeune femme. Ma foi, c’est probablement le signe qu’ils sont sur la même longueur d’ondes. Plus ou moins. Ou, en tout cas, qu’elle imagine aussi un avenir à cette relation qui est la leur. Ca l’étonne mais, surtout, ça le rassure. Et il se sent un peu idiot. Potentiellement un peu heureux également, plus qu’il n’osera l’admettre.

Et c’est un rire silencieux qui le secoue à sa répartie. « Evidemment, pourquoi j’ai posé la question, n’est-ce pas ? » Il faudra qu’il improvise, quelque chose qu’il déteste par-dessus tout donc Et pourtant, il est poussé par la spontanéité quand il va chercher la clé. Parce qu’il en a envie et que, pour une fois, il a envie de suivre ce qui lui tient à cœur. « Et bien… tu pourrais venir quand tu as envie dans un premier temps. Et si tu te sens bien… t’installer. » Il ajoute, avant même qu’elle réponde. « Tu n’es obligée de rien. Je sais que ça … me ferait plaisir. Et Tao serait ravi. » Ca, il n’a aucun doute à ce sujet.

Du reste, il attrape son téléphone et pianote quelques instants dessus. « Ca dépend. Est-ce que tu veux que nous embarquions Tao avec nous ? Ca permettrait aussi de lui annoncer. » Et ce serait un atout non négligeable face à la mère de Max, il a un charme qui fait succomber tout le monde. « Si c’est le cas, on peut se faire ça dans deux semaines. Sinon trois. » A voir selon son boulot à elle. Et il ne voit pas l’intérêt de laisser trainer ça plus longtemps. « A toi de me dire ce qui t’arrange. Je peux m’occuper de réserver les vols. L’hôtel aussi ? » Il se voit mal dormir chez sa mère, sans arriver à mettre le doigt dessus. Mais là au moins, c’est quelque chose de concret il peut mettre de coté le vertige qu’il ressent à l’idée d’être à nouveau père. Surtout dans ces circonstances.

Elle revient fixer ses yeux sur Yuan en s'étonnant de sa prise soudaine d'initiative. C'est bien quelque chose qu'elle n'avait pas du tout prédit venant de lui. Et... Ce n'est pas déplaisant, à dire vrai. Elle pince les lèvres un instant en essayant de ne pas l'afficher, notamment parce qu'elle craindrait de passer pour une idiote à ses yeux. Un temps passe, la proposition de prendre Tao avec eux se pose.

Oh, ok, oui, ça n'est pas une mauvaise idée. Il est déjà à réserver l'avion, à prendre les choses en main, c'est une part de lui à laquelle elle ne s'attend pas. Oui, trois semaines, c'est bien, ajoute-t-elle alors en réfléchissant rapidement à ses propres disponibilités. Elle se doute que ça n'est pas plus facile pour elle que pour lui. Alors peut-être que venir vivre ici de temps en temps ne serait pas une mauvaise idée. Même si ça n'est pas à côté du tout de son travail.

Et... On pourra sans doute dormir chez elle, dans ma mémoire, sa maison était suffisante, les enfants de son mari ont dû partir depuis le temps... Oui, elle ne l'a pas revu depuis un moment. Elle l'a pourtant régulièrement au téléphone, encore plus depuis qu'elle a rencontré son père et a décidé ensuite de ne plus entendre parler de cet idiot. Je dois prévenir ma mère, ajoute-t-elle en saisissant son propre téléphone, avant de relever les yeux vers lui : Tu comptes l'annoncer à tes parents aussi ? Demande-t-elle soudainement.

Il rend un sourire à la rousse, sans trop savoir si elle a pu apprécier ou non le fait qu’il lui donne les clés. Libre à elle de s’en servir comme elle veut, il n’a plus vraiment quoi que ce soit à cacher. Ce qui le surprend à dire vrai, alors que durant des années, il a eu besoin d’aller chercher ailleurs ce qui lui manquait dans son mariage. Et maintenant ? Il y a cette tornade qui retourne toute sa vie sans qu’il essaie même de vraiment lutter. Et les dernières heures lui ont bien fait comprendre qu’il devait prendre les choses comme elles viennent, qu’il devait accepter ce qui se passait entre eux et ne pas tout planifier, comme il peut le faire en temps normal.

Est-ce que ça le rend dingue ? Totalement. Est-ce que ça lui plait ? Maintenant qu’elle a accepté de ne plus le fuir, oui. Et même s’il n’a aucune idée de ce dans quoi il s’engage, il a envie d’essayer. Pour continuer de sentir ce picotement dans la nuque à chaque fois qu’il la voit. Pour avoir son cœur qui bat un peu plus vite, même si ça va à l’encontre de tout ce qu’on lui a inculqué depuis toujours. « Va pour dans trois semaines alors. Je m’occupe des billets d’avion. Et on dormira chez ta mère donc. » Voilà qui est étrange dit à haute voix. « Au pire, on se débrouillera autrement si ce n’est pas possible. » Un bref froncement de sourcils quand elle parle des enfants de son mari et il la fixe, interrogateur. « Tu veux en dire plus ? »

Et, quand elle lui demande si elle compte l’annoncer à ses propres parents, il a un temps, pensif. « Je pense que oui. Même si ça va mal se passer. » Autant assumer ce qu’il est… et ce qu’il veut être surtout. Il sait que Tao sera ravi de tous ces changements et il est quasi certain que Zi sera soulagée de tout ça. « Mais je ferais ça plus tard. » En attendant, il se rapproche de la rousse et la ramène contre lui. « Je suis content que tu sois restée. »

***

Il avait raison. Ses parents ont détesté la nouvelle. Son père refuse de lui adresser la parole depuis et sa mère n’a de cesse de pleurer sur son ingratitude. La situation serait compliquée si le visage de Tao ne s’était pas illuminé à l’idée même que Max vienne plus souvent à la maison. Autant dire que, la première fois qu’elle utilise le jeu de clé, c’est lui qui se précipite à sa rencontre, ravi de lui parler de tout et de rien, le regard brillant. Il lui montre même tout ce qu’il a préparé pour visiter Denver. De son côté, Yuan se contente d’un haussement d’épaules, esquissant un sourire en voyant qu’elle est venue. Sans avoir besoin de le prévenir. « Je vais commander à manger. » Et il y a une normalité dans la situation qui pourrait presque lui donner le vertige.

Ce n'est pas vraiment chez elle, mais ça le devient peut-être un peu. En même temps que son ventre s'arrondit clairement, et qu'il n'y a plus vraiment de doute sur sa condition. De même que pour le fait qu'elle est en couple avec Yuan d'ailleurs. Même si sur ce point, tout est toujours un peu discutable. Qu'ils se trouvent quelques points communs mais également beaucoup de différences. C'est difficile d'établir un équilibre au milieu de tout ça. Maxine ne sait pas si elle ne s'enfonce pas dans un entre-deux grossier, ou si elle ne va pas claquer la porte à un avenir qui lui ressemble bien plus en restant avec lui.

Tout est difficile, en sachant qu'elle ne sait pas de quoi demain est fait. Un soupir lui échappe. L'enthousiasme de Tao est peut-être la seule chose qui l'apaise vraiment dernièrement, parce que son contact est toujours parfaitement sincère, bienveillant. Yuan, c'est encore autre chose. Il semble vrai avec elle, mais cache tellement de facettes plus sombres qu'elle n'est pas persuadée de bien le connaitre, pour tout dire. Ni de pouvoir le connaitre entièrement. Les lèvres pincées, la brune relève les yeux vers lui, avant de revenir vers le garçon.

Et si tu lançais une partie de Mario Kart ? Propose-t-elle soudainement pour acheter un moment de tranquillité. Je vais te botter les fesses comme ça, annonce-t-elle. Tu dis ça à chaque fois et c'est moi qui gagne ! Oui, et alors ? Quel sale gamin ! Pas cette fois, tu verras, je me suis entrainée ! Elle le défie du regard avant de souffler à Yuan : Je peux te parler deux minutes ? En tête à tête, évidemment. On commande quoi ? Réclame Tao en s'avançant vers la télé et la console. Pizza ? Propose-t-elle. Trop bien !

Au moins, il y en a un enthousiaste. Dans la cuisine, elle se plante face à Yuan : Un homme m'a appelé tout à l'heure, il s'est présenté comme l'assistant de Wang Shèng, je pense que ça te parle ? Entame-t-elle sans détour en plantant un regard froid sur lui : Ton père est au fait de ma situation, et m'a proposé une énorme somme d'argent pour me faire avorter et disparaitre de ta vie, poursuit-elle. Si tu as quelque chose à me dire, tu n'es pas obligé de passer par ton père pour ça, grince-t-elle : Je suis toute ouïe, pour se battre s'il le faut.