L'appréhension la saisit, comme une boule dans la gorge qui ne fait que grossir un peu plus. Même dans cette chambre qu'elle a décoré à son image - sobrement et avec une organisation presque maniaque - elle a l'impression qu'elle n'y est plus vraiment en sécurité. C'est la première fois qu'un homme y met les pieds, cela dit. La première fois depuis qu'elle l'habite en tout cas, et elle ne sait pas si elle peut vraiment passer au-dessus de ce sentiment. Y aller pas à pas n'est pas des plus simples, encore moins avec l'intime conviction qu'elle va trébucher jusqu'à lui faire perdre totalement patience.

Elle inspire profondément, essaie d'apaiser son cœur. La pénombre n'est pas entièrement rassurante, et Zi cherche surtout à se souvenir du parfum désormais familier de Locklan, elle l'a suffisamment étreint pour estimer la largeur de ses épaules, la rugosité de sa barbe de quelques jours contre sa peau sensible, la longueur de ses cheveux lorsqu'elle y glisse les doigts dedans. Elle s'obstine à ne penser qu'à ça pour ne pas laisser tout le mal et la peur qui la rongent l'envahir définitivement. Il y a sans doute des moments plus difficiles que d'autres, où l'ambivalence de cet instant s'impose à son esprit.

Comme lorsqu'il la déshabille, qu'elle tente maladroitement d'en faire autant. S'exposer à son regard contraint sa pudeur naturelle, elle rougit de plus belle qu'il pose les yeux sur elle alors qu'elle revient se lover contre lui. Elle l'effleure avec curiosité, le laisse la caresser avec appréhension. Tout lui parait incroyablement maladroit lorsque ça vient d'elle, et fait fleurir en son creux une peur qu'elle s'attèle à maitriser. Avec plus ou moins de réussite. Dans la pénombre de sa chambre, alors qu'il en vient à l'allonger doucement sur son lit et à la surplomber de sa silhouette, la chinoise a l'impression d'étouffer littéralement sous son poids.

Elle se contient du mieux qu'elle peut, elle ne réalise pas que ses yeux deviennent humides, ni même qu'elle tremble légèrement. Elle met ça sur le compte du froid, alors qu'elle bouillonne. Prise entre ses craintes et son désir, il en devient évident que ne pas voir clairement Locklan réveille les monstres qui sommeillent en elle, alors, elle respire, profondément, du mieux qu'elle peut, malgré les baisers tendre de son amant, elle lutte pour chasser les images violentes, les douleurs qui se réveillent, si intimes qu'elles sont difficiles à préciser.

A-Attend... C'est un élan de panique qui teinte sa voix étranglée, son souffle est plus un sifflement qu'une respiration, elle tâtonne à côté et parvient à allumer un instant. Quand elle le revoit, c'est comme si ce qui compressait sa poitrine jusque-là disparaissait d'un coup, d'un seul. Elle déglutit, ferme les yeux en venant se passant la main sur le visage. Elle est... Ridicule. Je... Elle est à deux doigts de s'excuser, à la place, elle couvre seulement sa poitrine libérée de ses vêtements, en tentant de rassembler ses esprits : J'avais besoin d'être sûre que c'était... C'était toi, souffle-t-elle tout bas, revenant saisir ses lèvres pour chasser cet écart de son esprit.

Elle tente au mieux de ne pas s'excuser, puisqu'il lui a demandé de ne plus le faire. Elle se résout seulement à ne pas renoncer tout de suite. Elle veut être forte, résiliente, courageuse. Elle veut passer cette étape qui la terrifie pourtant, et retrouver ce qu'elle a laissé dans cette maison vétuste, avec sa vie de mère. Elle veut redécouvrir, comprendre à nouveau, ce que ça veut dire qu'être une femme, et être aimé. C'est énormément de responsabilité pour Locklan, et elle comprend que la besogne soit trop large pour ses épaules. Mais là, elle ne voit pas qui pourrait lui offrir cette opportunité, à part lui.