Je n’ai pas bien dormi cette nuit a cause de ce qui m’a tout l’air d’être un bon rhume. Rien de bien méchant, mais ca ne m’arrange pas alors que nous sommes a un tiers de la route. Même si j’avais mis quelques pièges rudimentaires pour nous éviter de mauvaise surprise pendant la route et pris le temps de sécuriser les entrées, j’avais quand même veillé une partie de la nuit. Non pas que je sentais un danger imminent, mais juste qu’Elena m’inquiète. J’ai bien vue qu’elle avait des contractions sauf qu’au lieu de passer, elle semble se rapprocher.  Olivia aussi n’a pas l’air en forme. J’aimerais bien rebrousser chemin mais je ne suis pas sur que cela soit encore possible.  Je prends Olivia a part:

« Comment tu te sens ? Tu as une petite mine… »

J’aurais du dire non pour ce périple, surtout aussi proche du terme d’Elena. Ce matin je suis silencieux malgré ce début de fièvre qui me teinte le regard. J’observe mon ex compagne avec une angoisse grandissante. J’ai une décision a prendre, je le sais déjà que cela ne va pas plaire:

« On ne prend pas la route. Du moins, pas tout de suite et peut être pas tous les trois, ni pour aller a Cresecend.»

Je prends la main d’Elena pour la faire s’assoir, guettant son poids sur son mince poignet en même temps que je la regarde droit dans les yeux.

« Elena, je ne veux pas te faire paniquer, mais tes contractions me semblent régulières. Tu en es a combien entre chaque 15 min ? Moins ?»

Je relève le regard vers Olivia qui s’y connait forcement mieux que moi.

« Le travail commence quand les contractions sont espacées de 15 min et régulière ? C’est bien ca ? »

Sous entendu, il va peut être falloir que l’un de nous deux ailles chercher Faith avec Happy si on a pas de moyen de déplacer Elena. J’ai bon espoir de me tromper mais je ne compte pas faire prendre de risque a la future maman et a son bébé.

Mes yeux se relèvent vers Sebastian. Je suis affligée : Je suis désolée, tu es tombé malade à cause de moi et je n'ai même pas eu le bon sens d'éviter aussi le rhume, je ne m'excuserais jamais assez, je me sens coupable de la tournure des choses. La fatigue et la fièvre sont bien installées maintenant, la route sera longue pour tout le monde. Mais ça va le faire, je suis optimiste, comme d'habitude. Il n'est pas question d'abandonner de si tôt.

Cependant, je n'ai pas fait suffisamment attention à la grecque vraisemblablement. Et une vague de culpabilité me saisit soudainement. Euh... Oui, je me rapproche de la brune pour me mettre en face d'elle. Tu peux me décrire tes douleurs ? Que je lui demande avec un sourire confiant, et rassurant. Est-ce que qu'elles sont continue, ou tu as des piques soudainement ? Je saurais reconnaitre ce que c'est, sans doute. Plutôt deux fois qu'une, même.

C'est peut-être juste une fausse alerte... J'en ai eu pas mal lors de ma première grossesse. Avec la tension d'hier, le trajet, ça n'est pas anormal que son corps lui fasse un rappel à l'ordre. Dans tous les cas si elle a vraiment commencé son travail, l'accoucher ici est exclu, pas besoin d'expliquer pourquoi... Soit on rebrousse chemin : on sait ce qu'on retrouve, la meute est peut-être toujours là. Soit on avance et dans ce cas, on ne sait pas ce qu'on trouvera sur la route mais il y a une sage-femme là-bas de ce que vous me disiez, une chance de trouver une solution. Il doit nous rester deux jours de route dans un sens, un si on revient sur nos pas...

Elena releva un regard surpris vers le chef d’entreprise qui annonçait qu’ils ne prenaient pas la route, tout en s’approchant d’elle. Elle le scruta avec une sorte de méfiance lorsqu’il saisit sa main pour l’entraîner et l’inviter à s’asseoir. Elle jeta aussitôt un coup d’œil interrogateur vers Olivia, alors qu’elle réalisait que l’intuition aiguisée de Sebastian visait juste, comme souvent. Malgré tous les efforts engagés pour faire bonne figure, les contractions se rapprochaient, l’intervalle s’amenuisant dangereusement, comme la mèche d’une dynamite sur le point d’exploser.

« Je… » Un rictus douloureux lui froissa le visage, alors qu’elle serrait les dents et que ses doigts fuselés pressaient fermement ceux du brun quand son utérus se manifesta brusquement. Elle ferma quelques secondes les yeux, tâchant de prendre sur elle. Elle souffla doucement en rouvrant les paupières. « Quinze minutes oui… Peut-être moins maintenant. C’est plus long et plus… douloureux. » Elle riva toutefois ses orbes sombres dans ceux de Sebastian. « On continue. Je peux tenir. » affirma-t-elle avec une confiance inébranlable. « Emilie saura me prendre en charge à notre arrivée si le bébé arrive vraiment. Dans le cas contraire, je pourrais m’y reposer et les Exilés me ramèneront à Telve en bateau quand nous aurons réglé nos différents dossiers. »

Elle cherche du soutien du côté d’Olivia. Hors de question d'abandonner maintenant.

« Excuse moi Elena, je vais poser ma main sur ton ventre si tu me le permets ? »

Je me réchauffe vite les mains et les frottes ensemble pour qu’elle ne soit pas trop froide. Je cherche a sentir si son vendre est dur ou pas. C’est une des rares choses que j’ai retenus de ce que mon frère et ma belle sœur ont bien voulu partager de leur expérience. J’essaye d’être le plus délicat possible dans mes gestes.

« Tu dis toutes les 15 min ? On ne va pas bouger alors. On est trop loin de chez Emilie. Tu auras surement ton bébé avant qu’on arrive jusqu’à elle. »

Je lance un regard vers Olivia essayant de garder un ton calme et caché le fait que je suis plus qu’inquiète en cherchant un peu de force du coté de la jeune femme. Les choses sont pourtant simples : on ne peut pas prendre le risque de repartir en arrière avec Elena pour retrouver Faith. On ne peut pas espérer atteindre Cresend Bay a temps et sans risquer des embuches. Hors de question qu’elle accouche en route.

« Olivia, tu crois pouvoir trouver de quoi rendre l’endroit le plus confortable possible dans nos affaires? Même si je pense qu’on est trop loin, tente avec le talkie de prévenir les IF de la situation s’il te plait. »

Je retire doucement ma main du ventre de mon ex compagne pour la regarder sans détourner le regard. On ne s’est jamais menti tous les deux, je ne veux pas que ca commence aujourd’hui. Je lui prends doucement la main et, avec un ton plus calme que je ne suis, je lui explique la suite :

« Je vais aller au domaine avec Happy. Sans la calèche je devrais y être avant la fin de matinée. Je reviens le plus vite que je le peux avec Faith. En attendant, je veux que tu bouges le moins possible, évite les positions debout, la marche ou tout ce qui pourrait accélérer les choses. Tu veux bien essayer de faire ca pour être sur que tout aille bien pour toi et le bébé ?

Je sais que Faith refuse de quitter le domaine car elle attend des nouvelles d’Aaron, même s’il est de plus en plus évident que nous en auront plus jamais. Pour autant, c’est un cas de force majeur. Je n’ai pas envie de laisser Elena affronter cela ici avec juste Olivia avec elle mais je pas prendre de risque pour sa vie ou celle de son enfant. Je lui fais un petit signe de tête avant de demander a la cheffe :

« Olivia, tu pourras veiller sur elle pendant on mon absence ? »

Quoi ? Comment ça, attendre ici ? Je fixe Sebastian sans bien comprendre, avant de percuter qu'il veut encore en faire qu'à sa tête : Sebastian, il est hors de question de rester ici si elle doit vraiment accoucher, que je lui souffle fermement. Rien que l'idée de devoir gérer ça me met en total panique : Affrète Happy devant, je peux m'arranger pour lui faire un support assez confortable dans la calèche si je ne prends pas de couverture, je crèverais peut-être de froid, mais Elena sera parfaitement installée, elle souffrira moins des secousses.

Et comme je sais qu'il ne voudra pas m'écouter, vaut mieux lui rappeler quelque chose : S'il y a le moindre problème avec le bébé, toute mère que je suis, je ne saurais pas du tout gérer, chaque accouchement est différent, je peux lui raconter le premier où j'ai mis au monde Nicolas dans des conditions similaires et où ça a failli me tuer. Ou alors celui de Romy, où malgré l'hygiène, j'ai manqué de mourir d'épuisement. Et toi non plus, que j'ajoute.

En bref ? C'est suicidaire d'attendre. L'aller-retour prendra deux jours à Sebastian. L'allée jusqu'à Crescent nous prendra deux jours aussi. Il suffirait qu'il se présente par le siège, ou qu'il ait le cordon autour du cou, ils seront tous les deux en souffrance, et ça, c'est avant d'attraper une saloperie qui doit trainer ici, s'ils survivent. On peut gagner du temps sur la nuit aussi pour atteindre Crescent au plus vite, je suis prête à encaisser ça pour ma part, mais envoyer Sebastian en arrière alors qu'il y a toujours une meute de chiens affamés de là où on vient ? Autant se tirer une balle tout de suite, ça sera plus rapide.

En relevant son haut pour dégager son ventre, un bref frisson lui graina la peau malgré les précautions du chef d’entreprise. Un vague trouble la saisit dans la foulée. La situation était vraiment embarrassante en plus de sembler s’enliser de minute en minute dans un sacré bourbier. Elle sentit son cœur manquer un battement quand Seb présenta son plan. Partir ? Et la laisser là ? Elle avait toute confiance en Olivia, ce n’était pas la question, mais son amie n’était pas plus disposée à l’aider, en dépit de toute la bonne volonté dont elle pourrait faire preuve.

Elle secoua la tête nerveusement, son regard arrondi d’effroi se figeant dans le sien. « Non, hors de question, tu restes ici. » exigea-t-elle alors que l’inquiétude enflait dans sa poitrine. Elle tourna le visage vers Olivia qui soulevait des arguments plus que valables. « Elle a raison. Et s’il t’arrive quelque chose sur la route et que tu n’arrives jamais à Telve ? » De toute façon, pour toutes les raisons soulevées par la cheffe et parce qu’elle commençait à sentir la peur la gagner, il ne pouvait pas l’abandonner.

Elle se tourna vers Liv. « Je peux gérer le voyage. » insista la grecque en échangeant un long regard résolu avec elle. Elles n’attendraient pas ici. Plutôt tenter leur chance sur la route. Elle posa une main sur son ventre. Tout irait bien pour son fils.

Je me sens épuisé et la fièvre et le fait que cela soit la vie d’Elena en jeu ne m’aident pas à y voir claire. J’ai l’impression d’être dans un de ces casses têtes idiot… une barque avec une place, un loup, une chevre un chou, comment tous les faire traverser la rivière. Evidemment, cette fois, je ne peux pas dire que je vais construire un pont.

J’écoute les deux femmes avec attention tout en réfléchissant a toute vitesse. Olivia n’a pas tors sur l’hygiène ici comme son idée pour aménager le chariot. Pour autant il est hors de question que nous partions pour 2 jours de routes dont nous ne connaissons ni l’état ni les fréquentations.

« On a aucune certitude de savoir si on arrivera dans 2 jours a Cresend et, je n’ai peut être pas fait 10 ans d’étude, mais je suis sur qu’on a surement même pas 1 journée. Alors hors de question de prendre le risque d’une mauvaise rencontre en plus. Mais tu as raison pour tout le reste Olivia…  »

Je me penche avec la plus grande douceur vers Elena, masquant comme je le peux mon inquiétude pour elle.

« Elena, jure-moi de me dire dès que ca ne va plus et de ne pas serrer les dents en essayant de me prouver que tu es forte. Je n’ai jamais eu aucun doute là-dessus … »

J’essaye d’avoir au moins un accord tacite avant de me redresser. Je ne sais que ca ne va pas leur plaire, mais, de toutes les options je compte bien choisir la plus responsable et la moins dangereuse pour Elena et son bébé.

« On va aménager au mieux le chariot et prendre le temps de faire ca bien, mais on va repartir vers le domaine, c’est non discutable. Je ne prendrais aucun risque pour la sécurité du bébé. On tentera de faire des appels talkie en route pour alerter Faith sur la route. »