Et comment tu arrives à la solution de torturer des gens comme réponse à ce constat ? lui demande t-elle, complètement incrédule face à la manière de penser de June.

Oh mon dieu June, ne justifie pas tes actes par mon inadéquation à survivre à l’extérieur !   reprend t-elle, excédée.

Valentine avait toujours eu du mal à justifier moralement un sacré nombre d’activités qui se tramaient les bas fonds de Fort Ward. Et pour s’éviter des migraines, elle avait expressément demander à June de lui cacher les tenants et les aboutissants d’un bon nombre de choses. Est-ce que cela faisait d’elle une hypocrite ? Evidemment que oui.

Peut-être avait-elle vu, aussi, que les hommes de New Eden s’adonnaient aux mêmes actions, qu’ils avaient eux aussi, le réflexe de justifier une barbarie et une cruauté par le progrès, l’avancement, le retour à une vie perdue depuis déjà longtemps. Valentine se demandait si elle n’avait pas vécu trop à l’écart de tout cela, se donnant peut-être bonne conscience. Elle se retrouvait dans un dilemme entre pragmatisme et moralité, seulement elle n’avait pas besoin que l’on instrumentalise ses propres faiblesses et ses contradictions.

La seule solution que tu as trouvé pour cela c’est de me mettre un couteau dans la main et me venger de personnes qui ne sont même pas les têtes pensantes de toute cette débâcle. Tu peux me traiter d'hypocrite, mais en réalité cette "solution" n'avait aucun sens,   continue t-elle, Tu ne m’as laissé aucun choix objectif.

- Ne joue pas à ce jeu-là, Valentine. Tu sais bien qu’on cherche activement à atteindre les « têtes pensantes », c’est un peu tout l’objet de la guerre qui dure depuis trois ans, répliqua froidement l’avocate, et ces gens avaient eu le choix d’obéir ou non aux consignes. Ils auraient pu tourner le dos à leurs maîtres – réellement – et ils ont choisi de leur être loyaux. Alors ils en ont payé le prix.

Tel était le revers le moins reluisant du pouvoir : la clémence était prise pour de la lâcheté, la lâcheté pour de la faiblesse, et les actes de ce genre se multiplieraient. La raison pour laquelle Fort Ward était respecté, c’était parce qu’ils tenaient ses engagements de fermeté, en toute circonstance.

- Mais ce n’est même pas le problème, au fond, chassa June de la main, qu’est-ce que tu attends de moi ? Que je m’excuse ? Et en admettant que je le fasse, tu vas instantanément tourner la page ? La rouquine en doutait, visiblement, ce qui est fait est fait. Et tu savais très bien avec qui tu partageais ta vie, et elle n’avait pas toujours été en reste.

Allait-elle instantanément passer à autre chose ? Comme si de rien n’était ? Valentine avait été mise face à ses contradictions et certainement face à son hypocrisie. Elle n’avait jamais été aveugle, mais avait toujours fait le choix de regarder dans la direction opposée.C’était facile, confortable et assez hypocrite pour qu’elle finisse un jour par devoir y faire face.

Tout se justifiait par la guerre et d’ailleurs, Valentine ne pouvait nier qu’elle avait une part de responsabilités, dans certains des encouragements et conseils qu’elle avait pu donner à June. La française était perdue, elle n’avait pas de mal à l’avouer, mais d’une certaine manière, elle aurait préféré continuer à se voiler la face. Elle n’aurait jamais du faire partie de cette mission, elle s’en rendait compte. Je ne sais pas, concède t-elle. Non, elle ne savait pas si elle pouvait passer à autre chose.

Obligés ? C’était bien là où elle avait un doute, elle ne savait plus à justifier la moindre obligation à se comporter de manière aussi barbare. Je n’arrive plus à justifier la moindre obligation à ce genre d’actes. Cela fait certainement de moi une hypocrite, je peux l’admettre.. soupire t-elle, excédée.

Je n’aurais jamais du aller faire cette mission, quelque chose a changé en dehors de la prise de conscience sur mes faiblesses…Si j'étais censé savoir avec qui je partageais ma vie, tu le savais aussi. Mon hypocrisie ne t'a jamais gênée, pourquoi tu m'as fait regarder ces choses que je ne voulais pas voir ?  

- Et c’est pourtant grâce à ce « genre d’actes » que nous sommes encore là.

Parce qu’ils n’avaient jamais courbé l’échine, parce qu’ils avaient combattu le feu par le feu et fait entendre qu’ils ne toléraient aucune offense. Néanmoins, il y avait au fond qu’elle chose qu’elle pouvait reconnaître : June n’avait jamais été très favorables aux tortures physiques et barbares. Elle laissait les autres faire ce qu’ils fallaient, mais rarement auparavant s’était-elle abaissée à de telles comportements. Alors pourquoi ?

- Peut-être… peut-être que c’était moi qui avait besoin de voir ça.

Pour regagner la confiance qui s’était effritée, ou pour panser son ego, blessé d’avoir été berner par un stratagème aussi grossier. New Eden avait pris des vies de sa communautés et gâché toutes leurs perspectives d’avenir faste. Aujourd’hui, Fort Ward jouait sur le fil pour ne pas sombrer dans la pénuries. Et en plus, l’ennemi avait failli lui arracher la seule personne qui la rattachait encore à son humanité.

- Qu’est-ce que ça change ? Souffla-t-elle finalement, je ne peux pas te voir dévoir de ce tu as vu, elle marqua une pause, et concéda à mi-voix, c’est… nouveau pour moi. Tout ça.

La guerre, mais aussi ses dégâts collatéraux, et le fait d’essayer de garder sa relation à flot.

Mais de voir quoi exactement ? s’emporte t-elle presque, alors qu’elle lève les yeux au ciel. Non, elle ne comprenait pas.

Si c’est une crise d’égo, franchement, épargne moi, souffle t-elle. Valentine avait certainement un égo sur-dimensionné et une arrogance rare, mais elle n’avait pas la moindre idée d’où venait ce besoin de se rassurer avec la mort de quelqu’un. Avait-elle le compas moral dans l’oeil ? Ou s’étaient-elles réellement abaisser à se prendre pour Dieu, et exiger des sacrifices pour se rassurer l’égo et de remonter le moral.

Nouveau ? Il n’y avait rien de nouveau, avant que tu ne décides à m’inviter à ton activité de mentor morbide avec … Chucky la poupée tueuse, déclare t-elle, Tu as décidé de ce qui était le mieux pour moi, tu as décidé que c’était ce qui était nécessaire, c’est ça qui est nouveau, June. continue t-elle, en regardant June droit dans les yeux.

Alors qu’en réalité, c’est toi qui avait besoin de te rassurer, de venger le fait d’avoir été bernée par une bande de dommages collatéraux fanatiques, c’est ça la réalité.

June ne répondit pas dans l’immédiat. Parce que Valentine touchait un point sensible, parce qu’elle ne voulait pas mettre le doigt dans cet engrenage. Une des deux raisons, ou un peu des deux à la fois. Un long soupir lui échappa, son mal de crâne empirait.

- Ce débat est sans fin et il n’a pas d’issue. Du coup je te repose ma questions, qui était très simple : as-tu l’intention de continuer à m’ignorer longtemps ?

Parce que si oui, c’était un jeu auquel l’avocate serait très forte aussi – et particulièrement endurante.

Elle avait évité de répondre.

C’était l’heure de réponse, pourtant. C’était l’heure des choix.

Valentine se demandait si June ne voulait pas que ses défauts. Ses défauts qui l’a rendait arrogante, froide, pragmatique dont l’humanité n’arrivait que pour la sauver de l’irréparable déjà commit, avec une capacité à l’empathie proche du niveau zéro. Valentine regarde June, soupire, ferme les yeux.

Tu as l’impression d’être ignorée, à l’heure actuelle ? lui renvoie Valentine. Jusqu’à preuve du contraire, c’était bien l’inverse qui était à l’action actuellement. L’ignorer aurait été de refermer la porte, sans un mot, s’éviter une confrontation au moins pour ce soir. Reporter à demain.  

Dis moi ce que tu veux, June.