Lorsque l'œil tombe en face d'elle, Tasya laisse échapper un cri horrifié. « Non.. » souffle-t-elle d'une voix à peine audible. « Non, non, non... » Un gémissement franchit la barrière de ses lèvres alors qu'elle se redresse sur sa chaise et porte une main à sa bouche. L'oeil semble la fixer, sanguinolent, arraché de manière barbare. Pas Phoebe.. Non, pas son amie, si douce et si bienveillante.

Ses yeux s'écarquillent face à l'horreur de la situation. Comment est-ce que ça a pu déraper aussi loin ? Elle en est persuadée maintenant : Ray a menti pour se protéger. Il a dû les accuser prétendre qu'elles ont poussé cet évêque. C'est un cauchemar. Que faire ? Dire la vérité ? Est ce que ça n'aggravera pas tout ? Est-ce qu'ils vont seulement la croire ?

Lorsqu'elle croise le regard d'Alec, elle sait qu'elle sera la prochaine, qu'il va se montrer aussi cruelle avec elle qu'avec Phoebe. « Je vous en supplie... » gémit-elle. « Ne... Ne faites pas ça... » Elle se recule, sa voix se bloque dans sa gorge et elle est incapable de dire quoique ce soit de plus.

Tasya ne s'attendait pas au déchaînement de violence qui suivit. Sa tête heurte la table avec violence et Alec ne s'arrête pas là.  Jamais elle n'aurait pu imaginer que quelqu'un soit aussi cruel, et inhumain. La douleur s'immisce dans chaque partie de son corps au fur et à mesure que les coups tombent. Elle en est certaine, elle va mourir dans cette cellule. Elle a beau crier, hurler, supplier, rien n'arrête Alec. Elle est à la merci de la cruauté de cet homme. Alors qu'un nouveau coup de pied lui coupe la respiration, elle se recroqueville sur elle-même pour se protéger. Ce n'est pas suffisant, il la tire par les cheveux pour la frapper au visage. Encore et toujours plus.

Combien de temps son calvaire dure-t-il ? Elle n'en a aucune idée. Des heures peut être, des minutes ? Trop longtemps certainement. Elle finit par déconnecter complètement de la réalité, pour se protéger peut-être, et devient un pantin désarticulé soumis à la bestialité de cet homme. D'un coup de pied, il lui brise la clavicule et un nouveau gémissement de douleur la secoue. Elle se reprend peu à peu tandis qu'il vient la repousser violemment contre le mur. S'il continue ainsi, elle va mourir, c'est certain.

Elle lève une main tremblante vers lui, à bout de force « Il.. Il l'a... poussé » finit-elle par avouer dans un dernier regain d'énergie, poussé par l'espoir qu'il ne la tue pas. Chaque mot est douloureux même sa gorge est en feu « Ce... ce n'était pas un accident.. » gémit-elle finalement. Une toux la surprend et elle manque de s'étouffer dans son propre sang. « C'est lui.. » souffle-t-elle. « C'est Ray... » L'a-t-il entendu ? Elle n'en est pas certaine. Chaque mot prononcé s'étouffe au fond de sa gorge.

Et ça ne l'arrête pas. Un nouveau coup lui trouble la vision puis il semble se calmer... pour mieux recommencer. La dernière vision d'Alec, il est en train de descendre son pantalon et de remonter sa nuisette. Elle tente de l'arrêter tandis qu'il fond sur elle. Un dernier gémissement lui échappe mais elle n'a plus de force pour lui résister. Elle perd connaissance. Détruite.

Elle ne peut s'empêcher de gémir quand le tissu qu'elle à arraché à sa robe vient se poser sur la plaie béante de son oeil, s'efforçant de prendre sur elle pour attacher le tissu en un bandage de fortune qui aura au moins le mérite de couvrir la cavité. Elle ne pourrait pas faire mieux, de toute manière. Et alors qu'elle s'apprêtait à se laisser à nouveau retomber au sol, l'écho de pas dans le couloir lui fait brièvement tourner la tête. Prête à croiser le regard d'Alec, avant de tomber sur Tasya, et qu'un battement de coeur prononcé ne lui échappe en voyant son état. Recouverte d'une veste, sans doute moins abîmée qu'elle, peut-être. Ou du moins, physiquement. Parce que le regard qu'elle voit laisse à présager quelque chose qu'elle peine à imaginer. Réceptionnant seulement la mexicaine sitôt qu'elle passe la porte de la cellule, s'efforçant d'agir un minimum. Au moins pour elle. Venant la serrer dans ses bras avec le peu de force qu'il reste en sa possession, ne cherchant même à dire quoi que ce soit. Pour évoquer quoi ? Des sévices qui seraient excusés ? Sermonnés, éventuellement ?

Tasya... C'est bien la seule chose qui s'échappe de ses lèvres, alors qu'elle ferme un instant son oeil valide. S'interdisant de fondre en larme ici et maintenant, alors qu'elle se promet par un moyen encore un peu flou qu'un jour, ils paieraient pour ça. Mais là, maintenant ? Elle ne peut que prendre son mal en patience, et certainement subir une sentence trop injuste. Ces tortures n'étaient que l'avant goût d'un enfer personnel qu'elle devinait sans trop de mal après tout.

Qu'est-ce qu'il ... Elle n'ose pas finir sa phrase. L'avisant sans mot dire, sans chercher à évoquer ses propres blessures, qui de toute manière parlent d'elle même.

Tasya lutte pour ne pas perdre à nouveau conscience. Elle est traînée jusqu'aux cellules, incapable de mettre un pied devant l'autre. Une de ses chevilles la fait particulièrement souffrir, probablement fracturée. Tout le reste de son corps n'est que souffrance. Hématomes et plaies recouvrent son corps. Elle se sent aussi souillée, détruite. Lorsqu'elle passe le pas de la porte, elle sent qu'on l'a saisit avec plus de douceur et une voix familière arrive à ses oreilles. « Phoebe.. » souffle-t-elle faiblement. « Tu.. Tu es vivante.. » C'est inespéré et une vague de soulagement l'envahit. Quand elle a vu son œil, elle était persuadée qu'Alec l'avait tuée.. « Ton œil.. » Son regard se pose sur le bandeau et un nouveau sanglot la secoue.

Quand sa belle-soeur et meilleure amie lui demande ce qu'ils lui ont fait, elle est incapable de répondre. Tasya ne saurait même pas par où commencer mais les hématomes parlent pour elle.   « Ils vont nous tuer.. » gemit-elle dans un sanglot. Tasya ne sait même pas si ce serait tant une fatalité que ça. A cet instant, la souffrance est si forte que la mort serait probablement un échappatoire. Elle ne sait pas où son amie trouve encore l'énergie pour tenir mais de son côté, elle n'a plus de ressources. Elle craque et se sent complètement vidée.

« Je suis désolée » laisse-t-elle échapper. Les larmes se mettent à couler sans qu'elle ne puisse les retenir. « Je suis tellement désolée... » Si elle n'avait pas proposé à Phoebe de l'accompagner au baptême des jumeaux, elle n'aurait pas été torturée. Si Tasya n'avait pas suggéré à Ray de laisser mourir l'évêque, Phoebe ne serait pas ici.. Tout est de sa faute. La culpabilité, la souffrance, l'épuisement la font s'effondrer.  « J'ai craqué.. » parvient-elle à murmurer entre deux sanglots.  « Je leur ai dit que Ray l'avait poussé » Et Tasya se sent particulièrement honteuse pour cela. Le kiné va probablement souffrir à cause d'elle.