Tu dis si tu as besoin d'un coussin supplémentaire, j'offre à Elena un sourire amusé après l'avoir aidé à monter dans la calèche. Cette dernière a l'air solide, même si les finitions ne sont pas vraiment parfaites. J'ose croire que ça effectuera le travail jusqu'à Port Angeles, de ce que j'ai compris. C'est là où nous nous rendons. J'aurais aimé refaire le trajet jusqu'à Gig Harbor pour m'assurer que la prison n'a pas pris feu, mais je n'en ai pas eu le temps ou l'occasion. Les choses semblent se précipitées, et c'est après elle que je cours.

Quand j'en étais là pour Romy, à ne plus pouvoir voir mes pieds, j'avais mal constamment aux jambes, que je confie à Elena, empathique sur sa situation. Je ne reviendrais à cette période pour rien au monde : il n'y a rien que j'ai plus détesté qu'être enceinte. A côté de ça, une bonne grippe ou un rendez-vous chez le gynécologue me semble plus agréable. C'est le seul truc qui parvenait à me soulager, que j'ajoute alors en lui tendant une bouillote qui a une odeur de lavande.

En me penchant vers elle, je lui tends également mon sac : Ne le montre pas à Sebastian mais... elle peut voir une boite fermée, un bloc de congélation, et évidemment la dernière part du fraisier qu'elle a quasiment dévoré toute seule. J'ai pris ça pour la route, pour toi, que j'ajoute. Je m'assoie à mon tour : On peut y aller, c'est bon ? Normalement nos sacs sont faits, les chevaux affrétés... Il y a plus qu'à ?

« T’en fais pas, ces fesses sont suffisamment rembourrées pour tenir le choc. » Notamment grâce au fraisier qu’Olivia avait préparé la veille. Elle offrit un sourire complice à son amie, la remerciant à mi-voix pour son aide plus qu’appréciable. C’était aussi surprenant qu’agréable de profiter de sa compagnie durant quelques jours ; Elena avait toujours beaucoup apprécié la cheffe à l’époque où elles partageaient le même groupe. Une part d’elle se questionnait néanmoins : comment s’était-elle retrouvée hameçonnée à cette sordide histoire ?

Un soupir lui échappa bruyamment alors qu’elle roulait des yeux. « Ne m’en parle pas. » Les douleurs aux jambes, les coups de pieds, les fringales… « J’ai hâte de ne plus me sentir aussi… encombrée et… encombrante. » sourit-elle, un peu dépitée. Elle attrapa la bouillotte de bon gré. Mais ce fut surtout la petite boite qui attira son attention. « Oh mon dieu Olivia… On peut t’adopter pour toujours ? » souffla-t-elle, très sérieuse.

« Allez, Van Gogh, en selle ! » fit-elle ensuite à l’adresse du chef d’entreprise qui avait eu droit à son petit savon après le récit de ses mésaventures avec Olivia et la Dame des Bois. Mais maintenant, la grecque était trop heureuse de pouvoir enfin sortir à nouveau, même si c’était pour évoquer des sujets sérieux avec son vieil ami…

Je ne suis pas détendu depuis notre retour de la forêt. Ce petit moment à flirter avec un passé, qui revient bien trop vite a mon gout, m’a mis en face de mes choix. Décidé de rester n’était pas mince a faire mais, plus les Oblivions se rapprochent, plus je mesure a quel point l’avenir est sombre pour moi. J’essaye de cacher ca sous mon visage de parfait commercial.

Olivia avait profité de ce petit répit pour prendre possession de mes appartements et faire connaissance avec les IF qu’elle n’avait pas encore eu la joie de croiser. Je ne sais pas si on a fait une grande impression entre Emy qui a été fidèle a elle-même, Tori qui l’a suivi partout en la regardant comme si elle était Elvis en personne, Faith qui a voulu lui donner une séance de son ancien métier… si je me sens fatigué ce n’est pas seulement parce que le canapé qui me sert de lit est un peu étroit pour moi.

J’ai veillé aux préparatifs de notre convoi vers Cresend dans l’espoir que Valerian saura où se trouve Reese. Evidemment, Elena a voulu venir. Evidemment essayer de lui dire non n’avait pas été possible… l’idée de devoir gérer un accouchement en route ou essuyer des problèmes avec Elena qui n’est clairement pas en état de se défendre ne me rassure pas. Au moins, ça n’a pas l’air d’inquiéter Olivia ni Elena qui ont l’air de joyeusement bavarder dans la calèche. Je lève les yeux au ciel en entendant le surnom qu’Elena vient de me trouver.

« Tant que tu ne me menace pas de e tailler les oreilles en pointe… »

Avec mon demi sourire qui cache bien des choses, je vais m’installer a l’avant de la calèche après avoir chargé les armes et les vivre. J’attache happy a l’arrière pour anticiper un besoin de mobilité ou un souci avec les autres montures.

« Et puis ca me donne un petit charme a la Legolas façon demi elfe, autant dire que ce n’est que du bon. Vous êtes prêtes ? Vous avez tout ce qui vous faut ? »

Normalement si tu arrives à te replier sur toi-même, tu feras une boule parfaite pour dévaler les pentes, j'offre un sourire à ma complice, un peu moqueur : Il faut bien trouver quelques avantages à ta situation, j'ai eu le temps d'y réfléchir la dernière fois que c'est arrivé. Cependant désolée, je n'en vois aucun autre ! parce qu'il n'y en a aucun, pour tout dire. Rien de très grave, d'autant que la grossesse n'est toujours qu'un état passager. J'ai un soupir de circonstances avant de rire : J'ai laissé ma recette en cuisine pour ton retour, que je lui annonce : Et je passerais t'en cuisiner d'autres s'il n'y a que ça, je peux bien faire ça pour elle.

Mais je crains que d'autres meurent de faim si je ne suis pas là pour leur dire de ne pas manger du gravier, c'est un peu tout le problème avec cet avant-poste d'ailleurs, la majorité n'est pas toujours très débrouillarde pour cuisiner. Je crains un petit peu de me retrouver avec une partie de la prison totalement brulée. Tu es le dernier qu'on attend, toujours à se faire désirer à ce que je vois ! J'ai un sourire moqueur à l'égard de Sebastian : Allez, on y va ! Et un peu plus vite que doucement ! Le temps de donner une petite tape dans le dos de Sebastian avant de lui accorder un regard complice : Au fait, vous avez les moyens de les prévenir de notre arrivée ? J'imagine que non... Mais sait-on jamais.

« Je retiens la technique si jamais nous sommes attaqués par des brigands. » Se mettre en boule et rouler comme un panda. Voilà qui aurait le mérite d’être original au moins à défaut d’être héroïque. « Tu oublies qu’on peut faire passer notre mauvais caractère pour une saute d’humeur hormonale. Je ne tiens plus le compte du nombre de fois où j’ai utilisé ce joker. » sourit-elle, espiègle. Isaiah était désespéré. Il ne sortait presque plus de son phare.

« Il n’est pas trop tard pour reconnaître que nous sommes un meilleur groupe que le tien et changer d’équipe. » fit-elle en fronçant les sourcils, l’air d’y réfléchir sérieusement. « On a une infirmerie hantée, une sexologue qui organise des thérapies avec des bâtons des sentiments, une ado portée sur les offrandes morbides, une irlandaise raciste… Oh et nous avons Legolas ! » rebondit-elle, en jetant un regard brillant de malice vers Sebastian qui ne tarderait sans doute pas à regretter ce trajet. « Je ne vois vraiment pas comment tu peux seulement songer rentrer chez toi. » Aux autres les graviers, à elle les fraisiers !

« On a les talkies, oui. » répondit-elle, aussi excitée qu’une enfant à l’idée de retrouver son meilleur ami. A cet instant, toutes les intrigues, tous les malheurs lui semblaient curieusement loin. Une part d’elle était bêtement persuadée qu’ensemble, ils trouveraient forcément les solutions à leurs problèmes, y compris celui qui avait privé le chef d’entreprise d’un morceau d’oreille.

« Vous savez ce que l’on dit, on garde toujours le meilleur des Brody pour la fin… »

Je lance les chevaux et la charrette se met en branle. Je lance quelque coup d’œil inquiet vers Elena pour m’assurer que le tangage est supportable. Je ne suis surement pas la meilleure personne pour l’aider avec sa grossesse. Je me souviens de ce que mon frère faisait pour sa femme, tout avait l’air si simple pour lui.

Je sais que ca ne sert a rien de lui demander si ca va ou de me dire s’il faut ralentir, elle ne le fera pas. Alors autant rester attentifs et éviter les questions qui fâchent. Je préfère essayer de suivre la bonne humeur même si le cœur n’y est pas. Au tableau affreusement réaliste d’Elena je réplique :

« Tu veux vraiment la faire fuir avec un tel descriptif ? »

Nous quittons le domaine pour aller sur un terrain un peu plus incertain qui risque d’être celui de toute la route. Une fois de plus je lance pas mal de regards vers les deux femmes derrières, escomptant sur Olivia pour me dire si « je dois lever le pieds »

« On a que des moyens courtes portées pour les joindre, dès que nous serons assez proches on pourra tenter de les contacter pour les prévenir. Avec un peu de chance on sera capable de les joindre demain soir ou après demain matin… »

J’ai pris deux tentes pour passer la nuit et de quoi aménager un lit de camps pour confortable pour celle qui ne devrait résolument pas etre de ce voyage.

Mais on le peut avec nos règles déjà ! Que je rétorque à Elena avec un sourire moqueur l'espace d'une seconde. Vu ce qu'on saigne tous les mois, on a encore une bonne raison d'être de mauvaise humeur : Et le mieux là-dedans, c'est que si on nous fait une remarque à ce sujet, on peut encore plus s'énerver ! Tout à l'air préméditer, il faut croire. Et à l'énumération d'Elena, je ne peux pas m'empêcher de rire : J'ai l'impression d'avoir quasiment fait le grand chelem avec tout ça, que je lui souffle.

Quoi que ! Pas eu droit au baton des sentiments, sauf si vous parlez de l'énorme sextoy que m'a montré Faith en auscultant ma cheville, qu'ils ne me demandent pas pourquoi. Mais si c'est ça votre baton des sentiments, je ne sais pas si ça me persuade vraiment de rester, que j'articule avec une grimace. Tu t'es entourée de personne très étrange, Elena. Et je dis ça surtout pour Legolas, évidemment, que j'ajoute avec un grand sourire.

Nous progressons à un rythme plutôt bon, surtout pour les deux ou trois jours qui vont suivre dehors, ça ne sera pas plus mal. Les couvertures sont prêtes aussi, nous en aurons besoin. En espérant qu'il ne se mettent pas à flotter au passage. Vous croyez qu'on est trop loin pour prendre un bateau finalement ? Que je demande en scrutant le ciel nuageux : Ne me regardez pas comme ça, je viens d'y penser... que j'ajoute alors avec une grimace : Vous êtes déjà allés là-bas d'ailleurs ?